Les poissons entendent-ils ?
Que de fois cette question n’a-t-elle pas été posée !
Aussi bien par des habitués du poisson, des pêcheurs et même de simples
profanes un peu plus curieux que d’autres.
Est-il difficile d’y répondre ?
Question embarrassante au premier abord, semble-t-il. Là,
comme dans presque tout ce qui se rapporte aux poissons, une connaissance
minutieuse de leur anatomie et du rôle joué par les différents organes du corps
pourra nous tirer d’affaire et expliquer certaines fuites éperdues de poissons
effrayés par le bruit ou la chute d’objets tombant dans l’eau.
Les poissons possèdent-ils des oreilles ?
Mais oui ! Seulement ces organes sont internes et
possèdent une structure presque identique à ceux des autres vertébrés. Avec
cette différence qu’il n’y a rien d’externe.
L’appareil auditif possède trois canaux semi-circulaires
rattachés entre eux par un utricule à un colimaçon appelé lagena. C’est par cet
utricule principalement, que l’on peut connaître l’âge des poissons, en
pratiquant la coupe de la bille calcaire qui y est contenue, chaque cercle
correspondant à une année.
Ces organes de l’audition sont donc rudimentaires. Chez
certains poissons, il existe une chaîne de petits os qui, en suivant la colonne
vertébrale, se rattachent à la vessie natatoire.
Mais il est certain que les principales vibrations produites
par un objet tombant dans l’eau sont enregistrées par les organes de la
« ligne latérale ».
Il est facile d’apercevoir sur les flancs de la plupart des
poissons une petite ligne qui suit toute la longueur du corps. En examinant
cette ligne de très près, soit à l’œil nu soit avec une loupe, on se rend
compte qu’elle se compose de petits trous espacés régulièrement. Ces petits
orifices se raccordent tous à un canal placé sous la peau. Ce canal est
lui-même doublé d’un nerf, « le nerf latéral », sur lequel sont
branchés d’autres petits nerfs reliés dans le canal à de petites cellules
sensitives microscopiques garnies de cils vibratoires. Les ondes transmises par
les orifices de la ligne latérale sont enregistrées par le système nerveux du
nerf latéral, et les cils vibratoires entrent en action. Comme la ligne
latérale suit toute la longueur, depuis la tête jusqu’à la queue, de n’importe
quel côté que parviennent ces ondes, elles sont déterminées avec précision par
le poisson.
On peut donc déjà se rendre compte du rôle joué par l’organe
auditif et la ligne latérale. Les canaux semi-circulaires perçoivent les
changements de direction ; l’utricule, la lagena et le saccule, les bruits
proprement dits. Mais, comme ces trois derniers organes sont très peu
développés par rapport aux semi-circulaires, on conçoit que cette audition soit
imperceptible.
La ligne latérale est plus spécialement chargée de la
perception des sensations vibratoires même les plus légères, ainsi que de la
direction d’où elles proviennent. Il est facile de se rendre compte de ce fait
en laissant tomber un objet quelconque dans l’eau. Si ce sont des poissons
sauvages, ils fuient à force coups de nageoires l’endroit où s’est produit
cette émission d’ondes vibratoires. Si ce sont des poissons d’élevage, ils
accourent tous au contraire vers l’endroit où l’ébranlement de l’eau s’est
produit.
Dans les bassins d’élevage, au moment de la distribution des
repas, les poissons isolés accourent dès que la nourriture touche l’eau, même
s’ils n’ont pas aperçu le jet de lancement. C’est qu’ils ont été avertis par le
choc produit dans l’eau, bien qu’ils n’aient pas entendu le bruit. Ce sont donc
les vibrations enregistrées par les centres nerveux de la ligne latérale qui
ont déterminé cet appel. Et, si cette nourriture est jetée au milieu de la
longueur du bassin, il n’y a, parmi sa population, aucune hésitation quant à la
direction à prendre. La ligne latérale indique donc bien la direction des
vibrations, sans erreur possible. Ce phénomène a bien souvent amusé des
visiteurs d’établissements piscicoles.
Peut-on répondre que les poissons entendent ? Il semble
plutôt qu’ils sont merveilleusement doués pour percevoir les vibrations les
plus minimes causées dans le milieu aquatique qui leur est propre et dans
lequel ils vivent ; qu’ils savent reconnaître la nature des différentes
vibrations captées par leur organisme, sans erreur pour le lieu d’émission.
L’appareil auditif lui-même ne paraît destiné qu’à percevoir le bruit transmis
par l’eau. Cette audition est autant dire inexistante. Tout le reste est
réservé aux organismes de la ligne latérale. À d’autres le soin de tirer la
conclusion.
Yves CHRISTIEN.
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