Elements d’histoire du courant syndical « lutte de classe » dans les syndicats de l’enseignement

Quelques notes sur les antécédents

Il faut partir des origines pour saisir les développements du syndicalisme enseignant jusqu'à leur aboutissement aujourd’hui. Schématiquement deux courants se sont dégagés au début du siècle :

Nous verrons ces trois courants à l’œuvre lors de la constitution de la FEN unitaire en 1948.


Disons simplement auparavant que les amicales d’instituteurs nées en 1901, après avoir adhéré en 1914 au chauvinisme et à l’union sacrée, adhèrent à la CGT en 1919, au moment où ses dirigeants excluent les militants solidaires de la révolution russe. Leur itinéraire se confond ensuite avec celui de ses dirigeants, conduits par Léon Jouhaux avec une tendance constante à la collaboration de classe, la crainte permanente de l’action des masses, le refus du Front unique.

La Fédération des Syndicats d’Instituteurs, elle, à la CGT depuis 1907, se bat pour l’amélioration de leur situation lamentable, en même temps qu’elle mène, avant et pendant le premier conflit mondial, un combat internationaliste contre la guerre impérialiste. Elle est représentée aux conférences de Zimmerwald et Kienthal, avec les révolutionnaires russes et allemands.

Plusieurs fois interdite avant 1914 (les fonctionnaires n’ont pas le droit syndical), elle est en butte à une répression permanente de l’Etat et à l’acharnement des cléricaux. Ses militants sont sanctionnés, révoqués, poursuivis, arrêtés. Deux d’entre eux passent en conseil de guerre en 1917.

Certains participent à la fondation de la IIIe Internationale et du Parti communiste en France. En 1920, la Fédération des Syndicats d’Instituteurs se retrouve hors de la CGT avec la minorité révolutionnaire et constitue la Fédération unitaire de l’enseignement, au sein de la CGT Unitaire. Elle ne cessera jusqu’en 1935 de mener campagne contre les gouvernements de la IIIe République, contre l‘arbitraire, pour la défense des traitements et de la laïcité, pour le Front unique, que refusent systématiquement les dirigeants du SNI CGT.

En 1928-1929, la direction de la CGTU, passée sous le contrôle du stalinisme, opère son tournant anti socialiste (le « social fascisme »). La Fédération de l’Enseignement refuse la mise au pas et maintient ses positions unitaires et internationalistes. Jusqu'à la réunification de 1935, les staliniens échoueront devant sa détermination.

En 1934, la classe ouvrière impose le Front unique dans la rue, le 12 février, malgré et contre les dirigeants. Les enseignants font pression pour la fusion SNI Fédération Unitaire. La direction stalinienne « tourne » . La marche à la réunification s’engage. Elle se réalise en 1935 par une entente au sommet, rejetant les principes de démocratie syndicale de la Fédération Unitaire, dont les militants sont évincés de toute représentation. En fait, l’unité s’est faite dans la ligne non pas du Front unique de classe, mais du « Front Populaire » d’alliance avec la bourgeoisie.

On connaît la suite : les grèves spontanées de juin 36 et leurs conquêtes sociales, la trahison des appareils du PCF et de la SFIO, scellant la défaite de 1938. En octobre, les syndicalistes «Lutte de classe» de l’enseignement, organisés en tendance publient un « Manifeste pour le redressement du mouvement syndical » contre l’union sacrée qui se dessine, pour l’échelle mobile des salaires, le contrôle ouvrier et la grève générale. Ils se dressent dans la CGT en défense de la révolution espagnole et contre les procès de Moscou.

En septembre 1939, c’est le pacte Hitler Staline : nouveau tournant des staliniens qui l’approuvent et appellent au défaitisme. La direction réformiste les exclut de la CGT et du SNI.

L’Unité syndicale est morte, les syndicats enseignants et le mouvement ouvrier dans son ensemble, trahis par leurs directions, sont défaits et désorganisés. Une autre période s’ouvre.

Les syndicats enseignants de la libération à la scission

1940 - 1944 : de l’effondrement à la réunification

Avec la débâcle et l’installation du régime de Vichy, les organisations ouvrières sont dissoutes, à commencer par la CGT et sa Fédération de l’Enseignement, les publications interdites, les militants pourchassés.

