REUNION DES COMMUMAUTES EN 1539
Les comnuniers et habitants des communautés du Pâquier, des Carrets et des Chavonnes vexés,
méprisés, privés de leurs droits par ceux de la Tour de Trême, décident de fusionner pour mieux se défendre,
imitant en cela ceux des trois vallées des Waldstaetten qui se réunirent pour se débarrasser des baillis oppresseurs
en 1291.
Leur alliance se réalisa le 29 décembre 1539 avec l'assentiment du comte Jean II de Gruyères.
En ce jour mémorable, les quinze délégués cités ci-devant pour chaque communauté, sont réunis avec
le notaire Antoine de Myenciez, dans le but évident de se soutenir dans l'adversité et non dans l'intention
de fonder une commune autonome, irréalisable alors puisqu'elle ne fût fondée qu'en 1827. D'ailleurs, ni la
châtellenie de la Tour de Trême, ni son bourg n'interviennent dans cet acte, et sans que le territoire de
ladite châtellenie fut divisé.
Au point de vue administratif, rien ne fut alors modifié, la réunion ne concerna
que ce qui touchait à l'exploitation des fonds, les paiements dus par les communiers pour les frais d'administration
des communages, les redevances à payer par ceux qui exploitaient pour leur compte la troisième fleurie, etc.
Le gouverneur désigné chaque année devait accepter cette charge obligatoirement ou se faire remplacer
à ses frais, et sous sa responsabilité. Chacun devait se soumettre à ses décisions.
Les quinze délégués, cinq par communauté, devaient se réunir chaque année, le jour de la fête de
St Thomas, après la Nativité de Notre-Seigneur, pour nommer un nouveau gouverneur, pour la réception des communiers
et autres affaires importantes.
Le document du 29 décembre 1539 se termine comme suit:
" Promettons, en outre, nous les dessus nommés par notre serment sur les Saints Evangiles de Dieu,
corporellement touchés et sous l'expresse obligation de tous et un chacun nos biens meubles et
immeubles présents et à venir. Toutes les choses dessus et dessous écrites à gré et à ré sans y jamais contrevenir. "
LA RUPTURE DES CLOTURES
Au fur et à mesure que les terres furent affranchies, elles purent être divisées. Cependant la troisième fleurie
fut encore exploitée en commun ( les repais ) jusque vers le milieu du XIXe siècle,1850,ce qui obligea à établir
des clôtures ou à surveiller le "bétail en permanence.
La châtellenie comportant plusieurs communautés ayant leurs fonds entremêlés, de nombreuses difficultés
surgirent pour le broutage des repais. Parfois le voisin, pour se mettre à l'aise ne se fit pas de scrupule
en rompant les haies de la communauté attenante.
C'est ce qui arriva en automne 1562. Les communiers de la Tour de Trême se permirent de rompre les clôtures
séparant leurs terres de celles des communautés voisines de Prachaboud, les Albergeux et celle des Villages réunis.
Il s'en suivit un procès, le 16 février 1563. Des sentences sont prises contre les auteurs des méfaits.
Ont comparu pour les communautés lésées:
Jacques du Pasquier de Prachaboud, pour ce hameau
François fils de feu. François Morand pour les Albergeux
Puis Antoine fils de Valérien dou pasquier
François feu. Uldricus dou pasquier
Claude dou pasquier du Clos es Chastroz
François dou pasquier, son neveu Jacques dit Biolley es Garrets
Amey Péllicier des Carrets, communier forain.
LE RALLIEMENT DES ALBERGEUX ET PRACHABOUD
Les actes des vandales, qui rompirent les clôtures, eurent pour effet le ralliement des communautés de Prachaboud
et des Albergeux à celle des villages.
Dès l'année 1563, nous constatons en effet la présence de communiers des Albergeux et Prachaboud pour chaque
question concernant l'exploitation de leurs terres et de celles des villages.
Ce ralliement se fit automatiquement sans heurt, sans aucune protestation ni intervention d'autorité.
Cela pour la simple raison que rien ne fut alors changé dans l'administration de la châtellenie de la Tour
de Trême formant qu'un seul territoire, qu'une seule autorité, mais plusieurs associations d'exploitants n'ayant
pas à intervenir dans les affaires politiques, juridiques ou administratives.
LA REVANCHE
Si l'administration de la châtellenie n'eut ni les moyens ni la possibilité de contrecarrer cette annexion des
communautés des Albergeux et de Prachaboud à celle des villages du Pâquier, qui renforça la position de
ces derniers, elle put cependant, d'entente avec le bourg, prendre des mesures portant atteinte aux communautés
voisines.
