Catherine Le Brun-Grzeskowiak a rédigé une thèse sur l’histoire de sa famille. C.C-E
La visite de l’exposition sur la guerre de 14-18 avec ses élèves à la
mairie a rappelé bien des souvenirs à Catherine Le Brun-Grzeskowiak,
institutrice à l’école du village. « En 1919,
une convention a été signée entre la France et la
Pologne, car la première manquait de main d’œuvre en
raison des énormes pertes humaines subies et la deuxième
peinait à nourrir sa population grossie des réfugiés
provenant des régions annexées par l’Allemagne : c’est
ainsi que mon grand-père est venu travailler aux mines de charbon
de Bourgogne et ma grand-mère fut d’abord envoyée dans
le nord comme employée agricole », explique-t-elle dans sa
thèse de maîtrise d’histoire soutenue à Versailles.
La Compagnie des Mines de Blanzy, excessivement paternaliste, crée
de toutes pièces à partir de 1921 la cité des Gautherets
sur la commune de Saint Vallier pour y loger – et isoler – les
immigrés polonais. « A 5 Km à la ronde, l’odeur
du charbon y était très prégnante, la vie et le travail
très durs, les habitations rudimentaires. Cependant, une « petite
Pologne » y avait été reconstituée, colonie
vivant en autarcie sous l’égide de la mission catholique polonaise
très influente. L’assemblée entonnait lors des messes
de superbes chants polyphoniques, l’année était rythmée
par les rites religieux qui regroupaient toute la communauté étroitement
soudée » rapporte-t-elle en décrivant les joyeuses
réunions familiales à trente ou quarante autour de la table,
les œufs de Pâques peints par les enfants, la perpétuation
des traditions. Les Polonais étaient les seuls étrangers à avoir
obtenu des écoles bilingues franco-polonaises. « Bien que
mon père ait quitté les Gautherets en se mariant, il m’a
envoyée dès l’âge de 9 ans chaque été un
mois en Pologne par le biais de la Mission. Chaque matin, j’avais école
et je me souviens que mon argent de poche était supérieur
au salaire de l’institutrice polonaise ! » raconte-t-elle. « Cette
ambiance aux Gautherets disparaît progressivement, avec la mort des
anciens, très souvent par accident dans la mine, maladie professionnelle – silicose,
cancer – et le retour au pays d’une partie des émigrés.
Des logements de la cité, comme celui de mon grand-père,
sont rachetés à très bas prix, rénovés
et habités par des Français. Nous allons encore voir la famille
aux Gautherets et en Pologne et mon fils parle le polonais, mais la page
est tournée désormais, l’assimilation française
s’accélère à la quatrième génération. » conclut-elle.
Cathy Constant-Elissagaray
Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues
Article paru le 30 octobre 2007 : "L'histoire dans l'Histoire"