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Gravure
de Jan Luyken, Supplice de douze personnes accusées d'être
de foi juive (détail). |
L'Inquisition espagnole au lendemain du concile de Trente. Le tribunal du Saint-Office de Séville (1560-1700), Montpellier, Presses de l'Université, 2003, 678 p.
En 1478, le pape Sixte IV octroyait aux Rois catholiques le droit de présentation des inquisiteurs, ce qui, compte tenu de l'imbrication entre l'Église et la couronne espagnole, revenait à concéder à celle-ci le contrôle de l'institution. Deux ans plus tard, en 1480, le tribunal lançait ses premières opérations d'une rare violence contre les judéo-convers à Séville et rapidement de nouvelles cours inquisitoriales virent le jour dans les principales villes de Castille et d'Aragon. À partir de 1485, le Conseil de la Sainte et Générale Inquisition venait coiffer les différentes cours et statuait en appel.
Pour la première fois, des attributions qui relevaient jusqu'alors de l'évêque étaient confiées à un corps spécial d'officiers, au demeurant plus juristes que théologiens, pour enquêter sur tous les habitants, quels qu'ils fussent :
todos los vezinos y moradores estantes y residentes en todas las ciudades, villas y lugares deste nuestro distrito, de qualquier estado, condición, preeminencia o dignidad que sean, exemptos o no exemptosÉ [que] ayan hecho o dicho o creydo algunas opiniones, o palabras heréticas, sospechosas, erróneas, temerarias, malsonantes, escándalosas o blasfemia heretical contra Dios nuestro Señor y su sancta Fe cathólica y contra lo que tiene, predica y enseña nuestra sancta madre Yglesia Romana [2] .
Ce faisant, sans s'arrêter aux immunités et en fustigeant les privilèges honorifiques et locaux, l'Inquisition affirmait l'étendue de sa juridiction et de son pouvoir, sans limitation autre, en principe, que l'observance de la plus stricte orthodoxie. Et c'est de cette même puissance qu'elle se réclama cinq siècles durant, jusqu'à son abolition définitive en 1834. Cinq siècles au cours desquels, en tant que cour de justice, elle défendit ses prérogatives, se sédentarisa et étendit son influence au sein de la société. En d'autres termes, sous des dehors inchangés et en défendant les mêmes principes, elle évolua, s'affirmant durant le XVIe siècle avant de connaître un lent déclin à partir du premier quart du XVIIe siècle. À partir de 1561, en effet, les pouvoirs et les moyens économiques et humains avaient été profondément élargis par le biais de la réforme entreprise par l'inquisiteur général et archevêque de Séville don Fernando de Valdés . Son nom reste en outre attaché à une nouvelle orientation idéologique de l'appareil qui, fort du soutien de la couronne et du Saint-Siège, élargit considérablement sa juridiction à tout ce qui touchait de près ou de loin à la foi [3] .
Le tribunal du Saint-Office était alors devenu un des instruments privilégiés de la politique des Habsbourg alors que, trente ans auparavant, la question de son abolition était débattue au sein de la chancellerie [4] . Un nouvel âge d'or s'ouvrait pour le Saint-Office, à un moment où celui-ci étendait considérablement ses moyens d'intervention et son emprise sur la société, en Andalousie tout particulièrement.
La personne de Philippe II n'avait pas été étrangère à ce redéploiement de l'institution. Marqué par les échecs essuyés par son père Charles en Allemagne, le jeune monarque était bien décidé à barrer la route aux hérésies en protégeant ses royaumes des doctrines réformées. Son soutien à la politique du Saint-Office fut sans réserve, quitte à provoquer parfois des démêlés avec le Saint-Siège. L'attitude du roi prudent était dictée par des impératifs d'ordre religieux mais également politiques : pour Philippe II , le protestantisme était synonyme de désintégration et de chaos face au catholicisme, garant d'unité et de loyauté [5] . Face à une conjoncture internationale tendue, les valeurs espagnoles s'affichèrent de façon intransigeante et l'Espagne se fit forte de devenir le bastion de la défense du catholicisme à travers le monde [6] .
L'activité de l'Inquisition refléta les pôles d'inquiétude de la couronne. Au début des années 1560, les dernières sessions du concile de Trente marquèrent le début d'une offensive destinée à faire observer la discipline religieuse auprès des fidèles et l'Inquisition se mit au service du renouveau de la pastorale en surveillant les discours et les comportements. Les divers foyers de conflits en Europe ayant un caractère confessionnel marqué, c'est tout naturellement que l'Inquisition fut employée comme moyen de contrôle des populations étrangères ou descendant d'infidèles. Ainsi, les guerres de Flandres modifièrent la situation diplomatique et stratégique de l'Espagne en Europe du Nord et la dégradation des relations avec l'Angleterre, les Pays-Bas et la France eurent leur incidence dans l'activité répressive du Saint-Office. Sur le flanc Sud de l'Empire, le triomphalisme régnant au lendemain de la victoire de Lépante sur la flotte turque (1571) ne suffit pas à asseoir l'hégémonie espagnole en Méditerranée et les descendants de Maures présents dans la péninsule furent l'objet de toutes les craintes. Enfin, la guerre du Portugal, qui fut la résultante de la révolution de 1640, provoqua la chute du parti converso au pouvoir ; à partir d'alors l'Inquisition fut libre d'agir à sa guise contre les marranes, ces cercles d'origine juive et portugaise installés sur le sol espagnol.
L'incidence de ces événements sur la politique répressive du Saint-Office fut particulièrement sensible à Séville, lieu stratégique par sa situation, par les institutions qu'elle abritait et le grand nombre de sujets qui s'y trouvaient [7] . La capitale des Indes était devenue en cette moitié de XVIe siècle le plus grand centre urbain de la péninsule et un pôle commercial en plein essor, ouvert sur les quatre continents [8] .
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Alard,
Vue de Séville |
Il s'agissait d'une cité gigantesque pour son temps, qui avait connu une croissance démographique fulgurante. La population sévillane, estimée à 60 000 ou 75 000 habitants dans les années 1530, était de plus de cent mille personnes au milieu du siècle. À la veille du XVIIe siècle, elle atteignait peut-être 130 000 âmes, avant d'amorcer un lent mais inexorable déclin [9] . L'habitat urbain se densifia, gagna en hauteur, mais surtout le trop plein de population fut accueilli sur l'autre rive du Guadalquivir, à Triana (qui passa de 600 à 6 000 feux au cours de cette période).
Cette croissance vertigineuse marquait le nouveau centre de gravité de l'Empire à une époque où, depuis la fin du XVe siècle, la décadence des anciennes villes castillanes se confirmait. L'absence de grande épidémie et de guerre explique certes une part de cet accroissement de la population. Mais il fut passablement favorisé par une forte émigration depuis les cités de Castille, mais également des royaumes voisins. Les Portugais représentèrent jusqu'à 10 % de la population de la ville au XVIIe siècle [10] , mais bien avant déjà une communauté génoise était particulièrement active dans le développement commercial de la région. En outre, il faut compter les marchands, négociants, marins, soldats et aventuriers de tout acabit qui s'installèrent dans la province qu'ils fussent anglais, français, allemands, flamands, travaillant dans le commerce ou les métiers mécaniques et dont la foi n'était pas toujours conforme à la religion officielle [11] . En outre, la déportation massive des morisques grenadins, en 1570, supposa l'arrivée dans la cité andalouse de plusieurs milliers de personnes dont l'attachement au catholicisme était pour le moins suspect, au même titre que celui de l'important groupe d'esclaves originaires d'Afrique noire et des pays islamiques en général.
Le prestigieux passé de Séville, l'élite lettrée qui s'y trouvait et l'ouverture de la région vers le bassin méditerranéen et l'Europe rendaient la société religieuse et intellectuelle particulièrement réceptive aux grands courants spirituels de l'époque. En tant que pôle commercial, la capitale des Indes n'était, en ce milieu de XVIe siècle, nullement isolée des débats qui prenaient naissance au sein de la chrétienté qu'il s'agisse des doctrines quiétistes [12] , des idées d'Érasme voire de Luther . Haut lieu de l'humanisme péninsulaire, Séville se caractérisait par l'existence de plusieurs académies, collèges et centres d'études alors que vers le milieu du XVIe siècle, les ateliers d'imprimerie se multipliaient, publiant tout particulièrement des ouvrages de théologie, dans lesquels l'écho des humanistes ne manquait pas de transpara”tre.
