Comme je le pensais, mon article d'août 1951, consacré à ce
sujet, m'a valu une correspondance très abondante. Les lettres que j'ai reçues
sont fort intéressantes et prouvent que la question passionne au plus haut
point une masse de lecteurs.
J'avais, dans un article, posé trois problèmes, ou plutôt
soulevé trois questions :
1° La question de la semaine scolaire de cinq jours avec
deux jours de repos à la suite (samedi et dimanche) ;
2° La question des vacances de la Pentecôte ;
3° La question de la date des grandes vacances.
Et j'avais demandé L'opinion de tous : instituteurs,
campeurs, chasseurs, etc.
Voyons ensemble l'opinion de ces diverses catégories de
lecteurs sur chaque point soulevé dans mon premier article.
Semaine de cinq jours, avec deux jours de congé à la
suite (samedi et dimanche).
— Tous les instituteurs ou institutrices qui m'ont fait
le plaisir de m'écrire, à l'exception d'un seul partisan résolu du jeudi et du
dimanche, M. R ... (Bretagne), sont d'accord avec moi, les uns sans
réticence, comme Mme B ..., institutrice en Bourgogne, qui
m'écrit : « Je pense aussi que les programmes scolaires doivent être
adaptés à la vie moderne et, par conséquent, je réclame le congé du samedi.
Bien entendu, on pourrait faire un moment de travail manuel ou exercice de
plein air le mercredi après-midi. Il est vrai que les enfants sont plus agités
le mercredi, mais, pour ma part, j'ai remarqué que le samedi après-midi la
tension est élevée aussi et, pourtant, il n'y a que deux jours de classe
consécutifs. Cette agitation est due à la fatigue, peut-être, mais aussi au
fait que c'est la veille du jour de repos. Je crois donc que la semaine
anglaise ne serait pas préjudiciable à l'enfant. »
Mme B ... ajoute qu'étant mariée, son
mari travaillant dans un atelier et ayant son congé le samedi et le dimanche,
la semaine de cinq jours serait beaucoup plus agréable pour elle. « Toutes
les institutrices mariées en dehors du corps enseignant seront, dit-elle, de
mon avis. »
M. R ..., instituteur en Normandie, est également
d'accord, sans restriction, avec mon argumentation, « la parité avec la
classe ouvrière primant toute considération autre dont le fin mot est la
routine ».
Mme J. P ..., institutrice dans la
région lyonnaise, et M. A. F ..., directeur d'école dans le Poitou,
sont également d'accord, mais sous conditions. Leurs deux longues lettres sont
extrêmement intéressantes et détaillées.
Mme J. P ... écrit : « Tout
ce que vous dites sur la préférence du samedi au jeudi pour les enfants est
certainement exact et j'ajoute : quel bonheur ce serait pour les
instituteurs. » Mais elle précise : « Cependant je suis obligée
de dire que, dans l'état actuel des programmes scolaires, ceci est impossible.
Et je souligne mentalement cette expression d'autant de traits qu'il faudra
d'années pour arriver à une solution ! » Mme J. P ...
me parle ensuite de tous les arguments pédagogiques en faveur du système actuel
(fatigue du mercredi, etc. ...) (mais non, chère Madame, je ne me moque
pas de la pédagogie ! N'en croyez rien, mais il ne faut pas la placer
avant tout), et elle en vient à l'examen des programmes actuels ... « Dans
l'ensemble de la France, on apprend à des enfants trop jeunes des questions
qu'ils n'ont pas l'âge mental de comprendre, ce qui demande beaucoup de travail
pour peu de résultats. »
Et Mme J. P ... examine ensuite la
différence avec les programmes américains et suisses, beaucoup plus allégés et
laissant aux enfants des après-midi entières pour les sports et activités
manuelles ... Elle déclare : « Il faut adapter les programmes
scolaires aux possibilités des enfants », et termine : « Cher
Monsieur, votre combat est le nôtre, mais il est préférable de commencer par le
commencement, c'est-à-dire par la révision des programmes et du contenu de la
journée scolaire avant de supprimer la pause du jeudi. »
M. A. F ..., directeur d'école, instituteur
depuis 1928, pose, lui aussi avant tout, le problème de la réforme des
programmes. Les programmes sont trop chargés : « Mieux vaudrait,
dit-il, des programmes très allégés, étudiés calmement et donnant aux élèves la
curiosité de savoir, plutôt que cette masse qui les écrase et les dégoûte à
tout jamais d'ouvrir un livre ... Il y a donc une nécessité :
modifier encore une fois nos programmes, mais cette fois-ci en y faisant de très
larges coupes sans rien ajouter et, une fois n'est pas coutume, peut-être
pourrait-on consulter les maîtres ? Alors, on pourrait certainement
travailler cinq jours de suite, avec le congé du samedi et du dimanche, pour le
plus grand bien des jeunes citadins. »
Je suis heureux de constater cet accord unanime du corps
enseignant, car je n'ai jamais pensé que la réforme que je préconise puisse
être faite sans réforme des programmes. Si tout le monde est d'accord pour
estimer que les gosses devraient avoir congé chaque semaine en même temps que
leurs parents, alors changeons les programmes pour que cela devienne possible.
C'est une grosse chose que de remuer l'Administration. Mais, si on ne tente
rien, il n'y a aucune raison pour que ça change.
Les personnes qui m'ont répondu, en dehors du corps
enseignant, sont toutes d'accord avec moi ... Campeurs, non-campeurs,
cultivateurs même m'ont écrit dans ce sens ...
Donc, sur ce point, unanimité. Il faut adapter les
programmes scolaires à la vie moderne ! ... Les réduire et permettre
aux enfants d'être libres en même temps que leurs parents.
Question des vacances de la Pentecôte.
— Sur ce point, unanimité complète sans restriction
aucune. Signalons en passant qu'à Noël le même fait s'est reproduit. Les
travailleurs avaient congé dès le vendredi soir et pouvaient profiter d'un « pont
exceptionnel de quatre jours ». Seuls les travailleurs sans enfants à
l'école ont pu en profiter. Les autres ont vu leur « pont » réduit à
trois jours, car naturellement les enfants ont été en classe jusqu'au samedi 16
heures. Et il en sera, hélas ! de même à Pâques, ou plutôt aux Rameaux.
Ne pourrait-on pas penser à cela dans le Bureau du ministère
de l'Éducation nationale qui prépare le décret relatif aux vacances scolaires ?
Cela me paraît si simple et si logique que je crois qu'il
suffirait d'y penser. Mais j'ai sans doute beaucoup d'illusions.
Nous examinerons dans une prochaine chronique les réponses
qui m'ont été envoyées au sujet des grandes vacances.
J.-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
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