« Ma grand-mère descendait au lavoir, sa bassine de linge sur la tête, et allait chercher l’eau à la source voisine, aujourd’hui disparue sous les broussailles » raconte Michel Saint Pierre tout en parcourant le bois à la recherche de ces sites désaffectés. « Ce terrain argileux dans lequel les bottes s’enfoncent est imperméable, il ne servait donc à rien de creuser des puits, il fallait chercher des sources pour s’approvisionner en eau potable » explique-t-il. Elle se situait dans le fond du vallon, au bout du chemin de Chourouta (qui signifie la source ou la fontaine), au départ du sentier serpentant dans un bois de grands chênes, entretenu par le syndicat Nive Nivelle qui a dégagé de sa gangue de boue, de mousse et de feuilles mortes le superbe grand lavoir à cinq pierres flanqué d’un abreuvoir. L’absence de vestiges de poteaux suggère un travail à ciel ouvert, sans toit pour s’abriter, au cours duquel les femmes se tenaient debout, le buste penché, les bras et la colonne vertébrale tirés par le poids du linge qu’elles trempaient dans le bassin aujourd’hui vide, l’orifice de vidange n’étant plus obstrué. Il servait encore dans les années 1950, « à la préhistoire », selon le mot d’enfant de sa petite fille Hélène, lorsque seuls quelques privilégiés bénéficiaient de l’eau courante. A Pétripaule, un tout petit lavoir à une pierre barre le cours du ruisseau Harrieta, à proximité de la Téoulère (ou Teilleria – tuilerie-), dont une maison neuve a pris la place des ruines ainsi dénommées au bout de l’impasse Michel Latxague qui prolonge le chemin de Teilleria. « Cette disposition est plutôt rare, la plupart du temps, l’eau des ruisseaux était en partie détournée pour alimenter les lavoirs situés en aval du captage, de façon à ne pas subir un flux trop puissant » commente cet ancien chasseur qui parcourait autrefois les bois du village avec ses deux chiens pour dénicher la bécasse. Après avoir vainement cherché un troisième lavoir sans doute totalement enterré dans le bois, la visite se termine avec celui de M. et Mme Robidart, au quartier Luberri, route des Pins : « Nous avons demandé à la mairie de l’aide pour le remettre en état, il fuit par endroits, et il aurait bien besoin d’être décapé », s’exclame avec son franc-parler l’ancienne employée de l’école communale. Le problème, comme pour beaucoup d’autres lavoirs du village, c’est qu’il est situé sur une propriété privée, de même que celui du voisin, caché derrière les arbres. Lorsque Michel Saint Pierre était au conseil municipal, il a contribué à faire restaurer la redoute, inscrite depuis aux monuments historiques, par le moyen d’un chantier-école. « Leur restauration par la municipalité pourrait avoir pour corollaire un droit de visite du public, notamment pendant la journée du patrimoine, une fois par an », suggère Mme Robidart avec enthousiasme, consciente de la valeur historique autant qu’esthétique de son « monument ».
Cathy Constant-Elissagaray