L'archevêché de Séville était un des plus riches et prestigieux d'Espagne. Les structures d'encadrement des fidèles étaient particulièrement importantes : outre ses opulentes et nombreuses confréries et les innombrables beatas qui pullulaient à travers celle qu'on qualifiait de Grande Babylone, la capitale était dotée d'un réseau dense de couvents et d'églises. En 1591, on compte 1 575 séculiers dans le seul archidiocèse de Séville, plus quelque 2 991 conventuels sans compter le clergé de la ville elle-même [13] . Les institutions religieuses occupaient une place de premier plan et jouaient un rôle essentiel dans l'assistance publique et pour répondre aux besoins spirituels des ouailles. On manque malheureusement de travaux sur l'Église sévillane au XVIe et au XVIIe siècle qui puissent nous renseigner sur la répartition précise du clergé dans l'archevêché. Toutefois, si l'on s'en tient à la documentation administrative, on constatera sans peine les lacunes de l'encadrement pastoral des populations.
On relève de très fortes disparités entre les villes et les campagnes pour l'archevêché de Séville. En 1591, l'archevêché de Séville comptait 234 paroisses, ce qui ne signifie nullement que toutes étaient pourvues en bénéfices [14] . C'est précisément en Andalousie occidentale que les paroisses sont les plus étendues et que la population moyenne par circonscription est supérieure à 1 400 habitants : le quadrillage du territoire, dans ces conditions, ne pouvait qu'être imparfait [15] . Aux côtés du clergé séculier, un dense réseau de couvents venait répondre aux nécessités spirituelles des populations. Le document recense, dans le dernier quart du XVIe siècle, 28 couvents franciscains, 16 relevant de l'ordre de saint Dominique, 16 couvents carmélites comprenant également les déchaux, 10 couvents augustiniens, 12 de l'ordre dit de la Vitoria (minimes), en plus des quelques couvents trinitaires, hiéronymites, bénédictins, de l'ordre de saint Basile et des chartreux et quatre couvents jésuites installés dans le diocèse. Soit un total de près de 105 couvents masculins, auxquels on peut rajouter les 69 couvents de religieuses que comptait l'archevêché [16] .
Ces chiffres suffisent à montrer les limites de l'encadrement religieux. Si les couvents de moniales sont légion, il faut garder à l'esprit que les femmes n'exerçaient pas de missions pastorales. Les dominicains, franciscains et augustins sont parmi les plus présents dans le diocèse. Toutefois, la quasi-totalité de leurs couvents se répartit entre Séville, Sanlścar de Barrameda, El Puerto de Santa Mar’a, Jerez de la Frontera, Écija, Osuna, Utrera, Carmona. Les zones urbaines de forte densité étaient donc celles qui connaissaient le meilleur encadrement, encore que les chiffres ne doivent pas tromper. Les effectifs étaient certes importants, mais le niveau intellectuel et moral des clercs, lui, fut souvent sujet à caution, à en croire les relations de visites pastorales qui nous sont parvenues [17] . Les zones rurales étaient abandonnées à leur sort, ou plutôt au bon vouloir des quelques curés de campagne dont la réputation aux XVIe et XVIIe siècles laissait souvent à désirer.
La faible dotation des cures rurales aboutit souvent à une situation d'indigence matérielle et spirituelle : selon les propres termes de l'archevêque Niño de Guevara en 1605, la plupart de ces curés de campagne étaient "muy pobres, y casi todos ellos ydiotas y poco sufficientes para lo que tienen a su cargo [18] ". L'obligation de résidence réaffirmée avec vigueur à Trente pour tous les bénéfices avec charge d'âmes ne produisit probablement pas une amélioration sensible de l'éducation religieuse des populations rurales, puisque la plupart des cures n'étaient pas dotées, mais rémunérées à partir des revenus de l'archevêque [19] . Enfin, même si elles l'étaient, leur dotation était si faible qu'un même curé desservait souvent plusieurs paroisses, parfois très éloignées les unes des autres ou peu accessibles compte tenu de l'état des chemins.
Face à ce tableau peu reluisant, il ne faut pas s'étonner des termes durs des jésuites à propos de certains campagnards, qualifiés d'indios pour leur inculture crasse en matière religieuse [20] . Les missions, celles de la Compagnie de Jésus en particulier, apportèrent une amélioration sensible si l'on en croit les rapports enthousiastes des frères qui y participaient. Le témoignage du père Pedro de León confirme cet état de délaissement des zones rurales oť, naturellement, l'onde d'expansion de Trente tarda à se faire sentir, tant au plan de la discipline ecclésiastique que des connaissances religieuses des fidèles [21] . À l'heure oť le Saint-Office réinterprétait sa mission dans un sens pastoral, ces ruraux entrèrent dans le champ de mire du tribunal. Ils allaient ainsi être l'objet de la surveillance de la cour, quoique pour appréhender ces individus il fallžt vaincre les résistances de l'espace physique ainsi que trouver des relais fiables dans les localités éloignées. Mais les populations rurales furent loin de constituer le seul objectif, dans ce district caractérisé par le poids du monde urbain.
La forte proportion d'étrangers présents ainsi que de descendants de juifs ou de musulmans destinait le district sévillan à être le théâtre d'une des répressions inquisitoriales les plus violentes. En général, la présence massive de populations migrantes, difficiles à contrôler, ouvrait la province à des influences jugées pernicieuses par les censeurs de la foi. Mais il s'agissait également d'un espace sensible du fait des diverses influences culturelles qu'il connaissait, en particulier en ce qui avait trait à la spiritualité, oť un courant quiétiste avait depuis longtemps laissé ses traces. L'élite éclairée, par ailleurs, se montra sensible aux échos de la Réforme et de l'humanisme critique. Comme dans les autres diocèses, mais peut-être plus à Séville compte tenu de la grande population qui s'y trouvait, fallait-il, en outre, prendre en compte les résistances d'un secteur de la population peu enclin à accepter au pied de la lettre les nouvelles prescriptions conciliaires. Et en ce siècle marqué par un affermissement exalté de la foi, tout particulièrement dans la vallée du Guadalquivir, le Saint-Office déploya une activité remarquable et novatrice et se fit le défenseur de l'orthodoxie la plus pure.
L'analyse des relations de cause, ces résumés de procès envoyés par les tribunaux de district au conseil de l'Inquisition pour rendre compte de leur activité annuelle, aux côtés des autres pièces de la correspondance, éclaire la stratégie de la cour et la signification des actions entreprises tout au long des cent quarante années d'activité étudiées [22] . Une première approche globale des relations de cause entre 1560 et 1700 permet de mettre en lumière l'étendue du pouvoir de surveillance de l'appareil inquisitorial. En premier lieu, elle met en valeur les flux répressifs et la baisse sensible de l'activité du tribunal en matière de foi à la mort de Philippe II en 1598. À travers la ventilation des principaux délits (juda•sme, mahométisme, protestantisme, hérésies mineures [23] ), les priorités et les politiques mises en Ďuvre par le tribunal apparaissent clairement, au lendemain du concile de Trente. En second lieu, l'exploitation sérielle des relations de causes permet de jeter la lumière sur les groupes socioculturels touchés par la répression : le délit ne se confond pas forcément avec l'appartenance ethnique et culturelle. Basé sur la délation, le Saint-Office enregistra, mais diffusa également, les préjugés et craintes à l'égard de certaines communautés. En cela, il servit de caisse de résonance à des peurs qui traversaient le corps social et, de ce fait, l'arrière plan idéologique sera déterminant à l'heure d'analyser les divers caps répressifs définis par l'institution.
En outre, le pouvoir réel de l'institution est en partie révélé par les groupes sociaux victimes de l'Inquisition. Poursuivit-elle l'hérésie véritablement sans exception de personnes, sans prendre en compte l'influence sociale ou le rang honorifique de l'individu dans la société, conformément à ses prérogatives exceptionnelles qui faisaient son autorité ? L'analyse sociologique des condamnés permet de savoir si le tribunal était préoccupé par l'élite de la société dont les membres, par leur accès à l'écriture, pouvaient diffuser les doctrines hérétiques ou hétérodoxes, ou si le Saint-Office était au contraire un tribunal pour la plèbe, c'est-à-dire un instrument entre les mains des classes dirigeantes pour surveiller le peuple et lui imposer de nouvelles règles individuelles et collectives.
Enfin, à travers l'étude de la résidence des condamnés on parvient à délimiter les limites d'une action répressive. L'Inquisition dut vaincre les difficultés du terrain, les lenteurs des communications et composer avec la volonté affichée de mener à bien une vigilance uniforme du territoire. Dans quelle mesure sommes-nous en présence d'un tribunal des villes ou d'une cour itinérante à travers les terres ? Des moyens novateurs furent mis en place pour réaliser un quadrillage des villes comme des campagnes, mais il reste à évaluer l'efficacité de ce réseau et sa raison d'être dans les zones rurales oť, plus que l'hérésie, fleurissait l'ignorance en matière religieuse des fidèles.
