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LOCATION D'UNE EXPLOITATION AGRICOLE AU REPOSOIR
PAR LES CHARTREUX AUX FAMILLES PASQUIER

Contrat d'amodiation

Extrait du livre "La Chartreuse du Reposoir" par l'abbé Jean Falconnet (pages 60 à 67)

Cet extrait du livre décrit un exemple du type de contrat de location d'une exploitation agricole entre les moines chartreux qui en étaient propriétaires, et les familles d'agriculteurs qui en devenaient locataires pour une durée de 9 ans renouvelable.

Cet exemple se rapporte aux familles Pasquier ; plus précisément il s'agit, selon l'analyse des divers documents, d'Antoine né en 1682, qui a épousé Marguerite Moret ; son fils Charles, né en 1703, épouse M.Hélène Dupont ; Joseph né en 1746, le fils de Charles, épouse Jeanne Guimet en 1767.

En effet selon la généalogie établie, le père de cette dernière est Joseph Guimet qui a épousé en 1746 Françoise Chevrand.; parmi leurs enfants on trouve Pierre, Joseph et Antoine.

L'abbé Jean Falconnet précise, aux pages 66-67, que le "grangeage" (exploitation agricole) qui avait été loué par les Chartreux à Antoine (pages 60 et 65) puis à son fils Charles, avait ensuite été loué à la famille Guimet : Joseph puis ses trois fils Pierre, Joseph et Antoine. On peut en déduire que ces derniers sont bien respectivement le père et les trois frères de Jeanne Guimet tel que décrit dans la généalogie. Car Joseph Pasquier l'époux de Jeanne est selon la généalogie, le fils de Charles (épouse M.H.Dupont), fils d'Antoine né en 1682 (épouse M.Moret), cités plus haut. Ce rapprochement entre les Pasquier cités dans le livre de l'abbé Falconnet et ceux de la généalogie met en évidence l'erreur de filiation citée à la page 65 à savoir que Antoine n'est pas fils de Théodule Pasquier du village du Pâquier, Baillage de Gruière en Suisse …Il est le fils de Charles, épouse François Ody, fils de Georges épouse Pernette Rigaud, qui vinrent s'établir au Reposoir en 1654.

L'abbé Falconnnet reproduit ci après les actes à l'identique des documents originaux.
Conseil de lecture : pour une compréhension plus facile il faut "entendre" la phonétique du texte.

Extrait du livre :

Les titres des contrats d'amodiation sont nombreux dans les papiers de la chartreuse du Reposoir. On retrouve dans plusieurs telles ou telles des conditions de l'emphytéose. Chacun offre de plus ses clauses spécifiques. Mais aucun n'est très ancien. Nous en avons parcouru plus de trente, tous passés dans la période de 1722 à 1792. Chaque bail nouveau annulant le précédent, on n'avait plus intérêt à conserver les contrats primitifs.

Ceux qui restent n'en sont que plus intéressants, et nous devons en donner au lecteur une idée suffisante.

L'un des plus importants est en date du 21 septembre 1722, Hugard notaire. Il est passé pour neuf ans entre Dom Aimé Guillot, prieur, assisté de D. Anthelme Bourgeois, procureur, et les frères Pasquier et consorts du Reposoir. Il comprend "les grangeages de Pralong, Bellegarde, Sainte-Anne, le pré Riant,, le Vernex qui est entre la bezière des moulins, avec les montagnes de la Celle, Montarquy et Planey, ensemble les maisons et bastiments y existant," dont les confins sont minutieusement décrits; le tout, " soubs la ferme et censé annuelle de mil cinq cent livres de Savoye payable en trois termes, outre dix escus aux couronnes pour les espingles payables une seule fois. Plus payeront annuellement cinq coupes de bled meicle, moytié orge, moytié avêne, pour la dixme des bleds qu'ils ensemenceront aux terres des susdits grangeages, un frommage de la pesanteur de douze livres pour la bénédiction desdites montagnes, et huict vacherins bons et recevables, pesant chacun quattre livres poid de Cluses ; de mesme que deux quintaux de beurre d'esté mesme poid, aussy annuellement." -Suivent les termes fixés pour tous ces payements.

" Lesdits Ascensataires promettent par serment et s'obligent d'observer ponctuellement, sçavoir : qu'ils seront tenus de vendre à la fin desdits neuf ans les deux juments avec les vingt une vaches qui leurs ont esté remises par lesdits vénérables Pères par la précédente admodiation, soit la somme de douze cent septante six livres, treize sols, quattre deniers, valeur de dix sept cent soixante cinq florins vielle monnoye; que ledit bétail fut pour lhors estimé, et cest au choix desdits vénérables Pères ; comme aussy de rendre à la fin desdites neuf années la chaudière de cuivre qui leur a esté cy devant remise, pesant huictante livres poid de Cluses.

