Faits :
- Les faits ne parlent d'eux-mêmes que si on leur permet de parler. (PSVS-81)
Fantôme : -
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- L'imprinting manifeste ses effets sur notre perception visuelle elle-même. Les faux témoins sincères sont légion. Partout, on a vu des spectres, fantômes, génies, dieux , démons. Partout, on a pu percevoir nécessité là où il y avait hasard, hasard là où il y avait nécessité. Partout, on a pu avoir certitude là où il y avait incertitude, et manifester de l'incrédulité devant l'indubitable.
- Au moment même où nous les prenons pour la réalité, les idées, de façon quasi hallucinatoire, deviennent des fantômes échappant à la réalité. Le médiateur se substitue au médiatisé (le monde, le réel). La «toute puissance des idées»,selon Mauss, caractérise la Magie, devient l'aboutissement idéaliste du pompage des esprits et du réel par l'idée.(M4-91)
- Je pense à la fois que tout n'est qu'illusion, et que pourtant cette illusion est notre seule réalité. Je vis la contradiction entre mon sentiment du peu de réalité de la réalité et mon sentiment que notre seule réalité est celle de ce monde phénoménal; je vis tantôt le sentiment d'être comme un fantôme dans le monde des apparences, et tantôt celui de jouir du miracle inouï de la vie. Je sens parfois le néant partout et je ressens parfois une plénitude extatique qui me fait chavirer. Je sais que notre seule réalité se trouve dans les phénomènes fugitifs qui ont si peu de réalité, mais que le plus fragile et le plus éphémère, l'amour , est aussi la réalité le plus sublime.(MD-94)
- Nous sécrétons des esprits, des génies et des fantômes qui sont, en plus, entretenus par le fait que nous voyons des morts dans nos rêves, etc. [
] Maintenant je ne crois pas que ces êtres aient une existence indépendante de la nôtre. Aussi le jour où l'humanité s'éteindra tous les dieux et tous les fantômes mourront avec elle...(HU-01)
Fiction : -
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Finalité :
- Nous sommes incapables de concevoir une finalité qui aurait produit la vie et l'aurait développée pour l'accomplissement d'une mission cosmique. La finalité n'a pas fait émerger l'être vivant de la physis : elle a émergé de lui. Les opérations internes et externes qu'accomplit la machine vivante correspondent à des buts qui peuvent être extrêmement diversifiées. Mais tous ces buts convergent, s'engrènent dans une finalité qui les intègre : vivre. On vit pour vivre.
- Vivre pour vivre signifie que la finalité de la vie est immanente à elle-même, sans pouvoir se définir hors de la sphère de la vie. Elle signifie que vouloir-vivre et devoir-vivire comportent une finalité formidable, têtue, frénétique, mais sans fondement rationalisable ; elle signifie en même temps que la finalité est insuffisante pour définir la vie. (M2-80)
- Un lien inséparable doit unir désormais deux finalités apparemment antagonistes. La première est la survie de l'humanité. La seconde est la poursuite de l'hominisation.
La première finalité est conservatrice : il s'agit de préserver, de sauvegarder non seulement les diversités culturelles et naturelles que dégradent d'inexorables processus d'uniformisation et de destruction., non seulement les acquis civilisationnels que menacent les retours et déferlements de barbarie, mais aussi la vie de l'humanité menacée par l'arme nucléaire et la dégradation de la biosphère, double menace damocléenne issue de la grande barbarie. Cette grande barbarie, rappelons-le, est le produit de l'alliance entre les forces, toujours virulentes, de domination, violence et haine qui déferlent depuis les débuts de l'histoire humaine et les forces modernes techno-bureaucratiques, anonymes et glacées de déshumanisation et de dénaturation.
La seconde finalité est révolutionnante (nous négligeons délibérément ici l'adjectif «révolutionnaire», devenu réactionnaire et trop souillé de barbarie). Il s'agit de créer les conditions où l'humanité s'accomplirait en tant que telle dans une société/communauté des nations. Cette nouvelle étape ne pourrait être atteinte qu'en révolutionnant partout les relations entre humains, depuis les relations de soi à soi, de soi à autrui et entre proches, jusqu'aux relations entre nations et Etats et aux relations entre les hommes et la techno-bureaucratie, entre les hommes et la société, entre les hommes et la connaissance, entre les hommes et la nature. D'où un inévitable paradoxe. La conservation a besoin de la révolution qui assurerait la poursuite de l'hominisation. La révolution a besoin de la conservation non seulement de nos êtres biologiques, mais aussi des acquis de nos héritages culturels et civilisationnels. (TP-93)
- Nos finalités ne nous sont pas imposées dans ce sens que, dans nos sociétés individualistes, l'éthique ne s'impose pas impérativement ni universellement en chaque citoyen ; que chacun est voué à élire de lui-même ses valeurs et ses idéaux, c'est-à-dire à pratiquer l'auto-éthique. Ces finalités peuvent être particulières, vouées à une seule patrie, voire une seule personne chérie. Aujourd'hui, le plus grand nombre d'entre nous vit sous l'influence culturelle des grandes religions universalistes - bouddhisme, christianisme, islam. Le message fraternaliste de ces religions s'est trouvé laïcisé et endossé par la Révolution française, puis amplifié et universalisé par le socialisme. La fraternité et la compassion ont été sans cesse démenties par les pratiques commises au nom de ces religions et au nom du socialisme, mais elles demeurent comme le tuf sous-jacent dans lequel nous pouvons puiser et élire nos finalités.
