La
Boétie
,
Montaigne
ou
Brantôme
1
auraient-ils
apprécié
comme
il
se
doit,
les
moments
de
grâce
passés
avec
Anne-Marie
Cocula-Vaillières
à
l'ombre
des
arbres
du
«
Pèlerin des ruines de Cayac
» ?
L'historienne, présidente de l'université Bordeaux-Montaigne de 1994 à 1999, puis vice-présidente du Conseil Régional d'Aquitaine de 2003 à 2016 s'est livrée dans ce
cadre «à cœur ouvert».
Son
enfance,
ses
engagements,
sa
vision
de
Bordeaux
et
ses
projets
ont
plus
particulièrement
retenu
notre
attention.
Anne-Marie
est
une
bordelaise
d'adoption,
mais
elle
est
avant tout périgourdine et sa toute récente
Histoire du Périgord
2
, sortie en 2019 est là pour nous le rappeler.
L'insouciance
de
l'enfance
à
Périgueux
a
été
très
tôt
contrariée
par
la
guerre.
Elle
a
à
peine
deux
ans,
quand
son
père
est
fait
prisonnier
et
passe
le
reste
du
conflit
en
Allemagne.
De
cette
période
tragique,
elle
garde
le
souvenir
des
uniformes
allemands
et
de
la
peur
qu'ils
véhiculent.
«Ils
posaient
des
questions
à
ma
mère
institutrice»
se
souvient-elle.
Anne-Marie Cocula
dans ces «années noires» contracte, par ailleurs, la poliomyélite dès 6 ans, ce qui la laisse un temps paralysée sur son côté gauche.
Sa
mère
et
sa
grand-mère
comblent
plutôt
bien
l'absence
paternelle.
Sa
maman,
en
particulier,
lui
apprend
à
lire
et
à
écrire,
ce
qui
lui
octroie
un
an
d'avance
qu'elle
gardera
jusqu'au
Bac.
De
la
6e
où
elle
entre
après
examen,
jusqu'en
Terminale
elle
fréquente
le
lycée
de
jeunes
filles
de
Périgueux
.
Anne-Marie
le
reconnaît
bien
volontiers,
ses
premiers
pas
dans
la
vie
sont
accompagnés
surtout
par
des
femmes.
De
son
père
elle
garde
des
souvenirs
diffus,
mais
une
distance
façonnée
par
l'absence
des
premières
années s'est installée, elle ne sera jamais comblée.
Les
années
50
sont
celles
de
la
renaissance
et
des
congés
pour
les
Français.
L'historienne
y
découvre
à
cette
occasion,
les
joies
de
la
montagne
en
vallée
d'Aspe
en
juillet,
grâce
à
son
professeur
de
piano,
madame
Gerhardt
et
celle
de
la
mer
à
l'
île
d'Oléron
en
août.
Anne-Marie
Cocula-Vaillières
,
profite
à
plein
de
ces
moments
de
détente,
synonymes pour elle de «liberté et de réapprentissage de la vie».
L'excellente
élève
qu'elle
est,
lui
permet
d'intégrer,
une
fois
son
Bac
philo
obtenu,
l'
École
Nationale
Supérieure
(ENS)
de
Cachan
où
elle
entre
après
une
année
de
«prépa».
Son
amour
pour
l'Histoire
,
qui
ne
la
quittera
plus,
se
décide
alors.
Pendant
ces
trois
années
de
vie
parisienne
(de
1958
à
1960),
elle
y
côtoie
le
médiéviste
Michel
Mollat
3
et celui qui deviendra son maître à penser le grand historien moderniste
Pierre Goubert
4
.
Ces
années
60
sont
pour
Anne-Marie
celles
du
bonheur
(mariage
avec
Bernard
Cocula
,
professeur
de
littérature
en
1960,
naissance
de
ses
deux
enfants),
mais
encore
de
nouveau celles de la crainte. Le monde de la
Guerre Froide
vit avec angoisse la «crise des missiles» à Cuba en 1962 et les vieux démons resurgissent de plus belle !
Dans
ces
premières
années,
d'où
ne
sont
absents
ni
les
contraintes
ni
les
doutes,
Anne-Marie
a
puisé
ses
idéaux
d'égalitarisme
et
de
droiture.
Quand
elle
devint
présidente
d'université,
bien
des
années
plus
tard,
(ce
fut
une
première
pour
une
femme
en
Aquitaine),
son
obsession
fut
toujours
«de
donner
sa
chance
à
tous».
Elle
fut
d'un
soutien
sans
faille
pour
les
titulaires
des
Bacs
G
(Gestion)
qui
entraient
en
1ère
année
d'Histoire.
Stéphane
Barry
5
,
son
ancien
étudiant
en
était
issu.
Cela
ne
l'empêcha
pas
de
produire sous la direction de son enseignante, une remarquable histoire de
La
peste en Bordelais et en Moyenne Garonne.
Le
combat
politique,
par
contre,
ne
faisait
pas
partie
de
sa
culture.
Elle
l'embrassa
par
hasard
en
2003,
plus
par
fidélité
à
Alain
Rousset
,
l'ancien
maire
de
Pessac,
que
par
réel
carriérisme.
Une
première
collaboration
avait
débuté
entre
eux
avec
le
Festival
du
Film
d'Histoire
de
Pessac
,
elle
se
prolongea
naturellement
lors
du
deuxième
mandat
du
Président
de
Région.
