La tourbe des menus maux est parfois plus oppressante que les grandes souffrances. (Montaigne)
Des vétilles promues au rang de la réalité cosmique [...] Je suis manoeuvré par elles [...] comme un insecte. Sentiment d'intolérable humiliation. (Cioran)
Mes états d'âme, c'est quoi ? C'est tout ce dont je prends conscience lorsque je m'extrais de mes automatismes du quotidien, lorsque je sors de l'« agir », et me laisse aller à observer ce qui se passe en moi. Le problème, c'est pour les observer : c'est que ça bouge tout le temps, un état d'âme, et c'est pour ça sans doute qu'on dit « les » états d'âme. On parle en anglais de stream of affects : courant, flot d'affects.
Les états d'âme, c'est l'écho en moi de ce que je suis en train de vivre, ou de ce que j'ai vécu, ou ce que je n'ai pas vécu mais que j'aurais aimé vivre, ou ce que j'espère vivre. C'est aussi tout ce qui continue de tourner dans ma tête après que je me suis dit : c'est bon, stop, arrête, n'y pense plus.
On pourrait définir les états d'âme en disant qu'ils sont des contenus mentaux, conscients ou inconscients, mêlant états du corps, émotions subtiles et pensées automatiques, et qui influencent la plupart de nos attitudes.
Les états d'âme ne sont pas seulement un empilement d'idées, émotions ou sensations, mais aussi une construction originale : la fusion, la synthèse que nous effectuons automatiquement, entre le dedans (état du corps et vision du monde) et le dehors (réactivité à ce qui nous arrive : nous sommes touchés par les événements). Les états d'âme sont un phénomène psychique agrégateur : ils relient passé, présent et futur dans un sentiment de cohérence et de destinée. Ils sont comme le liquide d'un bain conducteur d'électricité : grâce à eux, tout s'embrase et tout s'éclaire, nous éprouvons illumination ou menace, nos souffrances s'apaisent doucement ou furieusement redoublent.
Autre caractéristique des états d'âme : leur rémanence.
La rémanence, c'est la persistance partielle d'un phénomène après la disparition de sa cause. Par essence, les états d'âme durent au-delà des situations qui les ont justifiés ou déclenchés. Il y a aussi avec eux un fréquent effet de résurgence : leur réapparition, analysée avec mille finesses à des jours, ou des années de distance, est un des charmes des romans de Marcel Proust : « Rien qu'un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu'eux deux... » Les états d'âme, c'est le sillage de nos faits et gestes, tous les interstices par lesquels notre passé, ou nos attentes, s'invite à la table du présent. C'est tout ce qui reste en nous après que le train de la vie est passé.
Il existe dans la méditation zen une belle métaphore, celle de la cascade : chacun de nous peut observer ses états d'âme, tout en restant très proche de ceux-ci, à l'image du promeneur qui s'est glissé derrière la cascade, et se trouve transitoirement à l'abri entre le rocher et le torrent qui dégringole un peu trempé, un peu tremblant, mais protégé et privilégié.
Un des objectifs de la méditation dite de pleine conscience est ainsi de se mettre un instant sur le côté, et de voir passer ses états d'âme, les décomposer, les comprendre. Mais sans chercher à en arrêter le flot : qui songerait à couper l'eau d'une cascade ?
Nous ne leur accordons en général que peu d'attention, que ce soit pour les comprendre, les intégrer à notre réflexion, ou leur demander de se mettre à notre service. Heureusement, ils font tout cela d'eux-mêmes, tout seuls : leur rôle, et leur influence sur ce que nous sommes et ce que nous faisons, est immense.
Nos états d'âme sont profondément marqués par le lien au temps : le passé (nostalgie, mélancolie, honte, culpabilité...), le présent (fierté, satisfaction, ennui...), le futur (inquiétude, souci, confiance...).
Pensez à l'influence sur vous de vos cafards, de vos chagrins. Pensez à vos colères, exprimées ou non, mais si souvent disproportionnées par rapport aux événements immédiats : ne proviennent-elles pas souvent de la rumination d'états d'âme de ressentiment, de rancoeur, d'humiliation, ou tout simplement de déception, d'inquiétude ? Des états d'âme remâchés depuis un bout de temps, et d'autant plus puissants que l'on n'en aura pas été conscient. Pensez aussi les états d'âme, ce n'est pas que du tourment ! à la force que peuvent vous donner vos élans et vos emballements, à la légèreté du corps les jours de joie, à l'élan de la bonne humeur.
Nos états d'âme sont davantage que des pensées ou des émotions : ils sont leur mélange. Aucune émotion n'est exempte de pensée, aucune pensée n'est pure de souvenir, aucun souvenir n'existe sans émotion, etc. Les états d'âme sont l'expression de ce grand mélange indissociable de tout ce qui se passe en nous et autour de nous : mélange d'émotions et de pensées, de corps et d'esprit, de dehors et de dedans, de présent et de passé. Ce mélange est évidemment aussi riche que compliqué : impur, unique, labile, toujours recommencé, jamais exactement le même. Comme les vagues de la mer...
Les émotions sont toujours au centre des états d'âme, mais le plus souvent sans l'évidence des tendances à l'action associées aux vécus émotionnels francs : par exemple, lorsqu'on est en colère (émotion forte), on crie et on se rapproche de l'autre (sans forcément s'en rendre compte, c'est ce que veut dire le terme « tendance à l'action »). Mais lorsqu'on est simplement irrité (état d'âme), on a plutôt envie alors de s'écarter de qui nous irrite (parce qu'on sent que c'est mieux pour ne pas envenimer à chaud le conflit). La colère nous met « hors de nous » alors que nous pouvons contrôler et masquer notre agacement.
Les états d'âme sont, eux, habités par des émotions « restées en dedans », sans la visibilité corporelle et comportementale des émotions fortes : une profonde tristesse nous plonge dans la prostration et l'immobilité, tandis que le spleen, l'inquiétude, les soucis ne nous empêchent pas forcément de continuer d'agir, sans que personne parfois ne se rende compte de ce qui nous habite.
Nos états d'âme sont ainsi des sortes de cousins évolués et civilisés de nos émotions, restées, elles, plus antiques et plus rustiques : ils sont pour ainsi dire des émotions subtiles. Par opposition aux grandes émotions dites «primaires», élémentaires.
Parmi les différences des états d'âme avec les émotions primaires : ils sont plus durables et moins intenses ; mais plus influents : force de ce qui est faible et discret, qu'on oublie et dont on sous-estime la puissance (comment une petite culpabilité peut nous pourrir la journée...). Et surtout ils ont un impact plus global, car ils n'existent pas seulement en réponse à une situation donnée (la « situation starter » de l'émotion forte) mais en rapport avec tout notre lien au monde.
Les états d'âme n'ont pas forcément d'objet précis comme les émotions ; pour autant ils ont quand même des sources, même si elles ne nous sont pas toujours claires. Les émotions sont en général une « réponse » à quelque chose qui nous « arrive » ; les états d'âme pas toujours, ils peuvent nous arriver de l'intérieur, être autoproduits.
Les émotions radicalisent et simplifient notre perception des événements, les états d'âme la compliquent, mais en contrepartie la rendent plus subtile.
Les émotions sont des « agitateurs sociaux », qui modifient notre relation aux autres et au monde' et les états d'âme plutôt des « agitateurs internes », qui modifient notre rapport à nous-même et notre vision du monde (ce qui peut, aussi, nous pousser à changer beaucoup de choses, mais plus lentement). Les émotions nous poussent plutôt vers l'action extérieure, et les états d'âme d'abord vers la réflexion intérieure.
Les états d'âme peuvent persévérer dans le sillage de fortes émotions, comme une traîne (l'état dans lequel nous sommes après une grande joie ou une grande déception...). Et ils peuvent aussi représenter le terrain qui les facilite : la morosité facilitant les coups de cafard et de tristesse. Le ressentiment préparant les flambées de colère. La panique explosant sur fond d'anxiété. Nuées avant l'orage, puis ciels de traîne...
Nous passons peu de temps, finalement, sous l'emprise de fortes colères, et beaucoup plus sous celle de nos agacements. Plus de temps avec du vague à l'âme que du vrai désespoir. Plus de temps avec des petits tracas que de grosses crises d'angoisse...
Si nous leur en laissons la place ils modifient chacun des instants de notre vie, en leur ajoutant d'incessants mouvements vers le passé ou vers le futur.»
Ils créent en nous un écho du monde extérieur qui peut se développer à l'infini, et nous entraîner, nous aspirer, nous happer, nous tromper (en déformant la réalité du monde) et ceux d'autant plus que les états d'âme se nourrissent d'eux-mêmes : la tristesse nous sensibilise aux choses tristes... ce qui nous rend encore plus tristes !
Ils ont également un pouvoir de rémanence, à savoir qu'ils durent au-delà des situations qui les ont justifiés ou déclenchés. Ils finissent par creuser des sillons en nous de manière très concrète, en activant au niveau de notre cerveau « des autoroutes synaptiques » toujours biaisées dans le même sens.
Ainsi donc, de nombreux processus sociaux ou psychologiques nous enferment dans des états d'âme désagréables ou pathologiques dont nous n'arrivons plus à sortir car la plupart du temps c'est involontairement et inconsciemment : nous ne sommes pas clairement lucides sur le moment où nous commençons à déraper et à ruminer à l'excès nos états d'âme négatifs. Cela peut très souvent provenir d'une habitude répétée chez soi et acquise dans l'enfance en observant ses parents : « Les enfants laissez papa tranquille, il a des soucis en ce moment »
Les états d'âme négatifs jouent un rôle important dans diverses pathologies psychiatriques, de la boulimie à l'anxiété, en passant par la dépression et les addictions. Ils peuvent être en cause avant, pendant et après ces troubles :
-Avant : dans un rôle fragilisant
-Pendant : dans un rôle aggravant
-Après : en tant que facteurs de rechute.
Globalement, les états d'âme négatifs sont les plus facilitateurs de l'envie de fumer ou de boire. Soit pour soulager ses sentiments de mal être, de tension ou de désarroi ; soit qu'on les ait déjà refoulés, et que ce vide mal géré aboutisse à l'envie « venue de nulle part » de consommer des substances dont notre corps est devenu dépendant.
Les études montrent que la plupart d'entre nous ne sont pas clairement conscients de ce qui améliore ou aggrave notre humeur et provoque ce déséquilibre émotionnel. Le fait de savoir , d'être informé de nos états d'âme peuvent avoir chez nous, est souvent un des éléments qui nous permettent de mieux leur faire face lorsque c'est nécessaire.
L'aspiration à la gestion des états d'âme est une explication à la fascination exercée par le bouddhisme sur les occidentaux : même si le bouddhisme ne se réduit bien sûr pas simplement à cela.
La psychothérapie actuelle ne cherche pas à les contrôler ou les empêcher de naître ou d'exister, mais au contraire à accepter leur existence, accepter de les côtoyer, et savoir comment les apprivoiser.
Ce que le chercheur en neurosciences A Damasio nomme le sentiment même de soi repose totalement sur ce qu'il appelle les « sentiments d'arrière plan », autrement dit, nos états d'âme. Ce sont eux qui contribuent à définir notre état mental et à conférer à notre vie sa tonalité, ajoute-til.
