« Cette collection d’outils représente le travail de
trois générations de tonneliers de la famille Labatut-Marandat
de Cognac, dont je suis le dernier représentant », explique
Henri Labatut, consacré « Un des Meilleurs Ouvriers de France » en
1955 et auteur d’une multitude de chefs d’œuvre compagnonniques
qui seront transmis à sa fille. « Le métier se perd
: à l’heure de la mécanisation et même de la
robotisation du travail, les nouveaux tonneliers que j’interroge
sur la traduction de certains instruments en langue anglaise pour les montrer
sur le site Internet n’en connaissent même plus l’utilisation,
alors le nom, vous imaginez ! », déplore-t-il, et de citer
la doloire et la douelle qui reposent sur l’ours, la jabloire, la
scie à chantourner…
Cet ancien compagnon, devenu Président du Jury des Expositions Nationales
du Travail en Tonnellerie et Tonnellerie d’Art ainsi que formateur
chez les Compagnons tonneliers du Tour de France, est un puits de science
dont le savoir disparaîtra avec lui, mais il tient au moins à une
chose, c’est que les 450 instruments qui sont actuellement réunis
dans son musée familial Kupelgilea à Arcangues ne soient
pas dispersés aux quatre vents. Il s’agit d’un véritable
patrimoine technique qui représente une tradition, un savoir-faire,
une maîtrise aujourd'hui révolus : aussi esthétiques
qu’utiles, ils sont tout ce qui reste de gestes oubliés, d'une
application à l'ouvrage, d’un artisanat qui confinait à l’art
entre les mains habiles de Henri Labatut.
«
Je souhaite que ma collection puisse faire œuvre pédagogique
et soit un jalon dans l'histoire du métier de la tonnellerie »,
dit-il en suggérant qu’il la verrait bien dans un château
de viticulteur, un musée vinicole ou de la tonnellerie, un syndicat
professionnel ou une école. En effet, sa décision est prise
: il met lui-même en vente les 450 outils visibles dans son musée
et sur le net, consulte toutes ses anciennes relations avec lesquelles
il n’a jamais rompu le contact et sera présent au salon Vinitech
qui se tiendra prochainement à Bordeaux du 28 au 30 novembre.
Une page se tourne, mais grâce à cette collection, il demeurera
le souvenir de la noblesse d'un métier au moins deux fois millénaire
où la science du bois et du métal s'alliait à celle
du tour de main pour transformer d'humbles récipients alimentaires
en véritables œuvres d'art.
(*) Site Internet : www.henrilabatut.fr - Tél. 05 59 43 03 08
Cathy Constant-Elissagaray
Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues
Article paru le 30 octobre 2006 : "Le tonnelier cède ses outils"