Les témoignages des condamnés et l'incessante correspondance avec la cour suprême révèlent le contexte idéologique et éclairent les différentes orientations prises dans la politique répressive, les moyens mis en Ďuvre et les échecs essuyés. Malgré les divers aléas qu'elle connut tout au long du siècle et demi d'existence qui nous occupe, l'Inquisition parvint à se glisser et à se nicher dans les consciences afin d'y imprimer sa marque. La portée de ses actions fut proportionnelle à sa juridiction progressivement étendue à tout chrétien présent sur les terres du roi d'Espagne, fžt-il étranger, descendant d'infidèles ou catholique de souche.
En effet, si la persécution de l'apostasie judéo-converse, et par la suite mahométane, constituait l'essentiel de l'activité inquisitoriale, les poursuites intentées aux protestants et aux illuminés marquèrent une mutation sensible dans l'évolution de l'Inquisition qui n'hésitait dès lors plus à porter son attention sur les populations catholiques. Ce changement intervenu au cours du premier quart du XVIe siècle fit franchir un dernier pas à la sainte administration qui pouvait désormais se lancer à la poursuite des bigames, des sorciers, des blasphémateurs, etc. y compris contre les clercs qui ne respectaient pas les obligations de leur état. Le Saint-Office devint ainsi à partir du milieu du XVIe siècle une cour de discipline religieuse, élargissant considérablement son éventail de juridictions à tout individu qui ne se conformait pas aux principes religieux rappelés et définis à Trente. Face à l'expansion du protestantisme en Europe, l'Espagne avait choisi un traitement préventif à travers une auscultation massive des consciences.
Entre 1560 et 1700, la proportion de cristianos viejos à passer devant les juges oscilla entre le tiers et les deux tiers des accusés en matière de foi, selon les périodes. Cette présence remarquable de la population catholique révèle un des axes idéologiques fondamentaux de la politique espagnole. Une fois le concile terminé, les vieux-chrétiens constituèrent une préoccupation essentielle des inquisiteurs et furent l'objet d'une étroite surveillance lorsque le tribunal n'était pas débordé par des questions d'intérêt national, comme il le fut avec la répression des protestants étrangers et des morisques. Dans l'histoire de la cour, cette campagne fut la plus durable et la plus massive de celles que mena l'Inquisition contre les populations catholiques ; elle usait désormais d'attributions relevant auparavant de l'évêque, du curé et des confesseurs pour poursuivre des péchés ou des atteintes à la morale plus que des hérésies proprement dites.
Une telle mutation et son ampleur révèlent dans un certain sens les obstacles auxquels étaient confrontés les religieux et les difficultés qu'ils rencontraient pour mettre en Ďuvre l'idéal de pastorale et d'évangélisation sur le propre territoire espagnol. Cette entreprise montrait l'impossibilité de se limiter à la persuasion pour pousser les populations catholiques vers plus de discipline. Et c'est ici qu'appara”t l'insertion de l'Inquisition dans un vaste système d'encadrement de la société, dans lequel elle se chargea d'assurer le volet répressif. Elle chercha à corriger les échecs patents et les lenteurs de l'action pédagogique et évangélisatrice menées par les autres autorités. Elle organisa pour ce faire une répression qui s'accompagnait de l'effet de publicité requis, afin de rendre le châtiment exemplaire et montrer à quel niveau se situaient les nouvelles normes de comportement et de pensée exigées par l'Église.
En d'autres termes, cela suppose d'appréhender le tribunal non plus comme la clé de vožte de la société, un organisme doté d'un pouvoir de surveillance exorbitant, comme le laissaient entendre les statuts de l'Inquisition, mais comme simple rouage de l'imposant appareil destiné à l'encadrement moral et religieux des populations.
Deux inquisitions se font jour au moment des dernières sessions du concile de Trente ou, mieux, une inquisition mixte pour reprendre l'expression de Francisco Tomás y Valiente , à la fois étatique et ecclésiastique, destinée à garantir l'ordre établi, l'unité politique et religieuse. L'Inquisition aurait ainsi été une institution ecclésiastique inspirée et dominée par un État qui avait poussé jusqu'à des limites extrêmes l'union du trône et de l'autel et qui joua à merveille de sa situation à la croisée des pouvoirs temporel et spirituel [24] . Tout en maintenant les mêmes structures et la même organisation, le Saint-Office aurait donc à partir du XVIe siècle amorcé une conversion substantielle qui prit corps à compter du milieu du siècle. Il serait ainsi passé d'une fonction originelle de marteau des hérétiques, persécutant exclusivement les apostats, à celle de cour destinée à surveiller les formes locales de la religiosité, en contrôlant ainsi la population catholique de souche qui avait appuyé sa création.
L'originalité de cette évolution tient précisément à la combinaison de cette double nature. Deux dimensions a priori contradictoires, mais qui sont en réalité l'aboutissement d'un processus historique en place dans les différentes sociétés européennes au lendemain de la Réforme et qui est connu sous le terme de "confessionnalisation" ou de construction confessionnelle [25] .
Longtemps deux conceptions de l'histoire moderne ont dominé l'interprétation des rapports de l'État et de l'Église en Espagne : en premier lieu, l'idée selon laquelle la monarchie espagnole a entièrement mis au service de la religion l'ensemble de ses ressources, autant à l'intérieur de ses royaumes que dans la lutte politique et militaire internationale [26] ; à l'opposé, un autre courant présente la monarchie hispanique comme connaissant au XVIe siècle un processus d'expansion de l'absolutisme ou plutôt de l'autoritarisme [27] qui aboutit au contrôle de la religion par l'État moderne, à la transformation de celle-ci en auxiliaire de l'État et en instrument fidèle de la volonté des monarques [28] . Ces deux théories restent toutefois insuffisantes tant pour comprendre la complexité des rapports entre l'Espagne et la papauté, que pour saisir la nature du Saint-Office et son rôle au sein de la monarchie des Habsbourg à la clôture du concile de Trente. Plus qu'une opposition entre l'État et l'Église ou une instrumentalisation de l'un des deux, on est en présence d'une interpénétration respective des deux sphères et d'une confluence entre les politiques de réforme ecclésiastique et les visées séculières des princes dans les champs social et politique. Ces entreprises de renouvellement sur les plans spirituel, d'une part, et temporel, de l'autre, eurent des incidences variables mais qui convergeaient, produisant des transferts sur les systèmes de représentation, les principes d'organisation et les moyens de contrôle [29] .
En outre, loin d'opposer les phénomènes observés dans les pays protestants, oť les Églises réformées apparaissent comme autant d'Églises nationales en opposition à une l'Église catholique universelle et romaine, oť à la Réforme protestante répondrait la réaction contre-réformiste catholique, la théorie de la "confessionnalisation" met en valeur l'évolution parallèle des différentes sociétés européennes [30] . Par delà les différences doctrinales, des lignes de convergence se dessinent au sein des différents pays qui conduisent à une redéfinition des liens d'appartenance à l'État et à la religion. Derrière le mot confession, au XVIe siècle déjà, se trouve non seulement l'idée de personnes qui professent une même foi mais également des moyens destinés à organiser ceux qui la partagent [31] .
Face à la pluralité des confessions au lendemain de la Réforme protestante, chacune tentera de définir les principes qui fondent son action et son identité au regard des autres. Sous peine de se dissoudre dans d'autres mouvements, celles-ci doivent se constituer en Églises, c'est-à-dire mettre en place des institutions stables avec des critères d'allégeance clairs, ainsi que des mécanismes de formation et de contrôle des membres. Dans ce cadre, action politique et religieuse convergent : les visées totalisantes de l'ancienne Église catholique persiste dans les nouvelles confessions et celles-ci conservent leur volonté de façonner la société dans tous les domaines. C'est pourquoi le pouvoir politique ne peut rester en dehors des conflits religieux ni les tolérer dans ses territoires. L'imposition d'un pouvoir politique ne se fera qu'à travers une politique de "confessionnalisation", pensée et mise en Ďuvre par les agents du roi, qui garantit l'affirmation et la diffusion des normes, l'intériorisation du nouvel ordre à travers l'instruction au sens large et la discipline des fidèles.
La construction confessionnelle suppose donc un processus d'assujettissement social [32] . Selon les historiens de l'absolutisme, les XVIe et XVIIe siècles conduisent à une profonde mutation des mentalités et des sensibilités qui aboutit à une intériorisation des nouvelles normes et des nouveaux modèles de conduite. Sur le plan politique ce sera également un moyen pour le pouvoir d'être obéi et donc d'exercer un contrôle social des individus. Pour obtenir et réussir l'intériorisation de nouvelles pratiques de conduite et des principes moraux, la ma”trise des ressorts religieux est fondamentale. Chronologiquement, la phase de l'assujettissement social co•ncide avec celle de la "confessionnalisation". D'oť l'assimilation de la contre-réforme à un processus de contrôle social, c'est-à-dire de modelage des conduites individuelles et collectives par les instruments du pouvoir. Aussi, l'Inquisition en tant que structure d'encadrement et institution répressive sera appelée à jouer un rôle déterminant et tout à fait novateur dans la société post-conciliaire espagnole. Un rôle directement conditionné par les effets des canons adoptés au concile de Trente, capital pour la chrétienté à tous les égards, qui vinrent à point nommé pour éclairer la démarche du tribunal et offrir une nouvelle justification à son action.
