Le Velay est une région riche. Les
paysages sont variés, alternant les plateaux couverts de bois et de
landes et les vallées plus fertiles. Géologiquement, à part le secondaire,
tous les types de terrains sont présents. Il s'agit également d'une
des plus grandes étendues volcanique d'Europe. La préhistoire y est
aussi très bien représenté, en particulier par des sites du très ancien
paléolitique qui sont agés d'environ 1 Ma.
Située au Sud-Est du Massif central,
sa position et sa langue en font la frontière Nord de l'Occitanie.
Son relief est typiquement volcanique, mais c'est aussi la région
française dont l'altitude moyenne est la plus élevée, voisine de mille
mètres. Sa géographie physique se présente sous la forme de vastes
plateaux constitués d'entablements basaltiques entaillés et bordés
par de profondes vallées creusées par la Loire, l'Allier et leurs
affluents. Ces plateaux sont parsemés de cônes volcaniques. C'est
un pays rude, au climat rigoureux et assez humide qui ne permet qu'une
faible agriculture principalement concentrée sur les plaines. L'élevage
bovin est fait sur de petites exploitations familiales.
Ce mémoire se présente en trois parties.
La première, demandée par le BRGM, est une synthèse des données réunies
sur l'histoire géologique du Velay. Elle présente également l'état
des connaissances sur les maars et introduit ainsi la seconde partie
ou sont développées les analyses (cartographie, paléomagnétisme, argiles
et pollens) qui ont été menées à bien sur les sites de Saint-Pierre-Eynac,
Apilhac, la ferme de l'Aubépin et Chaudeyrolles. Ces quatre sites
ont permis de développer l'histoire paléoclimatique et paléogéographique
du Velay au cours du temps. Ces résultats sont intégrés dans l'évolution
climatique de l'Europe continentale et du proche océan dans le troisième
chapitre.
Le Velay est une région qui attire
depuis longtemps les géologues (Guettard, 1752). Malheureusement,
les publications, et principalement les synthèses géologiques de cette
zone sont rares. Marcelin Boule, dans sa "description géologique du
Velay" éditée en 1892, est le premier à faire une analyse scientifique
du Velay. De plus, le recouvrement par les cartes géologiques au 50
000 est très lacunaire. Si les cartes du Puy et celles du Devès existent,
la partie orientale du département est peu représentée. La feuille
d'Yssingeaux est actuellement soumise à publication, celles du Monastier
et de Saint-Front - Mont-Mézenc ne sont pas encore levées. Le seul
travail synthétique récent est la carte du volcanisme vellave, faite
par Boivin, Mergoil et Turland au 100 000 ème.
Le BRGM a donc ouvert le présent
sujet de thèse dans le cadre du projet Velay. La cartographie de la
zone de Saint-Pierre-Eynac (feuille d'Yssingeaux) a été faite dans
le cadre de mon DEA (Werth, 1991) ; les études sur ce site se pursuivent
dans le présent travail. Les cartes géologiques qui figurent dans
ce mémoire sont inédites et appartiennent à des feuilles non encore
levées. Il a été nécessaire de cartographier précisément les affleurements
que l'on retrouve autour des édifices volcaniques étudiés. Ces terrains
sont susceptibles d'intéresser la sédimentation dans les maars. Les
sites étudiés, l'exception d'Apilhac, étaient déjà connus mais leur
analyse peu développée. Le BRGM m'a permis d'effectuer un forage dans
trois d'entre eux.
Dans chacun des sites présentés ,
nous avons élaboré log et parfois de courbes de susceptibilité magnétique
quand la qualité des échantillons le permettait. La composition des
minéraux argileux ainsi que les autres données sédimentologiques ont
été faites au Laboratoire de Géologie du Quaternaire et la palynostratigraphie
au BRGM pour les sites néogènes ou au LBHP (Laboratoire de Botanique
Historique et de Palynologie) pour le Pléistocène supérieur et l'Holocène.
Nous avons également tenté de caler chronologiquement ces sites soit
par la paléontologie et la micropaléontologie (Apilhac, Aubépin, Araules
et Chaudeyrolles), soit grâce à des datations absolues (Saint-Pierre-Eynac
et Chaudeyrolles). Si les maars du Devès sont connus et ont été étudiés
dans le cadre des programmes européens Géomaar et Euromaar, dans le
Massif du Mézenc, seul le lac de Saint-Front a fait l'objet d'un carrotage.
Trois autres sites ont donc été intégrés à cette étude. Apilhac, au
Nord de la ville d'Yssingeaux, L'Aubépin au Nord-Ouest du Mont Mézenc
et Chaudeyrolles, au Sud - Ouest du Mont Signon. Ces trois sites étaient
localisés auparavant mais aucun d'entre eux n'avait fait l'objet de
recherches approfondies. Le levée de la carte géologique de chacun
des maars, la réalisation de forages et l'étude des sédiments prélevés
ont permis de mieux connaître les formations géologiques qui leurs
sont associées.
