« Dans artisan, il y a le mot art, et c’est ainsi que je conçois mon métier ». Ainsi s’exprime Jacques Vigouroux qui fabrique des dispositifs médicaux sur mesure (prothèses dentaires) dans son atelier situé au pied de sa maison dans le bourg de Bassussarry. «Chaque patient est un cas particulier, c’est un métier très intéressant, jamais monotone ni répétitif, il faut à la fois développer sa réflexion pour résoudre chaque problème spécifique, et faire preuve de concentration, de patience et de minutie, comme pour un travail d’horlogerie-bijouterie, qui nécessite partiellement les mêmes outils", poursuit le prothésiste. L’une des étapes de la fabrication d’une dent artificielle consiste en la réalisation d’une maquette, véritable sculpture de cire représentant le résultat final, qui sert pour faire des essayages en bouche pour une prothèse mobile, ou dans la technique de la cire perdue pour une prothèse fixée. « Une mâchoire, c’est comme un château de cartes, si on perd une dent, tout s’écroule ».
Adaptée. « Il est rare que je rencontre directement le patient, mes interlocuteurs sont les dentistes ou orthodontistes, qui m’envoient des empreintes après avoir fait leur diagnostic et déterminé le style d’appareillage, et avec lesquels je travaille en étroite collaboration. Il ne s’agit pas de faire une dent parfaite, mais une dent parfaitement adaptée à la bouche du patient. » Jacques Vigouroux peut même reproduire des taches ou imperfections à la surface pour que la dent s’intègre bien et que l’on ne s’aperçoive pas qu’elle est fausse. Lorsque beaucoup de dents ont été perdues, le patient lui fait parfois parvenir une photo, de façon à ce qu’il puisse, dans la mesure du possible, lui redonner une dentition semblable à celle qu’il avait auparavant.
De la cire au métal. C’est un métier où l’on travaille le plâtre, la cire, le métal, la céramique, le composite, où il faut tout savoir sur la bouche (forme du visage, muscles, articulation de la mâchoire, circulation de la salive et des aliments, différentes formes et fonctions des dents, etc.) –des connaissances quasiment paramédicales-. "Il faut se former en permanence pour répondre à la demande, apprendre à utiliser de nouveaux matériaux, de nouveaux procédés de fabrication, de nouvelles machines qui deviennent numériques", poursuit l'artisan. « Il ne s’agit pas d’investir en permanence, cela coûterait trop cher, et, tout comme en informatique, ce qui se crée devient très vite obsolète : il faut savoir juger ce qu’il est vraiment nécessaire de changer ».

Musicien et sculpteur
Jacques Vigouroux a su très tôt qu’il préférait le travail manuel. Joueur de saxophone, il souhaitait devenir luthier, mais la seule école française située à Mirecourt (Vosges) ne pouvait accepter qu’un nombre limité d’élèves et il ne fut pas pris. Un peu désemparé, il suivit les traces de son grand-père qui avait été prothésiste dentaire avant de devenir dentiste et se prit de passion pour ce métier peu connu. Il prépara son CAP en trois ans à Paris, puis le BTM (brevet technique des métiers). « La formation ne suffit pas à elle seule pour s’installer à son compte, il est important d’aller en apprentissage dans divers laboratoires, à la façon des compagnons, pour acquérir son propre savoir-faire ».

La relève. Des trois collaborateurs, c’est sa fille la plus diplômée : bachelière, Laure, 21 ans, a changé d’orientation et apprend le métier paternel tout en suivant des cours en alternance à Mont de Marsan. Apercevant l’échiquier sur lequel trônent des dents sculptées et des mâchoires équipées de prothèses, son père commente avec fierté : « Elle a eu la médaille d’or au concours départemental et régional des meilleurs apprentis de France ».

SOMMAIRE

 


Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues

Article paru le jeudi 2 mars 2006 : "Redonner le sourire"