Origine du Reposoir
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L'origine du Reposoir est bien antérieure (1.151) à celle de l'établissement sur ce site, de nos ancêtres Pasquier (1.636).
Ce village a pris naissance grâce à l'installation des moines chartreux.
Dans son livre "la Chartreuse du Reposoir", l'abbé Jean Falconnet indique "qu'il ne reste aucun document sur les moyens dont les Chartreux ont tiré profit de leurs terres, avant le XIVème siècle.
On serait mal fondé à en conclure qu'ils les ont toutes laissées en friche pendant près de deux cents ans.
On peut tenir pour certain, au contraire, que la combe du Reposoir a été mise en culture dès leur arrivée. Quant aux hauts pâturages, nous ignorons comment ils furent exploités avant les actes d'albergements emphytéotiques et d'amodiations dont le plus ancien date de 1.356.

Le texte qui suit décrit la fondation du monastère des Chartreux dont résulte la création du Reposoir.

La cour intérieure de la Chartreuse


La Porte d'Age (XIV°-XVII°), ancienne ferme construite entre 2 rochers par les Chartreux, à l'entrée de la vallée du Reposoir

Préambule extrait du livre "Histoire de Sixt" de l'abbé Marie Rannaud

Les Rois de Bourgogne, les Princes des Maisons de Savoie, de Faucigny et de Genève prirent un soin particulier de multiplier les établissements religieux dans leurs états.
En cela ils suivirent non seulement les idées de foi de leur siècle, mais dans ces fondations ils tendaient au bien-être de leurs sujets. Depuis le IXème jusqu'au XIVème siècle ce fut seulement dans les monastères que l'on pratiqua l'art de l'écriture, que l'on étudia la langue destinée à rédiger les actes publics, et que l'on s'occupa de jurisprudence et de littérature.
Ces mêmes princes virent en outre dans ces établissements le moyen de rendre les grandes routes sûres, d'y préparer des asiles hospitaliers aux voyageurs et aux indigents, et de porter l'agriculture et la vie dans des vallées incultes, désertes et abandonnées.
On ne saurait trop le répéter : les établissements religieux furent, dans leur origine, des écoles de moeurs, de lettres et surtout d'agriculture, qui firent de déserts, repaires de bêtes féroces, de belles et riantes vallées, où la nature prodigue ses merveilles et où le voyageur ne peut se lasser d'en admirer les richesses.

Extrait de la conférence (2001) du père Jean Quéré à l'occasion du 850éme anniversaire de la fondation du couvent du Reposoir, intitulée : Jean d'Espagne

Le projet d'Aymon de Faucigny
Le chef de cette grande famille seigneuriale qui possède le territoire du Faucigny est à cette époque Aymon Ier, 3eme fils de Raoul ou Rodolphe Ier du Faucigny.
Le fils aîné Ponce est devenu Abbé du monastère de Sixt, et le deuxième Arducius est évêque de Grenoble, ce sera donc Aymon, le troisième fils qui héritera du Faucigny.
On l'appelle habituellement Aymon le Pieux ; il donnera en effet de nombreuses marques de sa piété : en 1.135 il fonda l'abbaye des Chanoines réguliers de Sixt, en 1.138 la chartreuse de Vallon à Bellevaux et en 1.151 celle du Reposoir.
Il prit part aussi à la deuxième croisade (1.146-1.148).
Aymon le Pieux qui, son surnom le dit, était un homme de Dieu s'était bien rendu compte que la vallée de Béol correspondait parfaitement au site idéal exigé pour la création d'une chartreuse : une vallée profonde et étroite, facile à contrôler et même à barrer. Il s'adressa donc une première fois à saint Anthelme Prieur de la Grande Chartreuse, pour lui demander la fondation d'une Chartreuse. Anthelme accepta l'offre, il demandait seulement que l'on y construisît quelques huttes pouvant accueillir provisoirement les premiers Chartreux et aussi leur servir de chapelle.
Mais le site était tellement sauvage et aride que les Chartreux ne réussirent pas à s'y maintenir. Aymon pourtant ne désespère pas ; une seconde fois il envoie des messagers auprès d'Anthelme pour solliciter la fondation d'une Chartreuse au fond de cette vallée.

