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avant
: E
phase de l'organisation paradoxe
3 |
G
tableau
complet
|
suite
: F
phase du point
paradoxe 0 |
cycle du noeud
phase du noeud
paradoxes 0 à 3
[
é liens pour rejoindre la nouvelle version des étapes correspondantes]
le nouage de l'organisation dans le temps
Société dans la seconde moitié du XXème siècle
|
ATTENTION, ce texte est périmé et il est seulement laissé à titre d'archive.
Les principes justifiant sa modification sont développés
dans ce texte.
Les 4 textes à jour qui le remplacent sont accessibles par les liens signalés ci-dessus.
Pour chacune des 12
étapes précédentes, nous avons expliqué séparément
le phénomène physique que nous pouvions y associer, en partant
d'un réseau cristallin gelé au zéro absolu, en passant
par les divers épisodes de sa fonte puis de son emportement de plus
en plus rapide dans des tourbillons de plus en plus impétueux. À
l'étape juste précédente, nous avons vu l'organisation
de ces tourbillons atteindre ce que nous avons appelé son optimum.
Pour envisager ce
qu'il devient de cette organisation quand l'impétuosité du
courant la force à aller encore plus loin, il apparaît plus
pédagogique de traiter en même temps l'explication des 4 étapes
de la phase du noeud.
Avant de commencer
cette explication, il convient de dire que les éléments théoriques
sur lesquels nous allons nous appuyer pour décrire l'évolution
de la dynamique, ne sont pas clairement établis par les physiciens.
Le passage de l'état
solide à l'état liquide ne fait plus l'objet de controverses.
De même que l'émergence de couches laminaires puis de spirales
turbulentes dans un liquide qu'on accélère n'est plus l'objet
de débats fondamentaux, tout au moins pour ce qui concerne l'ordre
d'apparition de ces événements. L'évolution rigoureuse
que l'on a décrite, des allées de von Karman à la
forme d'une turbulence globale fixe après le passage par une phase
de tourbillons isolés puis de tourbillons appariés, peut
être davantage l'objet de controverses de la part de certains physiciens,
car je n'ai jamais vu décrits ces différents cas de turbulences
sous la forme du strict enchaînement que j'ai exposé. Mis
à part la dernière phase, je crois cependant que l'enchaînement
successif des trois premières est clairement établi par les
simulations de turbulences.
Les quatre étapes
que l'on va maintenant décrire ne sont pas de notre invention bien
entendu, mais la logique de succession que l'on va en proposer fait partie
des débats en cours dans les milieux scientifiques sur la façon
dont prend naissance la turbulence, et sur la place qu'il convient d'y
faire aux théories dites du "chaos". C'est qu'effectivement les
choses vont devenir furieusement impétueuses dans l'évolution
de la dynamique que nous abordons, et il n'apparaît pas facile d'établir
des appareillages de laboratoire ou même des simulations numériques
qui peuvent reproduire pertinemment ces bouillonnements exacerbés.
On verra cependant
que tout reste simple si l'on s'y prend de la façon que l'on propose,
et que les étapes suivantes de la dynamique s'enchaîneront
avec la même logique que les étapes précédentes.
La voile d'un bateau
déformant les filets d'air nous avait permis de voir en une seule
image è
[rappel dans une autre fenêtre] les trois stades de l'évolution
qui mène, depuis les courants strictement laminaires, en passant
par les courants cisaillés, jusqu'à leur organisation finale
en spirale. Cette fois aussi nous allons pouvoir suivre sur une même
image l'évolution de trois étapes successives de la dynamique.
Il ne manquera que la dernière, que nous ne pourrons pas voir en
image dans la continuité des précédentes. Trois sur
quatre, et avec une indication certaine sur l'ordre de leur apparition,
ce sera tout de même une bonne base de départ. Qui plus est,
nous allons utiliser une image dont n'importe quel petit ordinateur familial
peut faire une simulation parfaitement utilisable.
è
[autre fenêtre] L'image est celle du graphique de
"l'application logistique", qui est une petite simulation mathématique
très utilisée depuis quelques dizaines d'années du
fait de sa pertinence à reproduire des phénomènes
étonnants que l'on trouve dans certains systèmes dynamiques
réels.