Dans nos souffrances, il y a deux choses essentielles :
1- leurs causes, qui ne sont pas toujours accessibles ou modifiables
2- le rapport que nous entretenons avec elles, qui est en partie sous notre contrôle.
La douleur est inévitable dans notre existence. Donc une part de souffrance l'est aussi. Acceptons ça. Puis voyons comment agir sur les causes de la douleur et limiter la part de la souffrance. J'appelle ça : travailler sur la part inévitable de nos souffrances. Cette part est parfois limitée (si j'ai une rage de dents) mais souvent importante (notamment dans les souffrances morales). Il existe dans nos épreuves une part qui nous instruit et une part qui nous détruit. N'oublions pas la première en refusant absolument de souffrir, mais n'oublions pas non plus la seconde...
Prendre soin de ses états d'âme :
Les états d'âme négatifs sont très corrélés au risque suicidaire. Et donc la régulation de ses états d'âme est une mesure d'hygiène personnelle capitale pour la prévention des idées suicidaires. Surtout si on est fragile. Prendre soin de soi et bien habiter sa vie va nous demander des efforts ? Et alors ? Nous n'attendons pas les caries pour nous brosser les dents. Tenons-nous moins à nos âmes qu'à nos dents ?
Différences des états d'âme avec les émotions primaires :
Émotions primaires d'après Antonio Damasio : peur, colère, tristesse, joie, dégoût et surprise
Les états d'âme sont plus durables et moins intenses que les émotions ; mais plus influents : force de ce qui est faible et discret, qu'on oublie et dont on sous-estime la puissance (comment une petite culpabilité peut nous pourrir la journée...). Et surtout ils ont un impact plus global, car ils n'existent pas seulement en réponse à une situation donnée (la « situation starter » de l'émotion forte) mais en rapport avec tout notre lien au monde.
Les états d'âme n'ont pas forcément d'objet précis comme les émotions ; pour autant ils ont quand même des sources, même si elles ne nous sont pas toujours claires. Les émotions sont en général une « réponse » à quelque chose qui nous « arrive » ; les états d'âme pas toujours, ils peuvent nous arriver de l'intérieur, être autoproduits.
Les émotions radicalisent et simplifient notre perception des événements, les états d'âme la compliquent, mais en contrepartie la rendent plus subtile.
De fait, nos états d'âme accroissent notre intelligence de vie : ils sont la résultante de notre réception du monde, même dans ses micro-événements Ainsi, des petits événements de vie ne donnent pas d'émotion forte, mais induisent des états d'âme. Souvenez-vous : après avoir assisté à des petites scènes de rue un enfant qui pleurait, un mendiant qui cuvait son vin et sa misère, un couple qui se disputait , tout cela, si toutefois vous y avez prêté attention, a pu déclencher en vous du cafard, sans que ces événements aient un impact sur le cours de votre journée ou de votre existence. Du dehors ces événements n'ont pas eu d'impact tangible. Mais, en dedans, ils flottent toujours en vous. Qui peut savoir vers où ils vont vous conduire ?
La genèse des états d'âme est complexe. Il ne s'agit pas, ou pas seulement, de simples réactions à l'environnement : quelquefois nos états d'âme seront en accord avec ce dernier nous serons joyeux dans les ambiances joyeuses , mais quelquefois non malgré la joie ambiante, la fête, nous nous sentirons mélancoliques. Alors, par cet effet de contraste, nous prendrons mieux conscience de nos états d'âme. Et mieux conscience aussi de notre différence, de notre singularité, de ce qui nous sépare des autres, à cet instant, ou peut-être durablement.
Inconfortable, ce mouvement incessant et instable de nos états d'âme, comme une respiration qui ne cesse jamais ? Oui. Leur existence s'oppose à toute forme de « climatisation mentale », d'asepsie psychologique, à toute forme de fixité dans nos équilibres intérieurs. Pour le meilleur et pour le pire.
Il n'y a pas que les actes qui font une vie. Nos états d'âme donnent aussi de la densité à nos existences. Et si celles-ci se déroulent trop loin de nos états d'âme, ce qui fait de nous des humains sensibles va disparaître. Nos vies seront vides, leurs sources intérieures se tariront, nous deviendrons des « âmes mortes », ce titre surpuissant du roman de Nicolas Gogol.
Les états d'âme pèsent sur le corps, mais ils sont en retour influencés par lui : toute forme d'activité physique c'est aussi vrai de la lumière tend à faciliter (légèrement) les états d'âme positifs.
Comme pour le corps, les influences entre états d'âme et pensées sont réciproques. En fait, il s'agit des deux faces d'un même phénomène, comme les deux faces d'une carte à jouer.
Souvent, dans les états d'âme, les pensées sont d'abord floues, inachevées, comme des nuages qui sont poussés par le vent, s'effilochent, se décomposent et se recomposent, échappent à notre emprise. Comme nous les abandonnons à elles-mêmes, ces pensées accrochées aux états d'âme vivent leur vie, tels des enfants que les adultes oublient de surveiller, d'éduquer. C'est pour ça qu'on parle d'états d'âme, et non d'états d'esprit : c'est une pensée naturelle, sauvage, archaïque. Mais pas inutile. Ainsi, dans de nombreuses tâches, nous nous montrons plus performants sous l'effet d'une légère activation émotionnelle.
On ne peut pas ne pas avoir d'états d'âme :
Ne pas avoir d'états d'âme revient à mettre son humanité entre parenthèses. Méfions-nous de ceux qui déclarent « ne pas avoir d'états d'âme ». D'ailleurs on ne peut pas ne pas en avoir. On peut juste les réprimer, les dissimuler, les refuser. On refuse alors son humanité, et on se prive de ce qu'elle nous apporte peut-être de meilleur : l'intériorité. Cette dialectique du « ressentir » face au « comprendre », du savoir par l'expérience face au savoir par la connaissance, doit donc nous pousser à accepter, observer et aimer nos états d'âme : ne négligeons aucun moyen de connaissance et d'accès à ce monde si compliqué...
La perte d'espoir la certitude que l'avenir ne nous apportera aucune solution aux difficultés que nous rencontrons semble, à première vue, un des pires prédicteurs des conduites suicidaires.
En fait, il existe deux façons d'agir face au désespoir.
La première est de cultiver un optimisme pratiquant (qui ajoute les actes à la pensée) et lucide (qui n'exclut pas l'existence et le pouvoir de l'adversité). En acceptant par exemple de constater et de valider le nombre de fois où nous avons survécu à nos « minidésespoirs » ! Ces minidésespoirs existent, et les exemples abondent dans nos vies : chacun de nous a survécu à des chagrins d'amour, des difficultés professionnelles, des deuils, dont il s'était dit sur le moment que c'était trop dur...
Mais il y a aussi une autre façon d'appréhender cette réflexion : essayer de se libérer de l'espoir plutôt que du désespoir. Car toute forme d'espoir nous fragilise : « Il n'y a pas d'espoir sans crainte », disait Spinoza. D'où la notion de « gai désespoir » (prônée par Comte-Sponville, dans son ouvrage Le Bonheur, désespérément : la sérénité ne peut qu'exclure toute forme d'espoir et d'attente. Car l'espérance porte en germe la déception, l'angoisse et la dépendance. Il faut donc cultiver la liberté envers nos espoirs. Sans nihilisme, mais simplement en essayant d'habiter différemment le réel. Ce que suggère aussi Albert Camus dans les pages qu'il consacre au suicide dans son essai Le Mythe de Sisyphe : « Il s'agissait précédemment de savoir si la vie devait avoir un sens pour être vécue. Il apparaît ici au contraire qu'elle sera d'autant mieux vécue qu'elle n'aura pas de sens. » Pour Camus, le sentiment d'absurde et son acceptation est la clé : « Par le seul jeu de la conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort » ; « Tout reprend sa place et le monde absurde renaît dans sa splendeur et sa diversité... Maintenant, il s'agit de vivre. »
Accepter l'idée même de désespoir, d'absurde, lorsqu'elle s'impose à nous. Mais sans la laisser se connecter à celle du suicide. Cela ne se décrète pas, cela s'apprend. La méditation est l'un des moyens de cet apprentissage : en nous entraînant à fréquenter le vide et le néant, à ne rien attendre d'autre que vivre intensément l'instant présent, elle nous permet de ne plus craindre de marcher au bord du ravin. Nous n'avons plus peur d'être aspirés par le vide. Plus peur de tomber sans raison.
C'est un état d'âme appartenant à la famille de l'anxiété, qui lui correspond comme "émotion forte" - parfois si forte qu'elle en devient maladive.
L'inquiétude, elle, comme état d'âme est plus légère, subtile, mobile, et omniprésente encore que l'anxiété.
Il y a un univers d'angoisse en chacun de nous, qui ne demande à s'éveiller qu'à la moindre occasion, ou au moindre relâchement de notre vigilance à toujours rester occupés, l'esprit absorbé par une tâche.
"Le ressentiment, l'irritabilité ou la colère (la méchanceté) absorbe la plus grande partie de son propre venin et s'en empoisonne" (Montaigne)
De nombreuses pathologies sont basées sur les états d'âme de ressentiment et de colère mal régulés.
De nombreux travaux se sont penchés sur les liens très étroits entre colère et douleur. Ils montrent sans surprise que les émotions et états d'âme de colère augmentent la perception de la douleur et que, inversement, toute forme de douleur facilite l'apparition du ressentiment. C'est sans doute de là que vient l'expression « écorché vif », qui rappelle l'existence de la souffrance derrière l'agressivité.
Supprimer colère et ressentiment ? Hum... Il semble plus raisonnable : 1) de considérer que leur survenue est inévitable dans toute vie sociale, à moins d'être très doué ou de vivre hors du monde, 2) qu'il est possible d'apprendre à les réguler plutôt que d'espérer ne pas les ressentir, 3) que la première compétence en la matière est d'accepter de voir que derrière chacun de nos ressentiments il y a de la souffrance, et 4) d'avoir envie de moins souffrir...
Avant de changer le monde, nous avons à changer nos attentes : il est aussi vain pour la personne ressentant facilement ressentiment ou colère de vouloir un monde sans contrariétés que pour l'inquiet de vouloir un monde sans risques et sans ennuis. Nous ne pouvons faire autrement que d'accepter la psychodiversité (les gens qui ne pensent pas comme nous), l'absurde, l'inutile, le regrettable et le déplorable. Comme on accepte les orages, les orties et les frelons : face à eux, on s'organise plutôt qu'on ne s'énerve.
Lorsqu'on étudie le fonctionnement psychologique des personnes chez qui il y a peu de ressentiment, on peut voir qu'elles disposent d'une sorte d'alarme psychologique qui se déclenche lorsque des pensées hostiles cherchent à faire effraction dans leur esprit. Alors, ce n'est pas la situation ou la personne externes qui sont considérées comme problématiques mais les idées agressives. Ces personnes ont conscience que le ressentiment cherche à s'immiscer en elles, et le freinent avant qu'il n'ait commencé son oeuvre de distorsion de la réalite.