L'expansion des doctrines de Luther et de Zwingli , puis la progression du calvinisme en France avaient conduit l'Église à rechercher des réponses immédiates susceptibles de combattre les causes de la scission et de favoriser une refonte de l'appareil ecclésiastique. Toutefois, par sa nature et selon la conception des pères, le concile ne pouvait statuer que sur les points oť se dégageait une très nette majorité de théologiens et non sur des controverses oť aucun consensus ne se dessinait. La convocation de l'assemblée supposait, de surcro”t, une volonté de renforcer la centralisation de l'Église et d'accro”tre les moyens d'action des évêques tout en garantissant l'hégémonie italienne.
En Espagne, les tentatives de réforme n'avaient pas attendu la convocation du concile de Trente, ni même celui, d'une portée moindre, de Latran (1512-1517). Alors que les efforts de réforme s'étaient limités à quelques congrégations religieuses en Italie, ou à quelques individualités comme en France [33] , en Espagne avant même la fin du XVe siècle, l'épiscopat et les ordres mendiants, activement soutenus par les Rois catholiques , devinrent les porte-parole et les acteurs du renouveau de l'Église. Le concile national de Séville de 1478, réuni sous la présidence du "gran cardenal" Pedro González de Mendoza , avait permis un engagement ferme de la hiérarchie pour accéder aux souhaits des monarques, désireux de rendre toute sa dignité à l'Église. La valeur du compromis réalisé à Séville, pour limité qu'il fžt, n'en demeura pas moins un élément contraignant pour les deux parties [34] . L'étroite collaboration entre les pouvoirs civil et ecclésiastique fut féconde et particulièrement fructueuse pour ce qui est de la nomination des évêques, en ce sens qu'elle limitait l'influence de Rome dans les affaires intérieures, fussent-elles religieuses [35] .
L'empreinte laissée par quelques personnalités d'envergure, telles que l'évêque de Grenade Hernando de Talavera ou le cardinal Jiménez de Cisneros, avait été déterminante pour entreprendre une réforme du clergé avec le soutien plein et entier de la couronne. Leur action en fit des précurseurs, soucieux aussi bien du redressement de l'état clérical que de l'évangélisation des populations. Fray Diego de Deza , archevêque de Séville et inquisiteur général, très controversé pour ses excès de zèle par ailleurs, se montra particulièrement sourcilleux en matière de discipline ecclésiastique et se posa en pourfendeur des dispenses papales qui permettaient de déroger au droit commun [36] . Toutefois, ces efforts de réforme se limitèrent souvent à l'action de quelques fortes personnalités, dont l'Ďuvre ne survécut que très médiocrement à leur disparition. Malgré le soutien de la couronne, il manquait à cette réforme une dimension institutionnelle sanctionnée par la papauté et qui reçužt l'assentiment général des évêques et des supérieurs des ordres pour s'inscrire dans la durée. Mais il n'en demeure pas moins que les prélats firent chĎur avec leur monarque pour une réforme de l'appareil ecclésiastique dans son entier : comme le rappelle Hubert Jedin , ce sujet fut considéré comme un thème national car tous s'accordaient sur le fait que la réforme en cours de l'Église espagnole n'atteindrait pas son but sans la réforme générale de l'Église [37] .
Les deux premiers temps du concile de Trente, entre 1545 et 1552, avaient été dominés par le schisme protestant en Allemagne et les décisions s'orientèrent contre celui-ci. Les décrets dogmatiques furent la réponse du magistère de l'Église aux doctrines de Luther et de Zwingli . Politiquement les deux périodes firent partie du plan élaboré par Charles Quint et approuvé par les papes Paul III et Jules III de réduire militairement les protestants allemands. Néanmoins, dès son ouverture, compte tenu des divergences entre les diverses parties en présence, les décrets de réforme ne furent qu'une piètre tentative d'opposer à la réforme protestante une réforme catholique, sans qu'une majorité claire ne se dessinât en ce sens. Les difficultés diplomatiques surgies entre la France et l'Espagne et leurs incidences sur les États pontificaux ralentirent les travaux. Au cours de cette première réunion, le contrôle de la discipline fit timidement son apparition au sein du concile, avec la reconnaissance du droit des évêques à intervenir pour contrôler les prédicateurs et les sanctionner le cas échéant [38] . Les quelques décisions prises sur l'obligation de résidence n'avaient encore rien de bien contraignant ni d'exhaustif ; les attentes des Espagnols étaient déçues.
La reprise des travaux à Bologne en avril 1547 n'apporta pas d'élément substantiel pour désamorcer les critiques qui avaient vu le jour au sein de la chrétienté. La session portant sur les abus dans la célébration de la messe, sur le trafic des indulgences et sur les ordinations fut un échec cuisant, notamment pour le parti espagnol. On resta sur le plan de pieuses déclarations d'intention. On reconnut, certes, que l'essentiel du concile était de subordonner les moyens de l'Église à la sanctification des âmes ; une nouvelle fois, on affirma la nécessité de consolider la position des évêques et on prévit l'organisation de synodes provinciaux et diocésains ainsi que la rédaction d'un catéchisme. Les quelques projets de décrets adoptés sur la transsubstantiation, la pénitence et la confession constituaient une véritable attaque en règle des thèses protestantes et désormais la rupture avec les réformés semblait consommée. La suspension des travaux le 28 avril 1552 révélait le peu de portée des décisions prises. Les décrets dogmatiques ne concernaient qu'une partie des doctrines controversées. Les décrets de réforme condamnaient certains abus, mais pas les plus graves, et ils étaient dénués de toute force obligatoire puisqu'il leur manquait la confirmation papale.
Rouvert dix ans plus tard, le troisième et dernier moment du concile (1562-1563) fut principalement marqué par la progression fulgurante du calvinisme en France. Les décisions adoptées sur le caractère sacrificiel de la messe supposèrent une avancée notable des travaux, après qu'eurent à nouveau éclaté les dissensions entre divers secteurs à propos de la question de savoir si le devoir de résidence était ou non de droit divin. Le second décret de réforme sur les abus commis au sein des diocèses ne prenait quasiment pas en compte les mémoires adressés par les évêques espagnols et portugais, qui en prirent ombrage. Le concile était à nouveau sur le point d'être définitivement bloqué, butant sur la question du fondement de la résidence des évêques. Celle-ci mettait au grand jour de graves dissensions : l'opposition franco-espagnole défendait le renforcement du pouvoir des évêques, alors que Rome favorisait une solution relevant de la curie, le parti pontifical redoutant que ceux-ci pussent s'affranchir de la tutelle du pape [39] .
Après une interruption de dix mois, le concile fut sauvé en 1563 par l'influence apaisante du cardinal Morone, homme de confiance du pape et médiateur chevronné, particulièrement engagé dans la conclusion de la réunion. Le plan de travail extrêmement chargé qu'il proposa porta ses fruits : décrets sur les caractères du mariage, un décret général de réforme en vingt-et-un chapitres sur les exigences requises pour la nomination des évêques, sur la célébration des synodes provinciaux tous les trois ans, sur les synodes diocésains annuels, les visites épiscopales, les chapitres de cathédrales et la réorganisation des paroisses [40] . Les prérogatives des évêques furent élargies avec la concession de pouvoirs apostoliques. La XXVe session, réunion finale du concile, porta sur des points du dogme (culte des saints, purgatoire, images) et les indulgences. La réforme des ordres religieux, déjà prête sous Jules III, revêtait la valeur d'une loi générique qui ne supprimait pas les constitutions existantes, mais les modifiait sur certains points uniquement, calmant ainsi les voix qui remontaient des différentes congrégations concernées [41] . Puis un autre projet de décret contenait des instructions sur la réalisation des visites, l'administration des hôpitaux de l'Église, une redéfinition du droit de patronage, et les procédures contre les concubins. La question du fondement du pouvoir des évêques ne fut pas tranchée et on resta sur un compromis qui permettait de satisfaire les deux parties. Tous les décrets dogmatiques élaborés sous Paul III et Jules III furent lus et signés par les évêques.
