Angélique Bernard , 55 ans, native de Bordeaux-Caudéran est animatrice depuis maintenant près de 30 ans. La dénomination est forcément polysémique, mais il n'existe pas réellement de formation pour sa profession. Être animatrice consistait dans les années 80, et consiste encore, à promouvoir une enseigne commerciale, dans le cadre d'un hypermarché ou d'une galerie marchande le plus souvent. Cette communication orale, dont le vecteur principal restait la sonorisation, était le plus sûr moyen de doper les ventes, à une époque Internet n'avait pas droit de cité. Rien ne prédisposait pourtant cette jolie jeune fille de 20 ans à embrasser un métier dont elle ignorait tout. «Je me destinais à devenir enseignante, j'aimais lire, je me serai bien vue prof de français ! ». L'amour allait en décider autrement. Elle rencontra Éric Estria (auteur, compositeur, interprète) en 1983, qui allait l'initier à la pratique du micro. Cela se fit progressivement, au début par de petites phrases, derrière une table de mixage, avant d'être lancée dans le grand bain en 1987 dans la galerie marchande de Facture- Biganos . Dire que ce fut une révélation serait largement exagéré ! Sa timidité naturelle ne la prédisposait en rien à être une interface entre des magasins et leur clientèle. Ce manque d'assurance se traduisait par une forme de froideur, qui fit dire un jour au responsable de la galerie marchande Mériadeck, «Angélique c'est bien, mais elle n'est pas commode !». Pendant près de dix ans,qu'elle officie seule ou avec Éric Estria , elle reste dans l'ombre toutefois de celui qui avait acquis une certaine notoriété. Les deux tourtereaux lancèrent deux sociétés Kaléidoscope et Keascope , qui bien vite diversifièrent leurs activités. On passa assez rapidement de l'animation classique à la création d'événements pour les galeries marchandes, dont celles-ci étaient très demandeuses. Ce fut l'époque bénie, 8 personnes travaillaient rue Mandron, de façon temporaire ou continue. Éric et Angélique furent novateurs. Ils eurent tous deux, bien avant l'heure, la sensation que la gastronomie allait séduire le grand public. Ce fut le début des animations culinaires organisées aux quatre coins du pays. On y conviait les stars de l'époque et Maïté , lancée par la « Cuisine des Mousquetaires », vint leur prêter main forte pour le moins ! Ces années d'animation, d'organisation, de planification sont toutefois assombries par un manque de rentabilité évident. Éric et Angélique sont des créateurs mais ils ne sont pas gestionnaires ! Leurs sociétés sont déficitaires malgré l'originalité des actions proposées, sur les thèmes d' Halloween et du fantastique par exemple. L'année 2005 correspond alors à une rupture profonde pour Angélique Bernard : elle se sépare de son pygmalion , après 19 ans de vie commune et entame alors une carrière solo. « Je suis timide... mais je me soigne! » tel pourrait être son credo. Cette séductrice qui s'ignore a bien des atouts dans son jeu : elle est jolie, pétillante, dotée d'une très belle voix et d 'une capacité d'analyse des situations d'animation sans pareille. Elle sait aussi que la rareté des femmes dans son métier l'avantage au plus haut point. Le célibat lui sied et à 40 ans elle s'assume alors telle qu'elle est : naturelle, indépendante, insouciante, souriante ce qu'elle est au micro ! Elle profite des «marchés» antérieurs, mais elle en conquiert d'autres bien vite, à l'image d' Auchan Bouliac où elle réalise pendant plus de dix ans, 50 jours d'animation annuels. Elle aime son métier, elle ne le considère pas comme une sous-offre artistique, ne s'exaspère jamais en toutes circonstances. Angélique Bernard est une bonne nature, sans doute plus cigale que fourmi. Elle a quelquefois des relations compliquées avec de misogynes directeurs de supermarchés, mais dans l'ensemble, tout le monde apprécie l'élégance, dans la voix et dans le geste de la belle. A partir de 2010, elle franchit encore une étape grâce à sa rencontre avec Tieno , créateur du cabaret d'Artigues « Le Grain de folie », mais aussi à la tête d'une société d'animation « Antenne 88 ». On lui confie la mission de dynamiser la foire de Poitiers , ce dont elle s'acquitte avec bonheur. Angélique y rencontre alors des directeurs d'autres foires, comme celles de Montluçon , de Nevers ou La Rochelle . Un nouveau challenge s'offre dès lors à notre animatrice qu'elle sait aussi monnayer comme il se doit. Le métier est effectivement rémunérateur, et elle engrange à cette occasion le prix de la compétence et de l'expérience. En septembre 2019, Marseille va s'ouvrir à elle, pour la première fois ! «J'adore la cité phocéenne, ses excès, sa gouaille, je suis ravie qu'on m'ait accordé cette nouvelle confiance.» Durant toutes ces années, Angélique Bernard a su cultiver son réseau, sans lequel on n'existe pas dans ce métier. Elle rencontre ainsi Jacques Legros en 2013 à Metz, et le présentateur œnologue de TF1 est bluffé par sa gestion des interviews des professionnels des métiers de bouche. Elle prend aussi du galon, quand elle présente seule sur scène la soirée de gala d'« Exp Hôtel » 2017, au Palais de la Bourse à Bordeaux. «J'avais une boule au ventre toute la journée, mais elle s'est dissipée sitôt montée sur scène», dit-elle ! Angélique aime la vie, elle apprécie le temps libre que lui offre son métier, et avoue s'être accoutumée à sa précarité. En 30 ans d'animation, les moments de conflictualité ont été rares pour celle qui fait souvent l'unanimité autour de sa personne et de son travail. Deux moments pénibles lui reviennent en mémoire toutefois. Lors du premier, elle avoue s'être engagée par erreur sur deux animations différentes au même moment ! Lors du second, elle maudit la rencontre avec un goujat qui était à l'époque responsable de la Foire de Pau . Mais elle a trouvé la parade dans les deux cas, car avec le temps, elle a su parer à toutes les éventualités. Angélique Bernard n'a jamais eu à souffrir d'un machisme exacerbé, mais ne s'en montre pas moins féministe pour autant. Elle y adhère sans militantisme cependant, avec la modération qui la caractérise. Sur la violence de la société, elle porte un regard sans concession, déplorant au passage la montée des extrêmes en politique, qui ne ferait qu'aviver, selon elle, les tensions sociales. Angélique Bernard , toute en modestie et en charme, est venue à notre rencontre sous un chaud soleil du mois d'août sur les bords de la Garonne. Elle a joué avec l'objectif de Régis Hazenfus , comme elle le fait avec les mots au gré de ses «pérégrinations oratoires». Elle l'a fait en délicatesse, tout en insouciance, en se disant que la vie est belle quand on est quinquagénaire. Christophe GAMEIRO
«ANGÉLIQUE BERNARD : JE SUIS TIMIDE...MAIS JE ME SOIGNE!!»