Le Baroque littéraire
Le baroque est un style artistique européen, d'abord constaté dans les beaux-arts, succédant au classicisme de la Renaissance. En rupture avec les contraintes, il valorise l'imagination, la fantaisie, l'invention et la recherche des contrastes. Son but est d'éblouir, de provoquer la surprise par l'abondance des moyens esthétiques mis en oeuvre. Il est parfois qualifié d' "art de la Contre-Réforme".
Ce terme ne fut pas employé par les contemporains pour qualifier leurs propres créations ; il s'agit d'une invention bien plus tardive (fin XIXe).
Par analogie, la notion de baroque a été transposée dans le domaine littéraire, afin de qualifier les oeuvres comprises entre la Renaissance et le Classicisme (c'est-à-dire en France à peu près entre 1570 et 1650).
L'adjectif " baroque ", apparu en France en 1531, est un emprunt au portugais barroco, terme de joaillerie signifiant " perle de forme irrégulière " .
Au cours du XVIIIe siècle sont apparus les sens figurés de " bizarre " , " grotesque " , " extravagant " , " insolite ". Le terme est souvent péjoratif.
Plus tard, il se spécialise en histoire de l'art pour désigner le style architectural et décoratif qui s'écarte des règles de la Renaissance classique. Il est alors parfois associé à la notion de " dégénérescence " (Jacob Burckhard, 1860).
C'est Heinrich Wölfflin qui, le premier, proposa de définir le style baroque de façon positive, dans Renaissance und Barok (1888). Il distingue trois principales caractéristiques : les effets de pittoresque, les effets de masse (abondance) et les effets de mouvement.
Mais c'est surtout dans ses Principes fondamentaux de l'histoire de l'art (1915) que Wölfllin ouvra la voie à une véritable redécouverte de l'art baroque. Il en proposa une définition à partir de cinq critères distinctifs : le passage du linéaire au pictural, le passage d'une présentation par plans à une présentation par profondeur, le passage de la forme fermée à la forme ouverte, le passage de la pluralité à l'unité, le passage de la clarté absolue à la clarté relative.
En France, la reconnaissance du baroque littéraire en tant que période autonome est due à Jean Rousset et à ses deux ouvrages fondamentaux (bien qu'à présent un peu dépassés) : La Littérature de l'âge baroque en France (1953) dans lequel il met en évidence les deux modes d'existence que sont la métamorphose et l'ostentation, respectivement emblématisés par Circé et le Paon. L'Anthologie de la poésie baroque française, parue en 1961, ressuscite nombre de poètes oubliés, tout en dégageant les principaux thèmes d'une esthétique qui privilégie l'inconstance, la mobilité, les effets de miroir, le déguisement, le songe et l'illusion, mais aussi le spectacle de la mort et des ténèbres.
Claude-Gilbert Dubois, Le Maniérisme, 1979 :
(à propos du baroque) " Il y a d'une manière générale une volonté de donner à l'expression verbale sa forme la plus éclatante, et à la voix sa plus forte tension. C'est par nature un art de l'orchestration et de la fanfare. "
" Le désir d'en imposer manifeste un goût certain pour la volonté de puissance : il y a en lui un volontarisme (particulièrement au XVIIe siècle, mais déjà dans le courant néo-stoïcien de la fin du XVIe siècle) qui, récupéré par le pouvoir central, pourra devenir le vestibule de l'absolutisme. "
Bertrand Gibert, Le Baroque littéraire français, 1997 :
" Le Baroque tend vers la puissance, l'ensemble, la force des structures, la fusion, la matière, l'ostentation ; l'image y est fonctionnelle ; il réside dans l'expressivité de la vision du monde, l'état d'esprit collectif, optimiste ou mystique ; il s'adresse à un public plus large, même populaire, qu'il s'agit d'influencer, de séduire par les sens. "
Bertrand Gibert distingue trois périodes baroques en France, dans le domaine littéraire :
- une " première vague " (avant 1620) : Du Bartas, Sponde, d'Aubigné (Le Printemps), Chassignet, La Ceppède, Laugier de Porchères.. (nous préférons quant à nous parler de maniérisme pour les auteurs de la période 1570-1620)
- le " plein baroque " (1620-1640) : Théophile de Viau, Marbeuf, Saint-Amant, Tristan, Malleville, Scudéry, Voiture, Bensérade, Sarasin...
- les " derniers feux " (après 1640) : Le Moyne, Chapelain, Desmarets de Saint-Sorlin, Pierre de Saint-Louis...