Le concile de Trente rejoignait ainsi un processus ayant débuté sous les Rois catholiques et destiné à affermir l'autorité et la dignité à l'Église tout en mettant en place des moyens de contrôler le clergé. Toutefois Ignacio Fernández Terricabras souligne à juste titre le danger qu'il y aurait à voir derrière ce courant réformiste appuyé par l'Espagne une évolution linéaire et homogène. Certes, une certaine continuité transpara”t des Rois catholiques à Philippe II , avec l'importance accordée à la religion dans les affaires de la Couronne et le vĎu d'encourager la réforme morale et disciplinaire du clergé. Toutefois, Philippe II imprima un tournant à la politique conciliaire suivie par Charles Quint qui avait espéré encore parvenir à un concile universel, lequel de toute façon avait été convoqué trop tard. Pour Philippe II , au contraire, le concile devait se donner pour but de redessiner clairement les frontières avec les doctrines protestantes, en redéfinissant les articles de foi et poser les principes de réforme de l'orthodoxie catholique. Mais, en outre, de profondes divergences allaient appara”tre entre le roi et les pontifes dans l'étape qui suivrait.
En effet, une part délicate de l'Ďuvre conciliaire restait encore à accomplir : la mise en application des décisions du concile. En 1564, fut publié le décret de la curie qui reprenait l'ensemble des dispositions adoptées par les pères. L'influence des prélats fut fondamentale pour leur application. Ainsi de celle de Pie V (1566-1572), dominicain, d'une grande rectitude morale. Sous son pontificat, fut achevée la rédaction du catéchisme pour les prêtres et des missel et bréviaire romains. Il refusa de retomber dans la pratique antérieure des dispenses papales. Les papes Grégoire XIII (1572-1586), Sixte V (1585-1590) et Clément VIII (1592-1605) renforcèrent la portée des décisions du concile, la refonte de la secrétairerie d'État, l'épuration du clergé et de la hiérarchie. À partir de 1605, le devoir de résidence fut encore plus valorisé et l'office de nonce ne fut plus attribué à des évêques en activité, afin de permettre à ceux-ci de se consacrer à leur mission pastorale.
Malgré la bonne volonté apparente des deux parties, la mise en pratique des décrets se heurta à la volonté des monarques jaloux des prérogatives de leurs Églises respectives et peu désireux de voir l'hégémonie de la curie romaine consacrée dans ces affaires. Si, après de longues délibérations, Philippe II promulgua son approbation pleine et entière des décrets du concile, ce fut toutefois sous la réserve que ceux-ci n'affecteraient pas les droits régaliens. Au nombre de ceux-ci figurait la conservation des prérogatives et de l'indépendance du Saint-Office. Mais si, jusque-là, l'adhésion de Philippe II au programme conciliaire ne faisait pas de doute, l'interprétation et l'application de celui-ci allaient se traduire par de sourdes tractations et luttes d'influence entre le conseil royal et la curie et faire éclater au grand jour les dissensions entre les deux acteurs [42] .
L'application des décrets fut étroitement encadrée par le pouvoir politique au travers des conciles provinciaux. Ceux-ci se tinrent à l'initiative et sous la tutelle de la couronne. Malgré les conflits d'intérêt entre le conseil du roi et la papauté, et les négociations serrées et constantes, parfois agrémentées de ruptures diplomatiques avec le Saint-Siège, on parvint par aboutir à l'application d'une partie des décrets. Comme le souligne Ignacio Fernández Terricabras , il s'agit là d'un processus laborieux, lent et conflictuel et non linéaire et sans faille [43] .
La contre-réforme ne se limite donc pas au concile de Trente. La convocation de l'auguste assemblée avait été motivée par l'espoir de ramener les réformés au bercail, espérance qui tourna vite court et les décisions adoptées marquèrent la volonté de redéfinir de façon univoque les liens d'appartenance à la catholicité en jetant l'anathème sur les thèses protestantes. Mais la teneur des décisions qui furent prises rejoignait également les attentes qui se faisaient jour de façon pressante depuis le début du XVIe siècle au sein d'un secteur de l'Église, notamment en Espagne. Les intérêts divergents de la curie, des États nationaux et de l'Empire aboutirent à un texte laborieux, objet de tractations et de compromis, mais fondateur pour une des réformes les plus profondes du monde catholique et des plus durables.
Dans un tel contexte, l' impact du concile de Trente fut immédiat sur l'action du Saint-Office. D'une part, il rétablit l'autorité du Saint Siège sur le monde catholique dans la gestion des affaires religieuses. Ce point sera l'occasion de luttes sourdes entre l'Espagne et la curie et force est de constater qu'en la matière l'Inquisition jouissait du soutien inconditionnel du conseil royal. À diverses reprises éclateront les dissensions entre l'Espagne et Rome, notamment à propos du procès de l'archevêque de Tolède Bartolomé Carranza. On peut citer en outre la question de l'intromission du Saint-Siège dans la juridiction du Saint-Office pour les cas d'absolution des cas d'hérésie dans le for intérieur réservés aux jésuites ainsi qu'aux prêtres à l'occasion des jubilés. En 1595, le conseil de l'Inquisition interviendra auprès du pape pour demander une nouvelle fois que ne soient plus concédées en Espagne de grâce ni de jubilés aux prêtres pour absoudre des crimes d'hérésie [44] .
D'autre part, du point de vue disciplinaire, le concile de Trente censurait de façon univoque nombre d'abus (cumul des bénéfices, absence des évêques de leur diocèse, pratique des dispenses papales, etc.) [45] . Mais surtout, les exigences et les obligations des clercs furent redéfinies et les pouvoirs de contrôle de la part des évêques et des supérieurs des ordres renforcés. Dorénavant, les ministres de l'autel se devaient d'être exemplaires dans leur vie et leurs habitudes et dans ce mouvement vers une plus grande discipline; l'Inquisition fut utilisée comme levier d'action pour amender certains comportements du bas clergé. Car la réforme de l'état ecclésiastique était laborieuse et le nombre de rapports élevés auprès du roi suffit à témoigner de l'ampleur de la tâche ainsi que des difficultés à modifier nombre de pratiques dont s'accommodait parfaitement un secteur de l'Église, plus soucieux de ses intérêts que des obligations pastorales remises au premier plan à Trente.
En outre, les décrets conciliaires furent d'une portée considérable au regard de l'action menée par le Saint-Office dans la mesure oť, du point de vue dogmatique, ils précisaient de façon univoque la position officielle de l'Église sur nombre de doctrines contestées par le protestantisme et les mouvements hétérodoxes. Là oť s'était dessiné un consensus entre les pères du concile, l'Inquisition pouvait désormais intervenir avec la caution du Saint-Siège et des canons de l'auguste assemblée. Les décrets tridentins constituèrent la base théologique pour la répression virulente des premières manifestations du luthéranisme. Le décret sur la justification, dans cette perspective, revêtit une importance toute particulière car il permettait de contredire le fondement de la théologie luthérienne et était à la base de l'édifice redessiné à Trente. À partir d'alors tout chrétien accède au salut par la foi dans le sacrifice du Christ mais également par les Ďuvres qu'il réalise tout au long de sa vie, et ce canon sera d'une incidence notable à l'heure de juger les propositions de certains courants évangélistes. Le renouveau de la pastorale aura également son incidence sur l'Inquisition qui entendra sa mission dans un sens évangélisateur, avec des moyens qui lui étaient propres.
Enfin, sur le plan de la vie religieuse, la Réforme catholique aboutit à une participation plus étroite des la•cs à la vie de l'Église et à la spiritualité. La préoccupation pour le salut des âmes, souvent abandonnées à leur sort dans les campagnes, conduisit à réorganiser les paroisses et à se reposer sur les missions des ordres mendiants et de prédicateurs. De nouvelles formes de sociabilité se faisaient jour, avec l'essor des confréries religieuses tout particulièrement, qui représentèrent une forme précoce d'apostolat la•c, mis au service de la contre-réforme [46] . Les formes d'encadrement des fidèles furent renforcées, ainsi que les exigences en matière de discipline et de connaissances religieuses. Progressivement, cette entreprise lancée au lendemain du concile de Trente conduisait à une mutation des sensibilités, à un remplacement d'anciennes dévotions par de nouvelles, à une administration plus fréquente des sacrements et parallèlement à une mise à l'écart de certaines pratiques de petite sorcellerie ou superstitieuses [47] .
Telle quelle ressort de l'image façonnée par un courant historiographique, l'Ďuvre de Philippe II appara”t comme mue quasi exclusivement par une foi ardente sans envisager d'autres considérations et en réduisant les luttes entre la couronne et les pontifes à des incompatibilités d'humeur [48] . Comme le rappelle Ignacio Fernández Terricabras , il ressort de cette vision linéaire et sans faille une "image d'un catholicisme homogène, entièrement accepté par une société qui partage l'action des autorités et qui adhère sans restrictions à la réforme. De même, le clergé appara”t comme un ensemble uniforme complètement voué à la propagation des réformes [49] ". Il convient, au contraire, de prendre en compte les différences sociales, religieuses culturelles et institutionnelles qui existent au sein de la monarchie hispanique et nuancer l'idée d'une société qui aurait fait corps avec le programme du concile de Trente. Un secteur du clergé refusa les décrets conciliaires ou plutôt la voie que prenait la réforme. Mais au sein même de la population, des réticences se firent jour face aux nouvelles formes de dévotions et de pratiques religieuses.