La « Charte du Travail » de Pétain institue des « syndicats » corporatistes, rouages de l’Etat et de l’exploitation patronale, selon des formes expérimentées en Italie mussolinienne, en Espagne franquiste et dans le IIIe Reich. Comme dans les corporations médiévales, travailleurs et patrons y sont réunis . Au nom de cette association capital-travail, la grève est interdite, le 1er mai devient la « Fête du Travail », avec offices religieux et salut aux couleurs.

Les dirigeants réformistes de la CGT tentent d’abord de se maintenir en modifiant (significativement !) ses statuts (20 juillet 1940) : remplacement de la référence à l’abolition du salariat et du patronat par un autre objectif : une collaboration à la prospérité nationale et une subordination à l’intérêt général des professions et du pays ; substitution de la conciliation et l’arbitrage aux grèves et à la grève générale .

Espoirs déçus : la CGT est dissoute le 9 novembre 1940. C’est la dislocation.

Les militants et les cadres se dispersent selon leurs origines politiques. Certains entrent dans la résistance patriotique, sous ses diverses formes, d’autres terminent leur évolution au service de Vichy, comme Delmas, ancien secrétaire général du SNI, ou Belin, ex secrétaire de la CGT, devenu ministre du Travail du Maréchal.

L’aile révolutionnaire subit quant à elle un effondrement complet, contrairement à la période 1914 1918, où un noyau de militants internationalistes avait maintenu la barre envers et contre tout. Cette fois, les diverses composantes du courant éclatent. Sa revue, l’Ecole Emancipée disparaît dès octobre 1939, et ne reparaîtra qu’à la rentrée 1946. Il faudra attendre 1944 pour qu’un nouveau regroupement s’effectue, sous l’impulsion d’un jeune militant trotskiste, Pennetier.

Comment expliquer une telle défection ?

D’une part, lors de la première guerre mondiale, les révolutionnaires de l’enseignement pouvaient s’appuyer sur un courant minoritaire mais relativement important dans les autres fédérations de la CGT, et sur le regroupement international organisé à partir de l’aile gauche des partis socialistes, en France, en Allemagne et surtout en Russie, puis à partir de 1917 sur la révolution soviétique et les mouvements de grève et de révolte des soldats sur le front. Rien de semblable en 39 40.

D’autre part, ils étaient eux mêmes en 1914 à la tête d’une organisation syndicale, portés par une activité de défense des enseignants, encore possible malgré la répression par l’Union sacrée. Réduits depuis 1935 à une tendance minoritaire d’opposition, les meilleurs militants de 1940 ne purent surmonter la principale faiblesse des diverses variantes du « syndicalisme révolutionnaire » pour qui le syndicat suffit à répondre à la transformation politique de la société. Ils furent de ce fait incapables soit de rejoindre soit de construire l’organisation politique révolutionnaire dont le besoin se faisait cruellement sentir, et de s’armer non seulement de principes, mais d’un programme qui leur aurait permis de jouer un rôle indépendant et de faire face au désarroi. Leur regroupement tardif comme courant dans la nouvelle CGT n’en jouera pas moins un rôle important en 1947 48.

Les enseignants, dans leur masse, sont désorientés. Non seulement, toutes les organisations sont dissoutes, les caisses confisquées, les écoles normales supprimées, mais l’alliance du sabre et du goupillon déchaîne ses attaques contre l’école laïque et les instituteurs tenus pour responsables de la défaite et de la décadence morale de la nation. En même temps, Vichy essaie de les intégrer à son régime en réinventant des « amicales » professionnelles à sa botte.

La classe ouvrière subit également, après la poussée révolutionnaire de 1936, le poids de la défaite la plus lourde qu’elle ait connue depuis la Commune. Elle commence néanmoins à reconstituer ses forces. Malgré l’interdiction, des grèves se produisent En mai 1941 une grève éclate, pour les salaires, chez les mineurs du Nord et du Pas de Calais. Le 7 juin, ils sont 100 000 grévistes. Une nouvelle grève éclatera en octobre 1943, tandis que le 1er mai de la même année est marqué par la grève à Grenoble, à Lyon, Saint Etienne, dans la métallurgie, le bâtiment, le textile...

