Honoré
d'Urfé - Stances [d'Hylas], de son humeur inconstante.
- Je
le confesse bien, Phillis est assez belle,
- Pour
brusler qui le veut:
- Mais
que pour tout cela je ne sois que pour elle,
- Certes
il ne se peut.
- Lors
qu'elle me surprit, mon humeur en fut cause,
- Et
non pas sa beauté:
- Ores
qu'elle me perd, ce n'est pour autre chose
- Que
par ma volonté.
- J'honore
sa vertu, j'estime son merite,
- Et
tout ce qu'elle fait:
- Mais
veut-elle sçavoir d'où vient que je la quitte ?
- C'est
parce qu'il me plait.
- Chacun
doit preferer, au moins s'il est bien sage,
- Son
propre bien à tous:
- Je
vous ayme, il est vray, je m'ayme davantage:
- Si
faites-vous bien vous.
- Bergers
si dans vos coeurs ne regnoit la feintise,
- Vous
en diriez autant:
- Mais
j'ayme beaucoup mieux conserver ma franchise,
- Et
me dire inconstant.
- Qu'elle
n'acuse donc sa beauté d'impuissance,
- Ny
moy d'estre leger:
- Je
change, il est certain: mais c'est grande prudence
- De
sçavoir bien changer.
- Pour
estre sage aussi qu'elle en fasse de mesme,
- Esgale
en soit la loy:
- Que
s'il faut par destin que la pouvrete m'ayme,
- Qu'elle
m'ayme sans moy.
L'Astrée
de messire Honoré d'Urfé, Troisieme partie, Livre premier.
À Paris : chez A. de Sommaville, 1633 (-1632), p.45-46.