Anne-Marie
fidèle
à
ligne
de
conduite
ne
voulait
pas
de
responsabilités
exacerbées.
Elle
n'en
devint
pas
moins
vice-présidente
chargée
de
l'éducation
tout
d'abord,
de
la
culture
ensuite,
pendant
12
ans.
Au
total,
j'ai
passé
«un
quart
de
siècle
à
occuper
des
fonctions
administratives»
confiait-elle
à
l'historienne
Dominique Picco
6
, à l'automne 2018.
Anne-Marie
Cocula
s'installa
en
Gironde
dès
le
début
de
sa
carrière,
quand
elle
fut
nommée
avec
son
mari
dans
l'actuel
lycée
Kastler
(ancien
LTE,
lycée
technique
d'État
de
Talence).
Le
Bordeaux
de
cette
fin
des
années
60,
ne
ressemblait
en
rien
à
celui
d
'aujourd'hui.
Il
n'en
demeure
pas
moins,
que
très
vite,
cette
ville
exerça
sur
elle
une
forme
de
fascination.
Dans
son
Histoire
de
Bordeaux
7
,
écrite
en
2010,
elle
décrypte
ce
qui
caractérise
la
cité
selon
elle,
sur
la
très
braudelienne
8
longue
durée.
«Bordeaux
a
toujours
été
une
ville
rebelle
que
la
monarchie
a
étouffée.
En
1548,
en
1648-1653
et
en
1675
elle
se
révolte
contre
le
pouvoir
central
en
souvenir
des
privilèges
octroyés
par
les
Anglais
au
Moyen-Âge»,
précise
la
Périgourdine.
Elle
poursuit
«la
fronde
des
Girondins
pendant
la
Révolution
française
n'avait
pas
d'autres
buts,
par
ailleurs.
Ces
députés
provinciaux
voulaient
moins
de
taxe,
plus
d'autonomie».
A
l'en
croire,
la
rivalité
entre
Paris
et
Bordeaux
a
souvent
été
sujet
de
troubles
pour
la
capitale
girondine.
Elle
porte
sur
l'évolution
de
cette
dernière
un
regard
mitigé.
«Certes,
Bordeaux
est
en
pleine
ascension,
mais
la
ville
est
menacée
d'asphyxie
à
terme
si
on
ne
résout
pas
le
problème
des
embouteillages
quotidiens».
Par
ailleurs,
souligne
t-elle
aussi
«la
transformation
de
la
CUB
(Communauté
Urbaine
de
Bordeaux)
en
Métropole
a
favorisé
la
Ville-Centre au détriment des communes peu à peu cannibalisées!»
Elle
a
rencontré
Nicolas
Florian
,
l'actuel
maire
«
qu'elle
trouve
sympathique
et
dont
la
chance
d'être
élu
en
2020
est
réelle,
s'il
se
confirme
qu'il
n'a
pas
de
poids
lourd
politique face à lui».
A
bien
y
regarder,
Anne-Marie
Cocula-Vaillières
n'a
jamais
été
aussi
jeune
malgré
ses
81
ans
!
Elle
multiplie
les
missions.
Elle
est
engagée
notamment
dans
«
la
Bataille
de
Castillon
»
aux
côtés
d'
Éric
Le
Collen
et
de
Serge
Ruaud
,
son
ancien
élève,
qui
en
est
le
président.
Elle
est
présidente
du
Centre
François
Mauriac
à
Malagar
,
elle
préside
de
même
l'«
Institut
du
goût
Nouvelle
Aquitaine
»
dont
le
siège
est
à
Léognan.
Sa
boulimie
d'écriture
l'accompagne
toujours.
Elle
vient
tout
juste
de
publier
un
essai
sur
La
Boétie
,
dans
lequel
le
Périgourdin
dénonçait
«
la
servitude
volontaire
»
9
dès
1550.
Celle-ci
consistait
selon
l'auteur
à
se
soumettre
au
tyran.
Elle
est
insatiable
et
compte
bien
ne
pas
en
rester
là.
A
la
fin
de
l'année
2019,
elle
«revisitera»
un
de
ses
personnages
favoris
avec
la
publication
de
Montaigne
1588
.
Quasi
simultanément,
elle
aura
une
pensée
pour
La
Seconde
Guerre
Mondiale
en
Périgord
,
ouvrage
collectif,
qu'elle
dirige
conjointement
avec
Bernard
Lachaise
.
Elle
a,
malgré
tout,
une
affection
toute particulière pour la «Rivière» et les bateliers. Elle n'oublie pas que sa thèse monumentale sur
Les gens de la rivière de Dordogne
10
lui prit 11 ans de sa vie.
Anne-Marie
pense
aussi
à
tous
ceux
qui
l'ont
accompagnée
dans
son
parcours
de
vie,
à
Bernard,
son
époux
disparu
en
2005,
à
ses
fils,
à
ses
petits
enfants
à
qui
elle
offre
un
modèle
de
générosité
et
de
probité.
Une
grande
dame
d'Aquitaine
s'est
confiée
à
nous
ce
15
juillet
2019
avec
modestie,
délicatesse
et
élégance,
«
à
cœur
ouvert
»,
à
l'ombre
«ANNE-MARIE COCULA-VAILLIÈRES A COEUR OUVERT !»