« J’ai choisi ce métier parce que je l’aime », déclare Jean-Marc Lassalle, et il le faut, pour en accepter les lourdes contraintes.
Devenir agriculteur
C’est à Hasparren qu’il a obtenu le B.T.A. (brevet de
technicien agricole). « A ce moment-là, dans les années
80, le métier semblait encore plein d’avenir et rentable »,
remarque son père qui avoue que sinon il aurait incité ses
fils à faire autre chose. Maintenant, tous deux sont les derniers à exercer
le métier d’agriculteurs sur la commune. La propriété fait
130 hectares (dont 80 sur Bassussarry et le reste sur Arcangues, Bayonne,
Villefranque) : 20 sont consacrés au maïs pour l’alimentation
du bétail, 30 sont en prairies et le reste cultivé en maïs
dont les grains sont vendus aux Silos de l’Adour. Le lait, dont la
qualité est extrêmement contrôlée, est vendu à Danone.
Les approvisionnements se font à la coopérative Lur Berri
et à Sica Pro.
Découragerait-il un jeune de s’installer ? Non, celui-ci pourrait
démarrer en louant les terres des agriculteurs qui partent à la
retraite ou qui s’arrêtent parce qu’ils n’ont plus
les moyens d’adapter leur exploitation aux nouvelles contraintes
réglementaires. Cependant il faut savoir que les emprunts pour investir
ne peuvent être obtenus qu’en échange de garanties qu’un
simple locataire ne peut fournir.
Un rythme de vie très prenant
La traite des vaches est biquotidienne, 5h du matin et 17 heures, car le
laitier passe vers 19 heures 30 chercher la production (il faut 2 heures
pour passer les cent bêtes aux 8 trayeuses par roulement de 4),
et elle doit être faite tout le long de l’année, y
compris les week-ends, 365 jours sur 365. « Pour le maïs,
cet été ça allait, à cause de la sécheresse,
mais normalement, on se dépêche de faire le travail tant
qu’il fait beau, et souvent jusqu’à minuit. »
Et les vacances ? Le maximum, c’est une semaine par an, et parce
qu’ils ont la chance d’être à deux, l’un
reste, l’autre part. Et les maladies ? Là, c’est un
problème, il n’y a pas intérêt à se casser
une jambe. Il faudrait pouvoir former un remplaçant qui soit apte à dépanner
efficacement, mais le métier devient de plus en plus technique,
il y a beaucoup de choses à savoir, la réglementation est
multiple et en constante évolution.
La protection de l’eau
La loi sur l’eau de Dominique Voynet de 1992, modifiée plusieurs
fois, et la P.A.C. (Politique Agricole Commune) imposent de nombreuses
contraintes. Par exemple, les cultures doivent s’arrêter à une
certaine distance des cours d’eau, en dégageant une bande
qui doit être « enherbée » pour absorber les engrais.
Il en est de même à proximité des habitations. Chaque
commune est donc amenée à réviser son P.L.U. (Plan
Local d’Urbanisme), de façon à éviter le « mitage » (l’éparpillement
de l’urbanisation) et à favoriser le remembrement des terres
dédiées à l’agriculture.
Le lisier des vaches (le fumier) doit être stocké dans un
espace isolé du sol et les effluents doivent être répartis
conformément à un plan d’épandage, pour ne pas
trop surcharger les terres : tant de kilos pour tant d’hectares,
le calcul est simple, si on ne possède pas assez de terres, il faut
en trouver d’autres pour y déverser le surplus.
Travailler plus qu’avant pour gagner moins
«
Du temps de mon père, les gens s’entraidaient, ils louaient
une batteuse pour le blé qu’ils avaient moissonné ensemble
et c’était l’occasion pour tout le monde de se réunir.
Maintenant, on est moins nombreux, alors on s’endette pour s’équiper
et être autonome. » La productivité est supérieure à celle
des générations passées, mais les charges sont de
plus en plus élevées et les produits se vendent de moins
en moins bien. Il faut donc savoir tout faire : le bâtiment, pour
rénover et suivre la réglementation, la mécanique,
pour réparer les machines soi-même, et il faut se former en
permanence, en assistant à des réunions professionnelles
et en lisant la documentation spécialisée.
Pourquoi ne pas faire autre chose ? Ces terres sont trop humides pour cultiver
du maïs semence, du colza ou du soja. Le père de Jean-Marc
Lassalle a essayé le maraîchage, avec des haricots verts qu’il
vendait à Carrefour. Ce ne fut pas concluant. Avant, les commerçants
se fournissaient sur les marchés, mais maintenant ils passent tous
par des centrales d’achat qui exigent de leurs fournisseurs la régularité et
la quantité, très difficiles à assurer. Quant aux
cultures destinées à devenir des carburants, leur légalité semble
encore sujette à caution, et il faudrait se trouver près
d’une unité de transformation, de même que pour le maïs
doux pour la consommation humaine. Ah, ce n’est pas simple ! Problèmes
de débouchés, de législation…
(Le texte a été remanié et raccourci par la rédaction, il s'agit là du texte original)
Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues
Article paru le 17 janvier 2006 : "La terre dans le sang"