Etre
humain, qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce qu'une personne, atteinte
de démence (*) car elle souffre
de la maladie d'Alzheimer, perd de ce fait sa qualité d'être humain
? Quel comportement adopter,
face à une personne qui a perdu la faculté de communiquer ? Cela signifie-t-il
qu'elle a perdu toute capacité de réflexion, toute sensibilité ? La
famille doit-elle culpabiliser de confier le ou la malade à un établissement
spécialisé
? Est-il préférable de le ou la garder dans son environnement familier
?
(*) En médecine, affaiblissement psychique profond, global et progressif qui altère les fonctions intellectuelles basales et désintègre les conduites sociales.
Bernard Caupenne, médecin coordinateur à la maison de retraite Egoa de Bassussarry, anime depuis trois ans des réunions d'information sur la maladie d'Alzheimer à l'attention des familles des malades et du public. A ses côtés, se tiennent Jean-Louis Belmar, directeur de l'EHPAD Egoa (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), Mme Faure, infirmière, et Katia Crabe, géronto-psychologue. Sept femmes sont venues l'écouter, six d'entre elles ayant leur mère atteinte de cette affection. L'une d'elle raconte que sa mère semblait mourante il y a trois ans, et pourtant, elle vit toujours. Une autre constate que sa mère a conservé sa personnalité anxieuse et solitaire, et elle félicite les membres de l'établissement Egoa de ne pas la forcer à faire ce qui la déstabilise.
En
préambule, Bernard Caupenne indique que cette réunion
a pour thème la maladie d'Alzheimer. Il veut apporter son soutien
aux
"aidants" et leur offrir l'opportunité de poser des
questions sur ces problèmes de démence et d'évolution
de la maladie. Il veut aussi expliquer ce qui est fait au sein de
l'EHPAD Egoa pour ces personnes en fin de vie, pour
ces résidents qui ont pour spécificité d'avoir
du mal à s'exprimer
et à
dire leurs besoins. - Encadrés :
Textes en marge de photos de pensionnaires affichées au mur dans le
couloir
qui mène de l'accueil à la salle de séjour de la maison de retraite
Egoa.
- Photos : Barthes de la Bidouze près de Guiche, balade naturaliste
pour la journée des zones humides du 2 février 2012. -
En premier lieu, il expose le cadre législatif qui se compose de trois lois.
La loi n° 99-477 du 9 juin 1999 vise à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. C'est une grande première pour la France. Elle spécifie dans son Titre Ier - Droits de la personne malade : Art. L. 1er A. - Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Art. L. 1er B. - Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Art. L. 1er C. - La personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique.
La loi
n° 2002-303 du 4 mars 2002 est relative aux
droits des malades et à la
qualité du système de santé (loi Bernard Kouchner, alors
ministre de la santé). Elle met en avant la nécessité
d'informer les patients sur leur pathologie. Cette volonté de
transparence, nous dit Bernard Caupenne, est une arme à double tranchant
avec un effet pervers. En effet, le secret médical est contourné par
les assurances qui peuvent comparer les déclarations sur l’état
de santé à la souscription du contrat avec les maladies ou
les causes du décès de l’assuré en lui demandant
ou à ses héritiers, avant tout paiement, une synthèse
de son dossier médical que le médecin ne peut maintenant plus
refuser aux ayant-droits légitimes.
Il évoque l'affaire Vincent Humbert. Devenu aveugle, muet et tétraplégique, suite à un accident de la route en 2000, ce jeune pompier bénévole de 21 ans avait gardé toute sa lucidité, sa capacité d'audition et la mobilité d'un pouce. Il a ainsi pu faire rédiger en son nom une lettre en 2002, adressée au président de la République et lui demandant le droit de mourir. Sa mère et un médecin finissent par l'aider en 2003, ils sont incarcérés, mais le procès se solde par un non-lieu en 2006. Entre temps, ce cas a démontré la nécessité de réviser le droit, ce qui est fait avec la promulgation de la loi Leonetti du 22 avril 2005 (d'après le texte de proposition de loi du député Jean Léonetti) dont voici quelques extraits ci-dessous.
