Accueil  > Années 1950  > N°640 Juin 1950  > Page 361 Tous droits réservés

La forêt française

Bois de construction

Dans un précédent article (n°637 de mars 1950), nous avons donné quelques définitions relatives au classement commercial des grumes et étudié la question des bois à traverses et à appareils de voie. Nous allons aujourd'hui poursuivre cette étude relative aux diverses utilisations des grumes.

La charpente emploie diverses essences : chêne, châtaignier, peuplier, résineux. Cette technique a notablement évolué au cours de ce siècle. Nous ne sommes plus à l'époque de ces magnifiques charpentes de chêne qu'on peut admirer dans nos cathédrales et nos vieux châteaux. On n'emploie plus de ces pièces à gros équarrissage dont les assemblages donnaient lieu à de savants dessins (trait de charpente). Le métal, le béton ont pris en charpente une place prépondérante. La charpente en bois s'est allégée et modernisée. D'excellents ouvrages ont été écrits à ce sujet. Le calcul plus précis des résistances d'emploi a permis de réaliser des économies de bois et, par suite, de diminuer la charge reposant sur les murs. De nouveaux procédés et organes d'assemblage ont été mis en œuvre qui simplifient et perfectionnent la technique du charpentier (goujons et crampons d'assemblage, charpentes clouées, brochées ou même collées, etc. ...). Une conception nouvelle du matériau bois tend à remplacer la poutre massive par des poutres composées, analogues aux fers profilés ou aux ressorts d'automobiles, et par des poutres en treillis ou en caissons. La « voûte de bois » constituée par deux nappes réticulaires, raccordées en ogive, et formées de simples planches assemblées en losanges réguliers, a permis des réalisations spectaculaires. Pour tout cela, le résineux est roi, et, en particulier, le résineux de montagne. Sapins, épicéas, pins, mélèzes d'altitude peuvent donner des charpentes légères et excellentes au point de vue mécanique. Les bois à accroissements trop larges (en principe ceux dont les « cernes » annuels ont plus de 5 millimètres), les bois altérés, les pièces dont les nœuds sont trop gros (plus de 50 millimètres de diamètre), éclatés ou non adhérents, seuls ne conviennent pas pour la charpente. L'exploitant aura soin d'exploiter ses bois hors sève ; il les livrera rapidement à la scierie, qui devra les débiter sans délai et les empiler en prenant toutes les précautions voulues pour un bon séchage (large isolement du sol au moyen de dés en béton, espacement des piles pour une bonne circulation d'air, empilage régulier sur baguettes dont la grosseur et l'écartement sont en relation avec l'épaisseur des bois, exacte superposition des baguettes pour éviter les gauchissements, dépilages et réempilages périodiques pour surveiller les bois, protection contre le soleil trop ardent, pour éviter les fentes, puis protection contre la pluie, quand le bois a été bien dessévé). Toutes ces précautions permettront au scieur de livrer une marchandise de bonne qualité. Il y a lieu, en outre, de se conformer aux dimensions données par les normes de l'Association française de normalisation, en vue de faciliter les transactions. La marque des produits mis en vente, au moyen de l'estampille du producteur, devra constituer une garantie de bonne qualité.

Le coffrage des constructions en béton utilise des bois de qualité inférieure à la charpente. Une construction entièrement en béton nécessite d'assez grosses quantités de bois, en particulier de bois résineux.

La préfabrication en bois n'a pas très bonne presse en France. Dans d'autres pays (Canada, U. S. A., Scandinavie, Autriche, etc.), des maisons préfabriquées, en bois, sont réalisées qui ne sont ni provisoires, ni inconfortables, ni inesthétiques, bien au contraire. Quelques progrès ont été réalisés par les constructeurs français, mais il reste beaucoup à faire. L'usager ne doit pas juger la « préfabrication en bois » d'après les baraques que les besoins des deux dernières guerres ont fait naître et que nos constructeurs ont dû (condition impérative) réaliser dans des délais rapides. L'alliance du métal, des matériaux minéraux et du bois sous toutes ses formes (charpente, voliges, parquets, panneaux de fibres, panneaux agglomérés), peut permettre, pour la campagne, de très belles réalisations à un prix abordable. Combien de taudis, où l'on voudrait continuer à faire vivre des ouvriers agricoles, en espérant qu'ils ne déserteront pas la campagne à leur tour, pourraient être remplacés par des constructions préfabriquées dans lesquelles le bois aurait une large place ? À côté des bois de charpente, la préfabrication permettrait d'utiliser de grosses quantités de bois de menuiserie : chêne, châtaignier, hêtre, pin maritime, mélèze, sapin, pour les parquets ; chêne, sapin, épicéa, pins, tilleul, peuplier, pour les lambris ; chêne, châtaignier, pin maritime, mélèze, pour les fenêtres et portes extérieures, etc. ... Les panneaux de fibres : isolants pour placer dans les cloisons, durs ou mi-durs pour les revêtements intérieurs ou extra durs comme couvre-planchers, permettraient d'utiliser de grosses quantités de rondins résineux et feuillus tendres.

La construction, en « dur », utilise elle aussi d'importantes quantités de bois. La menuiserie a évolué, comme la charpente, au cours de ce siècle. Des normes ont été homologuées, pour les parquets, portes, fenêtres, impostes, etc. ... De nombreux types de « portes planes » existent, constituées par une âme lamellaire ou alvéolaire, sur laquelle sont collés des extérieurs en placages. De nombreux bois tropicaux, d'aspect très décoratif, s'allient à de beaux bois indigènes : chêne, orme, frêne, érables, fruitiers. Aucun autre matériau ne peut donner, autant que le bois, le confort et l'esthétique recherchés pour les intérieurs.

L'ébénisterie, elle aussi, est fidèle au bois. Métal et matières plastiques conviennent pour le mobilier d'hôpital, de cabinet dentaire ou de salles de cafés, mais le vrai meuble est en bois. Il existe de bonnes séries de meubles courants : en chêne, pour salles à manger et chambres à coucher, en hêtre, peuplier, tilleul, ou résineux, pour cuisines, salles de classe, etc. Des contreplaqués de hêtre, peuplier, okoumé, donnent des panneaux économiques. D'autres essences sont utilisées pour des meubles plus précieux : noyer massif pour le meuble sculpté, merisier, érable ou hêtre pour les pieds galbés des sièges Louis XV, multitude de bois de toutes essences pour la marqueterie, bois spéciaux divers pour la tournerie. Surtout, on utilise une foule de placages d'essences indigènes (chêne, noyer, orme, érable, merisier, etc.) ou tropicales (acajous d'Afrique, d'Amérique Centrale ou des Antilles, palissandres de Madagascar, des Indes ou de Rio, ébènes de Macassar ou d'Afrique, avodiré, bossé, bubinga, citronnier de Ceylan, dibetou, fraké-limbo, iroko, makoré, movingui, olon, padouk, sapelli, teck, zingana, entre autres). L'ébénisterie tend, comme la charpente et la menuiserie, à s'alléger. Les progrès des colles permettent de faire des panneaux plaqués résistant à l'humidité et aussi au fort retrait que le chauffage central cause aux bois massifs. L'âme est en bois légers (ayouss, pin weymouth, peuplier) ou même en panneaux de fibres. Sur l'âme sont collés des contreplaqués d'okoumé, de peuplier ou de hêtre, sur lesquels on colle, à fil croisé, les placages précieux. La production et le choix des bois pour l'ébénisterie pose au propriétaire un certain nombre de problèmes que nous étudierons dans un prochain article.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°640 Juin 1950 Page 361