Paradoxalement, c'est le meilleur moyen pour ne pas être débordé par ses états d'âme hostiles. Souvenons-nous de toutes les fois où lorsqu'on nous a fait la remarque : « Ne te mets pas en colère comme ça », ou : « Ne te mets pas dans des états pareils », nous avons eu tendance à répondre : « Je NE suis PAS en colère » (mécanisme psychologique de défense nommé déni) ou : « C'est TOI qui me mets en colère » (autre mécanisme nommé projection). Faut-il qu'elle soit douloureuse ou coûteuse, cette expérience de colère, pour que nous ne voulions pas l'endosser ! Pourtant, comme pour toutes les émotions et tous les états d'âme, accepter est la première étape pour distancier. Dire alors : « Oui, c'est vrai, je me sens en colère, voici pourquoi... »
À force d'explorer les méandres de nos motivations inconscientes, la psychologie moderne a fini par considérablement sous-estimer l'importance de nos décisions conscientes dans les processus de changement. Or décider de laisser de moins en moins de place à la colère et au ressentiment dans sa vie, c'est possible. En tout cas, ce qui est possible, c'est de décider d'y travailler. En sachant que, comme dans tous les combats contre les habitudes, il y aura de nombreuses rechutes et retours de ressentiment : nous devons accepter que ça revienne régulièrement sans le considérer comme la preuve que c'est impossible, mais simplement que ces retours font partie du processus de changement.
Peu à peu, apprendre à ne plus les tolérer en soi. Par exemple les colères parce qu'on a perdu son chemin lors d'une randonnée en vacances, ou en allant dîner chez des amis. Commencer par s'efforcer de sourire au lieu de s'énerver. Pour cela, planifier et anticiper la venue de l'énervement. Se dire : « C'est typiquement le genre de situation où, en cas de petit incident, je m'énerve vite. Je me calme par avance, maintenant. J'évalue tout de suite si ça vaut ou non la peine de s'énerver. J'accepte tout de suite ceci : me perdre est un événement de vie normal. »
Ce n'est pas être faible qu'être calme et refuser la colère. Les grands leaders de la non-violence, Gandhi, Martin Luther King, le dalaï-lama, n'étaient ou ne sont pas des faibles. Prenons garde de ne pas survaloriser les « justes colères », la colère est surtout un grand destructeur de lien social. On célèbre trop souvent les bénéfices de la colère par rapport à ses énormes dégâts. Cette célébration fait que les forts et les puissants se permettent trop souvent de se mettre en colère, ne freinent pas assez son éclosion, ne font pas assez d'efforts pour dialoguer autrement. Et les faibles s'en veulent de ne pas être capables de faire comme les forts... La colère donne une énergie, certes, mais toxique, polluante, coûteuse. Elle déborde et dérape à peu près toujours. Elle inflige des blessures à l'origine de nouveaux ressentiments, graines de colères et de conflits à venir.
Après un conflit ou une montée de colère, même sourde et muette, même inexprimée, on ne peut pas passer tout de suite à autre chose : ce serait le meilleur moyen de laisser vivre et durer des états d'âme hostiles, et d'en favoriser le retour. S'il y a eu colère, alors c'est qu'il y a eu quelque chose d'important ou de grave, objectivement ou subjectivement. Ou que je ne vais pas bien en ce moment. Tout cela mérite un peu de réflexion. Alors, je me pose, je calme mon corps, et je réfléchis. Je me demande ce qui s'est passé pour que je me mette dans cet état. Et si j'aurais pu m'y prendre autrement. Juste me poser la question et faire vraiment l'effort d'y répondre. Je me demande comment je peux me rapprocher de ce qui est important pour moi (être écouté, être respecté...) sans avoir à héberger tous ces ressentiments...
Il s'agit pour nous de bien écouter, en deçà du ressentiment, la petite voix de nos états d'âme originels. Souvent, la colère est une émotion dite secondaire, qui occulte une peur ou une tristesse qui sont en fait à l'origine de notre souffrance. La mère qui a vu son enfant traverser sans regarder et qui le gronde avant de le prendre dans ses bras, soulagée : elle a ressenti la colère alors que la peur était son premier réflexe. De même pour notre rancune lorsqu'on nous montre nos contradictions et nos erreurs : au départ il y a la déception tristesse et désillusion de s'être trompé. Et puis, bien sûr, à côté de la tristesse et de la peur comme sources de colère, les inquiétudes et ce qu'on nomme aujourd'hui stress. Dans ce domaine, les hommes basculent plus vite vers les états d'âme hostiles que les femmes lorsqu'ils sont soumis à des situations stressantes. On les sait moins aptes à lire en eux...
Communiquer calmement et efficacement exerce un rôle régulateur de premier plan pour l'ensemble de notre vie émotionnelle. Il s'agit de ne pas renoncer à être gentil, mais de ne pas renoncer non plus à dire ce que l'on a à dire. Encore et toujours penser à la communication non violente pour exprimer ce que l'on souhaite : d'un message agressif, l'interlocuteur ne retient que l'agressivité, pas le message. Après un message jugé agressif, on juge l'autre (« Pourquoi m'a-t-il fait ça ? ») et non soi-même (« Ai-je fait ce qu'on me reproche ? » ou « Comment ai-je pu donner cette impression ? »). On réfléchit sur l'autre et non sur soi : on cherche les moyens de le faire changer, non de se changer soi-même.
À un moment ou à un autre de mes ressentiments, me demander sincèrement : « Est-ce que je veux continuer comme ça ? Est-ce que je me sens bien dans ces états d'âme?» Il existe une incompatibilité totale des états d'âme de colère et de ceux de bonheur. C'est d'ailleurs l'incompatibilité la plus radicale dans les jeux d'alliances subtiles des états d'âme : on peut être heureux malgré sa tristesse, ou malgré son inquiétude. Mais pas heureux et énervé. La colère dérange systématiquement l'harmonie et le lien au monde. Pour vivre heureux (ou à peu près), il est indispensable de développer une aversion pour la colère et le ressentiment. Indispensable de ressentir de plus en plus la colère comme une souffrance : c'est inconfortable, mais c'est un progrès...
Jipépak : la colère est une sorte de paravent, de gros arbre (ou de gros buisson) derrière lequel se cache une blessure : la peur, la tristesse, la frustration, la désillusion, la déception, l'inquiétude, le stress qui, au lieu de se manifester directement poussent le gros arbre (ou le buisson) et avancent ainsi en se cachant derrière. Dans toute colère, il faut donc chercher qui se cache derrière !
Mon coeur est comme une éponge à tristesse (André Gide)
Ruminer c'est se focaliser, de manière répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de nos problèmes, de notre situation, de notre état. La rumination nous encourage à revenir inlassablement sur ce qui nous tourmente ; elle étale dans le temps les soucis . On a pu montrer que dans la rumination la personne se focalise sur le problème et ses conséquences, et pas sur les solutions possibles à imaginer ou à mettre en uvre.
Les états d'âme de la rumination ne contiennent que de longues chaînes de demi-pensées, des pensées inachevées, des bribes de pensées qui ne vont pas au bout et s'arrête à la porte de toute décision éventuelle. Elles n'ont finalement pas d'autres résultats que de maintenir la dysphorie.
La rumination est une soumission impuissante de notre esprit à une pensée circulaire et close : nous tournons véritablement en rond.
Est-ce qu'une simple tristesse, une tristesse « normale », peut nous amener doucement vers la dépression, ou du moins la précéder, l'annoncer ? C'est ce que l'on nomme des « facteurs de risque » de la dépression ; sans qu'ils représentent des condamnations à la maladie, leur existence augmente le risque qu'elle survienne.
Les ruminations dysphoriques sont incontestablement l'un de ces facteurs de risque. En suivant sur plusieurs années les personnes qui y sont souvent engluées, on montre que le risque de dépression est plus élevé chez elles. Parmi les styles de pensées répétitives facilitant la bascule vers la maladie dépressive figurent bien sûr les ruminations centrées sur soi : une vision négative et ressassée de soi est un important facteur de risque. Les psychothérapeutes connaissent bien ce phénomène : chez les personnes à basse estime de soi, la rumination de leurs insuffisances supposées, de leurs difficultés, de leurs échecs, induit des états d'âme de tristesse disproportionnés, les amenant souvent bien près du seuil dépressif. Il en est de même des comparaisons sociales, un des poisons de notre époque, qui les suscite et les encourage13. On sait que lorsqu'on a le moral fragile, durant les périodes de dysphorie, on a tendance à se comparer davantage aux autres, dans les domaines qui comptent à nos yeux, de façon souvent défavorable, et avec un impact accru sur notre tristesse
Attention, tout ne réside pas seulement dans notre subjectivité et nos états d'âme. L'adversité joue aussi un rôle important : on retrouve chez les personnes maladivement déprimées un plus grand nombre d'événements de vie adverses à l'origine de leurs baisses de moral. Il peut s'agir d'adversités ponctuelles (deuils, chômage, divorce) ou de tracas quotidiens répétés (conditions de vie inconfortables ou précaires, mauvaises ambiances en famille ou au travail). Les seconds semblent d'ailleurs plus à même de nous faire basculer, à la longue, dans la dépression, que les premiers. Ce qui est logique : dans la « grande » adversité, nous mobilisons nos ressources et notre entourage nous soutient ; face à la « petite » adversité, nous sommes moins attentifs, sur la durée, à prendre conscience de notre souffrance, et notre entourage, lui aussi, se mobilise moins. Vu l'augmentation exponentielle des cas de dépression dans le monde entier, au fur et à mesure de l'occidentalisation de la planète, on soupçonne aussi un lien entre dépression et monde « moderne » : plus la compétitivité est dure, plus la solidarité est faible, plus l'accent est mis sur les performances individuelles, et plus les échecs personnels sont dépressogènes.
Quoi qu'il en soit, à un moment donné, la répétition et la fréquence des états d'âme de tristesse finissent par provoquer un phénomène de coagulation, de solidification : ces états d'âme s'agrègent, leur réunion donne un sentiment de continuité, de logique, de sinistre cohérence à notre quotidien. Les pulsations sourdes de la tristesse s'amplifient peu à peu, se synchronisent, finissent par entrer en résonance. Tout le passé, le présent, le futur se mettent maintenant à vibrer de la même douleur de vivre, de la même fatigue d'exister : extension du domaine de la tristesse à la vie entière, au monde entier. Alors arrivent la fatigue puis le dégoût de vivre. C'est la tristesse dépressive, qui commence à nous écarter de la vie. Cette simple phrase d'Anatole France : « La tristesse de la nuit lui entra dans le cur », le dit avec force et simplicité. Notre âme alors s'enténèbre doucement...
La corumination : Souvent, lorsqu'on est irrité, on va se confier à des proches : cela consiste à leur raconter notre version des faits. Comme ils nous aiment, ils vont souvent l'accepter et donc la valider. Et ce soutien peut effectivement me calmer, et me faire alors prendre du recul : cette gorgée d'affection et d'estime me remonte le moral et, apaisant ma tristesse, apaise mon ressentiment. Mais cette écoute favorable peut aussi entraîner sa consolidation. À partir de ma version tronquée, mes proches me « croient » trop et risquent de m'enfoncer un peu plus dans une vision déformée des choses : « J'ai raison et l'autre a tort. Et il n'y a pas que moi qui le dis : mes amis le pensent aussi. » Comment alors ne pas continuer à éprouver du ressentiment ? Des travaux ont été conduits, qui confirment le phénomène de ce que l'on nomme alors la « corumination » : on ressasse avec des amis, l'amitié en sort améliorée, mais pas la lucidité ; ce sont surtout les femmes qui semblent avoir recours à ces coruminations, ou du moins, elles le reconnaissent, plus facilement...