Article
1er. ...«
Ces actes (médicaux) ne doivent pas être poursuivis par une obstination
déraisonnable.
Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant
d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être
suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin
sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de
sa vie en dispensant les soins visés à l’article L.
1110-10. »
Article 2. ...« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »
Article 5. ...« Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »
Article 6. ...« Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »
Bernard
Caupenne résume ces mesures en disant
que la mort est de nouveau considérée comme un phénomène
naturel, qu'il convient de
ne pas retarder "par une obstination déraisonnable" (ce
que l'on appelle communément "l'acharnement thérapeutique").
Il convient au contraire de privilégier le confort et la qualité de
vie du patient. La loi précise donc les droits et les devoirs
des professionnels
de santé :
- le droit d’interrompre ou de ne pas entreprendre tous traitements jugés « inutiles,
disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien
artificiel de la vie »
- le devoir de respecter la volonté de la personne de refuser un traitement
- le devoir d’assurer dans tous les cas la continuité des soins
et l’accompagnement de la personne
- la possibilité d’utiliser des traitements qui pour soulager la
souffrance, risquent d’abréger la vie à condition : que le
patient (sauf si celui-ci a souhaité ne pas être informé de
son état conformément à la loi de 2002 sur les droits de
patients) ou ses représentants soient informés
que cela soit clairement inscrit dans le dossier médical
que l’intention soit de soulager la souffrance selon les recommandations
de bonne pratique et non de provoquer la mort.
La loi renforce le principe d’autonomie du patient qui peut refuser
tout traitement même si ce refus va conduire à son décès.
Sa décision doit être réitérée, le délai
de réitération étant laissé à l’appréciation
du médecin et du patient.
Mais rédiger des directives anticipées, désigner une personne
de confiance, nécessitent de la part du patient des capacités
cognitives satisfaisantes et l’absence de troubles psychologiques majeurs.
Il est donc de la responsabilité médicale d’informer par
une annonce pesée et mesurée de la possible évolution
d’une maladie chronique vers un handicap majeur assez tôt quand
le diagnostic est posé.
Bernard
Caupenne mentionne le cas d'un
anesthésiste de
l’hôpital de
Bayonne qui a défrayé la chronique récemment.
Il a été soupçonné d'euthanasie
active et suspendu de ses fonctions. Le ministre de la santé,
Xavier Bertrand, a pris cette décision à la
suite du rapport de l'Inspection générale des affaires
sociales (Igas) sur l'établissement hospitalier de Bayonne,
qui a étudié les dix-neuf dossiers de patients décédés
qui avaient été pris en charge par le médecin
urgentiste. Après leur étude, l'Igas a signalé aux
autorités judiciaires
qu'un dossier "comportait explicitement la mention d'une administration
de curare au patient, en dehors des indications habituelles". M.
Bertrand et Mme Berra précisent qu'aucune société savante
n'indique l'administration de curare comme méthode de sédation. "Or
seule une méthode de sédation pouvant avoir pour effet d'abréger
la vie est autorisée par la loi du 25 avril 2005 relative aux droits
des malades et à la fin de vie". Bernard Caupenne indique que,
normalement, le curare n'est utilisé que pour les anesthésies.
Il rappelle
que l’usage de la morphine comme
traitement antalgique s’est
banalisé. Elle est très employée
en soins palliatifs, responsable de peu d’effets secondaires si
les doses sont montées progressivement. Les cas de dépression
respiratoire ou d’autre effet secondaire grave sont ainsi très
rares, et dans ce contexte aucune notion de dépendance n’est à craindre. Il
n'y a pas de seuil de dose, et il est parfois nécessaire
d'augmenter beaucoup la prescription pour arriver à soulager la
douleur du patient. Le docteur Caupenne
estime que le cadre juridique actuel est suffisant, et qu'il n'y a pas
de nécessité de
voter une loi spécifique sur l'euthanasie. Maintenant, un grand malade
peut faire arrêter les soins et prendre possession de son destin.
Historique.
