LA PATRIE SUISSE No 689, ‑ Vingt‑troisième année. ‑ Genève,

le 19 avril 1916.

 

CHARLES LECOULTRE

 Ancien directeur du Collège et de l'Ecole secondaire des jeunes filles de Genève décédé le 9 avril 1916

Cinquante ans de carrière pédagogique que n'avaient épuisé ni l'énergie ni la bienveillance de l'excellent homme dont nous donnons ici le portrait. Celui qui écrit ces ligues avait eu le bonheur de l'avoir comme régent de cinquième en 1869‑70 : c'était un maître remarquable, enseignant avec clarté, tenant sa classe non sans sévérité ‑ les chiquenaudes sur les oreilles étaient un de ses procédés d'éducation qui forçaient les inattentifs à écouter ‑ mais avec un sentiment de justice qui lui valait vite l'affection de ses élèves.

 Après un stage de deux ans à l'institut Haccius et Delapraz, il avait été nommé, en 1864, régent de cinquième. Deux ans après il remplaça M. Barry comme principal du Collège. Il prit le titre de directeur lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1886, et il exerça sur cet établissement, par sa bonté, son dévouement et sa bonhomie, une influence considérable. 11 sut dans. ces fonctions se faire aimer et respecter.

 En 1899 lors de la retraite de M. Bonneton, il passa à la direction de l'Ecole secondaire et supérieure des jeunes filles, et là aussi sut se faire aimer. Administrateur méthodique, il sût avoir l'autorité voulue sur le personnel de l'Ecole, et on le  trouvait toujours là pour suppléer, au  dernier moment, quelque professeur  qui faisait défaut. Il n'était jamais à court pour reprendre à l'endroit voulu le sujet commencé.

 En 1909 il se retira, ‑ il avait alors soixante‑seize ans, ‑ mais l'oisiveté lui aurait coûté, et il conserva un certain nombre de cours qu'il a donnés jusqu'au mois de mars 1916.

 Une fluxion de poitrine, suivie de complications du côté du coeur, a enlevé en quelques semaines cet homme dont la superbe santé et la conservation intellectuelle étonnante faisaient l'admiration de ses amis. Il était dans sa 83ème année, mais il était loin de paraître cet âge, comme en fait foi la photographie ci‑contre, prise il y a deux ou trois ans devant le péristyle de la façade sud du Collège, où il a habité tant d'années et où il est mort.

 Les innombrables élèves qui, pendant les quarante‑cinq années qu'il a passées au Collège et à l'Ecole secondaire, l'ont eu comme régent ou comme directeur, nous sauront gré de leur donner dans son cadre naturel cette tête vénérable au sourire si fin et si bienveillant.

 Toujours ennemi du bruit, M. Lecoultre avait désiré des obsèques discrètes, sans honneurs. Au Crématoire de Saint‑Georges s'étaient cependant réunis le chef de l'instruction publique et nombre de fonctionnaires de l'enseignement, au nom desquels M. Bertrand, directeur du Collège, a éloquemment dit les derniers adieux au défunt,

Un dernier mot. Dans le bureau du directeur du Collège se trouve une série de portraits des anciens directeurs du Collège de Genève. M. Lecoultre avait lui‑même fait mettre de côté une reproduction de la belle photographie que nous donnons : « Ce sera, dit‑il, pour la galerie des disparus. »

Il est mort comme il a vécu, sans bruit, en ayant fait toujours et sans s'en vanter tout son devoir et beaucoup de besogne. E. K.

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