Si le programme du week-end est effectivement tout-à-fait passionnant, le choix du lieu n'en a pas moins son importance. Forte de sa première expérience l'an passé, Astronomie Côte Basque, sous la houlette dynamique de son président Philippe Beauchamp, réédite la manifestation intitulée en 2007 Star Party et rebaptisée cette année en Rencontre transfrontalière d'astronomes amateurs (RTAA). Le bouche-à-oreille a fonctionné, et ce ne sont pas moins de onze associations et 80 participants qui se réunissent dans le cadre prestigieux du château d'Abbadia, propriété, faut-il le rappeler, de la fondation de l'académie des sciences puisqu'il a servi d'observatoire astronomique jusqu'à une date récente, notamment grâce à sa lunette méridienne. Deux astronomes y sont conviés pour l'occasion, l'un français, Dr Vincent Coudé du Foresto, qui donnera une conférence sur les relations entre les astronomes professionnels et amateurs, et le deuxième espagnol, Dr Xavier Barcons, qui évoquera le présent et le futur de l'astronomie européenne. Les Espagnols sont venus en nombre, en particulier Astro-Cantabria de Santander et Arantzadi du musée des sciences Miramon de San Sébastian. Mont de Marsan expose sa maquette et présente son étude fort poussée du site de Stonehenge, tandis que le club de Lourdes présente ses activités très tournées vers la jeunesse.

Vincent Coudé du Foresto évoque le quotidien de la vie d'un astronome. En réalité, dans le meilleur des cas, il ne consacre même pas 50% de son temps à l'astronomie. Il lui faut avant toute chose trouver des fonds pour ses recherches, et donc préparer des projets et budgets prévisionnels. Contrairement à l'astronome amateur qui peut refaire des observations et des expériences effectuées par d'autres, l'astronome professionnel se doit d'innover en permanence, autant sur le sujet de ses études que sur le mode opératoire. L'intérêt en est évalué par une commission formée par ses pairs et les pourvoyeurs de fonds, auxquels il présente un dossier la plupart du temps anonyme, pour ne pas influencer leur décision. Une fois le sujet accepté, il doit effectuer une demande de temps d'observation auprès d'un des grands observatoires (très peu nombreux) situés notamment au Chili, Hawaï, les Canaries ou la Californie. Là aussi, il faut qu'il sache, non seulement ce qu'il veut observer, comment il veut l'observer (dans quelle longueur d'ondes, avec quels instruments), mais aussi quel résultat il veut obtenir ! En bref, il ne peut pas chercher s'il ne sait pas à l'avance ce qu'il veut trouver. Comme ces télescopes sont très demandés, un arbitrage se fait en fonction de l'intérêt comparé de sa recherche par rapport à celle de ses collègues et concurrents, et les cinq jours d'observation demandés se réduisent parfois comme peau de chagrin pour se transformer en une demi-nuit...

A ce sujet, il évoque tout le temps perdu en acheminement : 15 heures de vol pour le Chili, plus 1000 Km sur route, piste et chemin de montagne pour parvenir au sommet d'un pic situé dans un environnement désertique très beau dont il ne pourra jamais profiter. En effet, si le temps est propice à l'observation, il travaille toute la nuit, dort la journée, déjeune en fin d'après-midi pour recommencer à travailler la nuit suivante dans un bunker hors du temps, devant une panoplie d'ordinateurs et de machines électroniques (et plus du tout l'oeil rivé au bout du télescope, comme cela se faisait encore il y a plusieurs dizaines d'années). S'il fait mauvais... il ne peut pas sortir, et il n'y aura de toute façon aucune vue.

Il arrive qu'ils soient à ce point déconnectés de la réalité que tout défaut constaté dans l'image et la transcription informatique de l'observation d'un objet céleste soit automatiquement attribué à un problème technique (très fréquent, vu la multiplication et la complexification de toute cette machinerie)... et qu'ils en oublient qu'il puisse tout simplement y avoir des nuages, un orage, une tempête, ou un incendie. Dans cette dernière alternative, ils doivent se tenir prêts à décamper au plus vite tant que la route de montagne n'est pas coupée. Même si l'incendie se trouve sur une montagne voisine, les fumées, poussières et cendres en suspension peuvent perturber les observations en formant un nuage opaque au-dessus des lentilles d'observation. Les éclairs sont également craints pour les perturbations qu'ils peuvent apporter dans toute l'électronique excessivement délicate, mais aussi lorsqu'ils s'abattent sous forme de foudre sur les circuits. Il se trouve toujours une prise que l'on a oublié de débrancher par laquelle elle circule et détruit des appareils. Pour revenir aux trajets en avion, la communauté d'astronomes est très réduite (10 000 personnes dans le monde entier), mais circule toujours sur les mêmes lignes, et il est très fréquent que plusieurs astronomes se trouvent le même jour dans le même avion. "Nous sommes comme la jet set, sauf que nous ne sommes ni beaux, ni riches !" plaisante-t-il.

