Dans un précédent article (n°637 de mars 1950), nous avons
donné quelques définitions relatives au classement commercial des grumes et
étudié la question des bois à traverses et à appareils de voie. Nous allons
aujourd'hui poursuivre cette étude relative aux diverses utilisations des
grumes.
La charpente emploie diverses essences : chêne,
châtaignier, peuplier, résineux. Cette technique a notablement évolué au cours
de ce siècle. Nous ne sommes plus à l'époque de ces magnifiques charpentes de
chêne qu'on peut admirer dans nos cathédrales et nos vieux châteaux. On
n'emploie plus de ces pièces à gros équarrissage dont les assemblages donnaient
lieu à de savants dessins (trait de charpente). Le métal, le béton ont pris en
charpente une place prépondérante. La charpente en bois s'est allégée et
modernisée. D'excellents ouvrages ont été écrits à ce sujet. Le calcul plus
précis des résistances d'emploi a permis de réaliser des économies de bois et,
par suite, de diminuer la charge reposant sur les murs. De nouveaux procédés et
organes d'assemblage ont été mis en œuvre qui simplifient et perfectionnent la
technique du charpentier (goujons et crampons d'assemblage, charpentes clouées,
brochées ou même collées, etc. ...). Une conception nouvelle du matériau
bois tend à remplacer la poutre massive par des poutres composées, analogues
aux fers profilés ou aux ressorts d'automobiles, et par des poutres en treillis
ou en caissons. La « voûte de bois » constituée par deux nappes
réticulaires, raccordées en ogive, et formées de simples planches assemblées en
losanges réguliers, a permis des réalisations spectaculaires. Pour tout cela,
le résineux est roi, et, en particulier, le résineux de montagne. Sapins,
épicéas, pins, mélèzes d'altitude peuvent donner des charpentes légères et
excellentes au point de vue mécanique. Les bois à accroissements trop larges
(en principe ceux dont les « cernes » annuels ont plus de 5
millimètres), les bois altérés, les pièces dont les nœuds sont trop gros (plus
de 50 millimètres de diamètre), éclatés ou non adhérents, seuls ne conviennent
pas pour la charpente. L'exploitant aura soin d'exploiter ses bois hors sève ;
il les livrera rapidement à la scierie, qui devra les débiter sans délai et les
empiler en prenant toutes les précautions voulues pour un bon séchage (large
isolement du sol au moyen de dés en béton, espacement des piles pour une bonne
circulation d'air, empilage régulier sur baguettes dont la grosseur et
l'écartement sont en relation avec l'épaisseur des bois, exacte superposition
des baguettes pour éviter les gauchissements, dépilages et réempilages
périodiques pour surveiller les bois, protection contre le soleil trop ardent,
pour éviter les fentes, puis protection contre la pluie, quand le bois a été
bien dessévé). Toutes ces précautions permettront au scieur de livrer une
marchandise de bonne qualité. Il y a lieu, en outre, de se conformer aux
dimensions données par les normes de l'Association française de normalisation,
en vue de faciliter les transactions. La marque des produits mis en vente, au
moyen de l'estampille du producteur, devra constituer une garantie de bonne
qualité.
Le coffrage des constructions en béton utilise des
bois de qualité inférieure à la charpente. Une construction entièrement en
béton nécessite d'assez grosses quantités de bois, en particulier de bois
résineux.
La préfabrication en bois n'a pas très bonne presse
en France. Dans d'autres pays (Canada, U. S. A., Scandinavie,
Autriche, etc.), des maisons préfabriquées, en bois, sont réalisées qui ne sont
ni provisoires, ni inconfortables, ni inesthétiques, bien au contraire.
