A Paris, quand les feuilles virevoltent et que le froid revient, certains se réjouissent car s'annonce la saison des photographes et autres photophiles...Porte de Versailles, du 4 au 8 novembre, le Salon de la photo ouvre le bal. Les grandes marques proposent aux professionnels et amateurs de faire leurs courses de Noël : les nouveautés sont disponibles pour un essai ou à emporter, à grand renfort de zéros sur la facture.
Pendant que les fanatiques de matériel comparent leurs gros objectifs, dans la salle de conférence, l'ambiance est studieuse. L'artiste japonaise Kimiko Yoshida est présentée au public le dimanche par un Hervé Le Goff, (journaliste photophage), sous le charme. Née à Tokyo en 1963, elle fuit le Japon en 1995, pour échapper aux dictats paternels et trouve refuge à l'école nationale supérieure de la photographie d'Arles où elle commence à développer ses séries d'autoportraits en format carré, fruits du décalage culturel entre l'épure japonaise et le baroque européen. Le principe de ces « monochromes ratés » est l'idée de soustraction : en se maquillant (quatre heures de préparation pour chaque image, un rituel méticuleux qu'elle appelle « la cérémonie de disparition »), l'artiste efface ce qu'elle est, soustrait sa personnalité et met son corps au service du personnage qu'elle endosse, à la manière d'une geisha. Mais, son travail n'est pas pour autant dénué de revendications : Marry me présente sa haine et son refus de l'emprisonnement de la femme dans un mariage forcé, le sien ayant été le moteur de sa vocation artistique. Elle développe plusieurs séries aussi esthétiquement parfaites les unes que les autres, dont Là où je ne suis pas, exposée à la Maison Européenne de la Photographie en septembre dernier.
Paris Photo, du 17 au 20 novembre 2010 au Carrousel du Louvre, met aussi à l'honneur la japonaise, au cœur du stand d'Actes Sud, son éditeur. Mais, en flânant au milieu de la centaine d'exposants présents, on a la sensation que la problématique soulevée par Kimiko fait écho à celles développées par d'autres femmes photographes.
Fabricius Anna est une artiste hongroise née en 1980 qui est exposée par la Ráday Gallery de Budapest dans la section Statement qui accueille ceux que l'édition 2010 de la foire photographique parisienne a souhaité mettre à l'honneur : une sélection de 8 galeries provenant de Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie qui présentent des artistes émergents nés dans les années 1960, 1970 et 1980. Autre pays, même revendications : la série de portraits Háztartási Anyatigris d'Anna, en français Tigresses au foyer, présente avec ferveur et humour, des femmes au foyer loin d'être désespérées, mais conquérantes. Maman lange bébé et manie la machette. La femme est perçue autrement. Ni mamie Nova, ni Beetie Boop. Elle travaille, est indépendante et s'occupe des gosses mais ne brûle plus son soutif parce que, bon, c'est un Chantal Thomas imprimé léopard...Quand même...
Si le langage photographique diffère, une constante demeure : si la femme porte l'appareil photo, à Paris en ce mois de novembre, c'est elle qui mène la danse.
Sidonie Gaychet
http://www.kimiko.fr
http://www.fabriciusanna.com/
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