" Item - que lesdits fermiers seront tenus de rendre annuellement durant ledit temps à leur frais et despens dans la maison du Reposoir septante billions bois fayard, comme de coutume, au temps qui leurs sera indicqué par-lesdits vénérables Pères, lesquels seront aussy obligés de leurs faire bailler chaque jour qu'ils voytureront les-dits billions le gouter à l'accoutumé pour les gens et les bêtes, tout de mêmes aussy pour les ports et voytures. qu'ils feront des vins, et autres choses cy après déclarées.

" Item - que lesdits Ascensataires apporteront à ladite maison du Reposoir, toutes les semaines de l'année, trois émines de beurre frais pesant chacune une livre poids de Cluses, sçavoir, une le lundy, une le mercredy, et lautre le jeudy, et despuis Pasques jusques à la fête de tous Saints. Ils seront aussy obligés de porter aux mesmes jours que le beurre de l'émine une livre de cerac, c'est-à-dire trois livres par semaine, despuis Pasque jusques à la feste de Toussaints, avec aussy un pot de laict tous les Dimanches de lannée ; en faisant deslivrer lesdits vénérables Pères auxdits Admodiataires un pain blanc de quinze en quinze jours; lesquels Pasquier Admodiataires seront de plus obligés de couper et peler à leur frais, et conduire de mesme à ladite grange de Pralong, tous les ans, six billions de passe pour employer iceux aux réparations et couverts desdits bâtiments qu'ils seront obligés de maintenir, soit regottoyer ceux qui sont couverts à tavaillions, et renouveller ceux qui sont à grosses encelles, quand besoin sera. Ayant esté convenu pour cela qu'ils pourront faire scier à la scie de la maison les ais et platteaux nécessaires pour les aires, plancher et escuiries et autres réparations nécessaires pour l'entretient desdits bâtiments tant seulement, sans payer aucune raissure qui sera supportée et payée par lesdits vénérables Pères, sauf celles qu'ils feront scier pour leur usage particulier qu'ils payeront à l'accoutumée.

Et à la fin de la présente Admodiation, lesdits Admodiataires seront tenus de rendre auxdits vénérables Pères soit à leur successeurs, cinquante coupes de bled mécloz, moytié orge, moytié avoine, mesure de Cluses, qui leurs ont esté cy devant avancés par ladite Chartreuse.

Seront encore obligés lesdits Ascensataires de fournir deux bonnes montures avec leurs bats, et un valet pour les conduire, toutes fois et quantes qu'ils seront mandés pour le port des vins, bleds, censes, auchieges, et autres danrées pour la provision de ladite maison, sans autre salaire que la nourriture de l'homme, et des montures ; et seront tenus d'escerter, et nettoyer tous les, prés et terres, des bois et buissons qui y croîtront despendantes des susdits grangeages. Ne permettront qu'il s'y fasse aucun dommage, ains les tiendront en bon estat et maintiendront en bons pères de famille.

Ne pourront vendre aucun fourrage, danrées, n'y bestail desdits grangeages sans la permission desdits vénérables Pères, n'y subaccenser ladite ferme, pas mesme associer qui que ce soit, n'y introduire aucun gendre dans icelle sans l'expresse permission desdits vénérables Pères, et ne pourront non plus cautionner personne pendant ledit terme de neuf ans dès la présente pour quelle cause que ce soit.

" De plus a esté convenu que tous les fruicts et nourrains qui proviendront du bestail qu'ils ont entre les mains appartenant à ladite Chartreuse demeureront aux susdits Ascensataires pendant lesdits neuf ans, sans en payer, n'y jouïance, n'y nourrains autre que la susdite ferme, et lequel bétail ils seront tenus vendre à la fin desdits neuf ans deüement hyverné et à l'herbe ; et cas avenant que tant ledit bestail de l'estime, que les vaches à laict qui appartiennent auxdits Ascensataires vinssent à mourir de l'une des trois maladies, sçavoir, de la poulmonie, du quartier, ou du louvet, lesdits Ascensataires porteront la perte des trois premières qui mourront desdites maladies, et pour le reste qui pourrait périr au delà des trois, la dite Chartreuse en supportera la perte de moytié des vaches à laict tant seulement, celle des génisses, boeufs et veaux restant toute auxdits Ascensatai-res : Dautant plus que lesdits vénérables Pères ne leurs ont remis que des vaches à laict.