Au Moyen Age, les soins aux indigents et incurables étaient
déjà la préoccupation des confréries "de
la bonne mort" et des Hôtels Dieu. Mais cet accueil ne faisait
pas l'objet de structures spécifiques vouées aux soins
palliatifs. Pour cela, il faudra attendre le XIXème siècle.
C'est en effet en 1842, dans le quartier du Calvaire à Lyon,
qu'une jeune femme, Jeanne
Garnier, fonde l'association des Dames du
Calvaire pour accueillir les malades incurables. Elle inspire en 1874
Aurélie Jousset qui implante à Paris un établissement
similaire sous l'égide de l'œuvre du Calvaire. Dans le
même esprit, les sœurs néerlandaises de
la Charité ouvrent
en 1870 l'hospice Notre Dame à Dublin et en 1905 celui de St
Joseph à Londres.
Une infirmière
devenue médecin,
Cicely
Saunders, jouera un rôle prépondérant dans
le développement des soins palliatifs. Elle met au point des
protocoles antalgiques, étudie et fait connaître le maniement
des morphiniques par voie orale (dissous dans de l'eau de fleur d'oranger).
Elle développe également
le concept de "total pain" (douleur globale) prenant en
considération la douleur physique mais aussi les souffrances
psychologiques, sociales et spirituelles des malades en fin de vie.
- Illustration : Jeanne Garnier. -
En
1967, elle fonde en banlieue de Londres le St Christopher's
Hospice autour d'une équipe interdisciplinaire dans laquelle
les professionnels de santé, les bénévoles,
les agents du culte travaillent ensemble pour prendre en charge le
patient
et ses proches. Véritable pionnier du mouvement des soins
palliatifs, le St Christopher's Hospice reste un lieu de référence
qui essaimera en 1974 à Montréal (Canada) avec le Dr
Balfour Mount. En 1973, de retour d'un voyage d'étude au St
Christopher's Hospice, le Père Patrick Verspieren fera des
publications qui auront un retentissement important en France. Dans
un article de la revue "Etudes" publié
en 1984,
il dénonce les pratiques d'euthanasie dans
les hôpitaux ; le Comité Consultatif d'Ethique Médicale
est alors créé. Un nouveau groupe de travail est constitué par
le ministère de la santé. Il conduira la ministre Michèle
Barzach à officialiser les soins palliatifs par la "Circulaire
du 26 août 1986 relative à l'organisation des soins
et à l'accompagnement
des malades en phase terminale", souvent appelée "Circulaire
Laroque". Ce travail demeure aujourd'hui le texte de référence.
A partir des années 90, une série de textes font progresser
la reconnaissance des soins palliatifs et de l'accompagnement. -
Photo : Cicely Saunders. -
Bernard
Caupenne considère que l'administration de
soins palliatifs progresse, et il mentionne par exemple l'action de Benoît
Burucoa, chef de service "accompagnement et soins palliatifs" du
CHU de Bordeaux, auteur (entre autres) d'un livre intitulé 'Dompter
la douleur' illustré
par Jean Duverdier. Il est aussi l'initiateur
du réseau d'accompagnement et de soins palliatifs du Bordelais L'Estey.
Une unité de soins palliatifs et d'accompagnement existe à Cambo à l'établissement
Ani Enia, à l'hôpital de Bayonne, à la polyclinique
d'Aguiléra à Biarritz.
Ainsi que le montre la réunion de ce 25 novembre, cette démarche
prend en compte à la fois le malade, sa famille et son environnement.
Les soins palliatifs peuvent constituer une alternative à des soins
curatifs, par exemple, si le malade souhaite repousser une chimiothérapie
: ils permettent ainsi de récupérer.
Quelle
définition peut-on donner de la fin de vie ?
Est-ce qu'il s'agit des derniers instants ? Non, car la période
qui suit la date d'entrée en institution telle que l'EHPAD Egoa
peut être
très longue (plusieurs années). Il est impossible de
donner un délai
et un pronostic aux familles, la durée du temps qu'il reste à vivre
est totalement imprévisible, y compris pour le médecin.
