Cathy et Jean-Louis
Ibanteli
18 août 2013

ibanteliEn Suisse, depuis plus de cent ans, l’impact de la forêt sur les crues est étudié à la fois en hydrologie et en sciences forestières. Le 8 avril 1903, l’Institut fédéral de recherches WSL – alors "Centralanstalt für das forstliche Versuchswesen" – avait lancé un programme de mesures en continu dans deux bassins versants de l’Emmental: le Sperbelgraben, presque entièrement boisé, et le Rappengraben, qui n’était alors boisé que sur environ un tiers de sa surface. Ces mesures ont permis à Engler de démontrer en 1919 que lors de pluies d’orage les débits de pointe dans le bassin versant forestier étaient inférieurs de 30, voire de 50% à ceux du bassin moins boisé. D’autres travaux, publiés en 1996 par Burch et al., n’ont cependant pas confirmé les observations d’Engler. Ces auteurs ont étudié trois bassins versants plus ou moins boisés dans l’Alptal (toujours en Suisse), une région de flysch, et n’ont pu mettre en évidence aucun effet de la forêt sur les débits de pointe, quelles que soient les durées des précipitations. - Photo : Forêt exploitée de pins sur l'Ibanteli. -

ibanteliEn réalité, l’impact d’une forêt sur la formation de l’écoulement en cas de précipitations dépend avant tout de sa capacité à absorber plus ou moins d’eau dans le sol. A cela s’ajoute, mais dans une bien plus faible mesure, sa capacité d’interception. Plus la forêt retient d’eau, plus l’écoulement sera faible. Lors d’un épisode pluvieux, les sols forestiers absorbent en principe bien davantage d’eau que les sols non forestiers. Ceci s’explique d’une part par leur capacité d’infiltration et d’absorption généralement plus élevée grâce aux horizons organiques, ibanteliet par le fait qu’ils soient généralement plus meubles et aérés. D’autre part, l’évapotranspiration est plus marquée en forêt. Par ailleurs, les racines des arbres absorbent en profondeur de grandes quantités d’eau tout en assurant presque en tous lieux, excepté en présence de pentes particulièrement fortes, une certaine stabilisation contre l’érosion et les glissements superficiels de terrain. Enfin, selon la roche-mère sur laquelle le sol se développe, la capacité d’absorption de la forêt sera plus ou moins marquée. - Photos : Vesse de loup. - L'importance du pastoralisme sur les Pyrénées basques restreint la surface boisée, comme par exemple ici sur la Rhune, partagée entre les communes de Sare et de Vera de Bidasoa. -

ibanteliLes sols superficiels sur roche-mère imperméable, comme par exemple les gleys sur flysch dans l’Alptal, ont une capacité d’absorption généralement réduite. Celle-ci peut être plus élevée en forêt mais reste faible, même sous un peuplement optimal. Lors d’un épisode pluvieux suffisamment fort pour entraîner une crue préjudiciable, la capacité de rétention d’un tel sol ne suffit pas à réduire sensiblement le débit.  ibanteliQue la perméabilité du sol soit favorable ou presque nulle, l’impact de la forêt sur la formation de l’écoulement en cas de crue est donc faible. En revanche, lorsqu’une perméabilité faible est associée à une capacité de rétention moyenne, la forêt joue un rôle non négligeable sur les crues. Ceci est le cas par exemple des sols hydromorphes (pseudogleys), chez lesquels l’augmentation de la capacité de rétention peut contribuer à retarder et à réduire l’écoulement dans des proportions importantes. En outre, en traversant des horizons faiblement perméables, les racines des arbres permettent à des quantités non négligeables d’eau de s’écouler en profondeur.

ibanteliDans l’état actuel des connaissances, on estime que c’est surtout en présence d’horizons faiblement perméables entre 30 et 50 cm de profondeur que la forêt peut jouer un rôle significatif sur la formation de crues. Dans certaines circonstances, la forêt est donc capable d’assurer une fonction de protection contre les crues en agissant sur la formation de l’écoulement. La capacité d’une forêt donnée à assurer cette fonction peut être évaluée si l’on connaît les caractéristiques pédologiques de cette forêt. Pour en revenir à l'Ibanteli, j'imagine que l'ONF a pris conscience des risques induits par une déforestation trop importante des montagnes basques, et que le problème des crues est un des facteurs qui a poussé la commune de Sare à consacrer autant d'argent à la plantation d'arbres.

