L’une des innovations les plus spectaculaires de l’Internet aura
été celle des systèmes de pair à pair qui ont été
largement utilisés pour l’échange de fichiers musicaux.
Ces technologies s’appuient sur des principes d’échanges
qui ont été à l’origine du succès d’Internet.
Ils ne sont en fait que la traduction de l’un des principes initiaux de
l’Internet, celui du « End to End » . Ce principe veut que
l’« intelligence » du réseau soit située à
l’extrémité des mailles et non dans le réseau lui
même (à l’inverse de réseaux comme celui du Minitel).
Dans le domaine de l’Internet, rares ont été les innovations
qui venaient directement des plus grands acteurs industriels. Le plus souvent
les services ou logiciels innovants furent d’abord créés
par des sociétés de taille réduite qui souvent furent rachetées
afin que leurs technologies soient intégrées dans des structures
plus importantes (comme Netscape pour la navigation sur le web, ou ICQ pour
les conversations ou « chats ». Et ce fut aussi le cas avec Napster
pour l’échange de fichiers). Comme le rappelait Marc Andreessen,
les logiciels de pair à pair ont trouvé en l’espace de quelques
mois un public de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs. Ils ont
été l’objet d’attaques juridiques tout d’abord
pour la société Napster qui fut décapitée puis pour
ses héritiers comme Morpheus ou Kazaa qui pourraient connaître
le même sort. En effet là ou Napster était vulnérable
par le serveur unique qui était mis en place. L’architecture distribuée
de Kazaa, bien que moins vulnérable diffuse des fichiers « en clair
» et le récent procès de la société Verizon
montre qu’il est alors possible de s’attaquer aux utilisateurs finaux.
L’un des risques liés à la criminalisation de ces pratiques
serait de pousser les utilisateurs actuels à adopter des systèmes
plus « radicaux ». L’évolution des technologies des
systèmes de pair à pair couplée aux technologies de cryptage
pourrait produire des réseaux encore plus difficiles à contrôler
et potentiellement plus inquiétants. C’est le cas de Freenet qui
permet à ses utilisateurs de partager des fichiers cryptés et
fragmentés. Au travers de ces systèmes, les utilisateurs deviendraient
ignorants du contenu des fichiers présents sur leurs disques durs. Ils
pourraient arguer de leur bonne foi lorsque des fichiers contenants des images
ou des textes illicites sont trouvés sur leurs disques durs.
Rapport de la mission internet et famille, par Bernard Benhamou (IEP, Paris).