La datation des colonnes stratigraphiques
qui comblent ces dépressions est souvent difficile en raison de l'absence
de supports valables. Des datations absolues n'ont été réalisées qu'à
Saint-Pierre-Eynac et à Chaudeyrolles. Ce dernier présente probablement
de fortes pollutions qui altèrent les résultats obtenus. Les autres
sites ont été datés grâce aux analyses polliniques. Ils s'échelonnent
entre le Miocène moyen et le Pléistocène supérieur.
- Saint-Pierre-Eynac est attribué à la base du Miocène
supérieur.
- Apilhac au Miocène supérieur.
- Araules est daté de la limite Mio-Pliocène.
- L'Aubépin montre une variation des associations
floristiques qui le place à l'apparition de la première grande glaciation
dans l'hémisphère Nord (2,4 Ma.). Cette date sera peut-être admise
comme nouvelle limite entre le Pliocène et le Pléistocène. Dans
ce cas, la série sédimentaire de la ferme de l'Aubépin aura sa place.
Elle est en effet placée à la frontière climatique entre la Méditerranée
et la zone Nord du continent Européen.
- Chaudeyrolles qui est daté du Pléistocène supérieur
grâce aux analyses polliniques permet de faire la transition avec
le maar de Saint-Front dont la sédimentation semble débuter quand
la phase lacustre de Chaudeyrolles prend fin.
Les informations recueillies sur ces
nouveaux maars sont alors, dans le troisème chapitre, confrontées à
celles qui sont actuellement connues en Europe. Le continent européen
été séparé en quatres zones distinctes :
-
l'océan Atlantique et ses nombreuses
courbes isotopiques ;
-
la Méditerranée qui a été étudiée
tant au niveau du signal isotopique que pour ses grains de pollen.
Le stratotype actuellement admis pour la limite Plio-Pléistocène
est défini par la coupe de Vrica en Calabre ;
-
l'Europe continentale qui a subi
les variations climatiques et dont la flore et la faune subirent
les conséquences des changements globaux, enfin, plus détaillé,
- Le Massif central et le Velay. Après cette compilation
de nombreux sites, les nouveaux maars sont introduits dans ce contexte
global. Le Miocène moyen et supérieur n'étant jusqu'à présent que
très peu connu dans le Velay, Saint-Pierre-Eynac apporte une première
pierre à leur connaissance.
La limite des premières glaciations
pliocènes étant là non plus que très peu détaillée, les résultats donnés
dans ce mémoire apportent de nombreuses informations nouvelles. Les
quatres maars étudiés permettent donc, chacun à leur niveau, de compléter
les connaissances déjà aquises sur le Velay dans les cadres paléoclimatique
et paléogéographique. Ils ouvrent également des perspectives d'analyses
nouvelles, plus détaillées permettant de confirmer et d'approfondir
les informations recueillies .
Dans le cadre de ma thèse, faite en
collaboration entre le Laboratoire de Géologie du Quaternaire et Le
Bureau de Recherche Géologique et Minière, une longue étude sur le terrain
a été menée à bien pour déterminer l'emplacement de maars qui étaient
soit connus mais peu ou pas étudiés soit inconnus.
L'étude des sédiments de Saint-Pierre-Eynac
a débuté au cours de mon DEA mais les analyses géologiques ont surtout
été réalisées pour ce mémoire. Le carottage des trois autres maars (Apilhac,
l'Aubépin et Chaudeyrolles) a été exécuté grâce aux moyens lourds du
BRGM. L'histoire et l'évolution de la géologie du Velay montrent une
prédominance du rôle de la tectonique sur les autres facteurs. C'est
elle qui a déterminé les fracturations du Velay contribuant ainsi à
la mise en place de l'immense bassin sédimentaire lacustre du Puy /
Emblavés, qui se poursuit jusqu' aux Limagnes à l'Oligocène. Ces failles
ont favorisé l'émergence du volcanisme dont l'une premières manifestations
dans le Velay pourrait être le maar de Saint-Pierre-Eynac daté du Miocène
inférieur. Un autre édifice volcanique dont les cendres retrouvées dans
ce même lieu est également né au même moment.
Le Miocène supérieur est encore marqué
par l'activité tectonique qui fracture de nouveau le dôme anatectique
du Velay et permet la séparation des bassins du Puy et de l'Emblaves
et la surrection du horst du Velay oriental. Favorisant alors une importante
activité volcanique qui est à l'origine de la formation des plateaux
du Mézenc et du Meygal. C'est encore l'ouverture d'une grande fissure
éruptive qui permettra la formation du massif de Devès dont l'activité
s'échelonne entre le Pliocène et le Pléistocène. Les sédiments miocènes
sont rares dans le Velay, l'apport des maar de Saint-Pierre-Eynac et
d'Apilhac permettent d'offrir de nouvelles données sur cette période,
en particulier dans le Miocène inférieur. Celles-ci confirment le développement
au Miocène inférieur d'un climat sec, dominés par les gymnospermes.