Le ressentiment, l'irritabilité ou la colère (la méchanceté) absorbe la plus grande partie de son propre venin et s'en empoisonne" (Montaigne)
Le ressentiment né de la faiblesse n'est nuisible qu'aux êtres faibles." (Nietzsche)
En psychiatrie, le terme de dysphorie décrit un cocktail d'états d'âme douloureux, pénibles et plus ou moins durables. Dysphorie vient du grec dys (« de travers ») et phorein (« porter, supporter ») : ce qui est pénible à supporter.
La dysphorie se positionne entre la tristesse normale (dont elle est une forme « vitaminée » par d'autres états d'âme négatifs) et la maladie dépressive (dont elle est une des voies d'entrée ou de sortie). Elle représente une forme de flirt dangereux avec cette même dépression. Elle n'est pas une maladie, mais un état normalement passager. Cependant, elle peut être le signe avant-coureur de l'apparition de difficultés psychologiques plus sévères, ou en représenter la traîne, la cicatrice.
La dysphorie est un mélange de tous les états d'âme désagréables pouvant nous affecter : tristesse, irritabilité, tension, inquiétude. Elle est aussi associée à une labilité de ces différents états d'âme : on peut passer rapidement de l'un à l'autre, et ainsi notre réactivité aux événements de la vie quotidienne se trouve amplifiée lors des périodes de dysphorie. Chez les femmes, la période prémenstruelle induit fréquemment de la dysphorie. L'insomnie, la fatigue et les échecs le font chez tout le monde.
Tout cela provoque une sorte de glu psychologique négative : face à tous les petits moments où nous voyons, lisons ou entendons quelque chose de négatif dans notre journée, certains d'entre nous (parfois pour d'autres raisons que de la tristesse, la dysphorie peut être amorcée par de la colère, de l'inquiétude) vont « traîner » sur ce qui ne va pas, ce qui marche mal, et peu à peu s'imprégner de choses négatives. C'est comme une tisane, une infusion aux affects négatifs. Du coup, à journée égale, ces rémanences de tristesse feront la différence : parce qu'on était englué dans des états d'âme dysphoriques, on aura le sentiment d'avoir croisé plus de problèmes que les autres, alors qu'on n'a fait que s'y attarder davantage.
La dysphorie n'est pas que désagréable intérieurement, elle perturbe aussi notre réactivité aux événements de vie. Globalement, elle nous fait réagir plus fortement à ce qui ne va pas, et plus faiblement à ce qui est favorable. De ce fait, la dysphorie limite ce qu'on appelle la « capitalisation des moments positifs » : il est utile à chaque humain de se réjouir de ce qui lui arrive de bon, d'abord parce que c'est agréable, et ensuite parce qu'avoir pris le temps de savourer, de « ruminer » ses bons moments, cela en fortifie le souvenir, ce qui servira par la suite de « mémoire positive réservoir » pour mieux faire face à l'adversité.
Pourquoi y a t-il plus de dysphoriques que d'euphoriques :
Le fait que nous rencontrions aujourd'hui beaucoup plus d'individus à tendance dysphoriques (sujets aux « passions tristes » comme disait Spinoza) qu'euphoriques n'est pas tout à fait un hasard mais est dû à un certain nombre de causes :
1-D'une part des tests psychologiques montrent notre aptitude à repérer plus rapidement dans un groupe de mots ou de visages les mots négatifs ou les visages hostiles que l'inverse. Cette détection de ce qui est négatif est plus rapide mais entraîne également une réaction de plus grande intensité (donc avec un impact plus fort sur nos états d'âme). Ainsi, il semble bien que nous soyons cérébralement « cablés » pour que notre attention se porte plus vite, plus fort et plus longtemps, sur les situations induisant des réactions et des émotions négatives : survie oblige, et c'est peut-être une chance, face aux situations dangereuses ou mêmes incertaines.
2-Mais nos automatismes vers le négatifs peuvent avoir aussi une autre origine. C'est ce qu'un classique de la psychologie expérimentale appelle « l'effet Zeigarnik » en hommage à la psychologue russe Bluma Zeigarnik qui a été la première à le mettre en avant dès les années 20.
Il s'agit en fait de la tendance que nous avons à mieux nous rappeler (mais aussi à davantage ruminer) une action ou une tâche si celle-ci a été interrompue (volontairement lors des tests).
On peut donc se demander, en ce qui concerne nos vies modernes, si la multiplication infinie des interruptions, sollicitations, stimulations, si la fragmentation extrême de nos métiers et de nos activités, si tout cela réuni ne produit pas en réalité une gigantesque succession d'interruptions et donc de frustrations dont nous ne sommes même plus conscients, mais qui font déferler sur nous ces états d'âme négatifs.
3-Autre hypothèse : nous sommes plus souvent en souffrance parce que tout simplement « la vie n'est pas un long fleuve tranquille ». et on sait par exemple qu'il existe un lien direct entre le nombre d'événements nociceptifs et le risque de présenter une dépression.
De plus on peut facilement constater le fait suivant : on gémit et on souffre lorsque la vie nous présente des obstacles, mais on ne chante pas et on ne loue pas assez ce qui marche bien et nous facilite la vie (on va pester le jour ou l'on n'a plus d'eau chaude pour se doucher mais on ne se réjouit pas d'en avoir constamment le reste du temps ; idem pour la santé, la voiture qui démarre tous les jours etc). Pourtant c'est ce que nous devrions faire plus souvent à titre d'exercice de lucidité et de bonheur ! En plus nos états d'âme négatifs nous donnent l'impression que le temps qui passe est plus long que lorsqu'il s'agit d'états d'âme positifs (c'est bien connu : les bons moments passent toujours trop vite).
4-Enfin, le monde actuel dans lequel nous baignons, et notamment les médias et la publicité, ont plutôt tendance à faire de nous des dysphoriques plutôt que des euphoriques en nous abreuvant sans cesse de catastrophes ou en nous proposant toutes sortes de produits miracles que possèdent les autres et que bien souvent nous ne pouvons acquérir, faute de moyen. On a beau être un sage ces petites frustrations quotidiennes taraudent notre inconscient et influencent ainsi nos états d'âme.
Le niveau d'anxiété n'a cessé de progresser entre les années 1950 et les années 1980. En matière d'anxiété, il est probable que l'environnement social et culturel soit le troisième agent causal, à côté de la génétique et des influences affectives et éducatives de l'enfance. Ce n'est donc pas seulement parce que nous sommes inquiets que le monde moderne nous fait peur, mais c'est aussi parce qu'il est menaçant et surtout incertain que nous nous sentons inquiets.
Conséquences des « passions tristes »
L'induction d'états d'âme de tristesse (mais non de dépression) incite, si l'on est confronté à des stimuli tentants, à s'abandonner plus facilement à eux : achats de choses inutiles, absorption de substances qui nous promettent un mieux être immédiat, comme les sucres, l'alcool, le café, le tabac et autres drogues...
Christophe André : (neuropsychiatre à Sainte-Anne)
pleine conscience de la respiration (10')
Pierre Philippot : (professeur de psychologie clinique - Louvain)
pleine conscience de la respiration (20')
- balayage corporel (30')
- pleine conscience de la respiration et du corps (30')
- pleine conscience des sons et des pensées (25')
Béatrice Weber Rouget : (psychologue psychothérapeute)
respiration: condition normale (4')
- respiration: condition de faire face (4')
- pleine conscience debout (25')
- body scan (40')
- méditation assise (40')
Guido Bondolfi : (médecin - psychiatre et psychothérapeute - Genève)
respiration: condition normale (4')
body scan (40')
- Mouvements en pleine conscience (')
- méditation assise (')
- respiration: condition de faire face (')
Christophe André : - Émergences 2010 (1h20') - Méditation et vie quotidienne (46') - Christophe André et Matthieu Ricard (1h01') - pratiquer la meditation au quotidien (14') - Impermanence (14') - comprendre la vacuité/1 (14') - comprendre la vacuité/2 (14') - 3 vagues comportementalistes (10') - comment vivre dans une société matérialiste (9') - Estime de soi (9') - S'inspirer des psys (7') - antidotes contre la rumination (7') - L'intériorisation (5') - pourquoi je médite (4') - Bonheur et bien-être (2'30) - Solitude (2')
Guido Bondolfi : - Émergences 2010 (1h05') - La dépression (5')
Thierry Janssen : - Émergences 2010 (1h30') invité de C. André (1h20') - L'invité de la semaine (25') - Le défi positif (20') - La maladie a t-elle un sens ? (16') - Le Défis Positif (5'30) - Confidences (5')
Matthieu Ricard : - Émergences 2010 (1h30')
Christophe Fauré : Magazine de la santé du 15/03/2010
Pierre Philippot : Mindfulness (8')
Jon Kabat Zinn : Vous n'êtes vivant que dans l'instant présent ! (6')
En Occident, le fait de méditer renvoie pour certains au fait de réfléchir, de se soumettre à une longue et profonde réflexion et on reste donc avec cette vision qui remonte au romantisme et à Chateaubriand ; pour d'autres par contre méditer signifie faire le vide dans sa tête, ne penser à rien. Pour une troisième catégorie d'individus la méditation est une démarche religieuse ou spirituelle. Enfin, certains pensent souvent que la méditation est un peu comme la relaxation ou la sophrologie. La MPC n'est rien de cela.
En fait, en français, le mot « méditer » vient du latin « meditari » fréquentatif de « mederi » qui signifie « donner des soins à. Ce que l'on appelle pleine conscience en méditation est une forme de méditation bien particulière ; elle nous initie à une méthode de travail sur soi qui est accessible à tous, quelles que soient nos croyances et nos points de vue, que lon soit agnostique, athée ou sur un chemin spirituel.
Cette pratique millénaire est revenu en vogue dans les années 50/60 ; mais ce qui est très nouveau aujourdhui c'est que la communauté scientifique porte un intérêt croissant aux pratiques de la MPC (qui tire son origine dans la culture orientale et plus particulièrement dans la tradition bouddhiste) tant dans le champ des recherches fondamentales que dans celui de la thérapie et psychothérapie comportementale et cognitive. Conçue donc initialement dans les hôpitaux pour réduire le stress dû à la maladie, aux douleurs chroniques, aux traitements pénibles, cette méthode a contribué largement à lamélioration de la qualité de vie de nombreux patients.
Fin des années 70, Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie moléculaire, professeur de médecine émérite et chercheur de lUniversité du Massachusetts (Umass) est le premier à définir une terminologie laïque pour transmettre lessence de la posture méditative. « Cette essence est universelle, écrit-il, dans la mesure où elle cherche à affiner lattention et la vigilance. Elle est un véhicule puissant pour travailler à lexploration de son soi profond, à la recherche des causes ultimes de la souffrance, et pour sen libérer ». Aujourd'hui près de 20 000 personnes ont suivi ce programme déducation au « prendre soin de soi ». Plus de 5000 médecins et dinnombrables professionnels du soin de par le monde sy réfèrent dans leur travail quotidien lorsquils sont aux prises avec la souffrance humaine.