L'application logistique consiste à
calculer la formule x = kx (x-1) puis, à partir du résultat
x obtenu, à refaire le calcul pour trouver la nouvelle valeur
de x correspondant à la formule, et ainsi de suite. La valeur
de x utilisée au départ est comprise entre 0 et 1,
et on marque sur le graphique en vertical les valeurs successives que prend
x. On ne porte cependant pas les premières valeurs calculées,
et l'on attend pour commencer à les porter sur le graphique que
le résultat se soit stabilisé à une valeur fixe ou
à une série de valeurs fixes, si toutefois bien sûr
il y parvient. On fait le calcul en faisant varier les valeurs de k
de 0 à 4, et les différentes valeurs de k prises au
départ du calcul sont portées en horizontal. Une fois que
l'on a commencé le calcul avec une valeur pour k, on ne la
change pas, et l'on porte le résultat final obtenu pour x
au dessus de cette valeur de k. L'augmentation de la valeur de k,
peut ainsi être regardée comme indiquant l'augmentation de
l'impétuosité de la dynamique.
Nous verrons tout à
l'heure à quoi correspond le graphique pour des phénomènes
physiques réels, mais pour l'instant nous allons seulement examiner
sa structure. En allant de la gauche vers la droite, nous pouvons distinguer
trois phases successives nettement différentes, et qui correspondent
aux trois phases que nous allons considérer.
D'abord, il y a une
phase que les mathématiciens appellent celle du "doublement de périodes",
c'est-à-dire que l'on voit la courbe des résultats se diviser
en deux, puis chaque branche obtenue se divise à nouveau en deux,
etc. Les points qui construisent ces lignes correspondent à des
résultats du calcul qui, à partir d'un certain moment, restent
toujours les mêmes. Au départ, quand la ligne est unique,
c'est qu'on obtient vraiment toujours le même résultat, x
ne se modifie plus lorsqu'on répète la formule de calcul.
Puis, quand la ligne se coupe en plusieurs, cela signifie que les résultats
forment maintenant un cycle périodique de deux, quatre, huit, etc.
valeurs, entre lesquels x saute tour à tour.
Ensuite commence la
phase que les mathématiciens appellent "chaotique", parce que le
résultat ne se stabilise plus jamais sur une valeur ou sur une série
de valeurs, et que de plus il est devenu tout à fait imprévisible.
Désormais les résultats nous semblent se mouvoir aléatoirement
sur la figure, sans que l'on puisse savoir si le prochain sera proche du
précédent ou très lointain, en dessus ou en dessous
de lui. Pourtant, malgré ce caractère parfaitement
aléatoire, les résultats font la preuve d'une curieuse régularité,
puisqu'ils se débrouillent pour toujours retomber sur une figure
qui possède la propriété d'être identique à
elle-même à toutes ses échelles, ce que les mathématiciens
appellent l'autosimilarité d'échelle. Cela veut dire que
le détail de ce dessin est identique au dessin d'ensemble, et que
le détail de ce détail, si on l'agrandit, est lui-même
semblable à cette figure d'ensemble. À la différence
de la phase précédente, la figure n'a plus l'aspect de courbes
continues, mais celui d'un semis de points tous séparés les
uns des autres. Lorsque certains semblent très voisins, l'agrandissement
de la figure montre qu'en fait, ils sont toujours séparés.
À partir d'un
moment, on voit que la phase chaotique brusquement disparaît, et
l'on retrouve des valeurs régulières et des points groupés
sur des courbes continues qui se divisent à nouveau de plus en plus.
Puis à nouveau également le chaos se réinstalle, puis
il redisparaît. Ce cycle se répète plusieurs fois.
Usuellement, cette série de disparitions et de réapparitions
du chaos est amalgamé à la phase dite chaotique. Ici, nous
allons au contraire considérer que cela constitue une phase distincte
que nous appellerons la phase de "pulsation entre le construit et le déconstruit",
de réapparition régulière de l'ordre après
sa dislocation dans un désordre apparent. Que cette phase contienne
la répétition des courbes et bandes chaotiques précédentes
ne nous trouble pas, car à l'occasion de l'analyse des phases précédentes
nous avons pris l'habitude de considérer que chaque nouvelle étape
contient toujours les précédentes.
Quelle est la signification
pour nous de ces trois étapes ?
