Dès 1817, lors de la restitution du Sénégal, le gouverneur,
le baron Portal, demanda des colons et du matériel agricole. Il les installa
dans le Oualo, après entente avec le brack (souverain local). Le
pépiniériste Richard créa, au confluent de la Taouey et du Sénégal, un
établissement d’essai. Les débuts furent très intéressants ; tous les
arbres fruitiers du Midi de l’Europe y poussèrent, ainsi que les plantes
africaines : bananiers, papayers, cocotiers, dattiers, les agrumes, la
cannelle, les ananas et, plus tard, le cotonnier.
De fortes primes furent accordées, mais les planteurs
fraudèrent par trop ; les primes furent supprimées à la plantation, mais
données à l’exportation des produits. Celle-ci fut insignifiante et disparut
rapidement.
L’échec des plantations fut attribué à l’incompétence des
colons, à la mauvaise qualité du sol, à la cherté et au manque de main-d’œuvre
(l’esclavage existait), à l’absence de digues de protection contre les crues du
fleuve et à l’insécurité, qui ne disparut qu’après l’annexion du Oualo, en
1856.
Cette même année, Faidherbe réorganisa Richard-Toll, dont la
direction fut confiée à M. E. Simon, ancien élève de l’École
nationale d’Agriculture. Les essais repartirent dans de bonnes conditions, puis
retombèrent au bout de quelques années.
Plusieurs reprises furent faites ultérieurement avec le
coton en culture irriguée, le ricin sanguin, l’arachide, le purghère et
l’indigo, mais ne durèrent pas ; les mêmes causes d’insuccès se
retrouvèrent avec, en plus, la venue d’eau salée et des sauterelles.
De 1900 à 1916, MM. Yves Henry et Lemmey étudièrent la
région du lac de Guiers. Maintenant, on peut remédier à la pauvreté du sol par
les engrais, au manque de main-d’œuvre par la mécanisation, et se protéger
contre l’eau salée par des digues, puis dessaler les terres par submersion et
drainage.
En 1935, la Mission d’étude du fleuve Sénégal fut
créée ; en 1937, elle présentait un plan proposant :
1° La création d’une station agricole à Diorbivol, pour la
culture du coton ;
2° La création à Guédé, près de Podor, d’un casier d’essai
pour la culture du riz et, éventuellement, du coton ;
3° L’aménagement du delta pour la riziculture.
La Mission d’aménagement du fleuve Sénégal, créée en octobre
1938, fut chargée de l’exécution du programme.
La station de Diorbivol donna de bons résultats de 1938 à
1946, année où elle fut fermée.
Le casier rizicole de Guédé réussit parfaitement. Il
s’étendait sur 220 hectares ; il est en voie d’extension pour un
minimum de 500 hectares.
L’aménagement du delta doit commencer en partant de Richard-Toll,
par la dérivation de la Taouey, la construction d’un pont-barrage sur cette
rivière et le redressement de son cours pour augmenter le volume d’eau douce
emmagasinée par le lac de Guiers.
Enfin, la création d’un casier de 50.000 hectares doit
produire les 60.000 tonnes de riz que le Sénégal est obligé d’importer
pour alimenter sa population.
En 1945, une rizière d’expérience de 20 hectares
produisit 23 tonnes de paddy (riz non décortiquée soit 1.150 kilos de
riz à l’hectare.
En 1946, la même rizière, étendue à 109 hectares,
irriguée avec des moyens de fortune, donna 215 tonnes de paddy, soit 1.970 kilos
à l’hectare.
Le rendement maximum, sans fumure, sur un sol cultivé depuis
deux ans, fut de 2.940 kilos à l’hectare.
Les eaux du Sénégal, lors de la crue, contiennent environ
100 grammes de limon par mètre cube, soit à peu près le cinquième de ce
que contiennent les eaux du Nil.
Selon les variétés de riz cultivées, le Dissi et le Sikasso,
il faut de 16.000 à 18.000 mètres cubes d’eau à l’hectare.
Il y a lieu de remarquer qu’en Indochine les Annamites
estiment à un minimum de 14.000 mètres cubes d’eau la consommation d’un
hectare, et la production totale des deux récoltes du dixième et du cinquième
mois de 1.800 à 2.300 kilos de paddy dans les très bonnes rizières, la
végétation se faisant en cent dix jours.
En Italie, la station expérimentale de Vercelli considère
que le maximum de récolte est de 5 tonnes à l’hectare.
En Espagne, en Andalousie, certaines rizières donnent jusqu’à
7 tonnes.
Pour fournir la matière organique qui manque au sol
sénégalais, il faut recourir aux engrais verts. Des essais ont été faits sur
petites parcelles et en grande culture. Crotalaria refusa donna, en
quatre-vingts jours, de 20 à 26 tonnes de matières fraîches à l’hectare
et, en grande culture, en cent vingt-huit jours, 14.200 kilos. Les crotalaires
enfouies dans le sol se décomposent très rapidement. Crotalaria striata
a une végétation encore plus rapide ; elle pousse en soixante-deux jours,
mais exige plus d’eau.
Soja. — Une variété fourragère est arrivée à
maturité en quatre-vingt-douze jours, donnant en outre 770 kilos de
grains.
Des gisements de sulfure de calcium se trouvent au nord du
fleuve, sur la piste d’Atar ; ils permettront de compléter l’amélioration
du sol argileux des rizières.
Souhaitons que cette entreprise soit continuée et les
populations locales mises à même de produire la céréale base de leur
alimentation.
Concluons, comme M. P. Martine, ingénieur des
Services de l’Agriculture des Colonies, directeur de ces essais, que, devant
des résultats aussi encourageants, il suffit de persévérer pour que le delta du
Sénégal devienne le grenier du pays.
V. TILLINAC.
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