Est-ce que l'on peut dire que cette entrée signifie le début
d'une fin de vie
? Dans
ce
cas,
ne faut-il
rien
faire ? Non, bien sûr. Dans une institution, l'idée de la mort
est très prégnante. Les résidents
peuvent réclamer la
mort, être angoissés, ou bien avoir une attitude totalement
détachée à cet égard.
Celui qui a dû subir une succession de pertes d'êtres proches
doit acquérir la capacité à supporter ces souvenirs.
Certains ont plutôt
peur des conditions qui précèdent la mort, la souffrance,
la solitude, l'absence de famille, l'inquiétude de ce qui leur
adviendra après la
mort. Certains ont peur d'avoir raté leur vie, ils en font parfois
un bilan négatif. Il faut les aider à vivre pour terminer
le plus sereinement possible, leur permettre de régler leurs
comptes et de pardonner à
leurs proches.
Alzheimer
est une maladie propre à l'espèce humaine
(et aux grands singes). On
travaille dans la recherche depuis quelques années sur des cerveaux
de souris génétiquement modifiées. Des
neurones disparaissent progressivement, altérant la mémoire,
et les lésions s'étendent
au reste du cerveau. Toutes les facultés de communication
disparaissent, ils ne comprennent plus leur environnement, ce qui
provoque des troubles
du comportement,
de l'alimentation, de l'état physique (chutes dues à l'atonie
musculaire). Corrélativement à cette sous-alimentation,
d'autres maladies surviennent, qui imposent de demeurer sur un
fauteuil ou allongé sur un lit,
ce qui entraîne des pathologies spécifiques. -
Photo : Les très jeunes enfants de la crèche sont
venus célébrer la
fête des voisins
à la maison de retraite d'Egoa. -
Il
faut rester respectueux avec les personnes démentes pour préserver
leur dignité. Le vouvoiement , et la dénomination monsieur,
madame, sont de rigueur dans l’établissement. Il ne faut
pas les infantiliser et l’utilisation du prénom est discutée
en équipe et employée si le nom de famille n’a
manifestement plus de sens pour eux. Il ne faut jamais oublier qu'ils
sont toujours des êtres
humains. Il faut essayer de discerner leur volonté,
car le cerveau affectif et émotionnel demeure intact. Derrière
une apparente immobilité se trouve beaucoup de fragilité :
il faut leur adresser des paroles douces, des caresses, des regards
doux que les malades
comprennent. Ils ne sont pas des "plantes vertes", mais font
preuve au contraire d'une sensibilité extrême. Par exemple,
s'ils opposent un refus alimentaire, il faut se demander la raison
d'un tel comportement
: y a-t-il un problème organique, une mycose, une douleur, un
stress, un voisin de table bruyant, une dépression, un trouble
de l'humeur...?
S'agit-il
d'un acte de volonté ou bien y a-t-il un problème de
déglutition
? Il faut essayer de juger au mieux en interrogeant les proches. Est-ce
un désir de mourir ? Ce refus alimentaire est un indice d'une
pensée
résiduelle dans un cerveau qui souffre d'un grand désordre.
Les familles éprouvent un sentiment de culpabilité qui ne doit pas
avoir lieu d'être.
On peut être plus maltraitant si on ne sait pas gérer
soi-même ces
situations difficiles : il vaut plutôt mieux laisser cette tâche à
des professionnels qui savent. La colère, la lassitude, seront
ressenties par le malade. Les proches peuvent en arriver à souhaiter
que cela s'arrête, car c'est trop douloureux, et même insupportable
: "vieillir
comme ça, ce n'est pas possible !" En fait, les personnes
atteintes d'Alzheimer veulent peut-être continuer à vivre.
Qu'est-ce qui motive la vie ? les visites, l'alimentation... (exemples
donnés par les auditrices
: une noisette de Nutella, une coupelle de champagne, des petits riens),
c'est difficile à imaginer. Parfois, la famille lointaine émet
des reproches
à l'égard
de celui
qui vit près du malade, alors qu'il fait ce qu'il peut..
-
Liste :
Approche préventive des pathologies démentielles.