Rappelons d'abord
qu'à la fin du cycle précédent la dynamique en était
arrivée à former une organisation fixe optimum. Que va t'il
pouvoir arriver à une dynamique qui s'est trouvé un mouvement
organisé selon une forme fixe, dont on sait qu'elle est un acquis
irréversible, si pourtant elle doit trouver à s'adapter à
un courant encore plus violent, et que la forme qu'elle s'est trouvée
n'est pas capable d'encaisser ce surcroît d'impétuosité
? La solution à ce dilemme consiste en ce que la forme du mouvement
organisé se scinde en deux formes semblables, et que la dynamique
profite de cette réorganisation complète pour s'adapter au
surcroît d'impétuosité qu'elle doit satisfaire : cette
réorganisation permet de satisfaire l'exigence nouvelle d'accélération,
mais elle satisfait aussi à l'irréversibilité de l'acquis
précédent, puisque la dynamique reprend la même forme
fixe qu'elle avait atteinte, mais en la reportant toutefois à une
échelle plus petite et en la répliquant plusieurs fois.
Pour donner un exemple
de cela, nous pouvons évoquer les expériences que Libchaber
mena en 1979 avec des rouleaux d'hélium liquide. Il confectionna
une minuscule boite, dans laquelle l'hélium chauffé (à
une température proche du zéro absolu, ceci pour dire que
le mot "chauffé" correspond à un infime écart de température
entre les deux faces du conteneur) avait juste la place de former deux
rouleaux de convection tournant en cycles opposés. Cette organisation
en rouleaux convectifs correspond à l'étape du rangement
du fluide par ordre de vitesse. Dans cet espace si confiné, quand
la température a augmenté, il a pourtant bien fallu que ces
rouleaux de convection trouvent un moyen de s'organiser en une forme fixe
pour passer au stade suivant de leur dynamique. La seule forme qu'ils purent
trouver fut de se mettre à osciller dans le sens de leur longueur.
Libchaber put mesurer l'existence de cette oscillation, et son rythme.
Ce mouvement fixe d'oscillation des rouleaux était donc l'organisation
fixe que s'était trouvée le mouvement, et il était
donc le stade précédent juste la phase nouvelle qui nous
intéresse. Face à un nouvel accroissement de température,
cette forme d'organisation / oscillation devint incapable à son
tour d'encaisser un surcroît d'énergie sans se déformer.
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Ainsi que le montrent les graphiques qui résultent de cette
expérience, ce que firent alors les rouleaux, ce fut de diviser
par deux la période de leur oscillation, puis quand cela devint
à nouveau insuffisant, ils la divisèrent encore par deux.
À la suite, cette cascade de divisions ne continua pas, et les périodes
prirent soudainement une allure tout à fait chaotique. Le phénomène
avait donc commencé comme la courbe de l'application logistique,
par une cascade de divisions de périodes, qui s'était comme
elle soudain mutée en chaos.
Cette expérience que l'on vient de relater a été
l'une des premières - sinon la première - à permettre
une observation précise de l'émergence d'un doublement de
périodes se transformant en phase chaotique. Elle eut énormément
de retentissement dans les milieux scientifiques qui s'efforçaient
de comprendre la nature du chaos qui s'installe dans certains cas de turbulences.
[dessin ci-contre : diagrammes spectraux de l'expérience
de Libchaber - document Albert Libchaber extrait de "La théorie
du chaos" de Gleick chez Champs/Flammarion] |
Précisément,
comment se passe cette transition entre les doublements de périodes
et le chaos ? Cette fois, c'est le mathématicien Feigenbaum qui
eut l'influence décisive. Il montra que les branches que l'on voit
se diviser de plus en plus dans le graphique de l'application logistique
- et en fait, il y a quantité d'applications qui se comportent de
façon équivalente - ne se divisent pas n'importe comment,
mais présentent la particularité de se diviser dans un rapport
de plus en plus proche d'un nombre irrationnel toujours le même,
qui est quelque chose comme 4,669. Lorsque le rapport de longueur entre
une branche et chacune des deux branchettes qui lui succèdent atteint
cette valeur fatidique de 4,669 et quelques, aussitôt la cascade
de divisions s'interrompt et laisse place au chaos . . . , dont on déjà
dit qu'il n'est pas si chaotique que cela puisque les points qui apparaissent
maintenant comme au hasard se répartissent pourtant imperturbablement
sur une figure semblable à elle-même à toutes ses échelles.
