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Vie économique et sociale à Bellevaux
au 18ème siècle
Photo extraite du livre Baud-Forichon-Boulé
Ce lac s'est formé à la suite d'un éboulement qui avait obstrué l'entrée de la vallée de la Chèvrerie en 1943.
C'est dans cette vallée dite de Vallon que s'étaient installés les moines ainsi que les familles Pasquier.
Extrait du livre de Claude Chatelain et Georges Baud :

HISTOIRE DE LA VALLEE DE BELLEVAUX

Les premières années du XVIII° siècle furent douloureuses le vent avait tourné et se mettait à souffler en rafales sur les pauvres habitants de la vallée.

En 1703, l'armée française de Louis XIV occupait la Savoie au cours de la guerre de succession d'Espagne, et les troupes s'installaient jusque dans les vallées les plus reculées : elles devaient trouver leur subsistance chez l'habitant.
Vallon fut imposé d'une capitation de 54 £, avec l'obligation d'héberger un certain nombre de soldats et de fournir des quantités de fourrage pour l'armée à Thonon.
On réquisitionna trois chevaux pour le transport des farines d'Annecy à Thonon ; celui de Pierre Voisin creva au Plot et la communauté dut lui payer 120 florins. Avec l'occupation étrangère le coût de la vie monta, les vivres étaient chers et l'argent se dépréciait.

Les hivers de 1708 et 1709 furent précoces : les récoltes n'arrivaient pas à mûrir, écrasées par la neige avant d'être rentrées. Le gouvernement dut venir en aide aux sinistrés par l'envoi de blés et autres denrées. La famine rôdait, accentuant la mortalité et privant des familles du strict nécessaire ; les loups faisaient leur apparition.

Le roi Victor-Amédée II prit des mesures pour enrayer la misère : il encouragea l'épargne, interdit la mendicité et institua des congrégations de charité dans les paroisses, sortes de bureaux de bienfaisance, pour assister les pauvres et recevoir les legs à leur intention.
La répartition de ces rentes était assurée par les administrateurs des deux communautés avec l'assistance du Rd curé. Un moment, vers 1724, on pensa établir un hôpital à Bellevaux, mais l'idée resta en l'air, faute de capitaux certainement.

L'habitude se prit de faire une aumône aux pauvres lors des sépultures ; elle consistait en un repas offert aux indigents de la paroisse ou une distribution à la sortie de l'église de pain et de denrées alimentaires. Quand le défunt était une personne aisée, il en venait même des vallées voisines, et probablement le contraire devait se passer aussi.
Un Jacques Argaud-Monnet stipule dans son testament en 1750 que, outre ce repas, « il lègue en fondation annuelle et perpétuelle la somme de 20 livres aux plus nécessiteux des pauvres de la paroisse, et que ses deux fils héritiers auront à charge, s'ils commettent quelque faute contre la pudeur, de verser pour chacun 30 livres aux pauvres honteux de Bellevaux ». Ce père de famille ne voulait pas de bâtard...

C'est justement dans les premières années de ce siècle que l'on trouve mention de gens de la vallée partis à l'étranger faire fortune. On y reviendra plus loin. Le pain devait manquer sur les tables familiales et il fallait s'expatrier.
Ceux qui restaient tâchaient de faire face du mieux qu'ils pouvaient, et ils réussirent à s'en sortir : la fin du siècle sera meilleure que ses débuts.
L'édit du roi Victor les avait fouettés, comme tous les Savoyards. Les transactions reprirent avec plus d'ampleur, on se mit à produire, à vendre, à acheter, à emprunter.

Les chartreux de Vallon, établis maintenant à Ripaille, jouaient volontiers le rôle de prêteurs, et une intense activité régna dans ce coin ; la terre prenait de la valeur, elle se louait bien et le remboursement des emprunts se faisait sans difficulté.
Les chartreux pratiquaient une saine économie pour le plus grand avantage de leurs biens et des habitants, à la différence des barnabites qui se contentaient de percevoir leurs dûs pour les investir ailleurs.