Nous ne rappellerons pas les faits mentionnés au chapitre des forêts.
Par la suite, et sans cesse, des ennuis furent causés aux communautés des villages au sujet de l'exploitation
des repais. Elles furent tenues à payer injustement des frais de procès intentés à leur insu; en 1568 contre
la commune de Gruyères, en 1586 au couvent de la Part-Dieu et autres.
L'oppression se fait de plus en plus sentir. Le bourg de la Tour intente même un procès pour deux cochons venant
des Rougeoles et se régalant de glands sous les chênes de la forêt de Sauthaux (en décembre 1747).
LA CHATELLENIE - SON ADMINISTRATION
La châtellenie de la Tour de Trême était administrée par un châtelain et 14 jurés.
Aucun citoyen ou habitant des villages ne devint châtelain de la Tour dont il faisait intégralement partie.
Les quatorze jurés et le châtelain formant un corps de quinze administrateurs, les villages auraient dû avoir
cinq jurés au lieu de quatre, qui leur était accordés selon cette formule du tiers utilisée pour les sommes à verser
par eux.
Le bourg était administré par un syndic, un percepteur ou boursier, un huissier et un forestier.
La communauté des villages n'étant pas une institution publique, mais une simple association
d'exploitants, était administrée par un gouverneur qui en cas de nécessité faisait appel à un scribe, à un
clerc ou à un notaire pour la correspondance. Ceux-ci commirent des erreurs; ne connaissant pas la
situation exacte de la communauté. Ils usèrent du mot commune dans certains de leurs écrits, ce qui
provoqua des confusions et des fausses interprétations.
Le sens du mot communauté n'est pas du tout le même que celui de commune, désignant une agglomération ayant
un territoire déterminé et connu, sachant jusqu'où s'étend son pouvoir et connaissant ses sujets et ses personnes
imposables.
La communauté des villages était durement soumise à la tutelle de la châtellenie et de son bourg, lui créant
constamment des difficultés.
En 1666, la commune de la Tour de Trême adresse une pétition à Leurs Excellences de Fribourg sur le comportement
de la communauté des villages du Pâquier à son égard soit:
1) Les gens des villages doivent se rendre à la Tour et non à Gruyères pour la réception des baillis,
2) La Tour entend que toutes les affaires des villages -passent par son administration.
3) La Tour veut que ceux des villages participent aux travaux de réparation des portes et de la tour du bourg. (Cette commune s'impose donc à la communauté.)
Le 25 oct. 1666, la communauté des villages répond en résumé ce qui suit par l'entremise d'un clerc :
1) Les villages du Pâquier obéissent au souverain en se rendant à Gruyères en armes pour la réception
des baillis.
2) Ceux du Pâquier vont à Gruyères livrer leur blé. Dès qu'il leur est payé, ils acquittent au bailli
leur redevance, pour ne pas falloir payer à la Tour des frais inutiles de transmission.
3) Ceux des villages n'ont jamais été tenus de payer des frais pour les murailles de la Tour de Trême et
de sa tourelle, qui ne peuvent être considérées comme des travaux de défense.
Deux commissaires vinrent de Fribourg constater l'état des murailles, ils ne virent qu'une petite tour s'élevant
sur une pointe de rocher, où se trouve de nos jours une horloge.
En 1726, les miliciens astreints au tir, de la communauté des villages du Pâquier demandent à leurs
Excellences de Fribourg de pouvoir organiser eux-mêmes les exercices près de la forêt de Sauthaux et de recevoir
directement de Fribourg la pièce de drap livrée comme indemnité au prorata du nombre des tireurs, cela sans falloir
passer par l'entremise de la Tour de Trême.
Le 4 mars 1726, E E répondent favorablement à ces deux demandes, la Tour doit s'y soumettre, mais elle
exige qu'on lui présente le mandat dûment signé.
Le 30 juin 1748, la communauté des villages charge le commissaire Chollet de Moudon, d'adresser une supplique à EE
afin que les reconnaissances des particuliers ne soient pas effectuées par les gouverneurs de la Tour sans la
participation des jurés des villages.
Relevons ce qui suit à propos de cette supplique.
1) Elle est rédigée par un commissaire qui n'avait aucune idée de l'exacte situation des villages dans la
châtellenie.
2) Les villages ne formaient pas une commune autonome du moment que c'est sa voisine La Tour qui veut,
elle seule, effectuer les reconnaissances.
3) Le Pâquier n'avait donc pas une administration distincte comme l'entend le commissaire Chollet.
C'était simplement une communauté formée d'exploitants ayant un gouverneur pour l'administrer, sans
conseil, sans secrétaire puisque ce fut Chollet qui rédigea la supplique.