ibanteliC'est évidemment un sujet sensible. Lors de l'enquête publique achevée en mai 2013 dans le cadre de "La Révision du Plan de Prévision du risque inondation de la Nivelle (P.P.R.I) sur le territoire des communes d'Aïnhoa, Sare, Saint Pée sur Nivelle et Ascain", le commissaire enquêteur a été surpris de l'affluence à ses permanences. Pas moins de cent soixante-deux personnes sont venues inscrire des observations sur le registre prévu à cet effet ou ont demandé à le rencontrer personnellement. Durant l'exercice de sa mission, il s'est assuré notamment que les champs d'inondation (zones d'expansion des crues) aux abords de la Nivelle et de ses affluents étaient maintenus et protégés sur l'ensemble du territoire d'Aïnhoa, Sare, Saint Pée sur Nivelle et Ascain (Saint Jean de Luz et Ciboure faisant l'objet d'une réglementation séparée), et que les lits majeurs de tous les affluents et de la Nivelle permettaient l'écoulement et l'expansion des crues. Il a aussi vérifié que les quartiers historiques - en zone inondable - possédaient pour des raisons de sécurité un habitat au-dessus de la cote de référence et que les zones naturelles destinées à l'expansion des crues ne comportaient ni occupants, ni résidents, ni bien trop vulnérables.

ibanteliEnfin, pour revenir à l'Ibanteli, un livre a paru cette année, écrit par le Saratar Jacques Antz sous l’égide de Jakintza et intitulé "Sare l’industrieuse" (avril 2013-10, N° 61). Du Moyen-Age jusque vers 1850, la forêt de Sare a servi à alimenter les charbonnières (txondorrak), par étêtage. Au XVIIIe siècle chaque habitant contribuait à son entretien (exemple de l’enclos de Xabalo). L’exploitation de mines s’est développée (attestation des registres de Miguel de Haramboro en 1527 ou d’un manuscrit de l’abbé Lahetjuzan vers 1810 qui cite une trentaine de minières). Des aménagements sont encore visibles (galeries, piliers du système de câbles de va-et-vient sur Ibanteli). La fusion du minerai était réalisée dans des fours et la braise attisée par un soufflet à vent, à bras puis hydraulique. Le métal était transporté à Saint Jean de Luz par chars à boeufs  puis par un train routier. De qualité médiocre en surface, il lui sera préféré le minerai de Biscaye. On retrouve encore, dans le secteur d’Ibarola, d’Olabidea, le toponyme "Ola" (cabane près de la forge, mot assimilé à forge). Parallèlement, l’industrie du métal et des outils s’est développée avec les forgerons (harotzak). La combustion de ce charbon de bois (par production de divers gaz) a aussi permis, en période de pénurie de pétrole, d’alimenter les camions ou autobus (100 kg de bois aux 100 Kms !) dits "gazogènes". Cette source énergétique sera abandonnée au profit du pétrole vers 1950. - Photo : Vestiges de piliers du système de câbles de va-et-vient sur Ibanteli (photo Jean Pouyet) -

ibanteliEn souvenir de cette époque révolue, la commune de Sare invite chaque année au mois d'octobre un charbonnier navarrais pour renouer avec la tradition. Dans la forêt au-dessus des grottes, au lieu-dit Garbala, la charbonnière est montée selon des règles précises devant un public familial et fonctionne durant une semaine. C'est tout un art d'obtenir une bonne qualité de charbon de bois. Les bons ingrédients sont un terrain plat, les branches coupées de chênes-têtards, de la paille, des feuilles sèches. Le temps aussi est un précieux allié lors de la construction. Sur le sol nettoyé, les bois sont alors rangés méthodiquement en les croisant, tout en veillant à ce que l'air puisse se glisser par les interstices pour favoriser une bonne combustion. La paille et les feuilles sont ensuite posées en couverture, et l'ensemble sera recouvert de terre, ménageant au centre une cheminée. Le feu allumé, l'attente se double d'une surveillance méticuleuse de la combustion : ouvrir et fermer des trous de part et d'autre de la charbonnière. L'oreille avertie reconnaîtra les qualités de "Sonido de campana y colores de paloma" (son de cloche et couleurs de palombe) annonçant la fin du processus. La charbonnière est alors ouverte pour en retirer le charbon de bois. - Photo : Mûres et bruyère -

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Réaction : Ces arbres tetards me rappellent mes 3 petits saules qui sont apparus dans mon jardin et que j'utilise pour me fournir en petit bois pour allumer la cheminée ...L'un d'eux sert meme de support pour mes pois d"Espagne et se  couvre ainsi de jolies fleurs violettes à la saison... Si j'avais écouté la plupart de mes parents et amis ces arbustes auraient été déracinés depuis longtemps car indésirés...Jean Pierre