Une étoile filante dans le paysage de l'art.
C'est l'oeuvre de Jean-Michel Basquiat, dont le Musée d'art moderne de la ville de Paris offre une rétrospective à l'occasion du 50° anniversaire de sa naissance. Plus de 150 oeuvres, pour la plupart de très grands formats, sont exposées dans un espace clair et lumineux.
Propulsé à 21 ans sur la scène internationale, sa notoriété s'enflamme aussi rapidement que dure sa brève vie. Cet artiste hors du commun et inclassable nous laisse une oeuvre immense, complexe et personnelle. Mystérieuse et presque aussi indéchiffrable que son répertoire de symboles, pictogrammes et hiéroglyphes qui recouvre ses toiles et dessins, directement inspirés de l'art du graffiti par lequel il s'est fait connaitre.
Artiste de couleur à New-Yok (né d'un père haïtien et d'une mère portoricaine), il est de cette gérération de graffiteurs qui explose dans les années 70, et signe ses oeuvres avec son ami Al Diaz, sous le label Samo ("Same old shit").
N'ayant pas de quoi acheter du matériel de peinture, Jean-Michel s'exprime sur tout ce qui lui passe sous la main, dans l'urgence du message à délivrer (frigidaire, casque, encadrements de fenêtres, etc).
La renommée vient le saisir brutalement, et tout s'enchaîne. Né dans la rue, il se retrouve propulsé dans le monde du musée. En 1982, Annina Nosei organise dans sa galerie New Yorkaise, la première exposition personnelle de l’artiste aux Etats-Unis. De là pleuvent les propositions et les expositions internationales.
Son vocabulaire? La rue, d'où il vient. Les voitures, les immeubles. Son oeuvre est bruyante, comme une fenêtre qu'on aurait laissée ouverte sur une rue. Les animaux abondent aussi, tout comme les masques africains, répertoire ethnique de l'artiste, mais aussi les vanités, crânes menaçants qui témoignent de son obsession pour la mort.
Jean-Michel peint à la bombe aérosol (de son oeuvre de graffiste), l'acrylique, le pastel, le plâtre, le bitume, la feuille d'or ou au simple stylo bille. Il gratte, colle, écrit, repeint par-dessus, superpose les couches, insère des photocopies de ses dessins. On pense à Picasso, l'art africain, égyptien, au pouring et dripping de Pollock.
La poésie de son oeuvre tient de la large part d'écriture, comme si la toile était un carnet intime dans lequel il griffonne ses pensées immédiates. Inspiré de la bande dessinée, du tag, du hiéroglyphe, les mots sonnent et reviennent comme des refrains, et évoquent le rap et la culture hip hop. En mai 1979, Basquiat fonde le groupe « Gray » qui s’apparente à la Noise Music, une
combinaison dans l’esprit Punk, de Jazz et de Pop. Il réalise des toiles en hommage à de grands jazzmen noirs des années quarante.
Mais le tournant de sa vie se fait lorsqu'il rencontre Warhol, avec qui il collabore sur une centaine d'oeuvres, de 1984 à 1985. Avec Warhol s'ouvre une nouvelle vie, celle de la jet-set, de la célébrité et de la drogue. Un regret? Le politiquement correct de l'exposition, qui n'évoque jamais le caractère angoissé et solitaire de l'artiste, qui, quand Warhol décède en 87, perd son seul ami, et se laisse descendre aux enfers. Les pattes de corbeau dans ses dernières oeuvres évoquent comme en prémonition le drame qui va suivre, comme le vol des corbeaux au-dessus du champ de blé d'un Van Gogh qui faisait ses adieux à la vie. Pas d'évocation non plus de la difficulté de reconnaissance pour un artiste métisse à New York, aujourd'hui l'un des plus chers au monde.
Une exposition historique, en somme. Touchante, personnelle et bien mise en scène, dans un parcours chronologique basique. Incontournable.
Anaïs Ripoll
Infos pratiques:
Basquiat, musée d'Art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011
Tél : 01 53 67 40 00
Tarif : varie de 5€ à 11€
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