Entreprenants, ils firent venir de l'étranger une gueuse pour travailler le fer de la vallée de Bellecombe, embauchèrent des maîtres-fondeurs de Bourgogne, du Dauphiné et même d'Allemagne, installèrent un martinet, mais le minerai était de trop mauvaise qualité et l'exploitation cessa vers 1776.

Une supplique des habitants de Bellevaux et de Vallon à l'intendant de la province les accuse de dilapider les bois parce que ce travail en consomme beaucoup du fait de la confection de charbon de bois ; les gens du pays, les premiers intéressés, n'en auront bientôt plus à prendre dans les forêts de Vallon pour leur usage personnel.
Il vaudrait mieux pour l'Etat, disent-ils, de faire entrer le fer de Suisse, car ainsi il percevrait les taxes que les chartreux ne paient pas ; on les dénonce comme profiteurs du bien public pour leurs intérêts privés.
L'ambiance n'était pas très chaleureuse et manifestait plutôt l'égoïsme des habitants.
On trouve encore des traces de cette fabrication du charbon de bois, ainsi près de « Portes » au plan de la Charbonnière. L'emplacement du martinet des chartreux était au-devant de la scierie, en contrebas du village de la Chèvrerie ; on a retrouvé là, il y a quelques années, en creusant un étang, le martinet lui-même, un marteau de près de 200 kilos, et des résidus de fonte.

On n'a pas retrouvé trace des mines de fer de la vallée de Bellecombe ; le gisement ne devait pas être très important ni de grande quantité. Il fallait bien toute l'ingéniosité des chartreux pour en tirer partie.

Ils essayèrent aussi de monter une verrerie, à partir du quartz tiré de la roche ; des maisons de Vallon portaient il y a encore quelques années des vitres qui en provenaient.
Un vitrail au clocher de l'église paroissiale comporte toujours du verre fabriqué par les chartreux, une sorte de verre blanc.

Méticuleux, parfois jusqu'à l'excès, ils ne laissaient rien au hasard des conditions de location et de travail de leurs terres, et ils étaient là pour contrôler ; dans ce but, ils se réservaient le droit d'entrer dans toute pièce des bâtiments loués, y compris les chambres, « pourvu qu'il y ait une chandelle allumée ».

II fallait assez tout cet effort pour pouvoir survivre.
Des impôts nouveaux arrivaient, auxquels nul ne pouvait échapper, et qui s'ajoutaient aux dîmes des religieux : la gabelle, d'abord droit sur le sel, s'appliqua à toute transaction du moment qu'il y avait manipulation d'argent, et l'impôt foncier s'abattait sur les terres, selon leur qualité et leur rendement.
Les finances savoyardes étaient bien gérées ; le cadastre, décidé en 1728, allait dans ce sens.

Chaque année le cottet des tailles était établi par le secrétaire de commune avec l'aide de prudhommes, communiers nommés et assermentés à cet effet.
C'était l'assiette de l'impôt : un pour Vallon, un pour Bellevaux. Il faut reconnaître que le montant n'était pas très élevé, sauf pour les familles des Favrat.
A Vallon, en 1703, 97 familles sont imposées avec une moyenne de quelques sols ou sous par feu, pour un total de 76 florins 5 sols 3 deniers ; à quoi il faut ajouter une somme de 17 sols 3 deniers pour venir en aide aux gens de Lullin sinistrés après le déluge qui a ravagé leur commune.
Il doit s'agir de l'écoulement de terre consécutif à l'éboulement du Mont-Forchat en 1635. On a dû imposer aux communes du mandemant une contribution proportionnelle pen- dant plusieurs années, puisque en 1712, sur les tailles de Bellevaux, on retient 2 florins 10 sols 6 deniers pour Lullin. La taille pour Bellevaux cette année-là a donné une somme de 157 florins pour 134 familles imposées.