[dessin ci-contre : document Ian Stewart
- Does God play Dice - éditions Penguin Books]
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Pour nous, le fait
que les branches après division aient la même forme que les
branches avant division, n'est pas un fait nouveau : la forme était
irréversiblement acquise, donc elle se conserve. L'apparition dans
la phase chaotique de détails semblables à la forme d'ensemble
n'est pas non plus un fait nouveau, puisque le principe d'une division
en des formes semblables était déjà contenu dans l'essence
de la phase précédente. La nouveauté va être
ce que permet ce rapport numérique, qui maintenant reste identique
à chaque nouveau stade de division. Et que permet donc ce rapport
numérique constant ? Si l'on regarde fixement telle ou telle partie
du chaos on ne voit rien, sinon précisément le chaos, et
si l'on regarde de plus loin on ne voit qu'un emboîtement de figures
semblables à toutes les échelles, ce qui n'est pas nouveau
non plus.
Au début de
chacune des deux phases précédentes nous avons appris à
regarder différemment l'évolution du phénomène
que nous le regardions dans la phase précédente. D'abord
nous avions tout décomposé en points, puis pour la phase
suivante nous avons pris du recul pour regarder les choses de façon
plus globale, et nous avons alors regardé le classement statistique
à grande échelle qui s'opérait entre les points séparés
résultant de la première phase. À la phase encore
suivante l'allure des classements devint trop compliquée pour être
décrite de façon utile, et nous avons à nouveau appris
à regarder les choses avec encore plus de recul, pour examiner cette
fois le type d'organisation qui se créait. Mais maintenant, si nous
nous reculons à nouveau pour voir ce qui se passe d'un point de
vue encore plus global, nous ne voyons aucun phénomène nouveau
:
- d'abord nous voyons la forme se diviser,
mais après chaque division nous la voyons rester un moment dans
le même état stationnaire, ce qui n'est rien d'autre qu'une
forme dynamique fixe comme nous en avions déjà vues à
la fin de la phase de l'organisation,
- puis dans le chaos, nous voyons une forme
semblable à elle-même à toutes les échelles,
ce qui à nouveau est une forme fixe qui reste dans le temps.
Alors, que faut-il
faire pour voir du nouveau, puisque prendre du recul ne nous sert plus
à rien ?
Le basculement essentiel
qu'introduit cette nouvelle phase, est que maintenant il ne se passe plus
rien de nouveau dans l'espace, mais que c'est dans le déroulement
du temps que les choses significatives se passent. Quand par exemple nous
avions le fluide qui se classait sous forme laminaire, nous pouvions à
tout moment cesser d'augmenter sa vitesse : le nombre des couches séparées
se stabilisait alors, et le fluide ne se divisait pas d'avantage. Mais
même si la division du fluide cessait, le phénomène
de classement continuait : chaque couche restait séparée
et classée en bon ordre de vitesse avec ses voisines. Le phénomène
en cours maintenant n'est plus un processus de classement mais un processus
de division, c'est-à-dire d'augmentation du nombre des parties.
Si nous arrêtons d'augmenter k, cela certes reste divisé,
mais le phénomène même d'augmentation du nombre des
parties cesse, et nous n'avons à faire qu'à une forme divisée
fixe qui perdure, mais qui ne nous intéresse pas spécialement
puisqu'une forme d'organisation fixe nous en voyons depuis la fin de la
phase précédente. Si nous voulons voir le phénomène
de division réapparaître, pour observer par exemple le passage
de 2 morceaux à 4, ou de 4 à 8, etc., il faut augmenter l'effort
que nous impulsons à la dynamique (ce qui revient ici à augmenter
k), et alors nécessairement, pendant la durée de cet
accroissement, du temps passe.
L'attitude nouvelle
que nous devons avoir au cours de ce cycle, ce n'est donc plus de regarder
avec davantage de recul, mais de regarder l'évolution irréversible
au fil du temps. Pour ce qui concerne le graphique de l'application
logistique, cela signifie que c'est en suivant son évolution horizontale
de la gauche vers la droite, que nous pourrons voir et comprendre ce qui
s'y passe d'intéressant.
Dans la première
phase de ce graphique, nous trouvons une division qui s'opère sur
elle-même, c'est-à-dire que le résultat de la division
se divise lui-même un peu plus tard de la même façon.
Mais pendant cette phase là, les choses ne se répètent
pas éternellement, puisqu'il arrive un moment où quelque
chose de nouveau apparaît qui se mélange au processus de division.
Le nouveau, c'est l'apparition du chaos, qui marque la naissance d'une
seconde phase qui se différencie nettement de la première
dans son fonctionnement. C'est en réfléchissant sur l'apparition
de ce chaos que nous nous demandions ce que faisait de spécial le
facteur de division constant de 4,669 environ qui s'était instauré.