- Elire nos finalités, c'est les intégrer profondément dans nos esprits et nos âmes, c'est ne jamais les oublier, ne jamais y renoncer, y compris si nous perdons l'espoir de les voir se réaliser.
- Nous savons que nos finalités ne vont pas immanquablement triompher, nous savons que la marche de l'Histoire n'est pas morale. Nous devons envisager leur possible et même probable échec. C'est parce que l'incertitude sur le réel est fondamentale, que nous sommes amenés à parer pour nos finalités. (PC-97)
Foi :
- Ma foi prend l'exemple sur celle de Pascal : je réponds à l'incertitude et à la contradiction par le pari. La foi improuvable en dieu est devenu pour moi la foi improbable en un monde moins barbare, en une intelligence moins aveugle, et la foi imperturbable en la vérité de l'amour .
- Jamais je n'ai pu m'enfermer dans une foi. Ma foi a toujours gardé le doute en elle. Jamais je n'ai pu croire comme la plupart croient, même quand j'étais dans l'élan messsianique de ma résistance de guerre. Mais jamais je n'ai pu m'enfermer dans le doute , et mon doute a toujours gardé la foi en lui
Ainsi, plus que jamais et pleinement, je vis, subis et me nourris de la dialogique permanente entre foi et scepticisme, mysticisme et rationalité. Le travail des contradictions continue. Et voici la conséquence existentielle : vivre dans le duel des contraires, c'est-à-dire ni dans la duplicité sans conscience ni dans le "juste milieu", mais dans la mesure et la démesure; non dans la morne résignation, mais dans l'espoir et le désespoir, non dans un vague ennui ou un vague intérêt devant la vie, mais dans l'horreur et l'émerveillement. (MD-94)
Formation :
- Pour moi, la formation, c'est l'auto-hétéro-formation : on ne se forme qu'à travers les expériences vécues, c'est à dire des rencontres, des pensées, des maîtres, des gourous...La formation est toujours quelque chose d'ininterrompu et d'inachevé : elle ne peut pas avoir de terme. Dans un autre sens, je dirais la formation, c'est avoir l'aptitude d'apprendre à apprendre, c'est-à-dire en même temps, réapprendre à apprendre ou apprendre à réapprendre. C'est toujours la possibilité de se donner un méta-point de vue réflexif sur son savoir, sur sa connaissance. C'est cela le problème de la formation. (EAP-95)
Fratrie - Frère - Fraternité : -
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- La prise de conscience corrélative de l'ambivalence de la relation entre frères nous dit qu'il ne suffit pas d'être frère pour être frère. La fraternité porte aussi en elle la mort du frère, ce dont nous avertissent Caïn et Romulus, ce que nous ont montré les partis où l'on s'appelle frère et camarade. (M2-80)
- Nous ne serons pas frères parce que nous sommes assurés qu'ainsi nous serons assurés d'un salut éternel : un chemin tout tracé. Nous le serons au contraire parce que nous savons qu'il n'est sans doute pas de salut assuré, et parce qu'il est si plausible de considérer que nous soyons tous condamnés à être abandonnés sur une toute petite planète qui dérive dans un cosmos indifférent.
(TP-93)
- Nos idées sont des fantômes, mais supprimons les fantômes et c'est le réel qui se dissout.(ARG18-60)
- Les sociétés humaines archaïques sont productrices de fraternité réelle/mythique, puisque leurs individus se voient issus d'un ancêtre commun et se croient ainsi fraternisés. Les sociétés historiques, notamment les Etats-Nations, produisent une intense fraternité mythique entre "enfants de la patrie", et le mythe racial du "sang commun" donne une valeur pseudo-génétique à cette fraternité idéologique/culturelle. Mais, dans les sociétés historiques, il y a aussi des forces de rupture et de désintégration inouïes de la fraternité. Nos sociétés sont fondées à la fois sur la fraternité et sur l'auto-destruction de la fraternité. Ici nous retrouvons le problème clé d'une relation fraternelle qui, génétique ou sociale, porte en elle la potentialité fraternisante comme la potentialité fratricide. Le mythe de Romulus et Remus est un mythe anthropo-social profond puisqu'il comporte à l'origine de la cité à la fois l'association fraternelle et l'opposition fratricide de deux jumeaux sans père, mais élevés par une mère-nourrice-mammifère.