L'étude du Saint-Office permet ici de mettre en valeur précisément ces résistances d'un secteur de la société au lendemain de Trente. En faisant irruption au sein de la population catholique de souche, le Saint-Office poursuivra ce qu'on qualifie de petite hérésie ou de déviances éthiques et morales, c'est-à-dire des petites déviances qui n'affectaient pas substantiellement la pureté de la foi. Or, loin de se limiter à une simple pratique discordante au regard de la morale du temps, les délits des vieux-chrétiens ou les petites hérésies, pour certaines d'entre elles du moins, manifestent un rejet de certains préceptes et le refus d'accepter la promotion de nouvelles valeurs au détriment d'anciennes. La répression violente des cercles qualifiés de protestants à Séville met en lumière, précisément, les réticences d'un secteur de la société sévillane à suivre les nouveaux préceptes tels qu'ils avaient été redéfinis par la curie. La teneur des discours poursuivis par les juges à partir de la répression des cercles évangélistes confirme ce rejet parfois violent de ces nouvelles normes.
Derrière des délits aussi divers que le protestantisme, l'illuminisme, la bigamie, les propositions (pas uniquement les propos théologiques mais aussi de simples blasphèmes), se cache également un refus d'accepter les nouvelles valeurs qui sont les ressorts de la contre-réforme. Le Saint-Office dès lors ne doit plus seulement être appréhendé en tant qu'institution gardienne de la foi mais également comme le fer de lance d'une vaste entreprise destinée à modifier les pratiques, les conceptions et les façons de penser. Il fut un levier pour imposer des valeurs véhiculées par les cercles de pouvoir et qui se heurtait à l'inertie des pratiques ou à la résistance des mentalités, selon les cas. En cela, l'Inquisition fut l'instrument privilégié de la politique confessionnelle de Philippe II mue non seulement par des convictions religieuses mais également par la volonté créer des liens d'allégeance clairs et univoques à l'égard de l'Église et de l'État.
Il reste à analyser dans quelle mesure l'Inquisition intervint dans ce processus mais aussi quels furent les moyens mis en Ďuvre pour accro”tre l'emprise de l'Inquisition sur la société et lui permettre de mener à bien un tel projet de discipline sociale. Pour cela, il convient en premier lieu de revenir sur les ressources en hommes et en matériel dont dispose le tribunal, avant d'analyser les phénomènes politiques et religieux qui conditionnent l'action lancée. Enfin l'étude de la répression des principales hérésies, des hétérodoxies et des délits éthiques et moraux poursuivis confirme cette volonté de "disciplinariser" les populations et permet de mesurer l'efficacité de cette entreprise de réforme morale et religieuse qui se déploya sur plus d'un siècle.
[1] La fondation du Saint-Office est traitée par tous les ouvrages généraux sur l'Inquisition espagnole : voir en particulier, Henry Charles Lea , Historia de la Inquisición española, 3 vol., trad., Madrid, Fundación universitaria española, 1983 [1906-1907], vol. 1, p. 175 s, et Yitzhak Baer , Historia de los jud’os en la España cristiana, (trad.), 2 vol., Madrid, Atalena, 1981 [1966, date de la version américaine], vol. 2, p. 567 sqq. Les ouvrages de référence demeurent ceux des cronistas des Rois catholiques Andrés Bernáldez , Memorias del reinado de los Reyes Católicos, Madrid, 1962, p. 251 sqq. et Fernando del Pulgar , Crónica de los Reyes Católicos, éd de Juan de Mata Carriazo, Madrid, Espasa, 1943, 2 vol. Sur les "nouveaux-chrétiens" de juifs et les réactions à l'implantation du tribunal, voir Juan Meseguer Fernández , "El périodo fundacional (1478-1517)", in Joaqu’n Pérez Villanueva et Bartolomé Escandell Bonet , Historia de la Inquisición en España y en América, Madrid, B.A.C, 1984, 2 vol. vol. 1, p. 282-306, Antonio Cascales Ramos , La Inquisición en Andaluc’a : resistencia de los conversos a su implantación, Séville, Bibl. de cultura andaluza, 1986 et José Antonio Ollero Pina , "Una familia de conversos sevillanos en los or’genes de la Inquisición : Los Benadeva", Hispania Sacra, vol. XL, nĽ 81 (1988), p. 45-105. Pour l'interprétation socio-politique de l'implantation du tribunal voir Béatrice Pérez, L'Inquisition et les judéo-convers en basse Andalousie occidentale. Les contours d'une histoire politique et sociale à la fin du XVe siècle, thèse de doctorat, Paris, 2001, 3 vol. L'ouvrage de J. Gil , Los conversos y la Inquisición sevillana, Séville, Universidad, 2000, 5 vol. fournit nombre d'informations sur l'activité du tribunal tout au long de la première moitié du XVIe siècle. Sur les aspects administratifs, sociologiques et comptables de l'institution, voir Pilar Garc’a de Yébenes Prous, El Tribunal del Santo Oficio de la Inquisición de Sevilla : Burocracia y hacienda, Thèse de Doctorat, exemplaire dactylographié, Madrid, 1993.
[2] AHN Inq. Lib. 1244, fˇ 105 r-v, Edicto de fe de Sevilla, non daté.
[3] José Luis González Noval’n , El Inquisidor General Fernando de Valdés , Oviedo, 1968, 2 tomes ; ainsi que "Reforma de las leyes, competencia y actividades del Santo Oficio durante la presidencia del Inquisidor General Don Fernando de Valdés (1547-1566)", in J. Pérez Villanueva (dir) La Inquisición española : nueva visión, nuevos horizontes, Madrid, Siglo XXI, 1980, p. 193-217.
[4] Jean-Pierre Dedieu , L'administration de la foi : l'Inquisition de Tolède XVIe-XVIIIe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 1992, p. 348.
[5] J. H. Plume : Prologue à l'ouvrage de Geoffrey Parker , Felipe II, Madrid, Alianza Editorial, 1989. Voir également Manuel Fernández çlvarez , Felipe II y su tiempo, Madrid, Espasa Calpe, 1998 et Henry Kamen , Felipe de España, Barcelone, 1998. Sur les relations étroites entre l'appareil d'État et l'Inquisition sous Philippe II , voir Consuelo Maqueda Abreu , "Felipe II y la Inquisición : el apoyo real al Santo Oficio", Revista de la Inquisición, 7 (1998), p. 225-267.
[6] Cf. Ian Thompson , War and governement in Habsburg Spain - 1560-1620, Londres, The Athlone Press, 1976.
[7] Le tribunal de Séville a longtemps été écarté des études du fait de la nature incomplète de ses sources ainsi que de la désorganisation de ses fonds qui ont fait l'objet d'un salutaire remaniement au printemps 1995. Durant plusieurs décennies, la référence a été l'ouvrage, très limité quant au plan méthodologique, de J. Ma. Montero de Espinosa, Relación histórica de la juder’a de Sevilla, facsimilé de l'édition de 1849, Valence, 1978 puis la brève présentation d'Antonio Dom’nguez Ortiz , Autos de la Inquisición de Sevilla, Séville, Publ. del ayuntamiento, 1994 [1981]. En 1988, çlvaro Huerga consacra aux illuminés de Séville le quatrième volume de son Historia de los alumbrados, Madrid, Fundación universitaria española, 1988. L'importance de ce tribunal n'échappait à personne et en 1993 Pilar Garc’a de Yébenes Prous soutenait sa thèse de doctorat sur la bureaucratie du Saint-Office (déjà citée). L'année 2000, outre l'étude en cinq volumes du Pr J. Gil sur les judéo-convers sévillans citée plus haut, a vu la publication d'une partie de la thèse de Ma. Victoria González de Caldas y Méndez ,ŔJud’os o cristianos ? El proceso de fe, "Sancta Inquisitio", Séville, Universidad, 2000, qui porte sur le tribunal dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au XVIIIe ainsi qu' El poder y su imagen. La Inquisición Real, Séville, Universidad, 2001. L'étude des fonds du XVIIIe siècle, en outre, a été réalisée dans divers domaines par Juan Antonio Alejandre , El veneno de Dios. La Inquisición de Sevilla ante el delito de solicitación en confesión, Madrid, Siglo XXI, 1994 ainsi que Osad’as, vilezas y otros trajines, Madrid, Alianza, 1995 et Milagreros, libertinos e insensatos, Séville, Universidad, 1997. En outre, le même auteur et Mar’a Jesśs Torquemada ont publié peu après Palabra de hereje. La Inquisición de Sevilla ante el delito de proposiciones, Séville, Universidad, 1998.