Au sommet de la série, la plus grande importance des Engelhardtia et
des autres taxons méga-mésothermes indique une tendance à un réchauffement
au cours de cette période. Le maar d'Apilhac, placé dans le Miocène
supérieur, confirme l'existence d'un climat chaud, humide à tendance
sub-tropicale qui avait déjà était mis en évidence dans le gisement
de Souteyros.
Cette évolution climatique qui se poursuit
au Pliocène est marquée par une crise exceptionnelle au Pliocène supérieur,
qui marque l'avènement de la première grande glaciation nord européenne
et dont les effets dans le Nord de ce continent sont très sensibles
ainsi qu'en Méditerranée. De plus, le Massif Central a toujours joué
le rôle d'une zone climatique tampon entre les zones du Nord et du Sud
de l'Europe. C'est pourquoi, l'étude sur des séries sédimentaires vieilles
de 2,4 millions d'années dans cette zone était importante pour la compréhension
des dynamiques climatiques en Europe. Grâce aux sédiments du maar de
l'Aubépin, cette lacune est en partie comblée. En effet, les sédiments
lacustres de ce maar ont enregistré grâce aux pollens, le passage entre
un climat tempéré, contenant les taxons mésothermes et un climat très
froid, avec une disparition presque totale des arbres et une nette domination
des herbacées et des graminées. Ces résultats sont en concordance avec
les études menée à bien dans le fossé bressan. Etant différente de l'évolution
méditerranéenne, le Mézenc pourrait être la limite sud des climats froids
du nord de l'Europe. La présence de taxons méditerranéens à Ceyssac
semble montrer que la limite se situe pratiquement au niveau de la vallée
de la Loire dans le Velay.
Un carottage ainsi qu'une analyse détaillée
du paléomagnétisme, des pollens et de la sédimentologie de l'Aubépin
serait très intéressante à mener à bien pour confirmer et développer
ces hypothèses. Enfin, Le Pléistocène supérieur est bien connu dans
le Velay grâce aux travaux déjà faits. Mais les forages sur le massif
du Mézenc sont rares, seul Saint-Front avait été carotté. Pour pouvoir
comparer les séries du Velay oriental avec celles du Devès, il faudrait
poursuivre les travaux sur le maar de Chaudeyrolles dont la phase de
sédimentation lacustre se termine au début de celle de Saint-Front.
Nous pourrions ainsi remonter plus loin dans le temps.
Pour conclure, l'activité volcanique
dans le massif central est classiquement subordonné à une évolution
spatio-temporelle. Débutant dans le Mézenc vers 15 millions d'années,
elle y prend fin aux alentours de 6 Ma. Le bassin du Puy fait la transition
avec le massif du Devés dont l'activité éruptive débute il y a 5,7 Ma
et se poursuit jusque' il y a 0,7 Ma. Que faire alors des maars du Mézenc
? Ils sont eux aussi les représentant d'une étape de l'activité volcanique.
L'Aubépin est daté d'environs 2,4 Ma, Chaudeyrolles pourrait se former
vers 0,5 Ma ainsi que Saint-Front. Ce qui indique que des phénomènes
volcaniques très ponctuels mais violents peuvent se produire plusieurs
millions d'années après la fin des grandes phases volcaniques connues.
A titre d'anecdote, à chaque nouvelle
éruption, le spectre du réveil du volcanisme français ressurgit. Mais
si des volcans viennent à ce former de nouveau en France, il pourrait
aussi bien être localisé dans le chaîne des puys que dans les Coirons
ou le Velay. Tous les résultats décrits dans ce manuscrits montrent
qu'un immense travail reste encore à accomplir sur le Velay.
Il faut poursuivre nos investigations
pour tenter de découvrir d'autres indices des explosions volcaniques
du début du Miocène. Pour cela, les levés des feuilles au 50.000 ème
de la carte géologique doivent être poursuivis. Le maar de l'Aubépin
devrait faire l'objet d'un carottage de qualité qui permettrait une
analyse sédimentologique des lamines, paléomagnétique et palynologique
détaillée. Chaudeyrolles nous permettra peut-être d'allonger la colonne
stratigraphique connue dans le Pléistocène supérieur du Massif du Mézenc
pour la comparer à celle du Devès. Enfin un programme de datations devrait
être mis en place par le BRGM en relation avec la carte géologique nationale.
Dans ce cadre, une série de datation des maars du Velay a été proposée,
d'une part pour connaître le plus précisément leurs âges mais également
pour tenter de définir la durée de la sédimentation lacustre dans ces
structures volcaniques.
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