Quelques progrès ont été réalisés par les constructeurs français, mais il reste
beaucoup à faire. L'usager ne doit pas juger la « préfabrication en bois »
d'après les baraques que les besoins des deux dernières guerres ont fait naître
et que nos constructeurs ont dû (condition impérative) réaliser dans des délais
rapides. L'alliance du métal, des matériaux minéraux et du bois sous toutes ses
formes (charpente, voliges, parquets, panneaux de fibres, panneaux agglomérés),
peut permettre, pour la campagne, de très belles réalisations à un prix
abordable. Combien de taudis, où l'on voudrait continuer à faire vivre des
ouvriers agricoles, en espérant qu'ils ne déserteront pas la campagne à leur
tour, pourraient être remplacés par des constructions préfabriquées dans
lesquelles le bois aurait une large place ? À côté des bois de charpente,
la préfabrication permettrait d'utiliser de grosses quantités de bois de
menuiserie : chêne, châtaignier, hêtre, pin maritime, mélèze, sapin, pour
les parquets ; chêne, sapin, épicéa, pins, tilleul, peuplier, pour les
lambris ; chêne, châtaignier, pin maritime, mélèze, pour les fenêtres et
portes extérieures, etc. ... Les panneaux de fibres : isolants pour
placer dans les cloisons, durs ou mi-durs pour les revêtements intérieurs ou extra
durs comme couvre-planchers, permettraient d'utiliser de grosses quantités de
rondins résineux et feuillus tendres.
La construction, en « dur », utilise elle
aussi d'importantes quantités de bois. La menuiserie a évolué, comme la
charpente, au cours de ce siècle. Des normes ont été homologuées, pour les
parquets, portes, fenêtres, impostes, etc. ... De nombreux types de « portes
planes » existent, constituées par une âme lamellaire ou alvéolaire, sur
laquelle sont collés des extérieurs en placages. De nombreux bois tropicaux,
d'aspect très décoratif, s'allient à de beaux bois indigènes : chêne,
orme, frêne, érables, fruitiers. Aucun autre matériau ne peut donner, autant
que le bois, le confort et l'esthétique recherchés pour les intérieurs.
L'ébénisterie, elle aussi, est fidèle au bois. Métal
et matières plastiques conviennent pour le mobilier d'hôpital, de cabinet
dentaire ou de salles de cafés, mais le vrai meuble est en bois. Il existe de
bonnes séries de meubles courants : en chêne, pour salles à manger et
chambres à coucher, en hêtre, peuplier, tilleul, ou résineux, pour cuisines,
salles de classe, etc. Des contreplaqués de hêtre, peuplier, okoumé, donnent
des panneaux économiques. D'autres essences sont utilisées pour des meubles
plus précieux : noyer massif pour le meuble sculpté, merisier, érable ou
hêtre pour les pieds galbés des sièges Louis XV, multitude de bois de toutes
essences pour la marqueterie, bois spéciaux divers pour la tournerie. Surtout,
on utilise une foule de placages d'essences indigènes (chêne, noyer, orme,
érable, merisier, etc.) ou tropicales (acajous d'Afrique, d'Amérique Centrale
ou des Antilles, palissandres de Madagascar, des Indes ou de Rio, ébènes de
Macassar ou d'Afrique, avodiré, bossé, bubinga, citronnier de Ceylan, dibetou, fraké-limbo,
iroko, makoré, movingui, olon, padouk, sapelli, teck, zingana, entre autres).
L'ébénisterie tend, comme la charpente et la menuiserie, à s'alléger. Les
progrès des colles permettent de faire des panneaux plaqués résistant à
l'humidité et aussi au fort retrait que le chauffage central cause aux bois
massifs. L'âme est en bois légers (ayouss, pin weymouth, peuplier) ou même en
panneaux de fibres. Sur l'âme sont collés des contreplaqués d'okoumé, de
peuplier ou de hêtre, sur lesquels on colle, à fil croisé, les placages
précieux. La production et le choix des bois pour l'ébénisterie pose au
propriétaire un certain nombre de problèmes que nous étudierons dans un
prochain article.
LE FORESTIER.
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