L'établissement du rôle de l'impôt revêtait un caractère très démocratique : outre qu'il était établi par des gens du cru, qui devaient bien connaître leur monde et qui changeaient chaque année, on le proclamait en entier devant le peuple assemblé un dimanche après la messe, soit au coin du cimetière pour les communiers de Bellevaux, soit près de la maison de l'un d'eux au bord du grand chemin pour les communiers de Vallon.
On admettait la contestation, car le secrétaire écrit dans le texte : « lequel cottet j'ai lu... sans qu'il y ait eu aucune opposition ni contredit».

A cette imposition en argent, il faut ajouter l'imposition en nature qu'étaient les corvées pour l'entretien des chemins.
A date fixe, le sergent-royal parcourait la commune et établissait la liste des travaux nécessaires ; à chacun revenait une part assez minime de ce travail : combler les fondrières, mettre un bois pour l'écoulement des eaux, tailler les haies. Cela sous peine de brigade, c'est-à-dire l'obligation d'héberger et de nourrir un soldat du Chablais jusqu'à ce que le travail prévu soit terminé.

A la différence des dîmes, cens et autres droits seigneuriaux, ces impôts directs étaient beaucoup mieux supportés et ne grevaient pas tellement le budget des particuliers, surtout des pauvres.
Ils participaient de la vie commune, et par là rejoignaient le souci de tous pour la bonne gestion du bien commun. Les règlements pour l'usage des alpages de Nifflon et d'Hirmentaz, le règlement des condivis de Vallon, le droit de pâturer et de couper du bois sur les fonds communs, tout cela procédait d'un esprit démocratique.
On tenait à la propriété commune car elle permettait à tous, principalement aux petits, de satisfaire à leurs besoins et de pouvoir vivre décemment.

Les chartreux et les Favrat de la Cour employaient comme métayers pour leurs terres des étrangers : les Vauthey et les Pasquier venus de la Gruyère vers 1659 pour le compte des chartreux, les Gantin d'Ayse, les Jacquier de Bernex, les Chevalet de Vailly pour le compte des Favrat vers 1700, les Blanc de St-Jean-d'Aulps comme alpagistes au Grand-Souvre.

Soit que l'homme fasse venir sa famille, soit qu'étant jeune il se marie sur place, ces nouveaux foyers s'intégraient facilement et demandaient au bout de quelque temps leur admission parmi les communiers, ce qui équivalait à un droit de cité. Ainsi Pierre Gantin d'Ayse épouse une Philippaz-Meynet et s'installe au Borgel ; en 1716 ses fils sont admis parmi les communiers de Bellevaux.

Mais un jour de janvier 1737, la tour du clocher s'écroula : c'était un mauvais présage. Il en coûta 1.320 £ pour la relever.

Et voici qu'une nouvelle court dans la vallée : les Espagnols arrivent.
Ce sont les troupes de l'infant Don Philippe qui vient d'envahir la Savoie et qui s'y comporte en pays conquis ; à leur côté, les troupes françaises de 1703 étaient des enfants de chœur !
De 1740 à 1748 ce fut une allée-et-venue continuelle de troupes, tantôt espagnoles, tantôt sardes, selon le sort de la bataille, chacune prélevant son butin et vivant sur le dos de l'habitant.
La paroisse de Bellevaux doit fournir du blé, de l'orge et de l'avoine en quantité, plusieurs fois de suite, et livrer ces denrées à Annecy.
Les Espagnols imposent la livraison à Thonon de grains, de chevaux harnachés, de vaches (six par année pendant six ans de suite), du bois, de la paille, de l'huile et des chandelles, des couvertures, draps et paillasses pour l'hôpital.

A leur tour les troupes sardes font une ponction sur le pays et réquisitionnent vingt juments à bât et six voituriers pour transporter du fourrage à Conflans, sans dédommagement.
La paroisse doit envoyer un soldat pour la compagnie de réserve du régiment du Chablais ; plusieurs jeunes gens se récusent, deviennent déserteurs et prennent le maquis, au risque de faire deux ans de travaux forcés et de voir le père payer 50 écus d'or d'amende, ce qui n'était pas rien.

