Editorial - Trop peu, trop tard
Par Patrick SABATIER
Libération, jeudi 14 août 2003
Nos ministres ont été pris en flagrant délit de roupillon
estival et d'indifférence aux affres de leurs concitoyens qui n'ont
pas comme eux jouissance de lieux de villégiature confortables.
Ils ont plaidé qu'ils n'avaient pas le pouvoir de faire pleuvoir
pour mettre fin au trop beau temps, ce que personne ne leur avait jamais
demandé. Puis traité par le mépris ce que le premier
d'entre eux a qualifié de «polémiques partisanes».
Et voilà soudain que nos Raffarin, Mattei, Ferry et autres Roselyne
Bachelot (dans le rôle de l'aide-ménagère) paradent
devant les caméras et proclament la mobilisation générale,
ayant déjà perdu les premières batailles. Trop peu,
trop tard. Cette mobilisation tardive reste insuffisante au regard d'une
crise qui a mis à nu les fragilités d'un système
de santé soumis à l'austérité budgétaire.
Nos dirigeants paraissent tentés, comme les autruches, de s'enfouir
la tête dans le sable des vacances pour ne pas voir les réalités
de cet été meurtrier, comme ils n'ont pas voulu voir l'hécatombe.
La vague de chaleur, annonciatrice ou pas de lendemains qui brûlent,
a révélé les vulnérabilités de la France
_ dans la prévention et la lutte contre les incendies, l'alerte
et la limitation des pollutions à l'ozone, et surtout l'aide médicale
aux plus fragiles, personnes âgées, malades ou démunies.
On attend toujours les mesures envisagées pour corriger des lacunes
d'autant plus graves que le vieillissement de la population et le réchauffement
du climat sont des données connues de tous. Une réflexion
s'impose aussi sur certains choix de société : la production
d'une énergie pour laquelle la demande va aller croissant (est-il
sage de tout miser sur le nucléaire ?), la lutte contre les pollutions
atmosphériques (comment réduire la circulation automobile
?), la gestion des ressources en eau (qui ne sont pas illimitées).
Ce gouvernement ne pourra plus tenir très longtemps le double discours
d'un Chirac qui crie : «Il y a le feu à la planète
!», pendant qu'un Raffarin fredonne Tout va très bien, Mme
la marquise... On n'en est certes pas à l'été accablant
de 1788, qui fut suivi par l'explosion de 1789. Mais les coups de chaleur
ont souvent été dangereux pour qui dirige l'Etat.
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Editorial – Demasiado poco, demasiado tarde
Patrick Sabatier, Libération jueves 14 de agosto de 2003
Nuestros ministros han sido cogidos en flagrante delito de modorra estival
y de indiferencia ante las congojas de sus conciudadanos que no gozan
como ellos de lugares de veraneo confortables. Han alegado que no tenían
el poder de hacer llover para poner fin al excesivo buen tiempo, lo que
nadie les había pedido nunca. Luego han tratado con menosprecio
lo que el primero de ellos ha calificado de “polémicas sectarias”.
Y he aquí que repentinamente nuestros Raffarin, Mattei, Ferry y
demás Roselyne Bachelot (en el papel de empleada doméstica)
presumen delante de las cámaras y declaran la movilización
general, cuando ya han perdido las primeras batallas. Demasiado poco,
demasiado tarde. Esta movilización tardía sigue siendo insuficiente
respecto a una crisis que ha puesto al desnudo las fragilidades de un
sistema de salud sometido a la austeridad presupuestaria.
Nuestros dirigentes parecen estar tentados, como los avestruces, de enterrar
la cabeza en la arena de las vacaciones para no ver las realidades de
este verano asesino, como no han querido ver la hecatombe. La ola de calor,
anunciadora o no de amaneceres que arden, ha revelado las vulnerabilidades
de Francia en la prevención y la lucha contra los incendios, la
alerta y la limitación de las contaminaciones por ozono, y sobre
todo la ayuda médica a los más frágiles, ancianos,
enfermos o desamparados. Aún se siguen esperando las medidas previstas
para corregir lagunas tanto más graves cuanto que el envejecimiento
de la población y el recalentamiento del clima son datos conocidos
por todos. Una reflexión se impone también sobre algunas
prioridades de la sociedad: la producción de una energía
para la cual la demanda va a ir creciendo (¿es prudente apostarlo
todo a la energía nuclear?), la lucha contra las contaminaciones
atmosféricas (¿cómo reducir el tráfico automovilístico?),
la gestión de los recursos hidráulicos (que no son ilimitados).
Este Gobierno no podrá mantener mucho más tiempo el doble
discurso de un Chirac que grita: “¡Arde el planeta!”,
mientras que un Raffarin tararea Todo va muy bien, señora marquesa...
Cierto es que no estamos en el verano abrumador de 1788, que fue seguido
por la explosión de 1789. Pero los golpes de calor han sido muchas
veces peligrosos para quien dirige el Estado.
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