Philippe de Champaigne, La Vierge de douleur au pied de la croix, (c) RM

Marie de Médicis, Ecole française, dessin, châteeu de Versailles, (c) RMN

 

 

 

Jean Auvray - " La Vierge au pied de la Croix ", Pause I, vv. 34-100

Notes de Sandra Cureau

I. Comme l'explicite le texte plus bas, le poète s'adresse ici à Marie de Médicis, la reine mère..

II. (sic) L'accord sujet-verbe n'est parfois pas respecté dans le texte.
Aguigne (<a- + guigner) : regarder avec convoitise, du coin de l'œil. Guigner : " Fermer à demi les yeux en regardant du coin de l'œil. " (Voir lexique)

III. " l'ancre de son salut " : l'ancre est le symbole de la foi et de l'espérance chrétienne à partir du XVe siècle. Ce symbole s'inspire des mots de Saint Paul : " L'espérance est pour nous comme une ancre de l'âme, bien fermement fixée " ( He 6, 19) .

IV. Accoiser : appaiser .

V. Pristine < pristinus, a, um, latin : " d'auparavant, d'autrefois, précédent, primitif " (Gaffiot)

VI. Les vers 34-55 font allusion à des événements tout récents pour l'auteur. Leur caractère elliptique les rend pour nous assez difficiles à déchiffrer. Néanmoins on peut dire avec une quasi-certitude que la suspicion à l'endroit de Marie de Médicis fait référence à sa disgrâce et à son exil en 1617, qui intervient juste après l'assassinat, sur les ordres du Roi, de Concini, le favori de la reine mère. De là, on peut formuler quelques autres hypothèses sur les autres allusions : l'alliance de " deux grands rois " peut être celle de Louis XIII avec Philippe III, alors Roi d'Espagne et père d'Anne d'Autriche que le jeune Louis XIII a épousée en 1615 ; mariage qui s'inscrit dans un processus de pacification avec l'Espagne, après une période de conflit ouvert qui a pris fin en 1612 avec la signature de la paix. Pour ce qui est de du " dernier naufrage [qui] submergea son Pilote ", on serait tenté de penser là aussi à l'assassinat commandité de Concini, qui, depuis quelques années, était devenu le réel administrateur de la France - hypothèse qui pourrait être appuyée par l'expression " jetta [...] l'ancre de son salut ", car Concini avait acheté le marquisat " d'Ancre " vers 1610, de sorte qu'il pourrait y avoir ici un subtil jeu de mots de l'auteur. Par ailleurs, l'allusion au " mortel poison des sordides flatteurs " pourrait être une dénonciation du rôle joué par Luynes dans le complot contre Concini, dont il convoitait la place.

VII. Amphibene : comprendre " amphisbène " : serpent fabuleux à deux têtes.

VIII. " Emplastres à tous maux " : par cette cruelle antiphrase est exprimée l'idée que tous ces courtisans et conseillers de la Cour qui se croient indispensables et pensent être en mesure de proposer des remèdes aux grands, sont en fait plus pénibles encore que les problèmes qu'ils prétendent résoudre. En plus de leur inefficacité, c'est donc leur caractère de parasite qui est ici mis en valeur : ils sont véritablement une " plaie " pour ceux qu'ils conseillent, une " plaie " qui adhère, colle, s'immisce partout comme un emplâtre colle à la peau et dont on ne parvient à se débarrasser qu'avec effort.

IX.Tavelés : mouchetés, tachetés.

X. Protée : figure de la métamorphose, du changement.

XI." le vice piaphe " : s'exhibe.

XII. Gehennez : torturés, déchirés.

XIII. " La déesse aux cent bouches " : la Renommée.

XIV. Chiffre : " Il se dit (...) de l'arrangement de deux ou de plusieurs lettres capitales entrelassées l'une dans l'autre ; et les premières lettres de chaque nom sont d'ordinaire celles qu'on prend pour cet effet " (cf. Dictionnaire de l'Académie Française, 1694).

XV. Allusion à l'histoire d'Alphée et Aréthuse : Artémis pour protéger Aréthuse de l'amour du Dieu Alphée, la changea en fontaine, puis fendit la terre de manière à creuser un tunnel reliant, par-dessous la mer la Grèce à la Sicile ; mais Alphée ne s'y trompa pas et, reprenant sa forme de fleuve, emprunta à son tour le tunnel, et ainsi " les eaux d'Alphée creusent leur chemin bien au dessous du fond de la mer ". C'est pourquoi il passe la mer " sans saler ses flots " (Cf. Ovide, Les Métamorphoses, livre V).

XVI. Cèdres du Liban : image fréquente dans la Bible, qui représente selon les interprètes orthodoxes, les âmes fidèles à Dieu.

Seconde Partie des Muses françoises ralliées de diverses parts, 1600