C’est à la même époque que la CGT est reconstituée par un accord de sommet entre des représentants des deux appareils qui la dirigeaient en septembre 1939, réconciliés. Ses militants sont invités à infiltrer les « syndicats » officiels de la Charte en attendant l’heure H. Quelques membres de l’ancienne équipe réformiste du SNI renouent des contacts et font reparaître l’Ecole libératrice en janvier 1944. Ce n’est que peu avant la libération qu’ils feront leur jonction avec les militants enseignants du PCF, fortement structurés.

Les syndicalismes ouvrier et enseignant sont ainsi restructurés dans l’unité organique par les deux courants bureaucratiques qui s’étaient déchirés à la veille de la guerre, et s’apprêtent à recommencer après avoir ensemble tout fait pour juguler la nouvelle montée révolutionnaire de la libération.

Une réunification fragile

La CGT réunifiée a deux représentants au Conseil National de la Résistance, auquel elle transmet ses propositions. Elle assoit son autorité en août 44 lorsque la grève éclate chez les cheminots et s’étend aux services publics. La direction lance alors un ordre de grève générale pour la Libération. Avec l’unité retrouvée, elle voit ses effectifs monter rapidement jusqu'à six millions d’adhérents, c’est à dire la même situation de syndicat de masse qu’en 1936. Ses possibilités sont immenses, mais il apparaît très vite que ses dirigeants se donnent pour tâche de sauver l’Etat bourgeois.

Au début, le Bureau Confédéral est établi sur une base paritaire entre les deux courants, réformiste et pro-stalinien. Mais l’entente entre appareils est fragile et très vite ce dernier révèle sa volonté de prendre le contrôle de l’organisation. Pour y résister, dès décembre 1944, la fraction réformiste crée son organe de tendance, « Résistance ouvrière » (qui deviendra « Force ouvrière » un an plus tard) face à celui contrôlé par le PCF, la Vie ouvrière. Un troisième bulletin de tendance paraîtra en 1946, « Front ouvrier », pour regrouper les minoritaires « Lutte de classe » dans la Confédération. En septembre 1945, les pro staliniens deviennent majoritaires à la direction confédérale et contrôlent la majorité des fédérations.

En fait, l’unité va désormais dépendre du maintien ou non de l’accord entre les deux tendances sur les modalités de leur participation à la reconstruction de l’ordre bourgeois. En juillet 1945, la CGT participe aux « Etats Généraux de la Résistance Française », en plein accord des deux fractions.

Dans l’enseignement, le poids des militants révolutionnaires est plus important. Leur regroupement amorcé par Pennetier au cours de 1944 met celui ci en position de reconstituer le SNI dans la région parisienne. Finalement, l’accord se fera pour le confier à un réformiste de gauche, ancien de l’Ecole Emancipée, dont le principal représentant, Valière, entre naturellement au Bureau National provisoire du SNI, avec un réformiste et un pro stalinien.

Le poids de ces derniers dans les syndicats enseignants est bien moindre que dans la Confédération. L’appareil réformiste , de son côté, n’a pas la même cohésion.. Au Congrès du SNI de 1946, face aux nombreux délégués mandatés par leur section pour demander la rupture de la collaboration du syndicat avec la Direction de l’Enseignement, il laisse voter sans opposition une résolution partie de la base en ce sens. Le même congrès adopte à une large majorité la revendication de l’échelle mobile des salaires, malgré l’opposition des staliniens et des réformistes de droite. Les délégués de la minorité « Lutte de classe » obtiennent également l’élection des responsables à la proportionnelle . Ils échouent de peu dans leur opposition à ce que les instituteurs participent à la formation prémilitaire de la jeunesse.

Le courant révolutionnaire s’est reconstitué sur la base de ce qu’il était en 1935, c’est à dire d’un regroupement de militants de groupes et organisations d’horizons politiques divers. Son unité est cependant cimentée par l’opposition commune à la social démocratie réformiste et au stalinisme.

L’importance de la reconstitution de la tendance « Ecole Emancipée » doit être appréciée en fonction des rapports sociaux et politiques qui se sont établis en France entre la bourgeoisie, les appareils dirigeants du mouvement ouvrier et la classe ouvrière, que la défense de ses intérêts, son instinct de classe et la conscience de sa force poussent à affronter le rétablissement de l’ordre capitaliste.