Il faut bien comprendre qu'Alzheimer n'est pas une maladie héréditaire. Elle survient pour une mozaïque de raisons et peut avoir une cause virale. La recherche est toujours en cours. La désorganisation des cellules est bien observée, mais on en ignore toujours la cause exacte. Les malades présentent deux ou trois lésions typiques dans le cerveau, mais des personnes apparemment saines peuvent avoir ces mêmes lésions. La dégénérescence proviendrait-elle des aliments consommés ? Bordeaux, Dijon et Montpellier se sont alliées pour lancer "l'étude des trois cités" sur le vieillissement cérébral auprès de 10 000 volontaires âgés de 65 ans ou plus qui donneront leur cerveau aux chercheurs après leur mort. - Tableau : Facteurs de risque de maladie d'Alzheimer. -
L'EHPAD Egoa fonctionne en se basant sur les textes de référence, auxquels il ajoute une liste de procédures (conduites à tenir diffusées auprès du personnel), un projet de soins et de vie, des réunions en équipes, des formations internes et externes et le travail en réseaux. Les réunions sont très enrichissantes car chacun a une vision différente en fonction de son travail : par exemple, ceux qui servent à table, ceux qui font la toilette, permettent de déceler très tôt les problèmes car ils sont à l'interface résident/établissement.
Les
soins de bouche sont un élément capital
pour le bien-être des résidents. La prévention
de la douleur est évaluée sur
un barème de 1 à 10. On utilise une échelle comportementale
d'évaluation de la douleur pour une personne non communicante.
Dès
qu'un résident
manifeste des douleurs, on lui administre du paracétamol sans
attendre. Les douleurs
neuropathiques à type d’élancements, décharges électriques,
fourmillements sont spéciales et ne réagissent pas à la
morphine mais à d’autres traitements du système
nerveux (antidépresseurs ou antiépileptiques). Pour les
autres douleurs, on monte par paliers : d'abord du paracétamol,
puis, si
cela ne suffit pas, de la codéine, et en troisième lieu
la morphine dont la prescription a été facilitée
pour les médecins par le ministre Kouchner.
Elle est mieux tolérée chez les personnes âgées
que le tramadol ou la codéine, et s’utilise même
sous une forme adaptée dans les douleurs intenses d’otite
aiguë de l’enfant. Il n’y a pas de dépendance à craindre
avec une montée progressive des doses. Sa prescription
ne signifie pas fin de vie contrairement à une pensée
trop fréquente, et ses modes d’administration se sont
diversifiés (comprimé sub lingual, bâtonnet à sucer
ou patch à coller sur la peau) . En cas de cancer, on combine
les différents traitements.
L'objectif
2012 pour l'EHPAD Egoa, c'est d'accéder
au traitement MEOPA, qui est un mélange de gaz (oxygène
et protoxyde d’azote
- autrefois appelé gaz hilarant), excellent analgésique
(meilleur que la morphine), qui soulage les douleurs aiguës (escarres,
plaies) et permet d'effectuer la toilette
des personnes très tendues. On peut désormais l'administrer
par inhalation. On a fait de grands progrès dans le traitement antalgique.
La détermination du projet de soins et de vie se fait grâce à des évaluations croisées en équipe de façon personnalisée. L'établissement Egoa essaie d'opérer une continuité par rapport à la vie antérieure du résident (par exemple, s'il avait coutume de faire la grasse matinée). A Egoa, il y a à la fois un psychomotricien et un ergothérapeute, fait rare au sein d'un même établissement. Ils revoient ensemble le rythme du malade. Un document est établi dans le cadre de l'Agence Régionale de Santé (ARS) (qui regroupe depuis 2010 l'Etat et l'assurance maladie) et la SFAP, Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs. Association loi 1901 reconnue d'utilité publique, c’est une société savante pluridisciplinaire associant professionnels (libéraux, hospitaliers, enseignants universitaires) et bénévoles. Par exemple, un document SFAP indique la marche à suivre et le mode de réflexion possible si l'on constate "qu'il veut mourir, il ne veut plus manger" : il dédramatise la situation et permet de raisonner en essayant de prendre en compte le contexte et la physiologie du patient. Une liste de documents est ainsi à la disposition des professionnels pour savoir comment agir. En ce qui concerne les réseaux, l'EHPAD Egoa fait appel à un médecin traitant, à une équipe mobile de gériatrie, à l'hôpital de Bayonne, à l'équipe mobile de soins palliatifs, à Santé Service...