Pour couvrir les frais de ces contributions de guerre, il fallait faire appel à la générosité de ceux qui le pouvaient et pour le reste, la paroisse n'ayant aucune ressource, on dut louer à bail des biens communaux, tant à Vallon qu'à Bellevaux. Ce qui n'était pas pour arranger les pauvres qui ne savaient où mener paître leur troupeau.

La paix d'Aix-la-Chapelle renvoya les Espagnols chez eux.

Les années qui viennent offrent des jours meilleurs. Il y a encore des familles dans la gêne : en 1751 on en compte 45 à Bellevaux et 25 à Vallon pour la distribution annuelle des cent coupes de fèves, mais ce sont surtout des ménages où la maman est veuve et des maisons où le garçon n'est pas marié, voire même pas très dégourdi.
Ils ne profitent pas de l'affranchissement des droits de main-morte et échute en 1768 et resteront sujets des religieux : ils n'avaient sûrement pas de quoi payer. Pourtant le mot de « taillable » avait pris un sens péjoratif.

Un plus grand nombre s'affranchirent à Vallon (174) qu'à Bellevaux (30) ; la politique des chartreux avait permis à l'ensemble de la communauté de Vallon de se tenir sensiblement sur un même niveau social, car ils étaient eux-mêmes les fermiers des terres qu'ils avaient gardées, les arbitres des contestations entre familles et des prêteurs sans usure.
Ils font de grands efforts à cette époque pour mettre en valeur leurs alpages ; Pététeaux, etc...
Tandis que dans les limites de l'ancien prieuré bénédictin les familles aisées étaient plus nombreuses : les Favrat de Gembaz ; les Meynet-Ronce ; les Gougain ; mais la différence sociale était plus marquée.
Les maisons de ces nouveaux riches se signalent encore aux passants par une tournure plus cossue, malgré les avatars des années : à Jambaz, à Talonnet, à la Cour.

D'ailleurs, les gens de Vallon, jaloux de leurs prérogatives sans doute et conscients de leur promotion économique, faisaient des difficultés pour passer des contrats de travail avec les moines : ils avaient leurs biens propres, reçus en emphytéose, dont ils se libèrent justement en 1768, et le territoire commun des indivis.

Aussi les chartreux firent-ils appel à des étrangers pour s'occuper de leurs biens et de leurs troupeaux au-delà de Portes et gérer le moulin de l'Eppuis.
On trouve mention des Vauthey pour la première fois dans un acte de 1751. A ce propos, il peut être curieux de relire ce bail par lequel les frères Vauthey sont engagés comme métayers de la Chèvrerie :
« Le 28 octobre 1751, dans la chartreuse de Vallon, le Rd Père Dom Laurent Favre, prieur, amodie aux honorables Denis et Jacques Vauthey feu Pierre et à Jacques Vauthey leur neveu natifs de Châtel-Saint-Denis, canton de Fribourg et habitant dudit Vallon, le grangeage de la Chèvrerie avec ses bâtiments, appartenances et dépendances et avec une particule du pâturage près le Nant- Blanc appelé le Siard ;
2° les montagnes de Foron et Challet- Blanc ;
3° le grangeage de la Joux ;
4° le moulin et scie situés au-dessous et proche de la maison de la Chèvrerie avec les aigages et artifices;
5° enfin le grangeage de la Combe, le tout pour neuf ans.
Pour le prix annuel de 1.355 £ 6 sous et 4 deniers ;