Pour enfin connaître ce que fait ce facteur, nous savons maintenant
comment nous y prendre : nous devons chercher ce qui évolue dans
le temps, c'est-à-dire que nous devons suivre du regard le graphique
et chercher plus à droite si du nouveau apparaît ? Et du nouveau
apparaît effectivement, puisque brusquement le chaos des points qui
se dispersent sans aucune régularité disparaît, et
que réapparaît un cycle parfaitement régulier qui se
manifeste sous la forme de traits impeccablement formés. Et ces
traits se maintiennent quelque temps, avant de donner place à une
nouvelle phase de divisions puis de réapparition du chaos. Cette
reprise périodique des phases de divisions et de chaos, nous y réfléchirons
tout à l'heure. Pour l'instant, nous restons sur ce phénomène
surprenant, de points aux positions complètement séparées,
qui parviennent pourtant au bout d'un certain temps à se rassembler
sur des positions identiques.
C'est donc cela que
faisait souterrainement le facteur de division 4,669 : au fur et à
mesure que la division continuait, il profitait de la redistribution complète
des positions pour rassembler autrement ce que la division séparait.
Nous ne pouvons pas voir de façon isolée ce processus de
rassemblement : toujours il se mêle au processus de division, puisque
précisément il se sert du malaxage qui s'opère à
l'occasion de chaque division pour faire ses réunions. Nous ne pouvons
pas l'isoler, mais nous pouvons voir son résultat à l'arrivée
: indiscutablement il parvient finalement à regrouper complètement
tous les points malgré la division de plus en plus fine qui s'opérait.
Voilà pourquoi
nous dirons que la première étape de notre nouveau cycle
correspond à une division qui se répète dans le temps,
et que sa deuxième étape correspond à un regroupement
qui s'opère souterrainement dans le temps.
Pour revenir à
d'avantage de concret, tout de suite on peut se demander ce que signifie
dans l'économie de la société occidentale, ce double
mouvement de divisions puis de regroupement.
En économie,
la division "de plus en plus divisée", cela s'appelle la spécialisation.
Cela a commencé par une forte parcellisation du travail sur les
chaînes de production, qu'on a appelé taylorisme, puis la
compétition est devenue si vive que le savoir faire s'est spécialisé
par pays entiers. Ainsi, le Japon s'est spécialisé dans certains
composants électroniques et dans certains appareils de radio ou
de télévision, au point que bon nombre de pays ne cherchent
même plus à fabriquer de tels produits. De la même façon
que certains, depuis longtemps, ne cherchent plus à fabriquer d'automobiles.
Mais cette spécialisation
finit toujours par atteindre un point où elle devient excessive.
Par exemple, elle crée du chômage dans les pays qui perdent
leur compétitivité dans certains secteurs, ce qui fait perdre
autant de clients potentiels aux pays vainqueurs de la compétition,
qui risquent alors de se retrouver avec un outil de production très
efficace mais suréquipé pour les besoins. En outre, le prix
du transport devient prohibitif à un certain moment par rapport
au prix de production, et la marge de compétitivité des pays
spécialisés risque de chuter au profit de la production dans
d'autres pays moins spécialisés mais plus proches. La parade
à cette situation a déjà été trouvée
: les pays qui produisent des automobiles vont monter des chaînes
dans les pays même où ils veulent les vendre, et de la même
façon les firmes japonaises ou des autres pays du Sud-Est Asiatique
montent maintenant leurs usines aux États-Unis ou en Europe. Ainsi,
elles conservent et étendent leur clientèle, tout en réduisant
l'incidence du coût du transport. Le résultat est que la
spécialisation à l'extrême entraîne une nouvelle
redistribution des rôles, qui débouche sur une nouvelle capacité
de chaque pays à produire tous les types de produits.
Comme dans l'exemple
mathématique que nous avons donnés, faisant succéder
une phase de regroupement à celle de divisions de divisions, un
regroupement dans chaque pays des capacités de produire tous types
de produits, succède bien à une première phase de
spécialisation de plus en plus poussée de chaque pays dans
certains produits particuliers.
Lors d'une
étape précédente, nous avions montré
comment la construction de la Communauté Européenne par exemple,
ne faisait que montrer l'apparition sous forme institutionnelle et à
grande échelle, d'un processus de création de liens techniques
entre pays qui s'était d'abord développé souterrainement
par le développement des moyens de transport et de communication.
