La Libération
Le 1er octobre 1944 la télévision française après la libération de Paris se réorganise progressivement. Quelques émissions sont provisoirement diffusées en circuit fermé dans les locaux de Cognacq-Jay. En 1945, après restitution du sommet de la tour Eiffel par les troupes américaines, les émissions de la télévision française reprennent avec une définition variant de 441 lignes pour les téléviseurs Telefunken à 455 lignes pour les appareils français de marque Grammont et CDC, en fonction des équipements de tournage. Le 5 juin 1947 voit s'établir le premier direct en dehors des studios, depuis le théâtre des Champs-Élysées à Paris.
Institutionnalisation
En 1948, la télévision diffuse six cents heures de programme par an, soit en moyenne 1 h 38 min quotidiennes.
Le 20 novembre 1948 la France choisit officiellement la haute définition pour son réseau national en constitution, fixée par le décret signé par le ministre Mitterrand à 819 lignes. La norme exploite l'image positive et la modulation d'amplitude.
Les émissions télévisées de la Radiodiffusion française commencent fin 1949 dans cette haute définition, avec un programme limité à une heure par jour au début, distincts du programme diffusé en 441 lignes.
La France est l'un des rares pays à adopter cette norme à 819 lignes, avec ses voisins immédiats en langue française, Luxembourg avec Télé Luxembourg en 1955, Monaco avec Télé Monte-Carlo dès novembre 1954 et la Belgique francophone avec la RTB dès 1955.
RTF : Radiodiffusion-Télévision Française
Le 9 février 1949 l'organisme officiel de Radiodiffusion française « RDF » devient la Radiodiffusion-télévision française « RTF ». Pour la première fois au monde, le 29 juin 1949, un véritable journal télévisé quotidien est créé par Pierre Sabbagh. Aucun présentateur n'est présent à l'antenne, les actualités filmées sont uniquement commentées en direct, en « voix-off ». L'équipe est composée de Gilbert Larriaga, Pierre Dumayet, Pierre Tchernia, Jean-Marie Coldefy, Georges de Caunes, Denise Glaser, Jacques Sallebert, Roger Debouzy, Claude Loursais, Claude Darget, Jacques Anjubault. On compte trois mille récepteurs, ce qui à l'époque fait de la télévision un média de luxe.
Après Paris, le 25 avril 1950 la commune de Lille est la seconde ville de France à être équipée d'une station émettrice de télévision. Le studio et l'émetteur sont installés au sommet du beffroi de l'Hôtel de Ville et les émissions, reçues jusqu'en Belgique, comportent même un programme en flamand. On estime le parc de l'époque à 3 500 téléviseurs, essentiellement en Île-de-France. Les émissions de la tour Eiffel et du Beffroi couvrent à peine 10 % du territoire national.
En 1951, Lille est reliée à Paris par un faisceau hertzien, ce qui permet dès lors de relayer le programme national, tout en conservant quelques émissions locales, avant ou après celles de Paris. En mars 1951 la commune de Nogentel voit la naissance du premier télé-club français, expérience télévisuelle collective.
Au début des années 1950, l'émergence des télé-clubs à l'instar des ciné-clubs permettent d'équiper la province et les zones rurales du Nord de la France, notamment à l'initiative d'enseignant. Ces clubs remportent un franc succès avant que le téléviseur soit accessible au plus grand nombre des foyers.
L'année 1952 voit le lancement de l'émission animalière La Vie des animaux de Frédéric Rossif et Claude Darget ainsi que de l'émission de variétés La Joie de vivre d'Henri Spade présentée par Jacqueline Joubert. En juillet 1952, en vue du couronnement de la reine Élisabeth II, une « semaine franco-britannique » est organisée à Paris. La BBC et la RTF mettent en oeuvre les moyens techniques permettant d'échanger des émissions vidéo avec des définitions différentes : à Lille, une caméra anglaise à 405 lignes capture l'image affichée par un écran moniteur à 819 lignes à tube cathodique spécial. Le signal est envoyé à Londres via un faisceau hertzien Calais-Douvres. Grâce à ce même « convertisseur », les téléspectateurs en 441 lignes, jusque-là limités à des vieux films et des émissions de plateau, peuvent désormais voir le même programme que ceux en 819 lignes, composé de variétés, de directs sportifs, du journal télévisé, etc.