Ci-dessous : Article initial, jugé trop long par le journal, et résumé par mes soins (version ci-dessus)
« Ma grand-mère descendait au lavoir, sa bassine de linge sur la tête, et allait chercher l’eau à la source voisine, aujourd’hui disparue sous les broussailles » raconte Michel Saint Pierre tout en parcourant le bois à la recherche de ces sites désaffectés. « Ce terrain argileux dans lequel les bottes s’enfoncent est imperméable, il ne servait donc à rien de creuser des puits, il fallait chercher des sources pour s’approvisionner en eau potable » explique-t-il en précisant « celle-ci comportait un tuyau de captage pour faciliter le remplissage des récipients ». Elle se situe dans le fond du vallon, au bout du chemin de Chourouta (qui signifie la source ou la fontaine), au départ d’un sentier serpentant dans un bois de grands chênes, sans doute entretenu par le syndicat Nive Nivelle qui a dégagé de sa gangue de boue, de mousse et de feuilles mortes le superbe grand lavoir à cinq pierres flanqué d’un abreuvoir. L’absence de vestiges de poteaux suggère un travail à ciel ouvert, sans toit pour s’abriter, au cours duquel les femmes se tenaient debout, le buste penché, les bras et la colonne vertébrale tirés par le poids du linge qu’elles trempaient dans le bassin aujourd’hui vide, l’orifice de vidange n’étant plus obstrué. Il servait encore dans les années 1950, « à la préhistoire », selon le mot d’enfant de sa petite fille Hélène, lorsque seuls quelques privilégiés bénéficiaient de l’eau courante. « Les maisons de Bassussarry se comptaient alors sur les doigts de la main : dans la première en haut de ce chemin vivait la famille Laborde, dernière lavandière que j’aie connue – d’ailleurs toutes les maîtresses de maison l’étaient -, tandis que la dernière villa en bas est occupée par un descendant de la famille Trémoulet qui était propriétaire des fermes où travaillaient ma grand-mère et mes oncles » évoque-t-il. Le village vivait d’agriculture et d’élevage, et tous les lotissements actuels émergent de terres autrefois fertiles. « La ferme où vivait ma grand-mère, Mme Luro, a été démolie lors du réaménagement du bourg. Elle allait des deux platanes plantés par ses oncles entre les nouveaux immeubles jusqu’à la toute récente galerie d’art, et jouxtait le fronton dont il ne subsiste que l’espace libre de la place jusqu’au trinquet. Son nom demeure dans l’appellation du chemin de Hargous », se rappelle Michel Saint Pierre qui en garde un souvenir vivace grâce à un tableau très réaliste qui la représente.
A Pétripaule, un tout petit lavoir à une pierre barre le cours du ruisseau Harrieta, à proximité de la Téoulère (ou Teilleria – tuilerie-), dont une maison neuve a pris la place des ruines ainsi dénommées au bout de l’impasse Michel Latxague qui prolonge le chemin de Teilleria. « Cette disposition est plutôt rare, la plupart du temps, l’eau des ruisseaux était en partie détournée pour alimenter les lavoirs situés en aval du captage, de façon à ne pas subir un flux trop puissant » commente cet ancien chasseur qui a parcouru les bois de toutes parts avec ses deux chiens pour dénicher la bécasse. « En hiver, quand il gèle, elle vient près des lavoirs et sur les berges encaissées des ruisseaux dont la terre meuble lui permet de continuer à creuser de son long bec en quête des vermisseaux dont elle se nourrit. Parfois, quand le chien se poste à l’arrêt, elle reste immobile, espérant se fondre dans le paysage et devenir invisible, ignorante des capacités olfactives étonnantes de la gens canine », dit-il en claquant dans ses mains, dans l’espoir d’en débusquer une et de la voir s’envoler. Depuis quinze ans qu’on lui a empoisonné ses deux compagnons, dont l’un est mort entre ses bras, à l’arsenic ou au taupicide, il n’a plus le cœur de chasser, parce qu’il aurait fallu dresser de nouveau deux chiots, et parce qu’il a changé. « Lorsque j’étais jeune, je vivais à la ferme où je voyais tuer poules, canards, lapins et cochons, la chasse n’en était qu’une suite naturelle, et j’avais plaisir à parcourir les bois seul, ou, pendant un temps, avec mon fils, poursuivant parfois plusieurs journées d’affilée la même bécasse. Maintenant, je ne supporte plus de voir souffrir les bêtes, je ne pourrais plus recommencer… », constate-t-il. Du versant opposé résonnent les clochettes de chiens de chasse : d’autres poursuivent la tradition sans états d’âme.
Michel Saint Pierre désigne des vergnes (ou vernes, vocable issu du gaulois « uerna » qui signifiait « marais »), également connus sous le nom d’aulnes : « leur bois servait à faire des sabots, ainsi que des cales pour les bateaux, car il est tendre et a surtout la caractéristique d’être imputrescible dans l’eau. » La visite se termine devant le lavoir de M. et Mme Robidart, au quartier Luberri, route des Pins : « Nous avons demandé à la mairie de l’aide pour le remettre en état, il fuit par endroits, et il aurait bien besoin d’être décapé », s’exclame avec son franc-parler l’ancienne employée de l’école communale. Le problème, comme pour beaucoup d’autres lavoirs du village, c’est qu’il est situé sur une propriété privée, de même que celui du voisin, caché derrière les arbres. Lorsque Michel Saint Pierre était au conseil municipal, il a contribué à faire restaurer la redoute, inscrite depuis aux monuments historiques, par le moyen d’un chantier-école. « Leur restauration par la municipalité pourrait avoir pour corollaire un droit de visite du public, notamment pendant la journée du patrimoine, une fois par an », suggère Mme Robidart avec enthousiasme, consciente de la valeur historique autant qu’esthétique de son « monument ».
Cathy Constant-Elissagaray

 

SOMMAIRE

P.S. Coupes du journal : caractères typographiques non italiques

 


Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues

Article paru le 18 novembre 2006 : "Où sont les lavoirs d’antan ?"