Accueil  > Années 1951  > N°648 Février 1951  > Page 83 Tous droits réservés

Causerie vétérinaire

La constipation du chien

Ses causes et son traitement

La constipation est une affection très fréquente chez les petits animaux des deux sexes et de tous les âges : elle a un grand retentissement sur l'état général des individus qui en souffrent.

L'arrêt des évacuations fécales entraîne l'absorption par l'organisme de nombreux poisons et provoque la pullulation dans l'intestin d'un grand nombre de microbes. Aussi, la constipation est un facteur étiologique de la plus haute importance, et elle peut souvent être mise en cause dans l'épilepsie, le vertige, l'anémie, et dans les affections de la peau. La paresse intestinale est la principale cause de la constipation et elle est due elle-même à des facteurs divers et variés : le manque d'exercices physiques est le plus important. On incrimine également une nourriture défectueuse : viande en excès, os en trop forte proportion, abus du sucre et des pâtisseries chez les animaux de luxe. La constipation est fréquente chez les femelles pleines et âgées, ainsi que chez les sujets des deux sexes atteints d'inflammation ou d’abcédation des glandes anales.

On sait que, chez le chien, il existe sur les cotés de l’anus et de la partie terminale du rectum deux bourses ou glandes anales de forme ovale, pourvues chacune d'un étroit conduit qui s'ouvre sur la peau, en la partie inférieure de la marge de l'anus. Ces réservoirs glandulaires sont ordinairement remplis d'une matière brunâtre plus ou moins fétide. Le chien atteint d'inflammation des glandes anales se traîne sur son derrière pour les désobstruer, se frotte ou se lèche l'anus ; la défécation est pénible, douloureuse, et l'animal se retient le plus possible, d'où constipation.

Les débuts de la constipation sont marqués par des efforts de défécation fréquents et douloureux. Puis le ventre devient sensible à la pression. Les matières sont dures, peu abondantes : elles finissent par se tasser dans le gros intestin et le rectum, d'où coprostase et obstruction intestinale. On constate alors des troubles de plus en plus graves : l'animal s'affaiblit, le pouls est petit, la peau froide ; il ne mange plus et l'air expiré est fétide. Parfois la masse fécale comprime le canal cholédoque, provoquant ainsi une rétention biliaire qui amène l'ictère ou jaunisse, toujours très grave chez les petits animaux. Si la libre circulation des matières tarde à se rétablir, on peut voir surgir les troubles graves de l'occlusion intestinale aiguë. Nous donnerons quelques renseignements à son sujet à la fin de cette causerie.

Traitement.

— II convient tout d'abord de rechercher la cause de la constipation, de la supprimer ou d'en atténuer l'influence nocive. On modifiera le régime alimentaire. La diète lactée est tout indiquée, ainsi qu'une nourriture rafraîchissante : viande blanche, soupe aux herbes, légumes cuits. Proscrire les préparations alimentaires commerciales, généralement fort échauffantes. On emploiera les médicaments les plus inoffensifs. Les purgatifs seront rejetés, car ils augmentent le mal au lieu de le guérir ; ils provoquent la liberté momentanée de l'intestin, mais n'empêchent pas la constipation de se reproduire à nouveau.

Lors de constipation récente ou non encore accompagnée de troubles graves, provoquer le ramollissement des matières et leur évacuation par les laxatifs et les lavements. Trois ou quatre fois par jour, faire prendre de l'huile d'olive par cuillerée à café, à dessert ou à soupe, selon le poids du malade. On pourra utilement lui associer l'huile de ricin à petites doses répétées, ou la manne en larmes, 5 à 50 grammes pour un paquet, à administrer le matin à jeun, dans du lait chaud.

L'huile de vaseline ou de paraffine, qui traverse le tube digestif sans être modifiée, lubrifie la muqueuse du gros-intestin et facilite ainsi le glissement des matières, est employée avec succès dans les mêmes circonstances. On la donne à la dose quotidienne d'une demi-cuillerée à café à une cuillerée à soupe, de préférence à jeun. On peut encore utiliser avantageusement les grains de Vais, un à deux par jour, pour les petits sujets des races de luxe.

Pour les lavements, qui seront donnés assez abondants, trois à quatre fois dans la journée, employer l'eau chaude, la décoction de graine de lin ou de guimauve, additionnées de glycérine ou de sulfate de soude.

L'exercice, le massage de l'abdomen, l'application sur celui-ci des compresses humides et chaudes sont des adjuvants utiles. Parfois on devra évacuer le rectum avec le doigt ou, de préférence, avec la curette mousse. L'instrument sera manœuvré avec prudence, afin d'éviter la déchirure de la muqueuse ou la perforation des parois du conduit. Aussi ne saurions-nous trop conseiller de recourir au vétérinaire pour pratiquer cette opération.

Si la constipation est due à l'infection, à la réplétion des glandes anales, l'évacuation de leur contenu par la compression suffit ordinairement à amener la guérison. Pour opérer, le patient muselé, assujetti sur une table, on comprime fortement l'anus entre le pouce et l'index, celui-ci introduit dans le rectum. Cette petite opération est d'ailleurs bien connue des vieux chasseurs, qui la pratiquent couramment non seulement en vue de l'évacuation du contenu de ces glandes, mais encore dans le but, prétendent-ils de préserver leur élève de la maladie des jeunes chiens, ce qui reste à démontrer.

Dans les cas très rares où les divers moyens exposés ci-dessus ne donneraient pas le résultat poursuivi, s'il survient des symptômes généraux graves accusant l'occlusion intestinale aiguë, il reste, comme suprême ressource, l'intervention chirurgicale. Elle n'est pas à recommander.

Occlusion intestinale.

— L'oblitération de la lumière intestinale peut se produire de différentes façons ; mais il n'en est qu' une importante au point de vue pratique : celle qui survient brusquement, par déglutition d'un corps étranger. Les chiens, en particulier les jeunes, jouent volontiers avec des corps durs qu'ils peuvent déglutir ; balles de caoutchouc, cailloux, marrons d'Inde, bouchons, etc. Ces objets, s'ils franchissent l'estomac, pénètrent dans l'intestin, où ils s'arrêtent coincés ; s'ils sont trop volumineux, l'occlusion intestinale est réalisée.

Cet accident se traduit rapidement, par de l'agitation, de la douleur sous forme de coliques, par l'arrêt des défécations et par des vomissements incoercibles alimentaires d'abord, puis à odeur fécaloïde. Le ventre est douloureux et, à l'exploration, on peut percevoir un corps résistant, plus ou moins dur, dont la pression provoque des mouvements de défense.

Tous ces signes, apparaissant brusquement sur un sujet en parfaite santé, doivent faire penser à l'existence de l'occlusion intestinale par corps étrangers ; l’examen aux rayons X, radioscopie ou radiographie, permet souvent de préciser la nature de l'accident.

Traitement.

— Le traitement doit être rapide, car, si la paroi intestinale est fortement comprimée par le corps étranger, des troubles circulatoires se produisent, qui peuvent être rapidement suivis de gangrène. On peut essayer l'administration d'huile, le traitement indiqué précédemment contre la constipation, mais, si ces tentatives restent inefficaces, il faut sans délai pratiquer l'opération chirurgicale (laparotomie, entérotomie), qui est du ressort du vétérinaire.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 83