" De plus a esté convenu que lesdits vénérables Pères feront deslivrer auxdits Ascensataires, au temps des vendanges à la Crète durant ledit temps, vingt pots de vin dans le temps des bonnes saisons, et en cas que la prise fut au-dessoubs de la médiocre, et que lesdits vénérables Pères fussent obligés dachepter du vin pour leur usage, ils ne seront tenus à ladite deslivrance.

" Plus qu'il sera permis auxdits Pasquier de prendre et couper du bois pour leur usage et chaufage aux lieux qui leurs seront marqués les moins dommageables, et jamais dans les bois de réserve de ladite maison du Reposoir.

" Item - qu'ils seront tenus de clore ladite grange de Belle Garde, et conserver à Pralong une chambre pour ceux qui viennent en dévotion audit Reposoir(1), lesquels ils seront encore tenus de loger et traitter en payant.

" Item seront tenus lesdits fermiers de maintenir les vieux et anciens chemins, et cloture dudit Pralong, et ne permettront qu'il sy en innove aucun, et de réparer les clotures, comme aussy le pont dudit Pralong. De plus qu'ils seront tenus de réparer les chemins de la Boucherie pour leur rate, et ne permettront que les Jouxriers ou autres passent par les possessions desdits grangeages avec bêtes et chevaux.

De plus est réservé par la présente tous cas d'ovaille à forme du droict; et au cas qu'il arriva quelque différend entre lesdits fermiers et autres personnes leurs voysins concernant lesdits grangeages, ils. seront tenus de recourir auxdits vénérables Pères et s'en soumettre à leur jugement sans autre formalité.

Plus qu'ils permettront les passages sur lesdits biens de Pralong aux Grangers du plant des Jouxriers pour abrever leur bestail en cas de besoin, lesquels aussy en useront le moins dommageablement que faire se pourra, et que lesdits fermiers seront tenus de cultiver lesdits biens à eux ascencés en bon père de famille, feront consumer les fourrages en provenant sur les lieux sans qu'il leurs soit permis d'en distraire aucun, ains applicqueront le fien (engrais) en provenant aux lieux plus nécessaires desdits biens ; nendommageront non plus aucun de leurs voysins avec leur bétail n'y autrement, à peyne de cinq livres pour chaque fois applicables en faveur de ladite Chartreuse, et de tous despens, dommages et interest envers les parties lézées et intéressées ; n'y qu'il leurs soit permis de vendre aucun ais n'y bois en quelque façon que ce soit, à la réserve des caisses où ils ferment leur vacherains : et à faute d'observer toutes les susdites conditions, ou venant à malverser, dans ces cas il sera permis auxdits vénérables Pères de les expulser de la-dite ferme, sans autre forme n'y figure de procès, et de l'ascenser à dautres, et d'en faire comme bon leurs semblera ; et faute du payement des sommes et choses suspromises par lesdits fermiers terme par terme, il sera permis auxdits vénérables Pères de retenir la prise desdits biens jusques à la concurrence de leur deubt, et de faire exécuter sur la présente en vertu des lettres de main garnie ou de Debitis, comme sur un acte obligatoire pur et garantigié.

Car le tout at esté ainsy convenu et arresté entre lesdites parties avec toutes deües Promissions, serment presté chacun à sa manière, et à l'obligation réciproque de tous et un chacuns leurs biens qu'ils se constituent respectivement tenir pour lentiere observation du présent Contract."

Suivent les formules ordinaires.

Cet acte fut renouvelé le 23 octobre 173 1 Delisle notaire,
entre le même Prieur et "honorable Antoine (2) fils de feu Théodule Pasquier, du village du Pasquier, Baillage de Gruière en Suisse canton de Fribourg… , pour le terme de six ans…. sous la cense annuelle de 1,3oo livres, outre 5o livres pour les épingles... quatre coupes de mescloz moitié orge, moitié avoine pour la dixme des bleds… deux fromages, pesans 65 livres les deux, à choisir pour la qualité, pour la bénédiction des montagnes, huit vacherins bons et recevables pesant chacun 4 livres poid de Cluses et deux quintaux de beurre d'été."

C'était une diminution de 200 livres et d'une coupe de méteil sur la précédente amodiation. Mais, par contre, il était dû deux fromages au lieu d'un, et à choisir, et 65 livres au lieu de 12. Peu de chose, auprès des rabais.

Les 70 " billions de bois fayard à couper et écorcer " devaient être " de la charge de la plus forte jument" ; clause qui semblerait indiquer qu'on avait fait jusque-là les tronçons un peu trop courts et légers. On avait imposé en 1722 " trois livres de cerac " ; on demande cette fois " trois livres de serac frais " . Sauf ces variantes, les autres clauses sont les mêmes.