"Ici est mon Reposoir"
Coïncidence ou geste providentiel? Jean d'Espagne vient justement d'arriver à la Grande Chartreuse, il est accompagné de quelques disciples venus avec lui de Montrieux et qui ne veulent pas l'abandonner.
Revenons à la chartreuse de Montrieux avec Jean d'Espagne, pendant la période qui précède son arrivée à la Grande Chartreuse.
Nous sommes en 1142 Jean a 19 ans : après une année de noviciat le voici admis à la profession religieuse.
À cette chartreuse Jean se vit confier l'emploi de sacristain, une occasion pour lui de se retrouver fréquemment dans l'église....
Vraisemblablement Jean fut ordonné prêtre en 1.146..... Il devint Prieur de ce monastère.
Mais il entra en conflit avec un seigneur du voisinage qui convoitait les terres du monastère qui avaient été mises en valeur.
"Ce fut alors que l'homme de Dieu, dit son biographe du Reposoir, craignant plus les torts que sa présence pourraient causer à ses disciples, que les provocations de son adversaire, jugea que le plus sage était pour lui de se rendre à cette voix de la sagesse éternelle : « Si l'on vous persécute dans un endroit, fuyez dans un autre, » (Mt 10,14).
Il prit donc le parti de se retirer à la Grande Chartreuse. Il n'avait gouverné Montrieux que pendant deux ans et demi. En apprenant sa résolution, plusieurs de ses frères moines sollicitèrent et obtinrent la faveur de partir avec lui et de partager son exil."
Saint Anlhelme, Prieur de la Grande Chartreuse, accueillit le Bienheureux avec tous les égards dus à la vertu persécutée. On ne sait pas au juste combien de temps Jean passa à la Grande Chartreuse. Il est des auteurs qui le font y séjourner plus d'une année ; son biographe se borne à dire qu'il y demeura pendant "quelque temps".

Revenons à Aymon Ier et laissons encore l'Abbé Falconnet nous raconter la scène.
"Les députés d'Aymon arrivent à la Grande Chartreuse juste au moment où Anthelme était le plus inquiet sur l'établissement des émigrés de Montrieux (Jean d'Espagne et ses disciples), il reconnut la voix du ciel dans l'humble supplique que les messagers d'Aymon lui adressèrent au nom de leur maître, et il y accéda avec empressement.
Anthelme reconnaît dans ces messagers une réponse du ciel à ses prières, il se hâte donc d'acquiescer à leur demande : Ayant abondamment pourvu le bienheureux Jean d'Espagne, d'argent, de vêtements, de livres et des autres choses indispensables, il les laissa partir, avec autant de regrets que de confiance, pour ce désert aride et glacial où leurs devanciers avaient échoué mais dans lequel l'oeuvre devait enfin prendre racine."

Le bienheureux Jean d'Espagne fut placé à la tête de la nouvelle communauté avec le titre de Prieur. Outre ses compagnons de Montrieux il emmenait avec lui d'autres pères qui avaient été choisis dans les différentes maisons de l'ordre. Selon le récit de l'abbé Falconnet tout se passe donc très précipitamment : les moines de Montrieux ne seraient sans doute restés que quelques semaines à la Grande Chartreuse. Il semble plus vraisemblable que le départ de cette délégation vers la vallée de Béol a du être longuement préparé : on ne réunit pas ainsi en quelques semaines une communauté de religieux issus de plusieurs monastères.
Chaque chartreuse a du être contactée et prendre le temps de réfléchir et de choisir les confrères les plus aptes à cette nouvelle fondation qui s'annonçait difficile. Il semble impossible par ailleurs que la communauté se soit installée sur un site aussi inhospitalier le 22 janvier en plein coeur de l'hiver. Il paraît évident que Anthelme, Jean d'Espagne et peut être aussi les Chartreux qui n'avaient pas réussi à s'établir précédemment en ce désert, se sont rendus à plusieurs reprises sur les lieux.
Sans doute même étaient-ils accompagnés d'Aymon de Faucigny en personne. On a ensuite certainement consulté les différents monastères pour y recruter les moines les plus compétents pour une fondation aussi difficile et aussi risquée.
Tout cela a dû demander plusieurs mois, une année même. Les annales cartusiennes nous disent d'ailleurs "qu'Anthelme était trop sage pour laisser partir la nouvelle communauté sans qu'Aymon eut promis de la garder sous sa protection et de travailler à faire disparaître tous les obstacles que l'on y avait rencontré précédemment."

