La retraite approche et parmi mes nombreux projets pour cette heureuse période, il y a un déménagement pour échanger mon petit appartement pour une maison avec un atelier !
Je commence donc à m'équiper, mais pour en profiter dès maintenant, je vais m'aménager un petit coin dans la cave.
Un établi digne de ce nom ne passerait pas dans le petit escalier qui mène à la cave, donc je vais fabriquer un établi rudimentaire mais fonctionnel, pour juste quelques années, ça ne me posera pas de problème de le laisser sur place quand je partirai.

Le "challenge" est double :
  • fabriquer un établi... sans établi
  • réaliser toutes les opérations uniquement avec des outils à main

Voici donc la situation de départ...
Ci-dessous, la table branlante qui me sert pour bricoler. Elle était sur place quand j'ai acheté l'appartement, et le bout de cave qui va avec.
Elle est de taille respectable (plateau de 2 mètres sur 60 cm), mais il n'y a aucun assemblage, la ceinture est simplement vissée sur les pieds, etc.
Le tas de chevrons en douglas qui va devenir l'établi.
Pour 10 euros, j'ai trouvé cette vis en occasion, il faut juste enlever l'horrible couche de peinture blanche...

Et pour réaliser l'établi, faisons le tour de mes machines
Voici ma dégauchisseuse-raboteuse, modèles 6 et 4 de chez Stanley
Ma scie à ruban Dexter :
Ma perceuse à colonne Peugeot Frères :
Et ma toupie :
Je ne vais pas ennuyer beaucoup mes voisins avec le bruit de ces machines !
C'est un choix. J'ai travaillé plus de 10 ans avec des machines, je sais ce que c'est. Et je privilégie le plaisir de tout faire à la main. L'électricité ce sera juste pour la lumière ;):

Fabrication de la presse
Comme je fabrique un établi, c'est que je n'en ai pas ! Et donc pour raboter, il faut faire avec les moyens du bord...
Je me suis fabriqué deux griffes rudimentaires, que je fais tenir avec des serre-joints sur la vieille table trouvée dans la cave.
La pièce de bois est bien maintenue par les deux griffes, mais la table bouge... C'est utilisable quand même, heureusement.
J'adore les longs copeaux que ça fait. Ça change de la toupie ! Et je suis surpris, ça va assez vite.
Une fois les 3 pièces collées, avec une fausse languette en contreplaqué de 10, je passe à l'étape suivante.
J'ai récupéré du hêtre, deux blocs de 450x450x40 lorsque le fiston m'a demandé de faire des découpes dans le plan de travail de sa cuisine.
Je vais renforcer l'établi, réalisé en douglas, avec ce bois dur aux endroits stratégiques
Collage de la pièce de hêtre sur la presse

Fabrication du bâti
Pour fabriquer les mortaises, je me suis fabriqué un petit guide : deux simples planches assemblées d'équerre.
C'est tout simple, mais très pratique pour percer droit au vilebrequin
En plus, ça sert aussi de jauge de profondeur.
Évidemment, une fois les trous effectués, il faut sortir le ciseau et le bédane pour terminer chaque mortaise.
Fabrication des chevilles.
Plutôt que de percer à travers tout une fois l'assemblage effectué, je préfère percer séparément le tenon et la mortaise, avec un léger décalage, pour réaliser un chevillage à tirer. Je n'oublie pas de percer aussi les trous qui recevront les tirefonds, qui fixeront le plateau au piètement.
J'en profite pour percer aussi, dans le pied qui va recevoir la presse, les trous correspondant à l'écrou de celle-ci.
Tout est prêt, c'est le grand moment de l'assemblage.
Voilà, le piètement est assemblé !
Je mets en place la presse : ouf, j'avais bien tout mesuré.