La situation politique et sociale en 1944-1947

L’intervention de Valière, au nom de la minorité révolutionnaire, au congrès CGT d’avril 46 donne une idée des possibilités ouvertes par la situation en 1944-45 :

« A la libération la classe ouvrière pouvait abattre le patronat.
Au lendemain de la libération à laquelle la classe ouvrière de notre pays a tant contribué, d’énormes possibilités sociales s’offraient aux travailleurs organisés. La défaite militaire du nazisme et la chute du régime vichyssois pouvaient être suivies d’une refonte complète de notre régime économique et social si la centrale syndicale et les partis ouvriers impulsaient une politique hardie, vigoureuse, révolutionnaire. La libération nationale pouvait être le prélude de la libération sociale. Le moment était favorable. Le soutien essentiel du capitalisme, à savoir le fascisme, son arme de classe n’existait pratiquement plus. Les trusts venaient de subir une lourde défaite qui les rendait vulnérables. L’Etat bourgeois et sa bureaucratie étaient ébranlés jusqu'à leur base . Des éléments d’un nouvel Etat populaire s’étaient formés. La CGT sortait de sa clandestinité et devenait l’organisation de très loin la plus puissante de ce pays. Ses possibilités apparaissaient comme immenses. (...) Comme en 1936, plus qu’en 1936 peut être, tout était possible si la direction confédérale comprenait son rôle car le patronat de droit divin était déconsidéré, désorienté et démoralisé. »

Et Valière démontre, tenant tête aux vociférations fomentées par l’appareil stalinien, qu’à l’inverse les dirigeants confédéraux ont tout fait pour briser ces possibilités.

C’est en effet l’époque où, comme produit de la vague révolutionnaire mondiale d’après guerre, le PCF et la SFIO ont à eux deux la majorité des voix aux élections, mais refusent de constituer un gouvernement de Front unique sans ministres représentant les partis et organisations de la bourgeoisie, et combattent au contraire pour aider De Gaulle à reconstruire l’Etat bourgeois totalement discrédité par la guerre et le fascisme.

C’est l’époque où se succèdent, jusqu’en 1947, une série de gouvernements fondés sur le « tripartisme » PCF-PS-MRP [1] avec De Gaulle jusqu'à sa démission en janvier 1946. A ces gouvernements participent Thorez (Vice-président du Conseil), Billoux (Economie nationale) et Tillon (Armement), avec les CGTistes Croizat (ministre du Travail) et Marcel Paul (Production industrielle), tous membres de PCF.

C’est le temps où ces gouvernements engagent la guerre impérialiste contre les peuples d’Indochine (novembre 46), font massacrer les ouvriers et paysans algériens par l’aviation française (sous l’autorité de Tillon) à Sétif et Guelma, et noient dans le sang la révolte de Madagascar (avril 47).

En France, c’est l’époque où Maurice Thorez, de retour d’URSS appelle au désarmement des « milices patriotiques » issues de la Résistance et décrète qu’il faut à la France « un seul Etat, une seule armée, une seule police » et où les dirigeants CGT lancent cet avertissement à la classe ouvrière : « Produire d’abord, revendiquer ensuite ».

Cela ne suffit pas cependant pour rassurer la bourgeoisie française, qui est contrainte de concéder un certain nombre de dispositions sociales dont certaines parmi les plus importantes conquises par la classe ouvrière française :

La classe ouvrière n’accepte pas. L’appareil du PCF se déchaîne

Cependant la situation matérielle de la classe ouvrière est catastrophique. La pénurie touche tous les produits alimentaires de base : pain, lait, beurre, viande, etc ... sont soumis aux tickets de restriction. Le coût de la vie ne cesse de s’aggraver : il a augmenté de 50 % en un an en 1945. La hausse des prix touche tous les secteurs : + 50 % sur l’électricité, + 40 % sur le gaz en 46, où le pouvoir d’achat est inférieur de 57 % à celui de 1938. Les logements manquent cruellement... Mais la Chambre vote à l’unanimité dans le budget 1947 une augmentation de 40 % des crédits militaires.