En 1953, la première émission littéraire Lectures pour tous de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet est lancée. De même, l'émission de variétés 36 chandelles de Jean Nohain et La Séquence du spectateur de Claude Mionnet présentant des extraits de films de cinéma. Cette seconde émission va rester très longtemps à l'antenne, jusqu'en 1989, sur la chaîne TF1.
L'événement marquant du 2 juin 1953 est le couronnement d'Élisabeth II, retransmis en noir et blanc, en direct par la RTF. Le beffroi de l'hôtel de ville de Lille est le « centre nodal » du réseau avec la conversion des images anglaises à 405 lignes en 819 lignes vers Paris, qui les reconvertit dès lors en 441 lignes puis vers la Belgique francophone, et enfin en 625 lignes, vers la Belgique flamande, l'Allemagne et le Danemark. À Strasbourg, le 30 septembre 1953 un émetteur local est inauguré en urgence rue Lauth, près de la place de Bordeaux, en plein centre de la ville, de crainte que les Alsaciens dont certains ont déjà pu suivre le couronnement depuis l'émetteur de Baden-Baden, ne s'équipent de téléviseurs allemands en 625 lignes, ne pouvant pas encore permettre la réception de la RTF. Ce troisième émetteur français, après Paris Tour-Eiffel et Lille Beffroi, entre dès lors en service et reste opérationnel jusqu'au lancement du puissant émetteur TV de Nordheim-Strasbourg, qui le remplace en 1965.
La France est l'un des membres fondateurs le 6 juin 1954 de l'Eurovision ; ce jour-là, des téléspectateurs de l'Europe assistent à la Fête des narcisses et ses chars fleuris, à Montreux.
L'année 1954 voit apparaître sur le petit écran différents événements télévisuels parmi lesquels on note le rendez-vous du cirque La Piste aux étoiles de Gilles Margaritis et Pierre Tchernia. Seulement 1 % des ménages français possèdent une télévision. En octobre 1955 le Service des dramatiques de la RTF est désormais dirigé par André Frank, homme de théâtre et auteur de La Dramaturgie et l'image à la télévision (L'Écriture par l'image, UNESCO, 1970). Le déploiement des émetteurs régionaux se poursuit avec Lyon sur la tour de Fourvière et celui de Marseille sur le massif de l'Étoile, lequel est capté jusqu'à Avignon, Nîmes et Montpellier. Sur la Côte d'Azur, la RTF est devancée par la mise en service de la chaîne monégasque Télé Monte-Carlo, également en 819 lignes, et captée jusque dans les quartiers hauts de Marseille et dans le nord de la Corse. Ces émetteurs sont complétés en 1955 par les relais locaux de Reims, Nancy et Grenoble, puis du puissant émetteur de Lyon Mont Pilat, reçu dans la vallée du Rhône, le Sud de la Bourgogne, une partie des Alpes et du Massif central.
Dans l'est de la France, en plus de la concurrence télévisuelle germanophone, la RTF doit désormais affronter celle de Télé-Luxembourg en français dont le puissant émetteur 819 lignes de Dudelange est capté au delà de Reims, Épinal et l'ouest de Strasbourg. L'année 1956 compte cinq cent mille récepteurs de télévision.
À Paris sur la tour Eiffel l'ancien émetteur 441 lignes toujours en fonction est victime d'un incendie le 3 janvier, lequel devait fonctionner jusqu'en 1958 et ne sera pas réparé. Ses téléspectateurs pionniers sont indemnisés pour l'achat d'un récepteur 819 lignes.
Suite