La MPC consiste en fait, selon la définition du psychiatre Christophe André, à adopter, ou a s'efforcer d'adopter un certains nombres d'attitudes :
- Être délibérément présent à l'expérience du moment que nous vivons. Être présent à l'instant
- adopter une attitude sans filtre (on accepte ce qui vient, on lâche prise)
- sans jugement de valeur (on ne décide pas ce qui est bien ou mal, désirable ou non)
- sans attente (on ne cherche pas quelque chose de précis ; on ne cherche pas à atteindre un but, on espère rien ; on est juste là)
En résumé : par pleine conscience, on entend le fait de porter son attention dune manière particulière, délibérément, au moment présent et sans jugement de valeur ; ou encore le fait de centrer toute son attention sur lexpérience présente, moment après moment. On pourrait également la définir comme une autorégulation intentionnelle de lattention, instant après instant, qui se se caractérise par une attitude dacceptation et de non jugement.
Ce qui, en pratique, implique que les phénomènes qui entrent dans le champ de la conscience du sujet, telles que les perceptions, les cognitions, les émotions ou les sensations physiques, sont observés très soigneusement, mais ne sont pas évalués en tant que phénomènes bons ou mauvais, justes ou faux, sains ou malsains ou encore importants ou insignifiants.
Elle implique également la répétition des exercices pour une appropriation progressive (« Nous sommes ce que nous répétons chaque jour ».(Aristote)) Ces exercices réhabilitent petit à petit les perceptions sensorielles pour développer la présence à soi, à lenvironnement et aux autres.
Face à un mal-être ponctuel ou latent, à des épreuves de la vie difficiles à assumer seul, la méditation en pleine conscience, dans un premier temps, permet la reprise en main de son contrôle cérébral, de reprendre souffle et dassumer la réalité avec une juste distance. Tous ces exercices visent lunification de la personne ; ils constituent une expérience de soi positive et simple qui redonne accès au plaisir de se sentir vivant. En ce sens, ils constituent un véritable art de vivre.
La MPC est une sorte de tétrapharmacon d'Épicure (le quadruple remède à la souffrance et au mal de vivre : 1) les dieux ne sont pas à craindre - 2) la mort n'est rien pour nous - 3) le plaisir, naturel et nécessaire, est facile à se procurer - 4) On peut supporter la douleur )
Si la pleine conscience est tant en vogue aujourd'hui, c'est qu'elle correspond à une carence dans notre société. (comme le sport en salle répond à notre manque d'activité physique, à notre sédentarité, du fait de la voiture, des ascenseurs, des tapis roulants etc..) ; pour la méditation c'est pareil : nous vivons une époque ou nous sommes carencés en matière de calme, de lenteur, de continuité, de tranquillité, de décompression... Le besoin de méditation est une forme de réponse intuitive, inconsciente à ces carences ; elle se présente comme une sorte de cure de désintoxication. Ce n'est pas la panacée universelle mais seulement un excellent outil de rééquilibrage pour les personnes vulnérables.
La MPC est une prise en main ou reprise en main du cerveau et des appareils sensoriels, organes dont les désordres fonctionnels sont le fondement même de troubles nerveux.
Pour Christophe André, nous avons en permanence des conflits entre ce qui est urgent et ce qui est important (regarder la mer, marcher dans les bois, parler avec des amis etc...) mais nous pouvons négliger ces choses importantes sans en souffrir immédiatement et nous donnons donc la priorité aux choses urgentes (travail à faire, les courses, le ménage etc..) et si nous ne réalisons pas ces urgences nous aurons rapidement des ennuis. Donc dans le conflit entre l'urgent et l'important, nous avons tendance à céder à l'urgent qui n'est pas forcément important mais juste pour nous soulager et ainsi nous sacrifions l'important.
Mais à force de supprimer l'important, ajoute-t-il, nous finissons par nous carencer tout comme si nous manquions de vitamine C ou D qui ne nous font pas tomber malade tout de suite mais c'est peu à peu que notre vie et notre corps vont commencer à se déliter. C'est la même chose qui se passe au niveau du psychisme car nous avons des besoins en terme de présence aux choses importantes, de prise de conscience de ce à quoi nous avons besoin régulièrement et c'est l'avantage de la pleine conscience que de nous le rappeler.
Je rappelle donc que dans la pratique de la méditation on ne s'intéresse qu'au fait d'être, être là, présent.
La pratique c'est donc d'abord de sentir que nous sommes.
Dans ce type de méditation on peut aller du plus basique au plus profond. Mais quel que soit le cas, la méditation calme le stress, la dépression, et c'est une façon de trouver une certaine forme de détente.
En approfondissant cette technique, nous touchons notre sens de confiance en nous qui devient non pas indestructible mais renforcé. Ce n'est pas seulement un moment pour se calmer un peu mais plutôt pour retrouver un rapport au plus vivant de la vie, pour réveiller la vie.
« Eveillés, ils dorment » dit un aphorisme d'Héraclite
« Nous dormons la vie, éternels enfants du Destin. C'est pourquoi je ressens, si je pense conjointement à cette situation, une tendresse immense et informe pour cette humanité infantile, pour cette vie sociale endormie, pour nous tous, et pour tout. » Fernando Pessoa
« Méditer c'est se soigner » par Frédéric Rosenfeld
(psychiatre, diplômé en neurosciences et en thérapies cognitives ; il est également adepte de la méditation. Il exerce à Lyon)
Méditer suppose ladoption simultanée de deux attitudes : lobservation, la plus neutre et la plus attentive possible, des sensations, des pensées et des émotions (cette aptitude est parfois nommée détachement) ; et léquanimité, qui désigne la qualité rare daccueillir les épisodes de lexistence avec une âme tranquille, loin du mépris, de lindifférence ou de la passivité. « Observation et équanimité salimentent mutuellement, résume Frédéric Rosenfeld. Plus je parviens à observer avec distance une situation qui me trouble, plus je me donne lopportunité de gagner en sérénité. Vu sous langle opposé, plus mon esprit est tranquille, plus ma conscience est capable dembrasser largement la réalité limpide, sans quelle soit brouillée par les distorsions du mental. »
La méditation permet de mieux décrypter ses émotions et constitue le premier pas de nombreuses prises de conscience. Elle est un antidote à lanxiété et rend heureux. Cette capacité a été étudiée chez des moines bouddhistes de Dharamsala (Ville du nord de lInde où sont réfugiés le Dalaï-lama et de nombreux Tibétains) : leurs zones du cortex cervical impliquées dans la bonne humeur fonctionnaient constamment. Elle a également été observée chez « des travailleurs américains, ayant suivi un entraînement méditatif bref (huit semaines seulement) et laïque », note Frédéric Rosenfeld. Méditer améliore également le sommeil, en agissant de façon directe sur sa physiologie et en relaxant. Enfin, la méditation a une action sur la dépression et « ses ruminations auto-dépréciatives. Cest un bon moyen daméliorer la confiance en soi et le sentiment davoir les rênes de son existence » écrit encore lauteur de Méditer cest se soigner.
Sur le plan physique, dautres bénéfices ont été enregistrés : amélioration de la respiration, réduction des troubles cardiovasculaires, renforcement des défenses immunitaires et soulagement de la douleur. Tant deffets positifs devraient inciter à apprendre cette médecine du corps et de lesprit. Car cela sapprend et sexpérimente. Diverses pratiques existent, certaines statiques, dautres en mouvements comme le yoga, le taï chi
Entretient :
Méditer cest la capacité à considérer tout ce qui vient à la conscience sensation, émotion, pensée en étant à la fois complètement présent et détaché, en acceptant tout sans agrippement, avidité ni aversion. Tout vient et passe, comme les nuages dans le ciel. On est dans une posture dobservation et de tolérance vis-à-vis de limpermanence des choses. Avec cette posture mentale et un peu dentraînement , la méditation se prête à presque toutes les activités. Comme disent certains sages, on peut méditer en épluchant les légumes !
Méditer, dit votre livre, « cest se soigner ». Quelles maladies la méditation soigne-t-elle ?
Il faut être clair : aucune pratique méditative ne prétend être, en soi, une thérapie. La guérison vient « de surcroît ». Il ny a pas dindications thérapeutiques officielles. Cependant, depuis une trentaine dannées, de multiples études scientifiquement irréprochables, menées dans des laboratoires occidentaux ou asiatiques, ont trouvé des vertus tout à fait concrètes à la méditation.
La mindfulness based stress reduction (MBSR, « réduction du stress basée sur la pleine conscience » en français), de Jon Kabat-Zinn a montré son efficacité contre le stress ou lagoraphobie avec crises de panique. La mindfulness based cognitive therapy (MBCT, ou « thérapie cognitive basée sur la pleine conscience »), qui sen inspire, diminue de moitié le risque de rechute dépressive. Et les effets ne sont pas uniquement psychologiques : ce même programme MBSR mélange de yoga, de zen et de méditation vipassana augmente également le taux danticorps dans le sang. Les preuves de bienfaits physiques ne cessent de saccumuler, allant de la guérison des rhumatismes aux troubles respiratoires, digestifs, neurologiques ou même immunitaires, et couvrant globalement toutes les pathologies du stress.
Comment cela sexplique-t-il médicalement ?
Par la façon dont la méditation agit sur notre corps et sur notre esprit. Si elle savère conseillée contre les maladies liées au stress, cest parce quelle agit au cur de notre cerveau le plus ancestral, le système nerveux autonome celui qui marche tout seul et régit la vie végétative, tous ces automatismes que nous ne contrôlons pas. Plus précisément, méditer mobilise le système autonome parasympathique, source du calme, à lopposé du système sympathique, qui est responsable du stress. Le cur ralentit, la tension artérielle baisse, la transpiration diminue, la salivation augmente, la digestion sopère. Les effets de cette activation parasympathique sont considérables, notamment sur le système immunitaire.
Les méditants en constatent empiriquement les bienfaits : moins de rhumes, de grippes, deczémas. Mais on a aussi démontré, plus scientifiquement, lefficacité du yoga sur lasthme par exemple, ou encore du qi gong contre certaines réactions allergiques, inflammatoires et auto-immunes. Évidemment, nombre de ces bienfaits viennent de laspect relaxant que toute méditation comporte. Mais la méditation leur ajoute un plus.
Cette « pleine conscience » dont vous parliez ?
Oui. Certains parlent même de spiritualité, chacun pouvant, selon ses convictions, entendre ce terme dans un sens religieux ou laïc. Le cardiologue américain Herbert Benson, qui fut lun des premiers chercheurs occidentaux, au cours des années 1960, à faire passer des tests à des yogis et à des méditants, remarquait quils se sentaient plus proches les uns des autres que des pratiquants de la relaxation. Ils connaissaient moins souvent des états de tristesse.
Les croyants avouaient se sentir plus en communion avec leur Dieu, les non-croyants parlaient quant à eux dun sentiment de lien avec la nature et avec lunivers, mais tous soulignaient limportance nouvelle quils accordaient aux petites choses de la vie. Plus récemment, en observant au scanner le cerveau de méditants chevronnés, le professeur Richard Davidson, de luniversité du Wisconsin, aux Etats-Unis, a trouvé quils sollicitaient majoritairement leur cerveau gauche, dont il avait démontré par ailleurs le lien avec les émotions positives.
