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LETTRE DE FEVRIERProjet de loi de programmation militaire :
une annonce qui se veut rassurante
Projet de loi de programmation militaire :
une annonce qui se veut rassurante
Le gouvernement vient de communiquer sur le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 avec des chiffres qui peuvent laisser rêveur : 200 MdsEUR de 2019 à 2022 et près de 300 jusqu’en 2025. S’il convient de saluer la volonté affichée de remédier aux faiblesses de notre Défense, il faut cependant mettre en perspective ce projet au regard de précédentes lois de programmations et voir s’il est à la hauteur des besoins compte tenu de l’état réel de notre armée et des conclusions de la récente revue stratégique.
Des annonces à expliquer et à relativiser
Rappelons que depuis qu’elles existent, aucune LPM n’a été intégralement respectée et que ce n’est pas la première fois qu’une loi de programmation prévoit une forte hausse de l’effort de Défense. En 40 ans, seule la loi 1977-1982 a entraîné une remontée de 2,5% à 3% du PIB ; toutes les autres ont contribué à la diminution de ce pourcentage et d’une façon constante, quelle que soit la majorité au pouvoir. De 1982 à 2017, la part du PIB consacrée à la Défense (hors pensions) a été divisée par deux (de 3 à 1,5%).
Par ailleurs, les armées savent, mieux que quiconque, que la loi de programmation est certes importante pour fixer un cadre financier et d’équipement des armées sur 7 ans, mais que ce sont les lois de finances annuelles, votées par les députés, qui arrêtent le montant des budgets accordés ; ce qui n’empêche pas qu’ils soient amputés par Bercy en fin d’année comme nous l’avons vu récemment avec le budget 2017 pour un montant de 850 MEUR.
Mais ce qui ne laisse pas d’inquiéter les connaisseurs, c’est que l’effort de financement de cette programmation militaire est limité à 1,7 MdEUR par an durant les années 2019 à 2022, terme du quinquennat, puis bondit à 3 MdsEUR par an sur la période 2023-2025 ! Est-ce bien crédible ?
Faut-il ajouter que l’augmentation annuelle de 1,7 MdEUR durant les 4 premières années va être atténuée par la charge nouvelle imposée aux armées qui devront dorénavant financer le surcoût entraîné par les opérations extérieures réglé jusqu’alors par un collectif budgétaire auquel participaient d’autres ministères que celui de la Défense. Pour les armées, cela représentera une charge annuelle d’au moins un demi-milliard d’euros supplémentaire !
Malgré les déclarations, des ressources trop limitées
Mais au regard de la situation dangereusement dégradée de notre Défense que peu de responsables politiques connaissent ou acceptent de reconnaître, l’effort annoncé risque de se révéler très insuffisant. A l’évidence, cette loi, même respectée, ne permettra pas la remontée en puissance rapide et la modernisation pourtant indispensable de nos forces. Tout au plus, elle permettra de stopper leur paupérisation en améliorant leur niveau d’entraînement, en relevant le faible taux de disponibilité des matériels majeurs et en restaurant une infrastructure dégradée.
Sur le plan des équipements, elle pourra remédier ponctuellement à des situations devenues trop critiques. C’est le cas du remplacement des avions ravitailleurs cinquantenaires KC 135 destinés en priorité à la composante aéroportée de la force de dissuasion nucléaire. En outre, il faut rappeler qu’une part croissante et importante de cette augmentation du budget va devoir être consacrée à la modernisation des deux composantes de notre dissuasion nucléaire, mettant les capacités de dissuasion et d’action conventionnelles en situation de parents pauvres.
A cet égard, on nous annonce que le nouveau programme Scorpion (véhicules blindés à roues de base), va être accéléré puisqu’environ 50% de la cible visée sera atteint en 2025, soit dans 8 ans ; cela signifie qu’il y aura encore 50% de notre parc de véhicules d’ancienne génération (VAB, ERC Sagaie, AMX-10 RC) qui auront alors non plus 40 ans d’âge comme aujourd’hui mais près de 50 ans ! On parle en effet d’accélération du programme mais c’est par rapport à la loi de programmation militaire précédente qui était catastrophique.
A titre de comparaison, des AMX-10 RC en dotation en 2025, seront semblables à des chars Renault FT, fabriqués en 1917, qui auraient fait face aux T-54 et T-55 soviétiques en 1967 ! De même les hélicoptères SA 330 Puma, dont la livraison a commencé en 1970, voleront encore en 2020, soit 50 ans après leur mise en service. Ce seront des SPAD de la Première Guerre mondiale face aux MIG-21 du pacte de Varsovie dans les années 60 !
Quant à nos capacités de contrôle de notre zone économique exclusive et à nos capacités d’action dans nos départements et collectivités territoriales d’Outre-mer, nous savons qu’elles sont devenues très insuffisantes comme l’a dramatiquement illustré le cyclone Irma dans les Antilles. Enfin, investirons-nous suffisamment dans la recherche et le développement pour être le leader militaire européen en 2025 comme le clame notre président ? Rien n’est moins sûr !
En guise de conclusion
La loi annoncée, si elle est respectée, devrait donc amener l’effort de Défense à 2% du PIB en 2025 (hors pensions), c'est-à-dire au niveau où il était en 1996 au moment de la professionnalisation, il y a 23 ans !
La Grande-Bretagne, pays comparable au nôtre, n’a jamais ramené son effort de Défense sous la barre des 2% de son PIB. Le budget de la Défense américain s’élève aujourd’hui à 680 Mds$, soit environ 550 MdsEUR ; cela signifie que, rapportée à la population, la dépense de chaque Américain pour la Défense est 2,5 fois plus importante que celle de chaque Français. Si chaque Français faisait de même, les armées disposeraient de plus de 100 MdsEUR par an pour moins de 35 MdsEUR aujourd’hui…
LA REDACTION
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Henri PINARD LEGRY.
Président de l'ASAF.