Pour dix livres de beurre frais par semaine pendant les six mois d'été et neuf livres par semaine pour les six autres mois. Plus six livres de sérac par semaine pendant six mois de la bonne saison, le tout poids de Thonon, et portable dans la chartreuse de Vallon.
« Plus annuellement deux quintaux de fromage gras et quatre de fromage maigre, mesure de Thonon, qui seront choisis de la part des religieux avant d'être pesés et puis descendus à la chartreuse de Ripaille par les amodiateurs.
Plus ils donneront deux génisses de deux ans et demi pleines, que les dits seigneurs choisiront, sauf pendant deux ans qu'ils n'en choisiront qu'une.
Plus les dits Vauthey maintiendront les bâtiments en bons pères de famille et recevront du Rd Prieur les bois à ce nécessaire.
« Plus les dits Vauthey feront une voiture de six chevaux pour transporter de la paroisse de Mieussy au dit Vallon les blés de servis dûs à la chartreuse rière le dit lieu de Mieussy et dîme que la dite chartreuse perçoit rière Marigny, ou bien en place de la voiture feront trois voyages à chariot pour transporter dès le dit Vallon ce que détermineront les chartreux dans leur chartreuse de Ripaille.
« Plus les dits Vauthey feront pâturer deux poulains et deux cochons sur leurs montagnes pour le compte des dits chartreux, aui les leur confieront chaque année.
Plus lorsque quelques-uns des Pères ou de leurs domestiques viendront à Vallon, Ils pourront faire paître leurs chevaux dans les pâturages ascensés. « Les dits ascentaires devront consumer tous les fourrages sur les lieux, entretenir les routes, moudre tous les blés de la chartreuse sans émisse.
Plus scier annuellement 50 billots gratis pour les pères chartreux, et s'ils en font scier une plus grande quantité is donneront un denier par taille. »
Suivent les signatures.

Le même Jour, un acte semblable était passé entre les Pères et les frères Pasquier pour le grangeage de l'Econduit et autres montagnes, et pour le moulin et battoir de la Clusaz avec la pièce de terre et le pré contigu appelé le Clos.

« A l'égard du moulin et battoir les dits ascensataires seront obligés de tenir un meunier de bonnes mœurs, étant responsable de sa conduite, de bien servir le Public, de moudre le blé et de battre le chanvre sans en prendre aucun droit ou émisse : et attendu la banalité des moulins de la dite chartreuse, les dits ascensataires seront tenus de veiller et d'accuser ceux de la juridiction du dit Vallon qui se trouveraient aller moudre ailleurs, au Rd prieur ou procureur de la dite chartreuse ».

En 1772 eut lieu «l'affranchissement général de toute taillabilité, laod, cens, plaids, servis et de tous autres droits de cette nature auxquels leurs personnes, maisons, édifices et biens quelconques du territoire de cette paroisse pourraient être assujettis envers tous les vassaux et autres personnes ou corps qui possèdent des fiefs dans le territoire de cette paroisse» .(décret royal).

Il suffisait que les deux tiers des habitants le réclament pour que cet affranchissement soit général (1).
A Bellevaux, plus de 75 personnes demandent à en bénéficier, dont le Rd Dominique Decroux ; 7 refusent et sont qualifiés d'originaux. Coût : 11.200 £.
A la proposition de l'intendant de vendre des communaux pour payer cette somme, les gens refusent et finalement n'y consentent que si l'on trouve d'autres ressources.

A Vallon, 51 personnes s'affranchissent pour le coût de 22.000 £ ; en 1782 ils avaient réuni 19.312 £ et durent aussi vendre de leurs communaux pour solder leur créance aux chartreux en 1787.
Habitués à une vie dure, méfiants en affaires, l'affranchissement était moins pour eux une aubaine qu'un marché où il ne fallait être dupe de personne. « Ces Savoyards, disait le roi Victor, le bon Dieu leur ferait pleuvoir des sequins (pièces de monnaie) qu'ils se plaindraient qu'ils cassent leurs tuiles ».