De la même façon, nous pouvons suggérer que ce processus
de spécialisation économique, puis de recomposition simultanée
de capacités polyvalentes, aura dans quelques dizaines d'années
une expression institutionnelle à l'échelle planétaire
dans les rapports entre nations.
Quittons l'économie
et revenons à nos éprouvettes, ou pour le moins au laboratoire.
Les rouleaux d'hélium qui oscillaient en doublant chaque fois leur
période, nous ont servi d'exemple pour la première étape
de notre dernière phase. Quand les oscillations sont devenues chaotiques,
le phénomène entrait dans la phase du regroupement souterrain,
mais nous n'avons pas pu y voir de recomposition finale en une oscillation
unique. C'est avec une autre expérience célèbre
dans le milieu scientifique que nous pourrons l'observer. On appelle cela
une expérience de Couette-Teylor, du nom des deux scientifiques
qui eurent l'idée d'étudier la dynamique des fluides en faisant
tourner l'un contre l'autre deux cylindres transparents qui emprisonnent
de l'eau entre eux.
è
[autre fenêtre] Quand on commence à faire tourner
l'un des cylindres suffisamment vite, l'eau se met à spiraler en
rouleaux alternés qui forment comme un empilement de beignets. Si
on augmente encore la vitesse de rotation, ces beignets se mettent à
onduler, puis ils se divisent.
Commence alors une
période très compliquée où ils se fractionnent
de mille manières différentes, au fur et à mesure
que la vitesse continue d'accélérer. On est en plein dans
le phase des fractionnements et regroupements entremêlés.
Puis arrive un moment où, au plus fort du tourbillonnement violent
qui déchiquette le fluide de toutes les manières, et qui
provoque des ondulations variées qui montent et qui descendent le
long du cylindre, se produit soudain la recomposition des beignets cylindriques,
régulièrement empilés les uns sur les autres exactement
comme ils étaient au presque début de l'expérience
è
[autre fenêtre]. La seule différence est qu'au
début ces beignets étaient alors formés par le mouvement
continu de l'eau en hélices régulières alternées
deux à deux, alors que maintenant le trajet des parcelles de fluide
est apparemment complètement irrégulier, et c'est la combinaison
de tous ces mouvements effroyablement compliqués qui produit la
forme générale régulière dont on voit maintenant
le retour.
Le chaos qui divise
le liquide en une multitude de parcelles aux trajets dispersés,
a donc nécessairement connu un mouvement souterrain de regroupement
de ces trajets, puisqu'ils parviennent maintenant à se regrouper
sur les mêmes rouleaux qu'au départ.
Nous allons à
présent examiner la troisième étape de cette quatrième
phase, et pour cela nous revenons au graphique de l'application logistique.
è
[autre fenêtre] Comme pour les précédentes,
on découvre sa spécificité en examinant ce que fait
le graphique quand on le suit de la gauche vers la droite. Ce que fait
maintenant de remarquable le graphique, c'est qu'il répète
les phases précédentes : les formes linéaires continues
se dissolvent en points séparés, puis se regroupent, puis
se re-dispersent, etc.
Encore une fois, que
cette troisième étape contienne les deux précédentes
n'est pas un phénomène nouveau, nous avons toujours vu cela
dans toutes les phases antérieures. Ce qui est nouveau, c'est qu'il
les fasse se succéder. Dans les étapes précédentes,
lorsqu'on forçait un processus à accélérer,
toujours nous avions vu qu'une étape débouchait sur une étape
nouvelle. Mais maintenant une nouvelle étape ne fait pas naître
un nouvel effet, elle fait resurgir les étapes précédentes.
Ce fait nouveau, qui
se produit cette fois encore dans l'espace, mais qui ne peut se remarquer
que dans le déroulement du temps, nous fera désigner cette
nouvelle étape comme celle du retour périodique de l'organisation,
ou si l'on veut, celle de la pulsation périodique entre l'ordre
et le désordre, entre le "fait" et le "défait", entre le
"construit" et le "déconstruit", entre la forme et l'informe.
Une fois encore on
revient sur les phénomènes qui se produisent dans la société.
On peut assimiler cette phase aux effets de mode, par lesquels certains
produits, certaines musiques ou certains films, deviennent soudainement
un événement mondial puis tombent dans un oubli complet,
pour laisser aussitôt place à un autre produit, une autre
musique ou un autre film qui suivra le même chemin. En amont de ces
événements, des sociétés se forment pour les
préparer, les fabriquer, les diffuser et les commercialiser avec
l'ensemble de leurs "sous-produits dérivés". Ces sociétés
doivent intégrer ce principe cyclique pour perdurer, et sont basées
sur le principe même du lancement répété de
"gros coups" médiatiques. L'industrie américaine du cinéma
en particulier, fonctionne de cette façon. La micro-informatique
donne lieu de la même façon au lancement périodique
de nouveaux produits qui périment les anciens, et qui deviendront
eux-même rapidement caduques.
