Les Microorganismes parasites des insectes
Leur emploi en Agriculture
1916
Extrait des Annales des Epiphyties Tome 2ème pages 188 à 232
Introduction
L'indifférence
du monde agricole à l'égard des ennemis de toutes sortes qui le ruinent, tient
surtout à l'insuffisance des moyens de lutte dont il dispose. Innombrables,
cependant, sont les formules de traitements insecticides ou cryptogamiques qui
lui ont été proposées, mais rares sont celles qui lui ont donné complète
satisfaction et encore, parmi ces dernières, un certain nombre sont trop
compliquées, ou nécessitent une main-d'oeuvre qu'il est souvent difficile ou même
impossible de se procurer. Aussi les dégâts causés par les parasites des
cultures restent-ils énormes; si l'on sen rapporte aux évaluations de Massee,
c'est par 5 milliards qu'il faut chiffrer le tribut mondial payé chaque année
aux parasites des plantes cultivées.
Les traitements utilisés jusqu'à maintenant sont presque tous basés sur l'emploi de produits chimiques on de poisons végétaux; mais il existe aussi une autre méthode de lutte qui, pour être moins connue, n'en est pas moins très rationnelle et susceptible de grandes améliorations.
Cette méthode dont les grandes lignes étaient déjà
exposées par Pasteur vers 1874, est basée sur l'emploi des auxiliaires animaux
et végétaux, microbiens ou déjà très évolués.
Depuis cette époque, on a fait de nombreuses expériences
et rédigé d'innombrables mémoires, mais il reste encore beaucoup à faire
pour entrer dans la voie des réalisations pratiques.
Il y aurait évidemment grand intérêt à étudier, même sommairement, tous ces travaux publiés sur les microorganismes entomophytes, mais le sujet serait trop vaste et, surtout, comporterait trop de détails et de faits sans rapport avec le point de vue pratique auquel nous devons surtout nous placer. Je me bornerai donc, au moins dans l'étude des champignons, à mettre en évidence les faits d'expérience les plus saillants concernant leur utilisation en agriculture. Certains de ces microorganismes ont une véritable histoire qui, pour être courte, n'en est pas moins, parfois, assez diversifiée. L'étude historique des espèces les plus connues constituera la partie la plus importante de notre travail; elle nous permettra de voir comment on a cru devoir comprendre le problème de la lutte contre les parasites et comment on a pensé le résoudre en faisant appel aux seuls agents naturels.
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Conclusion
L'histoire des Champignons entomophytes
nous a montré que la création d'épidémies artificielles, parmi les insectes
nuisibles aux cultures, était un fait admis par quelques auteurs, mais très
discuté par un certain nombre de savants. Celle des autres microorganismes
connus ou inconnus : Sporozoaires, Bactéries ou Virus filtrants, nous laisse
dans la même incertitude. Dans ces conditions, il est difficile de se prononcer
sur la valeur pratique des agents microbiens pathogènes; il semble, cependant,
que la création d'épidémies artificielles comparables, en intensité et en étendue,
aux épidémies naturelles, soit à peu près impossible dans l'état actuel de
nos connaissances; trop de facteurs interviennent, en effet, dans la propagation
de ces épidémies, qui échappent plus ou moins complètement à l'influence de
l'homme. il ne suffit pas, par exemple, de multiplier les germes d'infection
pour engendrer la maladie dont ils sont la cause; beaucoup de ces germes sont
d'ailleurs suffisamment répandus pour rendre inutile l'intervention de l'homme.
On peut rappeler à ce sujet les observations de Morrill et Back sur les
champignons parasites des Aleurodes et de Billings et Glenn sur ceux du Chinch
bug.
Les véritables causes d'épidémie
sont complexes, par suite difficiles à préciser et à mesurer; certains
auteurs ont pensé que les causes prédisposantes jouaient le rôle le plus
important; d'autres, par contre, considèrent l'accroissement de la virulence du
parasite comme la cause déterminante de toute épidémie. En réalité, les
deux causes interviennent et chacune pour une part qu'on ne peut guère préciser
: lorsque la vitalité de l'insecte s'affaiblit, par exemple sous Finfluence
d'une multiplication exagérée ou de, conditions atmosphériques défavorables,
et que la virulence des germes pathogènes s'exagère par passages successifs
sur! des individus affaiblis, l'épidémie éclate et se propage avec une très
grande rapidité. Un certain nombre d'individus immunisés à la suite d'une
première attaque bénigne, ou naturellement réfractaires, survivent à l'épidémie
: ce sont ces individus de choix qui contribueront à relever l'espèce, à la
rendre de nouveau dangereuse pour l'agriculteur.
De ce qui vient d'être dit, nous ne
conclurons pas cependant à l'inutilité complète de l'influence de l'homme
dans la propagation des maladies infectieuses des insectes. On peut concevoir,
par exemple, que l'introduction d'un agent microbien dans une région où la présence
de ce microbe n'a pas encore été signalée, engendre une épidémie très
meurtrière; on peut envisager aussi la possibilité d'une augmentation de
virulence des microbes entomophytes, suffisante pour déterminer l'explosion
d'une épidémie à marche rapide; enfin, dans quelques cas, l'homme peut
modifier, dans une certaine mesure, les conditions extérieures et favoriser le
développement des agents pathogènes au détriment de celui de l'insecte
(buttage automnal des ceps ravagés par la Cochylis et l'Eudémis).
par
A. PAILLOT
Directeur de la Station entomologique de Beaune.