Même les applications les plus médicales et occidentales, comme la MBSR ou la MBCT, ne prétendent pas directement « guérir ». Elles visent dabord à diminuer les crispations mentales, lirritabilité ou la morosité que causent les symptômes dus au stress ou à la dépression. Mais si vous entrez dans ces pratiques avec cette attitude, alors oui, les symptômes physiques peuvent céder, et votre santé saméliorer. A mon avis, les scientifiques nont pas fini de découvrir des bienfaits aux pratiques méditatives. Quand ils auront étudié toutes les techniques quelles proposent, et leurs effets différents, peut-être parviendront-ils à prescrire une méditation spécifique pour chaque cas.
Vous méditez vous-même. A quoi cela vous sert-il dans votre pratique de psychiatre ?
Méditer a considérablement fait évoluer ma démarche, la rendant plus ouverte, plus attentive au discours des patients, plus créative. Il ny a pas de contradiction entre méditation et psychiatrie. Par exemple, lexercice méditatif du balayage corporel (bodyscan), quand on passe en revue lextérieur et lintérieur du corps, peut déclencher des mémoires corporelles qui font remonter à la conscience les souvenirs de traumatismes. Si vous conservez un esprit neutre et égal, sans passion, en acceptant ces souvenirs comme le reste, vous arrivez à éteindre ces mémoires.
Les thérapies cognitives disent exactement la même chose : nous sommes conditionnés par notre passé et, si nous déshabituons nos circuits cérébraux, nous pouvons en mettre dautres à la place.
Méditer est-il conseillé à tout le monde ?
Non, et il faut le souligner. Physiquement, cela peut saccompagner de douleurs, qui sestompent avec le temps. Les enseignants de pratiques actives, comme le tai-chi ou le qi gong, demandent parfois un certificat médical, mais cest plutôt pour se protéger. Evidemment, le bon sens joue : un cardiaque évitera un yoga énergique. Doù lintérêt de suivre les conseils dun enseignant. Psychologiquement, il faut être plus prudent.
Chez certaines personnalités fragiles, la méditation peut déclencher des bouffées anxieuses, des décompensations, limpression de ne plus exister, de ne plus savoir où sont le haut et le bas. Elle est à éviter en cas de crise dépressive ou existentielle : deuil, divorce, chômage
La sensation de vacuité que lon connaît parfois ne convient pas à tous. Certains, enfin, peuvent saccrocher à la méditation comme à une drogue, parce quelle leur procure des états comparables. Ou méditer pour évacuer leurs problèmes : « Mon chef me harcèle, je vais méditer et ça va passer, je ny penserai plus. » Alors que la méditation vise, au contraire, à se libérer lesprit pour aborder les problèmes dun il neuf, trouver des solutions, et se rapprocher des autres.
- Lutilisation de la pleine conscience permet darrêter la rumination mentale ou la dispersion et de vivre simplement le présent ; c'est une pratique de maîtrise cérébrale.
- A moyen terme elle mobilise la sensation de soi, le plaisir de se sentir un être vivant, une sensation plus intense de son identité parce quenraciné dans le moi corporel conscient, doù un accueil plus tranquille de ses émotions, une adaptation plus aisée au réel reçu plus objectivement.
- C'est une vraie voie de transformation. Elle nous aide à surmonter notre peur existentielle car elle nous apprend à travailler avec tous nos blocages qui nous enserrent et nous emprisonnent.
- C'est un outil qui contribue à nous maintenir dans un bon état d'équilibre émotionnel et de bien être (deux choses très liées). Elle nous aide donc à lutter contre toute forme de dépression.
Il y a plusieurs façons de ne pas être déprimé : on peut ne pas être déprimé sans être en très grande forme psychique, sans avoir un niveau de bien-être très élevé et on peut ne pas être déprimé et avoir un niveau satisfaisant de bien-être qui est en fait une protection efficace. L'absence de bien-être psychologique est un facteur de risque pour les épisodes dépressifs. Des études sur 10 ans montrent que les sujets à faible bien-être psychologique ont globalement 2 à 3 fois plus de risques de présenter un épisode dépressif.
Les chercheurs et les psychiatres se sont aperçus que sur les populations de non-patients (qui ne souffrent pas de dépression) la pratique régulière de la pleine conscience était un outil qui améliorait ce que l'on peut appeler le bien-être subjectif. Elle rend plus autonome et plus capable de résister à l'anxiété (elle renforce les capacités psychologiques) mais elle fait aussi que les pratiquants deviennent plus capables de savourer les instants agréables qui leurs sont proposé au quotidien (ce qui est loin d'être donné à tout le monde).
La pratique de la pleine conscience ne nous rend pas complétement zen, indifférent et détaché devant les problèmes quotidiens mais elle nous rend plus autonome et capable de moins sombrer profondément dans des phases anxieuses et dépressives lorsque nous sommes confrontés à des expériences difficiles ; nous serons touché et perturbé comme tout un chacun mais la pratique de la pleine conscience atténue l'onde de choc de cette déstabilisation émotionnelle et la rend moins durable ce qui fait que nous récupérerons plus rapidement.
Les pratiquants de la MPC ressentent la douleur de la même façon que les autres mais ont un lien moindre avec les zones de rumination, d'émotions plus intellectuelles et un lien plus fort avec les zones associées avec les sensations corporelles (l 'insula notamment).
Devenir plus conscients de nos pensées, sentiments et sensations corporelles suscités par les événements nous donne la possibilité de nous libérer de nos réactions habituelles et automatiques, de manière à ce que nous puissions réagir en pleine conscience, de la façon la plus habile qui soit.
La manière la plus simple de se relaxer est avant tout d'arrêter d'essayer de rendre les choses différentes. Accepter ce que lon vit consiste simplement à autoriser ce qui se passe, quoique ce soit, plutôt que d'essayer de changer les choses et de créer un autre état. Par l'acceptation, nous nous réinstallons dans la conscience de ce qui est dans le présent. Nous "laissons être", en observant et remarquant simplement tout ce qui est actuellement présent. Cest une manière de répondre différemment aux expériences.
Enfin, la MPC augmente la bienveillance que l'on peut avoir pour les autres.
La MPC permet de réguler le thymostat (thermostat de l'humeur) de notre chaudière émotionnelle.
Elle permet aussi, pourrait-on dire, d'équilibrer les plateaux de notre balance hédoniste (euphorique/dysphorique).
On peut pratiquer la méditation en pleine conscience dans n'importe quel contexte mais pour être bien détendu il vaut mieux être dans un endroit un peu calme, un peu privilégié. Pratiquer c'est être simplement en rapport avec soi mais il faut un peu de pratique pour méditer dans le train ou ailleurs.
On n'est pas obligé d'être assis parterre, on peut également pratiquer assis sur une chaise ou complétement allongé. On peut également, selon son choix, garder les yeux ouverts ou les fermer.
Le mieux c'est de méditer toujours au même moment de la journée afin que cela devienne une habitude. L'idée de la pleine conscience c'est même de procéder plusieurs fois dans la journée à ce genre de petits instants qui nous recentrent pas seulement sur nous mais sur l'expérience qui est la notre à un instant présent. (voir aussi la pratique et PCS)
les difficultés psychologiques et comportementales naissent largement des tentatives que lon engage pour lutter contre sa souffrance intérieure. Menée de manière inflexible, cette lutte peut faire que lon se retrouve coincé dans un combat sans issue et une vie qui, peu à peu, se rétrécit et se vide de sens.
Il sensuit que le but de la MPC nest pas de supprimer la souffrance, mais dentrainer une manière différente et plus flexible dinteragir avec son expérience intérieure. La MPC vise à entrainer laccueil de ses ressentis et pensées inconfortables tels quils sont, afin de permettre à la personne dagir comme elle le voudrait dans ses différents contextes de sa vie. Cette habileté est dénommée la flexibilité psychologique.
La flexibilité psychologique, cest la capacité de pouvoir agir de manière souple pour avancer en direction de ce qui est important, même en présence dobstacles intérieurs et extérieurs.
La flexibilité psychologique est lhabileté qui permet au mieux de se connecter avec ce qui est important, dapprendre à lincarner, et daccueillir avec un certain recul la vulnérabilité qui nait de vivre ouvertement et consciemment ses valeurs les plus précieuses. Elle nous invite et nous entraine à approcher toutes les situations de la vie avec douceur et bienveillance, dans un esprit dévolution progressive et profonde.
Conseils pour les exercices sur le souffle :
1. Installez-vous dans une position assise confortable, soit sur une chaise à dos droit ou sur une surface molle sur le sol, vos fesses sur des coussins ou un tabouret bas. Si vous utilisez une chaise, il est préférable de sasseoir en avant du dos de la chaise, de telle sorte que votre colonne ne sy appuie pas. Si vous êtes assis sur le sol, il est profitable que vos genoux touchent vraiment le sol ; testez la hauteur des coussins ou de la chaise jusquà ce que vous vous sentiez confortablement et fermement soutenu.
2. Permettez à votre dos dadopter une posture droite, digne et confortable. Si vous êtes assis sur une chaise, placez vos pieds à plat sur le sol, et décroisez vos jambes. Fermez doucement les yeux et laissez vous guider ensuite par la voix de l'instructeur.
Il est important dadopter une posture droite et digne ; avec la tête, le cou, et le dos alignés verticalement. C'est le reflet physique des attitudes intérieures de confiance en soi, d'autoacceptation, de patience et d'attention alerte que nous cultivons.
Si vous choisissez de vous asseoir sur le sol, faites-le sur un coussin épais et ferme (ou un oreiller replié une ou deux fois), de sorte à surélever vos fesses de 5 à 10 centimètres au dessus du sol.
La respiration, cest la vie. Vous pouvez penser à la respiration comme un fil ou une chaîne qui lie et réunit tous les éléments de votre vie de la naissance, le début, à la mort, la fin. La respiration est toujours là, à tout moment, se mouvant delle-même comme une rivière.
Si vous remarquez que votre conscience s'éloigne sans cesse de votre respiration (ou d'un autre centre d'attention dans un autre exercice) pour s'orienter sur des sensations corporelles particulières associées à un inconfort physique, des émotions ou des sentiments, la première étape est de devenir pleinement conscient de ces sensations physiques, de déplacer délibérément le centre de votre attention vers la partie de votre corps où ces sensations sont les plus importantes. La respiration constitue un outil utile pour réaliser ceci. Vous pouvez porter une conscience bienveillante à cette partie du corps en respirant par elle à l'inspiration et en expirant par elle à l'expiration.
Une fois que votre attention s'est dirigée vers ces sensations corporelles et qu'elles ont été portées à la conscience, dites-vous : "Ca va. Quoi que ce soit, ça va. Ressentons-les." Restez alors avec la conscience de ces sensations physiques, de votre relation avec elles, en les acceptant, en acceptant qu'elles puissent exister. Il peut être utile de se répéter : "Ca va. Quoi que ce soit, ça va. Ressentons-les.", en utilisant chaque expiration pour atténuer ces sensations dont vous prenez conscience et vous ouvrir à elles.
