L’histoire de l’ordinateur personnel a été marquée par une évolution « centrifuge » de la capacité de traitement des informations. Au départ, la capacité de traitement, (donc de calcul) résidait dans des serveurs centraux ; avec la micro informatique personnelle, la puissance s’est déplacée vers les utilisateurs et l’Internet a confirmé ce mouvement en lui adjoignant une capacité d’édition supplémentaire. Après avoir été à même de traiter l’information localement, les usagers ont progressivement pu diffuser ces informations sur les réseaux. Mais cette évolution « centrifuge » pour aussi importante qu’elle soit n’est en rien irréversible puisque la capacité de diffusion pourrait se voir progressivement limitée par l’effet conjugué des technologies (DRM ) et des lois (comme le DMCA). De plus, le primat de l’ordinateur personnel comme plateforme privilégié pour la diffusion des contenus culturels pourrait aussi être remis en cause au profit d’une architecture de diffusion sécurisée sur des réseaux propriétaires à destination de « terminaux fermés » (ce que souhaitent d’ailleurs les acteurs majeurs du monde de la communication).
Ce qui est visible en filigrane au travers des études sur les usages de l’Internet par les familles au sein des pays de l’OCDE, c’est la modification de l’architecture des technologies liées aux loisirs numériques. L’ordinateur personnel devient le centre de la galaxie numérique des familles (reliant entre eux des dispositifs qui étaient jusque-là isolés comme : le magnétoscope, la chaîne Haute Fidélité, le baladeur, téléphone portable, l’organiseur, appareil photo numérique etc.). Cette vision communément partagée par les industriels de technologie (du PDG d’Apple à celui de Microsoft) repose sur le principe d’un échange de données entre l’ensemble des appareils numériques présents dans les foyers. Mais, comme l’ont démontré les récentes déclarations des constructeurs d’électronique, la criminalisation des technologies d’échanges des fichiers à laquelle nous assistons, pourrait remettre en cause ce principe même et constituer un frein au développement de ces technologies dans le cadre familial. Ce concept permettrait en effet de fédérer l’ensemble des loisirs audiovisuels autour des ordinateurs personnels. Or l'attitude des « majors » rend pour l’instant cette perspective économiquement non-viable. Ce qui faisait dire à Gary Shapiro le président de la Consumer Electronics Association "Le discours tout entier des défenseurs du copyright est de dire que le fait de télécharger sur le web est à la fois illégal et immoral : or ce n'est ni l'un, ni l'autre…"
Rapport de la mission internet et famille, par Bernard Benhamou (IEP, Paris).