Il compare l'ambiance entre l'observatoire du Mont Wilson, près de Los Angeles, et celui du Cerro Paranal. Le premier a sa préférence, bien que les appareils y soient bien moins perfectionnés, car il a, à ses yeux, une grande valeur historique, des astronomes réputés y sont passés, et l'ambiance y est excellente et décontractée dans un cadre de verdure magnifique. C'est là que Edwin Hubble a découvert que certaines nébuleuses étaient en réalité des galaxies situées en dehors de la Voie Lactée, et qu'il a constaté un peu plus tard que notre univers était en expansion (les galaxies qui nous entourent semblent nous fuir). Au Cerro Paranal, c'est tout le contraire. Situé à très haute altitude, la piste se couvre d'asphalte pour éviter le moindre soulèvement de poussière. Un poste de contrôle filtre les entrées et le garde attribue au visiteur une carte magnétique où sont enregistrés les lieux autorisés et horaires d'accès. Si l'on passe la carte dans un lecteur au mauvais moment, la porte ne s'ouvrira pas. 300 personnes y travaillent, mais ce sont surtout des ingénieurs et techniciens et peu d'astronomes. Des gardes vêtus de noir circulent à l'extérieur, dont l'accès est parfaitement interdit la nuit, pour ne pas troubler par des vibrations importunes le fonctionnement des appareils hypersensibles. Vincent annonce au passage la sortie prochaine du dernier James Bond dont l'action se situera justement à l'observatoire, où résident "les méchants". L'abus de contrôle (indispensable, au demeurant) nuit à l'ambiance, et l'éloignement du site fait que les astronomes s'y déplacent rarement et préfèrent demander qu'on leur communique par Internet les informations récoltées sur les ordinateurs selon le protocole qu'ils ont demandé. De même, beaucoup de réunions internationales s'effectuent sans déplacement, au moyen de téléconférences et téléconcertations grâce à la vidéo et Internet.

Un astronome doit aussi obligatoirement présenter le résultat de ses recherches, qu'il teste d'abord souvent devant un auditoire restreint de ses pairs lors de conférences et ateliers-débats, avant leur rédaction définitive en vue de leur publication dans des revues professionnelles. Celles-ci en contrôlent le contenu, la validité et la nouveauté en commission et en soumettant préalablement l'article à d'autres astronomes (toujours anonymement), et font une recherche approfondie pour s'assurer qu'aucun prédécesseur dans le monde n'a déjà étudié un sujet semblable assorti des mêmes conclusions. Cela peut durer quelques mois. Enfin, l'article est publié, gage de son activité effective et garantie pour trouver des fonds supplémentaires pour ses recherches ultérieures.

Outre ses publications, il doit diffuser les connaissances acquises lors de ses recherches en effectuant des conférences auprès du public et des étudiants, ou en dispensant des cours en université d'été pour doctorants et thésards. Vincent Coudé du Foresto se réjouit que l'astronomie soit une des rares sciences que des amateurs puissent pratiquer aisément. Il la compare au nucléaire par exemple, qui ne peut absolument pas être expérimentée en dehors du domaine professionnel. Ainsi, les amateurs constituent une véritable courroie de transmission de la connaissance astronomique, contribuant grandement à la diffusion des sciences dans le grand public et parmi les scolaires.

Xavier Barcons, quant à lui, nous fait prendre conscience que l'Europe a un rôle leader dans certains domaines, et très important dans d'autres. Il décrit la grande variété d'observatoires que les astronomes de ses pays membres peuvent utiliser, et les grandes avancées qu'ils ont permis de faire, notamment dans le domaine de la recherche et de nos connaissances sur l'univers. Cela remet un peu en question l'opinion que nous en avions, troublés comme tout le monde par l'efficacité de la communication américaine qui laisse croire que, hors de la Nasa, il n'y a point de salut. Nous en dépendons cependant (mais également des Russes), pour la construction de l'ISS, la station spatiale internationale dont des élèves du lycée Ramiro Arrue de Saint Jean de Luz, avec l'aide de l'animateur d'Astronomie Côte Basque, Jacques Auriau, et sous la houlette du professeur de mathématiques Christiane X. construisent au fur et à mesure de son avancement une maquette à partir d'objets de récupération, grâce à un logiciel avec lequel ils suivent au jour le jour la progression.

Le Journal du Pays Basque
Rencontre sous les étoiles au Château d'Abbadia

15/10/2008

Antoinette Paoli

Samedi 18 octobre la société d'Astronomie Populaire de la Côte basque organise les 2es Rencontres Transfrontalières d'Astronomie Amateurs. Tous les passionnés se retrouveront au Château d'Abbadia à Hendaye.

Cette manifestation est gratuite et ouverte à tous et s'inscrit dans une dynamique d'échange et de transmission de connaissances scientifiques, un véritable lieu de rencontre privilégiée entre le grand public et les amateurs passionnés d'astronomie.

En partenariat avec l'Académie des sciences, cette manifestation propose de réunir les astronomes amateurs des deux côtés de la Bidassoa, et de montrer que l'astronomie peut être un loisir accessible à tous. Les clubs d'astronomie de Pau, Lourdes, Dax, Mont-de-Marsan, Donostia, Bilbao et Santander seront de la partie pour cette journée de rencontres.

«La société d'Astronomie de la Côte basque a trente d'années d'existence et s'est orientée au fil des années vers la pédagogie» explique Philippe Beauchamp, président de l'association ; «on est très présent en milieu scolaire, du primaire au collège, et on a même installé une base permanente au collège Albert Camus à Bayonne. Un animateur parcourt le Pays Basque intérieur pour aller à la rencontre d'adolescents qui se prennent de passion pour la découverte du ciel et de ses mystères.» L'association dispose de quatre télescopes de 100 et 300 millimètres pour l'observation du ciel.

L'Ouverture se fera à 14h avec des ateliers, des vidéos et des exposés autour de maquettes pédagogiques, spécialement conçues par les membres de l'association.

Deux scientifiques, de l'Observatoire de Paris et de l'Instituto de Fisica de Cantabria, animeront des conférences thématiques. Et le soir, à partir de 22h, dans le parc du château, les noctambules pourront observer le ciel, et faire connaissance avec Cassiopée et d'autres constellations.

info : www.astrobasque.com

Cathy et Jean-Louis
Abbadia - Rencontre transfrontalière d'astronomes amateurs
18 et 19 octobre 2008