D'autre part, la châtellenie ne formait qu'un seul territoire, administré politiquement par l'autorité du bourg.
de la Tour de Trême, ce qui est prouvé par la supplique du Pâquier qui n'aurait pas eu de raison d'être dans le
cas contraire. D'ailleurs la communauté des villages n'avait pas de territoire délimité, ce qui est attesté par les
réclamations des paroisses.
Comment une commune peut-elle exister sans territoire, sans savoir à qui elle peut s'adresser pour son
administration ?
Les citoyens eux-mêmes de cette communauté ne connaissaient pas sa réelle situation vis-à-vis de la Tour de Trême.
Il faut disséquer les documents pour s'en rendre compte.
Le 8 avril 1748, l'évêque Joseph-Hubert de Boccard doit prendre une décision au sujet des habitants du
Bévaret qui ne savent pas de quelle paroisse ils font partie, car aucune limite n'existe entre celle de
Gruyères et de la Tour de Trême, de là jusqu'au Moulin de la Trême, sur quatre kilomètres.
FONDATION DE LA COMMUNE DU PAQUIER
Avant l'année 1539, les trois communautés du Pâquier, des Carrets et des Chavonnes ne formaient pas
trois communes autonomes, mais de simples associations d'exploitants.
L'acte de 1539 n'a pas eu pour but de fonder une commune, mais simplement de réunir les trois
communautés sus mentionnées.
En 1563, les deux communautés des Albergeux et Prachaboud se rallient à celle du Pâquier uniquement
pour ce qui concerne l'exploitation des terres. Absolument rien n'est changé dans l'administration de la
châtellenie de la Tour de Trême, d'ailleurs, cette annexion ne soulève aucune réclamation, ne fait l'objet
d'aucune décision des autorités supérieures.
En 1750, soit le bourg de la Trême, soit la châtellenie prétendent encore imposer leur autorité sur les
villages par leur protestation.
Les paroisses réclament. Ceux des villages se délivrent peu à peu de la tutelle de la Tour pour leurs
relations avec les baillis.
En 1825, un projet de séparation entre le Pâquier et la Tour de Trême est établi.
Monsieur le Révérend doyen Fracheboud de Gruyères et Doutaz procureur du clergé adresse au Préfet
de la Gruyère une protestation au sujet d'une délimitation entre la Tour et la communauté des villages du
Pâquier, qui aurait pour effet d'amoindrir l'étendue de la paroisse de Gruyères en attribuant à la Tour des
ménages faisant partie de ladite paroisse.
Le 17 mai 1827 après de longs débats et plusieurs visions locales, la séparation est enfin ratifiée par
un arrêté du Conseil d'Etat.
Son premier Conseil communal fut nommé en 1832.
Le 27 oct. 1828, les conventions établies précédemment pour l'exploitation des terres sont abrogées.
Ce chapitre peut être clos en relevant ce que dit le dictionnaire historique de la Suisse au sujet de la
commune du Pâquier: " Le Pâquier formait une châtellenie avec la Tour de Trême et suivit les destinées de cette
dernière. Il en fut séparé en 1827."
CONCLUSIONS
Par l'acte d'avril 1341, déterminant les fonds des communautés du Pâquier à cette époque, nous savons
qu'ils s'étendaient plus en amont qu'à nos jours.
En faisaient partie les Praz de la Joux, Fontanetta, les Praly, les Pleins et autres vers le ruisseau des
Carrets qui furent soustraits par le bornage de 1827.
La commune reçut en échange cette bande de terre allant du ruisseau des Albergeux- Prâ-Novi jusque
vers la Trême, soit les fonds de ceux qui se rallièrent à la communauté des villages en 1563 lors de
difficultés causées par la rupture des clôtures.
Ces fonds enchevêtrés furent sans cesse les motifs de chicanes en compliquant à l'extrême l'exploitation
des repais (1) broutés en commun jusqu'au début du XIXe siècle.
Les animosités eurent des répercussions dans les relations entre les villages et le bourg de la Tour
de Trême, celui-ci leur créant des ennuis dans les procès, l'exploitation des forêts et autres.
Il en résulte encore des ennuis de nos jours, pour les voies de communication, le téléphone, dont
les numéros ne sont pas inscrits à la commune de résidence. Il serait combien préférable d'en revenir
aux anciens fonds mentionnés à l'acte de 1541.
Les bonnes relations qu'entretiennent les deux communes voisines permettront peut-être d'adopter une
situation plus logique. Voir à ce sujet la carte du 25.000 ème.
(1) herbe après les "regains" qui désignent la 2de fenaison.
|
|