Les déboires de Jean d'Espagne à Montrieux ont dû le rendre prudent, il n'exige donc plus seulement qu'on lui construise quelques huttes mais il demande en plus que tous les terrains avoisinants soient propriété de la Chartreuse, ainsi il n'y aura plus de problèmes avec les éventuels propriétaires Le "désert" sera dès l'origine propriété du monastère et personne ne viendra troubler la solitude des moines.
Le texte de la donation ne peut d'ailleurs être plus clair
« Je donne à l'ordre des Chartreux en possession entière et perpétuelle avec pleine exemption de toutes les charges et servitudes la vallée dite de Béol qui s'ouvre au nord-est sur le bassin de l'Arve... Je leur ai fait toutes ces faveurs afin qu'ils ne soient aucunement empêchés dans leurs saintes coutumes et manières de vivre... »

« Il ne fallait rien moins qu'un saint, dira l'abbé Falconnet, pour oser s'établir en ce lieu en sorte et que les délégués d'Aymon obtinssent sur place réponse à leurs instances » puis citant les paroles de Jean d'Espagne : « Eh bien, j'irai moi, j'irai avec bonheur habiter ce désert où mes frères n'ont fait que passer ».
"La nouvelle communauté eut à faire face à toutes sortes d'adversités, elle manquait des objets de première nécessité et ce ne sont pas les quelques bûcherons, qui vivaient eux aussi très pauvrement qui pourront les lui fournir."
Les Chartreux restaient malgré tout fidèles à leur vie de prière et de recueillement. C'est dans ce désert qu'ils rencontraient leur Seigneur.
"Tout était à créer au milieu de ce désert inhabitable et presque sans communication avec le monde habité. Il ne s'agissait pas seulement de trouver de la nourriture, il fallait aussi se préserver de tous les dangers et en particulier des bêtes sauvages.

Et c'est ce lieu sauvage et hostile que Jean d'Espagne appelle son "Reposoir."
Les Chartreux sont avant tout des hommes de prière mais pour survivre et pour s'installer il leur fallait aussi consacrer beaucoup de temps au travail : aménager les cellules délabrées datant de la première fondation, entreprendre de nouvelles constructions, déboiser et défricher pour préparer des terrains de culture...
Le premier monastère était situé au confluent des deux Forons mais les moines avaient repéré un peu plus haut un terrain mieux situé et c'est là qu'ils entreprirent la construction du nouveau monastère, de celui qui existe encore aujourd'hui.
Sans doute Aymon de Faucigny et quelques autres bienfaiteurs leur vinrent-il en aide mais Jean d'Espagne était l'âme de tous ces travaux.

Pratiquement nous ne savons rien sur l'avancement des travaux au cours de ces premières années. Ce qui est certain c'est que Jean d'Espagne donna un tel élan à l'établissement, à la construction du monastère et à tous les travaux que peu à peu des hommes vinrent habiter cette vallée devenue moins austère et plus accueillante. Jean avait semé. Longtemps encore il faudra défricher pour n'avoir les premières années que de bien maigres résultats, ce n'est qu'au bout de longues années que les hauts pâturages seront exploités et se couvriront de troupeaux de vaches et de chèvres, du moins au cours de la saison chaude.
Le fourrage indispensable pour les longs mois d'hiver devait sans doute se récolter sur les basses prairies arrachées à la forêt.

Des fermiers viendront s'installer dans les chalets d'alpage. Ce sont ces fermiers qui avec les ouvriers travaillant à la construction du monastère seront à l'origine du village du Reposoir.
Le travail était surhumain. Les Chartreux travaillent toute la journée, et se lèvent toutes les nuits pour l'office de matines : deux heures de prière nocturne, leurs jeûnes sont fréquents et leur alimentation très frugale. Peut-être les Chartreux tenaient-ils un journal de bord, mais il n'est pas arrivé jusqu'à nous.
Neuf années de travail surhumain, neuf années de jeûne et d'abstinence ont sans doute eu raison de l'organisme de Jean d'Espagne. Il meurt le 25 juin 1160 à 37 ans alors que le monastère est à peine installé et que les travaux se continuent. En ce temps l'espérance de vie atteignait à peine les quarante ans.
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