La concertation en équipes est essentielle. Elle permet notamment de valoriser le rôle des aides-soignants, car les malades ne manifestent pas et leur état ne peut qu'empirer. Ce dialogue permanent est indispensable pour prévenir la maltraitance, par exemple dans le cas où un aide-soignant ne supporte plus un des résidents : il est préférable de le changer d'affectation pour qu'il n'ait plus affaire à lui. C'est un métier difficile. A l'EHPAD Egoa, il a été accordé un temps de parole en plus du temps de réflexion. Depuis six ans, le personnel se rassemble en réunions privées, hors cadres : c'est un moyen de vider son sac, une soupape pour soulager des difficultés rencontrées dans le travail quotidien. En effet, parfois, des résidents sont violents : il est arrivé qu'un aide-soignant reçoive des coups sans perdre son sang-froid. Quelqu'un est venu immédiatement à sa rescousse. C'est aussi un des intérêts d'une telle structure, par rapport à un maintien des personnes à domicile : il y a une possibilité de relais pour prendre en charge les résidents. 80% de la maltraitance se produit à domicile, car il est impossible de se faire aider.
L'EHPAD
Egoa est obligé de signer une convention avec
l'hôpital, mais celui-ci n'a pas la même culture, et il
n'intervient pas non plus dans le même contexte. L'une des auditrices
témoigne qu'on
lui a dit : "si vous enlevez cette sonde, elle va mourir de faim".
C'était faux et c'était
brutal. En réalité, maintenant, sa mère vit parfaitement,
et en s'alimentant par la bouche. Une autre auditrice rapporte que
sa mère lui confie
"c'est tous des vieux ici". Elle ne se rend pas compte de
son propre
état. La maladie d'Alzheimer fait changer d'espace-temps. Une
mère
ne reconnaît pas sa fille car elle l'imagine beaucoup plus jeune
(9-10 ans, ou 25 ans). C'est un état transitoire, elle peut
de nouveau la reconnaître par la suite. Il faut prendre garde à ne
pas mettre le résident en situation d'échec. Ce n'est
pas un enfant.
Par
contre, on peut dévier, détourner ses idées pour
obtenir de lui quelque chose. L'une des pensionnaires a reçu
le diagnostic de la maladie d'Alzheimer en 1995, et elle est à Egoa
depuis 10 ans. Une auditrice témoigne que
le changement d'établissement a été très
bénéfique pour sa mère : elle
a "réouvert les vannes", son regard n'est plus angoissé.
Le docteur Caupenne signale qu'il existe un site de soutien aux aidants
: www.alois.fr.
Le matin, l'aide-soignant doit frapper deux fois à la porte du résident grabataire pour l'avertire de son intrusion dans la chambre. Il se rend ensuite au pied du lit et lui dit son nom, ce qu'il va faire, pour que le résident ne se sente pas agressé. Ce comportement facilite le travail du personnel qui est heureux d'arriver à gérer ainsi des situations difficiles : réussir le lever pour passer une bonne journée. Il faut bien comprendre que les résidents ne sont pas agressifs, ils sont défensifs. Il faut chercher pourquoi. Si on ne les force pas, si l'on prend le temps, on obtient davantage et dans de meilleures conditions. L'humanitude est enseignée à tout le personnel d'Egoa, y compris à l'accueil.
Je me demande si la maladie d'Alzheimer est une maladie des sociétés occidentales. Voici quelques pistes sur Internet :
Les
nouvelles maladies de société. En entrant dans le
XXIème
siècle,
grâce
aux progrès
constants de la médecine, on arrive à soigner de nombreuses
maladies qui étaient considérées incurables. Cependant,
de nouvelles maladies émergent liées à l'évolution
de nos modes de vies, plus urbaines, sédentaires, industrialisées,
etc... L’obésité est devenue une maladie qui concerne
les pays industrialisés aussi bien que ceux en voie de développement.
