Février est un mois à surprises : il marquera toujours
la fin de carrière de quelques gros saumons combattifs, de lourds brochets et
de belles truites.
Ces poissons superbes, dont la capture fait époque dans la
vie d’un pêcheur sportif, n’ont certes pas la vigueur qu’ils posséderont au
printemps, mais sont cependant des adversaires peu commodes.
Les poissons moyens sont encore trop engourdis par les eaux
glacées pour qu’on puisse en escompter des captures certaines ; seuls, les
gros spécimens de l’espèce, poussés par une boulimie toujours pressante et
exigeante, cherchent avidement leur nourriture et attaquent brutalement les
leurres qu’on leur présente.
Aussi faut-il mettre dans notre jeu tous les atouts que nous
permettent nos connaissances halieutiques et nos possibilités.
Il serait naturel de croire que, pour l’armement de nos
leurres à lancer, de forts grappins à 3 ou 4 branches sont indispensables
pour capturer nos gros carnassiers.
Sans vouloir négliger le bas de ligne en gut ou en soie
d’acier, suivant tel ou tel vorace recherché, j’estime que l’hameçon doit
mériter, de notre part, la plus grande attention ; j’ai longuement
insisté, d’ailleurs, sur ce sujet en envisageant les hameçons à mouches.
N’oublions pas qu’avant de lutter contre une belle pièce il
faut d’abord l’accrocher ... M. de La Palice n’aurait pas mieux
écrit.
Je ne conçois pas l’utilité, pour avoir un hameçon parfait,
de s’adresser à l’étranger. Nous avons, en France, des marques réputées avec
juste raison, pouvant soutenir la comparaison avec n’importe quelle autre
firme.
Que doit-on demander à un hameçon ? la solidité, la
finesse et l’acuité de sa pointe.
Évitons l’emploi de ces énormes crochets qui pourraient
convenir à la pêche du thon ou du tarpon. Il n’en est nul besoin pour mater la
résistance des plus forts poissons de nos eaux douces.
L’hameçon doit être fin et solide, deux qualités
indispensables, dans la pratique du lancer léger surtout. Il doit s’harmoniser
avec le petit appât utilisé d’ordinaire dans ce genre de pêche.
Il en est de même dans la pêche au vif.
Et, maintenant, venons-en à serrer de plus près le titre de
notre causerie.
Je vais énoncer une vérité — j’insiste sur ce mot
— qui va être accueillie avec scepticisme par beaucoup de nouveaux
pêcheurs au lancer léger, mais j’ajouterai que je ne préconise une méthode, ou
une amélioration, à mes confrères qu’après m’être rendu compte de son
efficacité dans la pratique.
Je leur dirai : Ne condamnez pas, a priori, une
idée nouvelle, essayez de la réaliser pour votre propre compte, et vous jugerez
ainsi en connaissance de cause.
D’ailleurs, je ne suis pas le premier qui se soit rendu
compte de l’efficacité de cette amélioration : l’emploi de l’hameçon
simple, à la place d’un triple, dans l’armement de nos leurres à lancer.
Je ne me suis jamais aperçu que j’aie plus de ratés avec un
tel dispositif ; mais, par contre, les accrochages dans les herbes ou les
obstacles ont été très réduits.
Aussi est-ce avec insistance que je préconise l’emploi de
l’hameçon simple dans les cuillers plombées en tête pour le lancer léger.
Le plomb restant toujours dans la même position, il est
facile de placer le grand simple la pointe en l’air, où elle restera
constamment ; il suivra le plomb et sera ainsi protégé par lui, sans la
possibilité d’accrocher les herbes à droite ou à gauche.
Le ferrage d’un poisson sera aussi sûr qu’avec le triple,
une pointe rentrant plus aisément que trois, dont l’une ou l’autre, placée
obliquement, fait souvent basculer l’hameçon sous le coup de mâchoires du
vorace.
Si vous avez la précaution d’utiliser un grand simple
dont la courbure domine la base de la palette, vous ne raterez pas un poisson
qui aura engamé convenablement votre leurre.
J’ai livré de rudes bagarres à de forts saumons, de gros
brochets, ou à des poissons de mer de forte taille, tels que bars, roussettes,
etc. ; mon système s’est toujours montré efficace. Sur un simple no 8,
j’ai pris un saumon de 16 livres, à Brioude ; après le ferrage, il
s’était calé contre une roche, d’où je ne pouvais le démarrer, et ce n’est
qu’après une demi-heure de lutte que je l’amenai en plein courant, puis au
bord, où je pus le gaffer.
Ce n’est qu’un exemple entre beaucoup d’autres. Mes petites
cuillers à truite sont toutes montées sur hameçon simple, de même que mes
montures à vairons morts.
Quant au devon, je reconnais qu’un triple est préférable,
bien que je ne l’emploie pas : j’ai un système de mon cru qui me convient
à merveille ; je le décrirai peut-être un jour.
Mais, alors, allez-vous dire, à quoi servent les hameçons
doubles ou triples, puisque les simples sont aussi prenants ?
À pas grand-chose, à mon avis. Cependant, leur emploi peut
se concevoir dans plusieurs genres de montures.
Dans la pêche au vif, par exemple, un hameçon simple
pour accrocher le petit poisson-appât par la narine, suivi d’un grand double
dans les branches duquel reposera ce poisson, constituera une monture fort
efficace, surtout si l’ensemble est fin et léger.
Je l’emploie dans les gouffres pour pêcher la truite au
vairon casqué, là où le lancer est impossible ou inefficace.
L’appât est bien maintenu par un bracelet de caoutchouc dans
les deux branches et aucunement blessé comme avec l’emploi de l’aiguille à
amorcer ou l’accrochage sur le dos.
Le grappin à 3 ou 4 branches trouvera son emploi avec
le devon — système courant, — pour ceux qui ont l’habitude de s’en
servir, dans les rivières propres et sans obstacles. Je répète que je ne
l’utilise pas, avec ma petite invention.
Les pêcheurs à fond qui recherchent la grosse carpe, le
barbeau ou l’anguille à la pelote ou à la petite pomme de terre cuite, ont
avantage à l’utiliser ; il maintient mieux l’amorce qui repose sur ses
branches.
Mais, comme je ne pratique plus que les pêches sportives,
exclusivement, je ne m’étendrai pas davantage sur les pêches sédentaires, non
pas par snobisme, mais simplement par goût.
Et, maintenant, disons pour terminer : l’hameçon simple
détrônera certainement les autres dans un proche avenir. Ce ne sera pas une
question de mode, mais bien en raison de son efficacité et, ce qui est à
considérer également à l’époque actuelle, à cause de l’économie qu’il permet de
réaliser.
Marcel LAPOURRÉ.
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