L'acceptation n'est pas de la résignation : l'acceptation est un premier pas vital qui nous permet de devenir pleinement conscient des difficultés, et, le cas échéant, d'y répondre de manière habile plutôt que de réagir machinalement, en exécutant automatiquement nos vieilles (et souvent inefficaces) stratégies pour faire face aux difficultés.
Avez-vous déjà remarqué comment la respiration change avec notre humeur courte et faible quand nous sommes tendus ou en colère, plus rapide quand nous sommes énervés, lente et ample quand nous sommes heureux, et disparaissant presque quand nous avons peur ? Elle est là avec nous tout le temps. Elle peut être utilisée comme un outil, comme une ancre, pour amener de la stabilité dans le corps et lesprit quand nous choisissons délibérément den être conscients. Nous pouvons nous brancher à son écoute à tout moment de la vie quotidienne.
La plupart du temps, nous ne sommes pas en contact avec notre respiration elle est juste là, oubliée. Ainsi, une des premières choses à faire, lorsqu'on pratique la MPC, est de rentrer en contact avec elle.
Nous navons pas à contrôler la respiration. Juste la remarquer et apprendre à la connaître, comme une amie. Tout ce qui est nécessaire est dobserver, regarder, et sentir la respiration avec intérêt, de façon détendue.
Avec la pratique, nous devenons plus conscients de notre respiration. Nous pouvons lutiliser pour diriger notre conscience vers différents aspects de notre vie. Par exemple, pour relâcher des muscles tendus, ou se concentrer sur une situation qui demande de lattention. La respiration peut également être utilisée pour aider à gérer la douleur, la colère, les relations ou le stress de la vie quotidienne.
Lorsque vous êtes troublés par des pensées ou sensations :
A- Conscience :
* Observez dirigez votre centre d'attention vers votre expérience intérieure et observez ce qu'il se passe au niveau de vos pensées, sentiments et sensations corporelles.
* Décrivez, Reconnaissez, Identifiez exprimez vos expériences ; par exemple, dites-vous intérieurement "je sens de la colère grandir en moi" ou "les pensées autocritiques sont là".
B- Redirigez votre attention :
* Redirigez gentiment toute votre attention vers la respiration. Suivez la respiration pendant tout son trajet lors de l'inspiration et de l'expiration.
* Essayez de constater "à l'arrière-plan" de votre esprit : "inspiration
expiration
", ou de compter : "inspirez, 1
expirez,1 ; inspirez, 2
expirez, 2
" etc.
C- Déployez votre attention :
* Elargissez votre attention à l'ensemble de votre corps particulièrement aux sensations d'inconfort, de tension et de résistance. Si ces sensations sont présentes, alors portez-y votre attention en respirant en elles, à l'inspiration. Ensuite, expirez à partir de ces sensations, en les atténuant et en vous ouvrant à elles, à l'expiration. Lors de l'expiration, dites-vous : "Ca va. Quoi que ce soit, ça va. Ressentons-les."
* Prenez conscience de votre expression faciale et de votre attitude corporelle et ajustez-les.
* Portez cette conscience élargie, du mieux que vous le pouvez, à d'autres moments de votre journée.
Conseils pour le scan corporel :
Lexercice du scan corporel fournit une opportunité de sexercer à développer une attention intéressée et bienveillante aux choses telles quelles sont à chaque moment, sans rien faire pour les changer. Il ny a pas dautre but à atteindre que damener la conscience à se concentrer où les instructions le suggèrent plus précisément, atteindre un état particulier de relaxation nest pas un but de lexercice.
1. Sans se soucier de ce qui arrive (par ex., si vous vous endormez, vous perdez votre concentration, vous continuez à penser à dautres choses ou vous vous centrez sur une mauvaise partie du corps, ou vous ne sentez rien), faites-le, cest tout ! Ce sont vos expériences du moment, soyez simplement conscients de celles-ci.
2. Si votre esprit voyage beaucoup, remarquez seulement les pensées (comme des évènements éphémères) et ramenez alors doucement votre esprit vers lexamen du corps.
3. Laissez de côté les idées de « réussite », d « échec », de « le faire réellement bien » ou d « essayer de purifier le corps ». Ce nest pas une compétition. Ce nest pas une pratique pour laquelle vous avez besoin de lutter. La seule discipline est la pratique régulière et fréquente. Faites-le, cest tout, avec une attitude douverture et de curiosité.
4. Laissez toute attente à propos de ce que le scan corporel pourra vous apportez: imaginez-le comme une graine que vous avez plantée. Plus vous fouillez et vous intervenez, moins elle sera capable de se développer. Ainsi, avec lexamen du corps, donnez-lui seulement les conditions adéquates tranquillité et calme, pratique régulière et fréquente. Cest tout. Au plus vous essayez dinfluencer ce quil fera pour vous, au moins il fera.
5. Tentez daborder votre expérience de chaque moment avec lattitude : « OK, cest juste la façon dont les choses sont maintenant.» Si vous essayez de combattre les pensées déplaisantes, les émotions, ou les sensations corporelles, les émotions contrariantes vont seulement vous distraire de faire quelque chose dautre. Soyez conscients, soyez non combatifs, soyez dans linstant présent, acceptez les choses comme elles sont. Faites-le, cest tout.
Exercice du raisin sec :
Prenons le temps de le faire et de vivre le moment présent.
Ce que jaimerais que vous fassiez, cest de vous focaliser sur un raisin sec et dimaginer simplement que vous navez jamais rien vu de pareil auparavant.
Imaginez que vous descendez de Mars à linstant et que vous navez jamais rien vu de tel de toute votre vie.
Prenez le raisin sec et tenez-le dans la paume de la main ou entre lindex et le pouce. (Pause)
Prenez soin de le regarder. (Pause)
Regardez-le soigneusement, comme si vous naviez jamais rien vu de tel auparavant. (Pause)
Tournez-le entre les doigts. (Pause)
Explorez sa texture entre les doigts. (Pause)
Estimez son poids. (Pause)
Examinez les reliefs où la lumière brille les coins et les plis plus sombres. (Pause)
Laissez vos yeux explorer chacune de ses parties, comme si vous naviez jamais vu une telle chose auparavant. Et si, en faisant cela, des pensées vous viennent à lesprit, telles que « cest vraiment étrange ce que nous sommes en train de faire » ou « quel est le but de ceci » ou « je naime pas ces choses », alors, notez les simplement comme des pensées et ramenez votre conscience vers lobjet. (Pause)
Et maintenant, sentez lobjet, prenez-le et portez-le à votre nez, et à chaque inspiration, notez soigneusement son odeur. (Pause)
Regardez-le à nouveau. (Pause)
Et maintenant, amenez lentement lobjet à la bouche, en remarquant peut-être comment votre main et votre bras savent exactement où aller, en remarquant peut-être que votre bouche salive alors que lobjet sapproche. (Pause)
Et maintenant, mettez doucement lobjet dans la bouche, et remarquez de quelle manière il est « accueilli », sans le mordre, en explorant simplement les sensations de lavoir dans la bouche. (Pause)
Et lorsque vous serez prêts, mordez très consciemment dedans et notez le goût quil libère. (Pause)
Mâchez-le lentement, remarquez la salive dans la bouche, Le changement de consistance de lobjet. (Pause)
Ensuite, lorsque vous vous sentez prêt à avaler, regardez si vous pouvez dabord détecter lintention davaler au fur et à mesure quelle se forme, de telle sorte que vous expérimentiez ceci consciemment avant même de réellement avaler lobjet. (Pause)
Pour terminer, examinez si vous pouvez suivre les sensations quand lobjet est avalé et descend dans votre estomac, tout en réalisant également que votre estomac contient un raisin de plus. (Pause)
Le but de cet exercice c'est de montrer qu'un geste aussi banal que l'ingestion d'un grain de raisin peut prendre une densité et une richesse insoupçonnées, et que nos habitudes nous font passer à côté de cela.
Là où la routine nous fait jeter dans la bouche toute une poignée de grains de raisins sans réfléchir, la pleine conscience nous apprend qu'un seul d'entre eux renferme tout un cosmos d'expériences sensorielles, émotionnelles, intellectuelles... Cette session toute simple fait prendre conscience, de façon ludique, des moments où nous sommes en pilote automatique, et par différence, d'une activité réalisée en pleine conscience : le simple choix de porter toute son attention sur un acte aussi banal peut modifier radicalement le ressenti que nous en avons.
Les émotions primaires (peur, tristesse, colère, dégoût, joie) qui sont très anciennes et très sensibles nous permettent d'être en permanence en contact avec l'extérieur et nous préviennent très rapidement des dangers qui nous menacent ; elles sont très dépendantes du contexte. Avec elles on est un peu tenu par une ficelle ou un élastique à tout ce qui se passe autour de nous. C'est un avantage adaptatif mais c'est également désavantageux car on dépend toujours de ce qui se passe autour de nous.
En plus, en dehors d'un contexte extérieur je peux être amené à avoir, malgré ma conscience, des activations quasi automatiques de ces émotions si je suis pris dans cette espèce de rumination négative (peur ou inquiétude lors de la préparation d'un examen par exemple).
La MPC à pour but de permettre d'en prendre conscience et de mettre ainsi un peu de distance avec ces processus automatiques qui nous tiennent lié malgré nous. Elle nous permet d'être moins pris de manière automatique.
Augmentation de l'activation des ondes alpha (relaxation et diminution de processus cognitifs)
Augmentation de l'activation des ondes thêta (corrélées à une attention accrue aux événements internes et notamment sur le fait de pouvoir mieux porter son attention sur telle ou telle partie du corps comme les orteils par exemple).
Zones du cerveau qui sont impliquées dans l'équilibre émotionnel que chacun de nous voudrait atteindre un jour dans son existence :
Le système limbique est lié avec les émotions au sens large (l'amygdale notamment joue un rôle très important) alors que la partie avant du cerveau le cortex frontal (notamment le cortex pré-fontal) est lui lié avec la pensée, l'attention, les cognitions. Entre ces deux on trouve une sorte de système régulateur, un carrefour qui gère la circulation entre les 2 zones précédentes en essayant de contrôler, réguler le flux, mieux comprendre ce qui se produit au niveau des émotions et des humeurs (notamment l'insula et le cortex cingulaire antérieur).
Chez les pratiquants de la méditation on remarque une augmentation de l'épaisseur corticale (surface grise plus épaisse) dans l'insula (elle est concernée par la prise de conscience des sensations physiques internes : lorsqu'elle s'active on sent mieux ses orteils) et dans le cortex frontal médian et supérieur droit (donc ralentissement du vieillissement du cerveau). Ces résultats suggèrent que la méditation pourrait ralentir la diminution de l'épaisseur corticale des régions fronto-limbiques droites.
Même sur une courte durée on s'est aperçu que la méditation pouvait modifier le cerveau. Pour le stress la méditation intervient au niveau de l'amygdale (qui réagit généralement très fort face à des stimuli environnementaux stressants ou très activateurs). Déjà la méditation participe à la diminution subjective du stress et plus le stress diminue, plus la densité de la matière grise (concentration de neurones) diminue dans une partie de l'amygdale ; et cela, dès que l'on pratique un peu la MPC (deux mois environ).