Cette phase là
aussi a son équivalent dans la dynamique des fluides. Cela se produit
dans des situations où le fluide est soumis à une déformation
extrême. Alors se manifestent ce qu'on appelle des "bouffées
turbulentes", c'est-à-dire que la turbulence ne se manifeste plus
par des formes continues, ou même par des formes divisées
mais permanentes, mais elle apparaît par bouffées de tourbillons
très violents qui disparaissent très rapidement, puis qui
se recomposent et qui réapparaissent peu après. On donne
è
[autre fenêtre] une représentation d'une simulation
d'un tel phénomène. Il faut tenir compte du fait que les
espèces de formes en bananes que prennent alors les tourbillons,
ne sont pas des formes permanentes, mais des formes qui disparaissent puis
réapparaissent : elles pulsent dans le temps, se font et se défont
sans arrêt.
On se demande maintenant
quelle sera la prochaine étape qui succédera à ce
cycle de destructions et de reconstructions ?
Le graphique de l'application
logistique nous a vaillamment aidé à voir en continu l'apparition
et la transformation des trois premières phases, mais il nous lâche
à l'abord de la quatrième. En effet, les calculs que l'on
fait si on cherche à le poursuivre vers la droite, finissent tous
par se diriger vers des valeurs infinies qui sortent du cadre de notre
modeste feuille.
À l'occasion
des phases précédentes, nous avons appris que la quatrième
étape se construisait toujours comme la combinaison des trois précédentes.
Nous devons donc pouvoir deviner notre nouvelle quatrième étape,
simplement en réfléchissant à ce que donne l'addition
des trois que nous avons déjà vues : la phase de la dispersion
par division sur soi-même, la phase de recomposition, et la phase
de pulsation entre quelque chose qui est fait et quelque chose qui est
défait. Tentons cette combinaison.
De la troisième
étape, nous savons qu'il doit y avoir de la pulsation, donc deux
états différents qui vont alterner, et que l'un doit correspondre
à l'état "disloqué" de ce qui s'est construit dans
le temps de la pulsation précédente. Comme la quatrième
étape ne doit pas se confondre avec cette troisième étape,
on ne peut pas se retrouver simplement avec un temps pour le "fait" et
un temps pour le "défait". Mais si l'on n'a pas cette alternance,
on est toujours avec du "fait" ou toujours avec du "défait" . .
. et pourtant les deux doivent alterner ! Il existe une solution à
ce dilemme : il suffit d'avoir deux formes qui alternent, l'une se disloquant
pendant que l'autre se construit, et vice versa. Dans les étapes
précédentes nous n'avons jamais vu qu'il se créait
deux formes mais toujours une seule dont nous assistions parfois à
la décomposition et parfois à la recomposition, nous devons
donc considérer que ces deux formes qui alternent maintenant ne
sont pas vraiment deux formes autonomes, mais qu'elles sont les deux parties
d'une même forme.
pulsation sur place de deux moitiés
symétriques emboitées, dont l'une se fait pendant que l'autre
se défait
On suppose donc que
la forme initiale qui auparavant pulsait en se construisant "toute entière
d'un coup", et en se défaisant de la même manière toute
entière d'un coup, s'est maintenant décomposée en
deux moitiés opposées et complémentaires d'une même
forme, de telle sorte que pendant que l'une des moitiés se fait,
l'autre moitié se défait, et inversement. Ce principe conserve
bien l'étape de la pulsation, puisque la forme passe son temps à
se faire et à se défaire en pulsations alternées.
Il conserve également les deux étapes précédentes,
celle de la démolition de la forme par son auto-division, et l'étape
de reconstruction de la forme par son regroupement. Maintenant cependant,
l'une et l'autre de ces deux étapes dominent à tour de rôle
dans chacune des deux moitiés de la forme : au moment même
où la division parvient à disloquer complètement l'une
des deux moitiés, la reconstruction triomphe dans l'autre et l'a
complètement recomposée, et cela s'inverse à la pulsation
suivante.