On compte aujourd’hui en France 5 millions d’obèses dont
une grande proportion est atteinte d’hypertension, de diabète
ou de troubles lipidiques, facteurs de risques de maladies cardiovasculaires.
Le nombre de personnes atteintes d’obésité massive a
doublé en 6 ans et la progression chez les jeunes est très
inquiétante. Asthme, allergies cutanées d’origines alimentaires
ou médicamenteuses, réactions allergiques aux produits domestiques
ou industriels, le nombre de patients allergiques est croissant dans les
pays industrialisés. En France, on estime que 30% de la population
a déjà subi une pathologie allergique. Les maladies infectieuses
peuvent également être considérées comme des maladies
de société, qu’il s’agisse de maladies émergentes
liées aux changements écologiques ou aux changements de mode
de vie, ou des résistances aux antibiotiques de plus en plus fréquentes
en lien avec leur utilisation massive en milieu hospitalier.
L'inflammation
chronique favoriserait la plupart de nos maladies de "société".
Notre système immunitaire, dont le rôle majeur est d'organiser
la défense contre les différentes agressions qui peuvent
nous menacer, pourrait aussi, paradoxalement, contribuer à favoriser
certaines des grandes maladies qui touchent nos sociétés
modernes et notamment les maladies cardio-vasculaires, le cancer, le diabète
et la maladie d'Alzheimer. Les chercheurs pensent que ce rôle central
de l'inflammation dans le développement est lié à l'évolution
de notre espèce. Pendant des millions d'années les principales
causes de mortalité ont été les maladies infectieuses
et la sous-alimentation. Pour s'adapter et survivre pendant toute cette période,
le génome humain, par le processus de la sélection naturelle,
a favorisé l'expression des gènes qui nous donnaient les meilleurs
chances de survie dans cet environnement.
Mais
en moins de deux siècles,
un temps très bref par rapport à l'évolution humaine,
cet environnement a radicalement changé : dans les pays développés
la plupart des maladies infectieuses ont été vaincues et la
famine chronique a été remplacée par une surabondance
alimentaire. Notre génome et notre système
immunitaire n'ont pas eu le temps de s'adapter à ce brusque changement
de nos conditions de vie. C'est ce qui expliquerait pourquoi la réponse
inflammatoire joue à présent un rôle aussi important
dans le déclenchement
des principales maladies de "civilisation", du cancer aux maladies
de coeur, en passant par Alzheimer, le diabète, l'arthrite et les
maladies auto-immunes. Une des preuves les plus évidentes de ce rôle
central de l'inflammation a été la découverte, il y
a quelques années, des causes réelles de l'ulcère de
l'estomac qui est principalement provoqué par l'action d'une bactérie
(hélicobacter).
Les
maladies cérébrales coûtent très cher à la
société. Le coût des maladies cérébrales
en Europe, mesuré en
dépenses de soins et en estimation de la perte de production qu’elles
causent, a atteint 798 milliards d’euros en 2010, plus que tout autre
groupe comparable de maladies. Dans son rapport sur le coût des dysfonctionnements
du cerveau en Europe en 2010, l’EBC (European Brain Council) a analysé un
vaste éventail de
maladies, du mal de tête à l’attaque cérébrale,
de la démence à l’autisme. Selon les chiffres de l’Organisation
mondiale de la santé, ces troubles représentent 35 % du coût
total des maladies en Europe. Selon son porte-parole Alastair
Benbow, « Il faut mettre l’accent sur les affections cérébrales
chroniques également car leur coût pour la société dépasse
celui des maladies cardio-vasculaires et du cancer réunis. » D’autant
que ces dépenses devraient continuer d’augmenter avec le vieillissement
de la population.
Jean-Louis Belmar, directeur EHPAD Egoa de Bassussarry - Dr Bernard Caupenne, médecin coordinateur de l'EHPAD Egoa | Préserver la dignité humaine |
25 novembre 2011 |