Fabrication du plateau
Le projet de départ, c'était un établi minimaliste, et je pensais simplement fixer le plateau avec des tire-fonds.
Mais entre temps je me suis trouvé une vis d'établi en occasion (10 euros) et j'ai fabriqué une presse. Du coup, puisque je n'avais pas prévu de tenons pour solidariser piètement et plateau, j'ai fabriqué quelques tourillons dans une tige ronde de 18 mm, en hêtre.
Fabrication des trous carrés. Quelques coups de scie à dos, finition au ciseau : ça va assez vite.
L'établi est réalisé principalement en douglas, mais j'ai récupéré quelques chutes de hêtre. J'en ai mis un morceau dans le haut de ma presse, et je fais une entaille dans le plateau, en face de la presse, pour renforcer aussi cet endroit.
Mais pas de chance : je tombe pile sur deux noeuds assez coriaces :
Enfin, avec des outils bien affûtés... et de la patience (!) on en vient à bout !
Pour la presse de bout, je n'ai rien trouvé en occasion. L'élément principal est une tige filetée de 18 mm.
Pour la manivelle, c'est un fer plat de 40 mm, et un bout de tige filetée de 8 mm. Je perce un trou de 8 mm dans une tige ronde en hêtre de 18, jusqu'à à mi-distance de chaque côté :
Un léger coup de lime pour égaliser. Grâce au guide, il y a peu à rattraper.
J'avais envisagé plusieurs systèmes, pour actionner cette manivelle.
Coincer le fer plat entre deux écrous. Ou alors un seul écrou, mais avec une goupille passant à travers l'écrou et le fer plat.
Et finalement, j'ai eu la bonne idée : réaliser à la scie à métaux deux plats sur l'extrémité de la tige filetée, en prenant garde de conserver suffisamment de filetage, et percer deux trous de 10 mm dans le fer plat, puis finir à la lime.
C'est impeccable. L'avantage, c'est que l'écrou n'a même pas besoin d'être bloqué avec une clé, serrer à la main suffit. La manivelle sera donc facilement démontable, si elle est en position haute durant un serrage.
En avant pour les queues d'aronde !
À la scie à dos, et finition au ciseau.
Pour les mortaises, on ajoute aussi le vilebrequin.
Et un gros paquet de minutes après le début de ces travaux, test et ajustage.
L'étape suivante, c'est la réalisation des rainures et fausses languettes, pour assemblage du plateau.
J'ai pas mal galéré, car mon bouvet s'était déréglé petit à petit, je ne m'en suis aperçu qu'au bout d'un moment, quand ça a commencé vraiment à coincer.
Au début, j'ai pensé que le fer s'émoussait, mais non ça coupait encore bien. En fait, c'était un des coins de réglage du guide latéral qui s'était desserré !
Il a fallu que je refasse une passe sur toutes les pièces, mais ouf, c'est rattrapé !
Assemblage à blanc, afin de vérifier si le jeu laissé pour la partie mobile sera suffisant. Pour ce test, j'ai laissé les fausses languettes en contreplaqué, celles qui serviront pour le collage du plateau. Mais juste pour la partie mobile de la presse de bout, je vais faire des fausses languettes en hêtre, plus résistant à l'usure, parce qu'une fois le plateau assemblé, ce sera indémontable !
Percer un trou de 18 mm dans du hêtre bien dur, sur 15 cm et surtout en bois de bout, ça n'est pas facile ! Et aussi, j'avais peur de me louper et dévier...Pour minimiser le risque, j'ai percé à moitié de chaque côté, mais j'ai bien visé et la tige filetée est passée sans avoir besoin d'ajuster !
Percer en travers du fil, pour l'autre pièce, c'était bien plus facile.
Comme j'encastre de grosses rondelles, j'en profite pour utiliser la guimbarde que j'ai fabriquée récemment.
Et dans la partie mobile de la presse, j'encastre un écrou.
Montage à blanc de la presse de bout.
Pour ce test, et utiliser la tige filetée en mode "vis sans fin", je la bloque du côté de la traverse, avec écrou et contre-écrou. Dans le montage final, je mettrai un seul écrou et une goupille.
Je suis agréablement surpris : il n'y a rien à retoucher. J'avais un peu peur qu'avec 40 cm de tige filetée ça parte en biais et coince quelque part, mais non.
C'est le grand moment ! Je démonte, puis je sors la colle et les serre-joints !
La manivelle avec son montage définitif, avec les goupilles. À noter que j'ai cassé une mèche à métaux de 3 mm, mais heureusement j'en avais une de rechange.
Et voilà !
Il ne reste plus qu'à fixer le plateau sur le piètement, et passer un coup de varlope.

Fabrication des griffes
L'établi lui-même est terminé, maintenant il faut penser aux accessoires...
Tout d'abord, il faut fabriquer les 9 griffes qui vont se loger dans les trous carrés.
J'ai vu que certains les fabriquent de manière classique avec des clous limés, et d'autres optent pour le collage d'une pièce de cuir. Je vais tester les deux systèmes, puisque j'en ai 9 à faire, et il sera toujours temps de modifier celles de la méthode qui me conviendra le moins.
J'ai noté aussi que pour la languette ressort, qui sert au maintien à la hauteur voulue de la griffe, certains la mettent dans le sens du serrage. Là je préfère positionner la languette en latéral. cela ne changera rien au maintien en hauteur, mais ça devrait moins écraser la languette, et elle gardera mieux sa fonction de ressort.

Pour façonner mes 9 languettes, justement, je me suis demandé comment faire... Car comment raboter une petite pièce de hêtre de 8 cm x 3cm x 2 mm ?
J'ai bien pensé à clouer des petites lattes de 1,5 mm sur une planche, mais il m'est vite apparu qu'il était bien plus simple de creuser une encoche de 2 mm de profondeur !
Je dégrossis donc mon encoche au ciseau :
J'égalise le fond de l'encoche avec la guimbarde :
Et voilà : il n'y a plus qu'à poser dedans les petits bouts de hêtre, et raboter ce qui dépasse :
Et voilà, il n'y a plus qu'à faire les 8 autres !
Premier test : pas besoin de serrer fort, ça maintient très bien la pièce à raboter :
J'oubliais : avant de fixer le plateau sur l'établi, j'ai gravé la date dessous.
Mon petit-fils étant arrivé le 8 juillet, je pourrai lui expliquer plus tard que cet établi a exactement le même âge que lui !