II restait à obtenir une foire pour favoriser le commerce local : en 1784, le conseil communal s'adressa au roi et obtint l'autorisation d'une foire le 9 octobre de chaque année, autorisation accordée par décret au prix de 12 louis d'or de France, soit près de 238 £.
Une deuxième se tint plus tard, le 25 mai.
Ces foires drainaient autrefois beaucoup de monde mais perdirent de leur importance après cette dernière guerre.

On ne sait à quelle époque fut ouvert le chemin vers Vailly en passant par la gorge du Lavouet, au lieu de monter sur le Moân.
Il se trouve porté sur le cadastre de 1730. On en trouve encore le tracé, en bas du village de « Chez Maurice », signalé par le vieil oratoire maintenant seul au milieu des champs.
Mais ii ne devait pas être très large, et sans doute mal entretenu, car dans un rapport de 1776 l'intendant du Chablais attire l'attention sur cette route : « la grande quantité de bois qui pourrit dans les forêts, faute d'un chemin commode... Le commerce seul pourrait exciter l'industrie et amener le pays à faire valoir ses trésors cachés »,

(1) L'ensemble des droits perçus à Bellevaux par les barnabites donne 1971 livres. L'ensemble des droits perçus à Vallon par les chartreux donne 250 livres (relevé du 1-12-1775).

Un recensement de 1795 donne sur la paroisse 170 juments et chevaux et une trentaine de poulains ou pouliches ; il y en avait parfois deux, et même trois par famille.

M. Sage note pour ces années de la fin du XVIII° siècle : « La denrée la plus abondante dans la paroisse est l'avoine dont les particuliers débitent le surplus, avec quelque peu de fèves, d'orge et de froment, aux marchés de Boëge.
Il y a communément des denrées pour l'entretien des habitants, sauf dans les cas de gelée ou de tempête. Le bétail qui est nombreux produit beaucoup. Enfin les pommes de terre que l'on sème en quantité sont d'un secours incroyable aux habitants pour leur nourriture »
.

NOTES DU CURÉ SAGE SUR LES COUTUMES DU PAYS AVANT LA REVOLUTION

Les mariages :
L'usage de passer un contrat dotal était général ; en voici la substance qui variait suivant la fortune de l'épouse :

« N... lequel de son bon gré constitue en dot à sa fille N... soit au dit N... son prétendu, à savoir la somme de..., une vache et une brebis avec son agneau, et pour son trossel et vestements, un lit garni de ses franges et pendants, un coussin de plumes, un habit nuptial complet de serge de Valence, camisolles, cotillons de fil et laine, corps sans manche, linceuls, tabliers, couvre-chefs, chemises, un coffre en bois sapin serrant à la clef, outre les habits quotidiens, etc... »
Le trossel (ou trousseau) est plus ou moins important selon la fortune de l'épouse.

Testaments - Sépultures : Dans tous les testaments nous lisons ces paroles :

« Muni du signe de la croix sur sa personne en disant : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen, il a recommandé son âme à Dieu le créateur et seul rédempteur, à la glorieuse et immaculée Vierge Marie et à toute la cour céleste, et ordonne son dit corps l'âme en étant séparée, icellui être inhumé au cimetière de l'Eglise du dit-lieu et au lieu et place de ses prédécesseurs défunts, ses obsèques, funérailles et anniversaires êtres faites selon sa fortune par ses héritiers, et qu'aumône générale soit faite à tous les pauvres qui se présenteront le jour de son enterrement ».

Testament de Bernard Meynet-Curial : Par son testament du 3 décembre 1686, ..., il fixa à chacun de ses garçons sa part d'héritage avec la clause que l'un d'iceux venants à mourir sans enfants naturels et légitimes, il substituait les survivants aux précédents.
Il fixa également la dot de ses filles à cent ducatons soit 700 florins pour chacune.
Enfin il ordonna que l'aumône générale à faire le jour de sa sépulture serait de neuf coupes d'orge et de trois de fèves qu'on ferait moudre et dont on ferait du pain à distribuer à chaque pauvre avec un morceau de fromage.
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