[8] Sur Séville aux XVIe et XVIIe siècles, voir G. Poitevin-Drouhet , Une grande ville d'Ancien Régime : Séville dans la seconde moitié du XVIe siècle, Thèse de l'École des Chartes, 1967. Sur la dimension commerciale et l'essor de la ville : Albert Girard , Le commerce français à Séville et à Cadix au temps des Habsbourg, Bordeaux, De Boccard, 1932, et l'Ďuvre de Huguette et Pierre Chaunu , Séville et l'Atlantique (1504-1650). Première partie : partie statistique, S.E.V.P.E.N., Paris, 1955-1957, 8 vol. et Pierre Chaunu , Séville et l'Atlantique (1504-1650). Deuxième partie : partie interprétative, Paris, S.E.V.P.E.N., 1959-1960, 3 vol. + 1 vol. (annexes). Voir également Michèle Moret , Aspects de la société marchande de Séville au XVIIe siècle, Paris, Marcel Rivière, 1967. Sur le commerce des Indes, voir également Antonio Garc’a-Baquero González, La Carrera de Indias : suma de contratación y océano de negocios, Algaida, Séville, 1992.
[9] Antonio Dom’nguez Ortiz , La población de Sevilla en la Baja Edad Media y en los tiempos modernos, Publ. de la Real Sociedad de Geograf’a, Madrid, 1941, 16 p., p. 9-10 et du même auteur, Orto y ocaso de Sevilla, Séville, 1974 (la 1ère édition remonte à 1946). Voir aussi Jean Sentaurens , "Séville dans la seconde moitié du XVIe siècle : population et structures sociales", in Bulletin Hispanique, tome LXXVII, nˇ 3-4 (1975), p. 321-390, p. 341-347 et Annie Molinié -Bertrand, Au siècle d'or, l'Espagne et ses hommes : la population de Castille au XVIe siècle, Paris, Economica, 1985, p. 263-275.
[10] Santiago de Luxán Meléndez - Manuela Ronquillo Rubio , "Aportación al estudio de la población extranjera en Sevilla", en Andaluc’a moderna, Actas del II congreso de Historia de Andaluc’a, Cordoue, Publ. de la Junta de Andaluc’a, 1995, p. 463-471, p. 466.
[11] Sur le creuset que constitua Séville aux XVIe et XVIIe siècles, outre les précédents ouvrages cités, voir : Ruth Pike , Aristócratas y comerciantes : la sociedad sevillana en el siglo XVI, (trad.), Barcelone, Ariel, 1978 ; Francisco Morales Padrón , Historia de Sevilla, la ciudad del quinientos, 3e éd., Publ. Séville, Universidad, 1989 ; Antonio Dom’nguez Ortiz , Historia de Sevilla. La Sevilla del siglo XVII, Séville, Universidad, 1984.
[12] Quiétisme : doit s'entendre dans le sens espagnol de quietismo, de doctrine de certains mystiques hétérodoxes espagnols selon lesquels l'état de perfection absolu de l'âme consistait dans l'anéantissement de la volonté pour s'unir à Dieu dans la contemplation passive, et non dans le sens français qui limite cette définition aux théories défendues par Miguel de Molinos .
[13] Annie Molinié -Bertrand, "Le clergé dans le royaume de Castille à la fin du XVIe siècle, approche cartographique", Revue d'histoire économique et sociale, vol. 51 (1973), p. 5-53, p. 12 et 17. Le document utilisé ne fournit malheureusement pas les chiffres pour Séville. Voir également Quint’n Aldea Vaquero - José Vives Gatell (dir.), Diccionario de historia eclesiástica de España, 4 vol., Madrid, CSIC, 1972-1975, vol. 4, p. 2446-2459, art. "Sevilla".
[14] Censo de población de las provincias y partidos de la corona de Castilla en el siglo XVI, Imprenta real, 1829, p 334-338.
[15] Manuel Teruel Gregorio de Tejada, Vocabulario básico de la historia de la Iglesia, Cr’tica, Barcelone, 1993, p. 308-309.
[16] R.A.H. Jesuitas, tome 89, exp. 74. Voir également, José Mar’a Miura Andrades , Frailes, monjas y conventos : las órdenes mendicantes y la sociedad sevillana bajomedieval, Séville, Universidad, 1998 et du même auteur "Ciudades, conventos y frailes. La jerarquización urbana en la Andaluc’a bajomedieval", Actas del VI Coloquio Internacional de Historia medieval de Andaluc’a. Las ciudades andaluzas : siglos XIII al XVI, Málaga, 1991, p. 277-288 et Antonio Luis López Mart’nez , La econom’a de las órdenes religiosas en el antiguo régimen, Séville, Diputación provincial, 1992, 376 p.
[17] A.G.A.S. fonds Administración-Visitas : les visites pastorales du XVIe siècle sont extrêmement rares, celles du XVIIe quant à elles, signalent souvent le peu d'élévation intellectuelle et morale des moines : cf. Ma Luisa Candau Chacón , "Instrumentos de modelación y control : el concilio de Trento y las visitas pastorales (la archidiócesis hispalense 1548-1604)", in José Mart’nez Millán (dir), Felipe II (1527-1598) : Europa y la Monarqu’a Católica, Madrid, 1998, vol. 3 : Inquisición, religión y confesionalismo, p. 159-177. Pour le XVIIIe siècle, voir Manuel Mart’n Riego , "La visita pastoral de las parroquias", Memoria ecclesiae, XIV (1998), p. 157-203.
[18] José Sánchez Herrero , "La diócesis de Sevilla entre finales del siglo XVI y comienzos del siglo XVII : las visitas ad limina de los arzobispos de Sevilla D. Rodrigo de Castro , 1597 y D. Fernando Niño de Guevara , 1602 y 1605", Isidorianum, I (1992), p. 233-261, p. 251.
[19] On manque malheureusement de travaux d'ensemble sur le clergé des XVIe et XVIIe siècles dans le diocèse de Séville. Pour le XVIIIe siècle en revanche les travaux sont plus conséquents : cf. Mar’a Luisa Candau Chacón , Los delitos y las penas en el mundo eclesiástico sevillano del XVIII, Séville, Diputación, 1993 et El clero rural de Sevilla en el siglo XVIII, Séville, Caja rural, 1994. Pour la même période voir également Manuel Mart’n Riego , Las conferencias morales y la formación permanente del clero en la archidiócesis de Sevilla (siglos XVIII al XX), Séville, Fundación Infante Mar’a Luisa, 1997 et Los concursos a parroquias en la archidiócesis de Sevilla (1611-1926), Cordoue, Cajasur, 1999.
[20] Cf. Henry Kamen , Una sociedad conflictiva : España 1469-1714, Madrid, Alianza Editorial, 1989, p. 292.
[21] Pedro de León , Grandeza y miseria de Andaluc’a, testimonio de una encrucijada histórica (1578-1616), éd. de Pedro Herrera Puga , Grenade, Biblioteca teológica, 1981. Voir également Pedro Herrera Puga , Los jesuitas en Sevilla en tiempo de Felipe III, Grenade, Universidad, 1971 et Mart’n de la Roa , Historia de la Provincia de Andaluc’a de la Compañ’a de Jesśs [mss de la 1ère moitié du XVIIe s.
[22] À propos des relations de causes et de l'état des sources, voir l'appendice II.
[23] Pour les questions afférentes à la classification des délits, voir l'appendice II.
[24] Francisco Tomás y Valiente , "Relaciones de la Inquisición con el aparato institucional del Estado", La Inquisición española, nueva visión, nuevos horizontes, Madrid, Siglo XXI, 1980, p. 44-45.
[25] Voir Delumeau, Jean & Wanegffelen, Thierry : Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, PUF, 8e éd., 1997, p. 225-245.
[26] Cf. Fernando de los Ríos dans Iglesia y Estado en el siglo XVI, México, Fondo de cultura económica, 1957.
[27] Sur la question de la nature de la monarchie au temps des Habsbourg voir Manuel Fernández çlvarez : "Los Austrias mayores, Ŕmonarqu’a autoritaria o absoluta ?" Studia historica, Historia moderna, vol. 3, nˇ 3 (1985), p. 7-10 et de Salustiano de Dios , "Sobre la génesis y los caracteres del Estado absolutista en Castilla", ibid, p. 11-46.
[28] Voir par exemple José Antonio Maravall , Estado moderno y mentalidad social, siglos XV al XVIIII, Madrid, Revista de Occidente, 1972, 2 vols.
[29] Cf. Jacques Chiffoleau Đ Bernard Vincent , "État et Église dans la genèse de l'État moderne. Premier bilan", in J-Philippe Genet - Bernard Vincent , État et Église dans la genèse de l'État moderne, Madrid, Casa de Velázquez, 1986, p. 300.