A la suite de ce bail de 1731, une simple déclaration signée : Fr. Aimé Guillot prieur et Antoine Paquier, en date du 4 octobre 1737, transfère pour neuf ans la susdite amodiation à Charles Paquier fils.

Cette famille a été remplacée dans les susdits grangeages par la famille Guimet, en vertu du bail de neuf ans en date du 3 octobre 1764, Bontaz notaire, D. Raphaël Presset prieur.

La cense en argent est de 1500 livres, payables en trois termes. Les épingles sont " trois louis mirlitons pour une fois ". On rabat 5 livres sur le poids des fromages, qui devront peser 60 livres. Une chambre et la nourriture sont toujours réservées " pour toutes les personnes qui viendront en dévotion " au tombeau du Bienheureux Jean d'Espagne, " moyennant un payement proportionné à leur dépense. " Mêmes clauses que devant pour le reste.

Mêmes clauses encore dans le réacensement du 29 décembre 1773 au même Joseph Guimet par D. Jean-Baptiste Leborgne, Coudray notaire, sauf ces nuances : au lieu d'un pot, il faudra désormais porter à la chartreuse " deux pots de bon laict " tous les dimanches. Dans les cas où seront requis " deux bons chevaux ou juments " pour le transport des religieux ou de leurs provisions, le valet seul aura la nourriture " et non les bêtes de charge ", qui auront à manger " pendant le temps des voitures du vin tant seulement ". On avait oublié de mentionner dans cet acte que le fermier devait 4411 .l. 9 .s. 3 .d. d'arrérages. Le pauvre Guimet en signe une reconnaissance le 21 avril 1776.

Le nouveau bail de neuf ans, en date du 12 juillet 1782, Jean-François Vulliet notaire, est déclaré résiliable " à la fin de chaque troisième année à la réquisition de celle des parties qui le voudra ". Il reporte la cense en numéraire à 1600 livres.

Le fermier devra dix vacherins au lieu de huit. Il fera annuellement " quatre milliers de tavillons " pour l'entretien de ses toitures. Il ne permettra " aucune altération de bornes ", ni que " les billonneurs de Scionzier et autres passent par les possessions du grangeage de la Boucherie ". Pour le surplus, mêmes charges qu'au bail de 1773 ; mais l'on n'oublie pas d'inscrire qu'il reste 4056 .l. 12 .s. 3 .d. d'arrérages. Guimet a payé " quarante livres pour épingles ".

Le dernier bail est passé à la chartreuse du Reposoir par Jean-Marie Thévenet notaire national, le 18 décembre 1792, " l'an premier de la République " entre " les citoïens " Jean-François, fils de feu Jean Favre, natif du Grand-Bornand, prieur, assisté de Jean-Joseph, fils de feu Claude Roch, procureur, natif de la ville d'Annecy, et les trois garçons de feu Joseph Guimet, soit les " citoïens Pierre, Joseph et Antoine Guimet ".

Cense annuelle : " seize cent livres valleur de la cy devant Savoie,.... déclarants lesdits citoïens chartreux avoir reçus desdits Guimet six écus neufs de France pour étrênes. " Témoins : les " citoïens Jean-Pierre Dumont, natif et habitant de la ville de Bonneville, et Étienne Decret, natif dudit lieu et habitant à Ayze. "

L'acte, qui n'est plus "vieux style ", s'en tient absolument aux clauses de 1782, mais sans les reproduire.

Ces citoïens intrus, qui appliquaient par là le principe de l'égalité en qualifiant nos vénérables religieux de citoïens, reparaîtront au commencement de notre Seconde Partie.

L'acensement des autres fermes, telles que la Fromentière, Leydevier, la Côte David, Verdun, la Balmette, Saint-Charles, les Frasses, Plan-Jory, la Carronnière, les Mouilles, Saint-Anthelme, Porte d'Age... étaient aux mêmes conditions que ci-devant, quant à la nature des censes, aux termes des payements et au soin des bâtiments et des terres.

Les religieux insistaient principalement sur l'extirpation des buissons, l'entretien des chemins et des clôtures, l'interdiction de rien sous-acenser, l'ordre de faire consumer sur place tout le fourrage de la ferme, la défense de recevoir la nuit les domestiques du couvent, l'obligation de soumettre tout litige au Prieur, la nécessité de conserver la bonne harmonie entre voisins et de mener soi-même une conduite chrétienne.

(1) Dévotion au tombeau du B. Jean d'Espagne.
(2) Voir sa filiation dans le préambule
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