Dans les années
20 de ce siècle, les chimistes ne croyaient pas que les réactions
chimiques pouvaient osciller. Les produits réagissaient dans un
sens ou dans l'autre pour se transformer, mais ne pouvaient se transformer
indéfiniment dans les deux sens. C'est du moins ce que les lois
de la thermodynamique disaient. Quand William Bray en 1921 a découvert
que l'eau oxygénée pouvait se décomposer en eau et
en oxygène, puis se recomposer, et cela indéfiniment, les
chimistes considérèrent qu'il y avait forcément un
défaut dans son dispositif expérimental. Il fallut attendre
1958 pour que le chimiste russe Belousov observe un nouvelle réaction
chimique oscillante. Depuis que Zhabotinsky améliora la recette
en 1963, on en parle comme des réactions de Belousov-Zhabotinsky,
et sont remarquables par la formation d'ondes qui se répandent en
alternant régulièrement et indéfiniment la couleur
bleue et la couleur rouge è
[autre fenêtre]. Ces réactions reproduisent
exactement le phénomène caractéristique de notre quatrième
étape : le réactif bleu se défait pendant que le rouge
se reconstruit, et inversement.
Comme les trois précédentes,
cette étape s'observe dans le temps, c'est-à-dire en laissant
passer le temps de manière à voir tour à tour les
deux situations qui alternent. Mais elle marque cependant une rupture radicale
avec les trois étapes précédentes, puisque pour les
voir se dérouler dans le temps on se rapprochait de l'étape
suivante qui finissait inexorablement par arriver. Bref, le temps de ces
étapes n'était pas réversible. Or maintenant, on peut
voir le phénomène se répéter dans le temps
aussi longtemps qu'on le veut, et l'on ne peut pas savoir en visionnant
un film qui le reproduit, s'il est projeté dans le sens normal ou
à l'envers. Le temps est devenu réversible, ou plus exactement,
tout se passe comme s'il avait cessé de s'écouler pour ce
qui concerne l'expérience : on est dans le même état
dans l'espace et dans le temps, quelque soit le temps qui passe, et pourtant
on ne peut pas dire que rien ne change plus, puisque tout change sans arrêt.
La dernière
étape de la dernière phase du dernier cycle de la complexité,
nous propose de considérer qu'elle débouche sur la création
d'une onde de construction / déconstruction qui pulse interminablement
sur place, c'est-à-dire à la même position ponctuelle.
Les physiciens nous disent qu'un atome possède la propriété
paradoxale d'être à la fois un train onde et un corpuscule
ponctuel. Si on le considère comme une onde qui pulse interminablement
sur la même position ponctuelle on satisfait la définition
des scientifiques, et du même coup il apparaît possible de
concevoir qu'un atome soit précisément le résultat
d'un cycle complet de complexité qui se boucle en générant
une réalité ondulatoire qui pulse sur place en se défaisant
/ construisant indéfiniment.
L'ensemble de l'évolution
que l'on a envisagée, depuis le réseau cristallin d'atomes
jusqu'à cette ultime étape, ne débouche pas sur une
nouvel atome, mais l'on peut supposer que les atomes du réseau gelé
qui nous ont servi de points de départ étaient le produit
d'un tel cycle de complexité se terminant par la création
d'ondes pulsant sur place et que l'on appelle donc "atome". C'est en tout
cas cette hypothèse qui est développée dans la section
science de ce site, plus particulièrement
dans le texte "Une particule est à l'espace
ce qu'une vague est à la mer".
Le fonctionnement
de la dynamique de notre dernière étape débouche donc
sur une réalité ponctuelle indéfaisable qui peut servir
de "points de départ" à un tout nouveau cycle complet
similaire à celui que l'on vient d'achever. Cela nous l'avions déjà
suggéré dans une clef de la
complexité, en disant que le noeud qui boucle un cycle possède
le caractère ponctuel qu'il faut pour en ouvrir un nouveau. Ce que
l'analyse de l'évolution de l'ensemble d'un cycle nous a appris
de plus, c'est que ce "point final / point de départ" n'est pas
un "point mort", mais qu'il vit et qu'il porte en lui une contradiction
interne à caractère paradoxal, et que c'est cette propriété
là qui provoquera l'inévitable fuite en avant de la complexité
dans un nouveau cycle.
[ é liens pour rejoindre les étapes correspondantes dans leur version mise à jour, c'est-à-dire
non semblable aux développements périmés ci-dessus]
Date d'obsolescence définitive de ce texte : 25 novembre 2007
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