[30] Le concept de "confessionnalisation" est développé depuis les années 1980 par des historiens qui ont étudié la situation de l'Empire germanique notamment Wolfgang Reinhardt et Heinz Schilling . Cf. Heinz Schilling , Religion, political, culture and the emergence of the early modern society, E. J. Brill, Leiden-Nex York-Cologne, 1992, Wolfgang Reinhardt , "Reformation, Counter-reformation, and the early modern State". A reassesment", The Catholic Historical review, 75 (1989), p. 383-404. Un article de Wolfgang Reinhardt fait le point sur ce débat historiographique et les notions connexes "Disciplinamento sociale, confessionalizzazione, modernizzazione. Un discorso storiográfico, in Paolo Prodi (dir.), Disciplina dell'anima, disciplina dell corpo et disciplina della società tra medioevo ed età moderna, Annali dell'instituto storico italo-germanico, 40 (1994), p. 101-123.
[31] Wolfgang Reinhardt , "Disciplinamiento sociale…", p. 110.
[32] On parlera d'assujettissement social, de "disciplinarisation" ou de "disciplinement". Voir Paolo Prodi (dir.), Disciplina dell'anima, disciplina dell corpo et disciplina della società tra medioevo ed età moderna, Annali dell'instituto storico-germanico, Bologne, 40 (1994), en particulier Wolfgang Reinhardt , "Disciplinamiento sociale…", Heinz Schilling , Chiese confessionali e disciplinamento sociale. Un bilancio provvisorio della ricerca storica", in P. Prodi (dir.), Disciplina dell'animaÉ, p. 125-160 et Winfried Schulze , "Il concetto di "discplinamento sociale nella prima età moderna" in Gerard Ostereich, Annali dell'instituto storico italo-germanico, 18 (1992), p. 371-411. Pour l'Espagne, voir Ignaci Fernández Terricabras, Philippe II et la Contre-réforme : l'Église espagnole à l'heure du Concile de Trente, Thèse pour le doctorat d'histoire, 2 vol., Toulouse, 1999, publié par Publisud, Paris, 2001, préface de Jean-Pierre Amalric.
[33] Hubert Jedin (dir.), Manual de la historia de la Iglesia, vol. V : Reforma protestante, reforma católica y contrarreforma, (trad. de l'allemand), Barcelone, Herder, 1992, p. 597-607.
[34] Cf. F. Villalba Ruiz de Toledo , "Aproximación al concilio nacional de Sevilla de 1478", en Cuadernos de Historia medieval, 1984 (6), p. 1-37. Voir également Fidel Fita , "Concilios españoles inéditos : provincial de Braga en 1261 y nacional de Sevilla en 1478", Bolet’n de la Real academia de la historia, tome XXII (3) (1893), p. 211-257, qui le publie. On ferma la porte aux influences extérieures en recueillant l'assentiment des évêques pour instaurer le droit de présentation et exclure les candidatures des étrangers à des charges ecclésiastiques tout en réduisant les collations papales des prébendes. Les évêques et autres titulaires de bénéfices s'obligeaient à résider au moins six mois par an dans leur lieu d'affectation ; dans le même temps les privilèges des ordres exempts furent encadrés et limités. Par ces mesures ainsi que par celles destinées à gagner l'allégeance des évêques et à proscrire tout acte de sédition, se mettait en place une Église nationale
[35] Hubert Jedin , Manual de historia…, vol. V, p. 608. Voir également L. çlvarez , "Contribución al estudio de la reforma religiosa en el reinado de los reyes católicos", Revista augustiniana de espiritualidad, 5 (1964), p. 145-213.
[36] Voir Hubert Jedin , Manual de la historia… vol. V, p. 610. Sur ce personnage, voir la biographie de Armando Cotarelo Valledor, Fray Diego de Deza : ensayo biográfico, Madrid, Imprenta José Morales y Mart’nez, 1902.
[37] Cf. Ricardo Garc’a Villoslada, "La reforma española en Trento", Estudios eclesiásticos, 39 (1964) et H. Jedin , Manual de la historiaÉ vol. V, p. 610. Cf. Pierre Chaunu , Le temps des Réformes. La crise de la Chrétienté. L'éclatement, Paris, Fayard, 1975 et Jean Delumeau , Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, P.U.F., 5e édition, 1988 et Alain Tallon, La France et le concile de Trente (1518-1563), Rome, École française, 1997. Sur le concile de Trente et l'attitude de l'Espagne sous Philippe II ainsi que l'application d'une partie de ses décrets, voir l'analyse fine de Ignacio Fernández Terricabras , Philippe II et la contre-réformeÉ
[38] Session V, Les conciles Ďcuméniques, vol. II. 2 : Les décrets. De Trente à Vatican II, G. Alberigo (dir.), Paris, Cerf, 1994, p. 667.
[39] Cf. Ignacio Fernández Terricabras , Philippe II et la contre-réforme…, p. 967-968.
[40] Hubert Jedin , Manual de la historia…, vol. V, p. 675 sq.
[41] Louis Cristiani, Trento, vol XIX de l'Historia de la Iglesia, sous la dir. de Agustin Fliche et Victor Mart’n, Edicep, Valence, 1976, p. 255-259.
[42] La vision souvent présentée selon laquelle Philippe II adhéra pleinement aux décrets du concile de Trente doit être nuancée (voir dans une telle perspective par exemple Bernardino Llorca , "Aceptación en España de los decretos del concilio de Trento", Estudios eclesiásticos, 39 (1964), p. 241-260). Si l'Espagne décréta très vite qu'elle acceptait les décrets dans leur totalité, il n'en demeure pas moins que le Conseil royal était parfaitement conscient des points d'achoppement susceptibles de se produire dans l'application des canons et qui se produisirent effectivement. À ce propos, voir H. Jedin , Manual de la historia… vol. V, p. 697 et I. Fernández Terricabras , Philippe II et…, p. 208-228.
[43] La curie et la couronne parviendront, non sans mal, à mettre en Ďuvre la réforme des ordres religieux, celle du système des hôpitaux et de l'assistance publique, à appliquer les canons sur les pouvoirs et obligations des évêques. Mais nombre de questions resteront en suspens, telles que la réforme de la curie romaine, la question des rapports de la juridiction civile et ecclésiastique et les bases théologiques de la résidence des évêques.
[44] Voir les articles de Stefania Pastore : "Esercizi di carità, esercizi di Inquisizione. Siviglia 1558-1564", Rivista di storia e letteratura religiosa, 2 (2001), p. 231-258 et "Roma, il Concilio di Trento, la nuova Inquisizione : alcune considerazioni sui rapporti tra vescovi e inquisitori nella Spagna del Cinquecento", L'Inquisizione e gli storici : un cantiere aperto, Roma, Accademia Nazionale dei Lincei, 2000, p. 109-146. Voir également Consuelo Maqueda Abreu , "Felipe II y la InquisiciónÉ", p. 256-259.
[45] Antonio Constatino-Pietrocola , Il clero al Concilio Tridentino : situazione preconciliare e apporto del Concilio, Rome : Pontificia universitas lateranensis, 1987. Voir également Sabino Alonso , "Los párrocos en el Concilio de Trento y en el código de derecho conónico", Revista Española de Derecho Canónico, 3 (1947), Salamanque, p. 954-979.
[46] Voir à ce propos l'article de Juan López Mart’n , "Las Hermandades y cofrad’as en la vida de la Iglesia. Fundamentación teológica de la religiosidad popular", en José Ruiz Fernández Đ Valeriano Sánchez Ramos, Actas de la Ia jornada de religiosidad popular (28-30/XI/1996), Diputación de Almer’a, 1997, p. 199-215. Cf. également Isidoro Moreno , Cofrad’as y hermandades andaluzas, Séville, Bibl. de temas andaluces, 1985. Pour la France voir Maurice Agulhom , La sociabilité méridionale. Confréries et associations dans la vie collective en Provence orientale à la fin du XVIIIe siècle, Aix en Provence, Presses de l'Université, 1966 et Marie Hélène Froeschlé-Chopard , Les confréries, l'Église et la cité Đ cartographie du sud-est, Documents d'ethnologie régionale, vol. 10, Grenoble, 1988.
[47] Cf. Henry Kamen , Cambio cutural…, p. 406-407, William A. Christian Jr, Religiosidad local en la España de Felipe II, Madrid, Nerea, 1991. Pour la France, voir Robert Muchembled , L'invention de l'homme moderne. Sensibilités, mĎurs et comportements sous l'Ancien-Régime, Paris, Fayard, 1988.
[48] Voir par exemple Ricardo Garc’a Villoslada (dir.), Historia de la Iglesia española, tome III : La Iglesia en España de los siglos XV y XVI, Madrid, BAC, 1980, vol. III.2, chap. 1 et 2.
[49] Ignacio Fernández Terricabras , Philippe II et la contre-réformeÉ, p. 959-960.