«Alain Benoit est photographe depuis qu'il a compris que l'on peut emprisonner une émotion dans un cadre 24 x 36». Cette citation du réalisateur Jean Paul Gailhard est extraite de la préface d'un très bel ouvrage illustré* que le Studio Deepix avait édité pour ses 10 ans d'existence en 2011. Des studios qui intègrent simultanément la photographie, la post-production, le graphisme et la vidéo , il en existe peu en Gironde. Celui-ci a élu domicile au 34-36, rue Laure Gatet à Bordeaux, dans un ancien entrepôt de 750 m², longtemps occupé par une imprimerie. Alain Benoit , 57 ans, à la double culture Basco-Landaise et Alsacienne en est son concepteur. Son Bac acquis dans un lycée toulousain, il s'initie très vite, pendant ses congés d'été, à la photo industrielle et sociale, grâce à son mentor, Claude Roux . Celui-ci réalise la mise en image du groupe ELF AQUITAINE , entre autre sur le site de Lacq découvert et exploité depuis les années 60-70 . Au sein d’une équipe de 10 personnes, il y apprend rapidement la technique de l'argentique, à se servir d'appareils professionnels sophistiqués, à développer des pellicules noir et blanc puis couleur. Pendant trois ans, Alain Benoit intègre alors l'école ETPA , dans la ville rose, dont il sort major de promotion et lauréat des grand concours nationaux. Il étonne assez tôt son entourage par sa maturité, malgré son jeune âge. «J'ai été en prison à 7 ans» concède t-il. Ses parents effectivement, ne lésinent pas avec la discipline et le placent dans le pensionnat jésuite de Cendrillon dans le sud des Landes. «J'ai m'adapter», dit-il et cette faculté d'adaptation va l'accompagner en permanence tant dans sa vie privée que professionnelle. L'homme voyage depuis tout gamin. Avec ses parents tout d'abord, il y découvre d'autres cultures, d'autres espaces. Beaucoup par obligation aussi quand il sillonne la France, une fois devenu adulte et par curiosité enfin. Tout juste sorti d'école, il devient assistant de Jean Dieuzaide à Toulouse, avant de rejoindre la capitale quelques mois plus tard. A Paris, il peaufine son sens de la créativité déjà bien aiguisé en assistant des photographes publicitaires. Il travaille pour des groupes qui eux-mêmes répondent à des commandes émanant des célèbres agences Publicis et RSCG . Il observe, il progresse, mais peu à peu, il pose déjà sa patte ! L'homme est un amoureux des ambiances, des couleurs, des scenarii. C'est un instinctif, mais c'est aussi et avant tout un remarquable technicien doté d'une grosse de capacité de travail. Il devient progressivement un spécialiste du portrait de mode et de la mise en scène publicitaire dont il ne se départira jamais. En 1988, il rejoint son sud-ouest natal, et intègre le très emblématique studio de Pierre Burdin , à Mérignac. Il en devient très vite un pilier. Il a carte blanche pour accomplir ses missions. Le début des années 90 voit alors l'arrivée du numérique, qui rebute certains mais en conquiert d'autres. Alain Benoit est dans le deuxième cercle. «J'ai été enthousiasmé par le numérique», confesse t-il. Il rêve alors à l'étendue des possibilités conférée par cette innovation. On travaille sur une image, on la fait évoluer. Le photographe n'est plus aveugle, il fabrique et retouche son image sans restriction, pour Alain , c'est une révolution ! A l'approche de la quarantaine, notre prospect sait alors qu'il est prêt pour une aventure personnelle. La vente du studio Burdin corrélée à la trouvaille de la rue Laure Gatet, façonnent son destin. Deepix résulte de la contraction « Deep , profondeur émotionnelle de l'image, et de pixel , picture élément, la résolution numérique», selon son inventeur. Tout est à concevoir et dans ce domaine, Alain Benoit ne se refuse rien ! Il isole déjà son bâtiment, dont la toiture retient mal l'humidité bordelaise.Très rapidement, il fabrique un loft et redonne une vie à un bâtiment laissé en jachère pendant deux ans. Son réseau de clients le suit. Les marques Oxbow et Labeyrie lancent chez lui leurs campagnes publicitaires. Alain retrouve avec habileté ses habitudes parisiennes et les VIP, aiment à se faire photographier chez lui. L'artiste est aussi bien vite habité par l'âme de ce quartier, qui mélange en ce début des années 2000 toutes les générations. Il en fait la connaissance grâce à Jean Calixte Olivier , la mémoire du lieu. Les personnalités du faubourg deviennent ses supports artistiques, à l'image d'un vieux magicien catalan, dont il apprécie la verve, en dépit de ses 90 ans. Alain Benoit n'a pas son pareil pour donner vie aux objets, pour tirer le meilleur des individus. Le monde du vin s'accapare sur la lancée de ce talent, prêt à le servir et à le valoriser aux quatre coins de la planète. Le photographe devient un serviteur des plus grands crus mondiaux. Ici, un château Lafite-Rothschild , 1929, là, deux verres de Lillet dont les nectars se mélangent. Son imagination n'a plus de limites, des cuves en inox qui semblent sortis du néant, une porte largement symbolique devant laquelle un père et un fils vignerons dissertent des prochaines vendanges. L'effet est stupéfiant, rien ne résiste à la sagacité de l'artiste, qui met autant en valeur le travail obscur du vendangeur, que les grand-messes officielles réunissant le gotha de la viticulture mondiale. Le photographe est désormais de toutes les festivités, à commencer par Vinexpo , se pressent les professionnels du vin de la planète. Il devient aussi un incontournable dans la très prisée Fête de la Fleur , réunissant bon nombre de sommités. En 2019, en particulier, au château Lynch-Moussas , il capture le discours de Nicolas Florian , maire de Bordeaux, inaugurant la manifestation. C'est un paradoxe, car Alain l'authentique ne recherche pas les mondanités accompagnant les grands de ce monde. Mais comment refuser, par exemple, le mariage du prince Albert de Monaco , quand il se présente ? De tels événements vous octroient une expérience incomparable. Il figure très régulièrement dans des magazines américains et français , devient le partenaire privilégié du célèbre « Wine Spectator » et illustre depuis sa création les fameuses sagas familiales du magazine « Terre de Vins» . Les professionnels du secteur sont avides des photos d' Alain Benoit qui mieux que n'importe quel autre, crée du glamour sur papier glacé. Ce succès Benoit le relativise, il le sait fragile et fugace. Il se ressource le plus souvent possible, près des embruns et des vagues de sa côte landaise. Il y retrouve ses racines, sa femme et ses trois filles, largement influencées par le métier paternel. Il redevient à cette occasion le surfeur qu'il n' a jamais cessé d'être. Pionnier de la vague, il apprend là, la patience et l'humilité qui l'accompagnent dans ses réalisations artistiques. Alain Benoit , fort de sa complexité, reste un artiste photographe incomparable bien dans sa vie, dans sa ville, dans son quartier, dans son studio. Moins connu de ses pairs que reconnu par ses clients, sa réussite ne l'a pas changé d'un iota. Un vrai talent bordelais, qui s'accompagne d'une modestie naturelle, le rendant si attachant aux yeux de ses clients et de ceux qui l'aiment.