Tandis qu’une armée de trafiquants et d’intermédiaires s’enrichit à millions grâce au marché noir, le gouvernement décrète le blocage des salaires. La classe ouvrière, après avoir fait les frais de la guerre, doit faire ceux de la reconstruction. Elle ne l’accepte pas. Tout en subissant le poids des appareils qui la trahissent, elle reste consciente de sa force, y compris contre ceux ci.

Aux approches du 1er mai 1945, la direction confédérale, fidèle au mot d'ordre « produire d’abord », décide, sur proposition de Bothereau (futur secrétaire général de FO) qu’il serait « une journée de travail et de solidarité ne prenant pas l’aspect d’une journée chômée » en raison de « la nécessité d’accroître l’effort de guerre ». C’est un retour au 1er mai « tricolore » de 1939. Monmousseau (PCF) est chargé de défendre le 9 avril cette décision devant les cadres syndicaux de la métallurgie. Mais le prolétariat n’est pas disposé à sacrifier sa journée pour l’Union sacrée.

Une vague de protestations monte immédiatement dans les usines, où beaucoup d’ouvriers déchirent leur carte syndicale. Le 18 avril la CA de la CGT bat en retraite, et décide une grande journée de grève et de manifestation. Elle s’efforcera de lui donner une tonalité patriotique, mais ne pourra empêcher que les défilés ne rassemblent au total jusqu'à 3 millions de manifestants, dans une cohésion impressionnante. [2]

Quinze jours plus tard éclate une grève générale des ouvriers lyonnais avec de violentes manifestations avec drapeau rouge et chant de l’Internationale. C’est le début d’un développement qui touche tous les secteurs, en révolte contre le blocage des salaires : métallos, services publics, alimentation, traminots, santé, transports, pharmacie ... de plus en plus souvent par la grève. Un responsable fédéral, constatant que des grèves éclatent « ici ou là », ajoute « et ailleurs si les dirigeants des organisations en prenaient la responsabilité ». L’exigence d’un minimum vital croît et, chez les fonctionnaires, dont les enseignants, celle d’un reclassement.

Dès mars 1945, en réponse aux premiers mouvements, deux secrétaires confédéraux, dont Frachon, les dénoncent et ordonnent de « dégager la responsabilité de la CGT » et de ne pas céder aux provocations. Avec la nomination de ministres communistes aux postes-clés des relations gouvernement-classe ouvrière (Travail, Production, Economie), les attaques se multiplient et s’accompagnent souvent de menaces et de brutalités physiques, au nom du slogan : « la grève est l’arme des trusts ».

Le printemps 46 n’en est pas moins secoué par des grèves dans les compagnies de navigation, les théâtres, les banques, le livre, Citroën, les PTT ... Le Bureau confédéral demande alors brusquement une hausse de 25 % des salaires. Le gouvernement accepte : 25 % aux fonctionnaires, 18 % dans le privé, 50 % d’augmentation des allocations familiales. Une victoire que la direction de la CGT s’attribue sans vergogne.

Un mois plus tard, le 30 juillet, la grève des postiers éclate comme une bombe. La Fédération avait « accordé » une grève de trois heures pour canaliser la volonté de combat. Mais de nombreuses sections décident de poursuivre. L’appareil les condamne, suscite des briseurs de grève, et va même jusqu'à demander des sanctions contre les grévistes ... qui forment un Comité national de grève, et le font reconnaître comme interlocuteur par le ministère. La grève des postiers sonne comme un avertissement.

Il y aura encore une grève des Finances et des gaziers, de Michelin en janvier, des dockers en février, et deux grèves de la presse et du livre. La première est dirigée par un Comité de grève. La deuxième, en février-mars 47 dure un mois. Les postiers sont dénoncés comme agents des trusts par l’Humanité et Croizat les accuse d’avoir collaboré avec l’occupant.

En avril éclate alors la grève Renault. Une nouvelle phase s’ouvre.


Nous poursuivrons cet historique dans un de nos prochains numéros.


Notes

1 Parti « chrétien social », base de repli des politiciens de la bourgeoisie.

2 La leçon devait porter : le 1er mai 1946 fut transformé en carnaval.