La MPC provoque également une activation plus importante du cortex cingulaire (surtout la la région antérieure) et du cortex préfrontal médian (concrètement cela signifie une plus grande facilité à maintenir son attention concentré mais également élargie sur tel ou tel phénomène qui se passe autour de sa respiration ou d'une partie du corps.
Enfin, plus on pratique la MPC moins les régions cérébrales préposées aux fonctions cognitives sont activées pendant le repos et plus elles le sont chez les gens déprimés. Idem pour les deux amygdales, toujours pendant le repos alors que l'amygdale droite est activée chez les déprimés. Si les sujets regardent des images négatives : Même réaction de l'amygdale droite.
En 1995 au cours de travaux antérieurs sur le cerveau, Richard Davidson découvre que les zones situées dans lamygdale et le cortex préfrontal droit sont activées lorsque les personnes sont mises en situation de ressentir des émotions négatives (colère, peur, tristesse). En revanche, lorsque les émotions sont agréables (optimisme, enthousiasme, calme, bonne humeur), ces zones corticales droites sont silencieuses tandis que le cortex préfrontal gauche augmente son activité.
A partir de là, Davidson met en évidence le rapport dactivité gauche -droite dans les zones cérébrales étudiées, et tente de démontrer que ce rapport coïncide avec lhumeur des volontaires. Après avoir effectué des mesures sur des centaines dindividus, Davidson constate que cet indice permet de prédire lambiance émotionnelle des sujets.
Plus lactivité prédomine dans le cerveau droit, plus les personnes ont un répertoire émotionnel de base orienté vers la tristesse, la peur ou la colère. Au contraire, plus lindice montre une prédominance
dactivité gauche, plus les volontaires ont un répertoire émotionnel positif qui se manifeste par une prédisposition au calme, à lhumeur joyeuse. En parallèle, lindex dactivité cérébrale moyenne des méditants bouddhistes de longue date révèle une activité plus importante de la zone corticale gauche.
Il existe deux formes distinctes d'expérience de Soi (de sentir ce que l'on est soi-même) sont décrites depuis William James (1890). Ces deux formes sont reliées à des parties et des activations différentes du cortex cérébral.
Le soi EXPÉRIENTIEL : l'expérience immédiate de Soi dans le présent, celle qui prend forme moment après moment.
Le soi NARRATIF : l'expérience de continuité de Soi, de nous-mêmes, dans le temps et en une trame narrative (une mise en forme temporelle) des diverses expériences immédiates.
On a donc deux façon de se sentir : parfois moment après moment, et parfois de manière plus élargie dans la continuité du temps. Quand on rencontre quelqu'un, on se raconte (bien souvent un peu trop). C'est ce qui fait partie de notre manière d 'être dans le monde.
Si je prend l'habitude, en entraînant mon esprit, de me brancher plus souvent sur le Soi expérientiel je vais activer certaines zones plutôt que d'autres qui sont généralement en marche quand je fais référence à moi de manière plus narrative. Ici, il y a réduction de l'activité du cortex préfrontal médian (cette région serait plutôt la région cérébrale qui permet de relier les diverses expériences immédiates et ponctuelles à travers le temps : une base corticale du Soi narratif).
La réduction est d'autant plus importante que le sujet pratique la MPC.
De même lors de la tâche « focus expérientiel on remarque une activation des réseaux latéraux de l'hémisphère gauche (analyse plus intellectuelle que purement réceptive) chez les non-pratiquants de la MPC et la même zone mais à droite chez les pratiquants de la MPC signe d'une plus grande capacité d'être présent à Soi sans avoir besoin d'une base intellectualisée (sans avoir besoin de faire référence à des concepts) de la conscience de Soi-même.
Donc le fait de pratiquer la MPC permet d'apprendre à se désengager temporairement des ruminations (focus narratif) pour être dans un monde plus expérientiel.
De plus la MPC peut permettre de percevoir les émotions nociceptives comme des fluctuations des sensations corporelles plutôt que comme des états affectifs.
Exemple de la douleur pour comprendre le rôle de la MPC sur l'humeur négative : l'évaluation de la douleur dépend de systèmes neuronaux distincts : sensoriels et affectifs et c'est de cette dernière que la douleur peut prendre une plus ou moins grande place car elle peut être plus ou moins en relation avec les voies nociceptives, celles qui véhicule la douleur.
Face aux émotions négatives comme la tristesse, la MPC permet la restauration d'un meilleur équilibre entre les réseaux cognitifs et sensoriels et permet ainsi de réduire la réactivité cognitive qui constitue une vulnérabilité à la dépression ou la rechute dépressive.
La pratique régulière est très importante (il ne suffit pas de lire et d'étudier la méthode) car avec le temps elle modifie le câblage neurologique en matière de réactivité au stress et aux diverses émotions perturbatrices.
La pratique passe donc par un apprentissage régulier (entraînement de l'esprit) ; nécessité d'exercices de méditation réguliers (quotidiens) ; de préférence le matin.
Il faut inviter la pleine conscience dans son quotidien (marcher, manger, attendre à un guichet, à la caisse du supermarché, dans une salle d'attente, mais aussi boire un verre d'eau, manger une pomme en pleine conscience, sans parler à quelqu'un d'autre ou sans écouter la radio.) (voir plus bas les nombreux exercices possibles à effectuer dans une journée.)
Peu à peu se met en place un nouveau rapport au monde.
Objectif : passer de l'outil de régulation émotionnelle à une véritable attitude existentielle.
Lorsqu'on pratique la pleine conscience, on part dans tous les sens ; on ferme les yeux mais on n'arrête pas le vagabondage de l'esprit aussi facilement. Ce n'est pas un problème car le fait de s'en apercevoir et de pouvoir le ramener n'est pas un obstacle à la pratique : c'est exactement la pratique ; c'est exactement ce que nous visons , c'est le but, c'est le coeur de la pleine conscience de s'apercevoir que ce n'est pas facile et il faut continuer à travailler sans se décourager et sans s'énerver ; le but est de revenir sans cesse à la pleine conscience du moment présent. Notre esprit est conçu pour vagabonder et il faut donc l'éduquer, le dompter.
La pratique quotidienne nous fait prendre conscience que nous sommes des esclaves de notre mental ; il faut apprendre à désobéir au mental qui ordonne ; il faut se désintoxiquer de la dépendance à l'action.
Dès que l'on s'assoie et que l'on ferme les yeux débute le conflit de l'urgent et de l'important.
Il faut aussi lutter au début contre les petites douleurs et les crampes qui doivent, comme les douleurs psychiques finir par se dissoudre.
Bien évidemment il est plus facile de pratiquer avec un groupe !
La bonne séance c'est celle qu'on a faite (même chaotique) ; la mauvaise séance, c'est celle que l'on n'a pas faite !
Combien de temps méditer ?
On ne peut pas définir un temps précis car chacun doit trouver son propre rythme. Pratiquer déjà un quart d'heure par jour peut changer complétement le rythme de sa journée. Une demi-heure par jour est déjà une situation plus solide. L'habillement n'a pas d'importance mais il ne faut pas porter des habits trop serrés. Pour s'aider certains peuvent trouver utile d'allumer une bougie ou un bâton d'encens pour se donner un petit cadre.
La pleine conscience est un moyen pour "déplier" sa vie. (???)
Il n'est jamais urgent de méditer, mais il est important de prendre le temps de le faire régulièrement.
- La méditation en pleine conscience est, me semble t-il, la plus intéressante des méthodes de méditation ; de plus, elle est étudiée et validée par la recherche scientifique. Méditer avec cette technique , ce n'est pas se couper du monde, mais au contraire se rapprocher de lui pour le comprendre, l'aimer et le changer. C'est aussi un moyen, accessible à tous, de cultiver la sérénité et le goût du bonheur". (André Christophe)
Il ny a aucun intérêt à connaître lavenir. Cest en effet une misère de se tourmenter sans profit. (Cicéron)
Présents, ils sont absents. ou encore : Eveillés, ils dorment (Héraclite)
L'esprit, satisfait du présent, - Ne craint pas l'avenir.
- Il est maître de lui celui - Qui dit du jour : « Je lai vécu ! » - Quimporte que demain le Père - Emplisse le ciel dun orage - Ou nous offre un pur soleil. (Horace)
La méditation est une façon d'être, non une technique. Le but de la méditation n'est pas de tenter d'accéder à un ailleurs, mais de permettre d'être exactement là ou l'on est, tel que l'on est, et de permettre au monde d'être exactement tel qu'il est à cet instant même.
Chaque moment manqué est un moment non vécu. Chaque moment manqué augmente la probabilité de manquer le suivant et de le vivre confiné dans des habitudes de pensées machinales, de sentiments et de gestes automatiques, plutôt que dans, par et à travers la conscience. (Kabat-Zinn Jon)
Ce n'est jamais que du présent qu'on peut être dépouillé, puisqu'il n'y a que le présent seul qu'on possède, et qu'on ne peut pas perdre ce qu'on n'a point. (Marc Aurèle)
Ceux qui blâment les hommes de toujours courir après le futur nous apprennent à profiter du présent et à nous y tenir, puisque nous n'avons aucune influence sur ce qui adviendra, moins encore que sur le passé, - ceux-là montrent du doigt la plus commune des erreurs humaines.
- Nous sommes de grands fous. Nous disons : « Il a passé sa vie dans loisiveté. » « Je nai rien fait aujourdhui. » Comment ? Navez-vous donc pas vécu? Cest non seulement la plus fondamentale de vos occupations, mais encore la plus illustre. « Si on mavait mis en mains de grandes affaires, jaurais montré ce que je pouvais faire. » Mais avez-vous su, au moins, méditer sur votre vie et la prendre en mains, elle ? Vous auriez fait en cela la plus grande des oeuvres ! (Montaigne)
Celui qui ne sait pas se reposer sur le seuil du moment pour oublier tout le passé [...] ne saura jamais ce que c'est que le bonheur, et, ce qui est pire encore, il ne fera jamais rien qui puisse rendre heureux les autres. [...] Il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir.
- La vie a besoin dillusions, cest-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités.
- Je suis tout entier corps, et rien d'autre ; l'âme est un mot qui désigne une partie du corps. (Nietzsche F)
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l'avenir (Pascal)
Nous dormons la vie, éternels enfants du Destin. C'est pourquoi je ressens, si je pense conjointement à cette situation, une tendresse immense et informe pour cette humanité infantile, pour cette vie sociale endormie, pour nous tous, et pour tout. (Pessoa Fernando)
L'homme qui met chaque moment à profit, qui règle chaque journée comme si elle était toute sa vie, celui-là ne souhaite ni n'appréhende le lendemain.
- Le présent est bien court, si court même qu'il semble à plusieurs qu'il n'est point.
- La vie du sot est sans joie, agitée, et tournée toute entière vers lavenir. (Sénèque)
C'est une erreur de la méchanceté humaine de louer toujours le passé et de dédaigner le présent. (Tacite)
Le présent est petit, mais qu'il a de prix ! (Théocrite)
Croyez-moi, une séance de méditation ressemble beaucoup à une expérience de neurosciences cognitives. Le participant est placé dans un endroit calme et reçoit une consigne simple, qui définit l'exercice à réaliser pendant la durée de l'expérience. Dans les premiers temps, cette consigne consiste généralement à porter une attention légère, mais soutenue à sa respiration. L'analogie avec une tâche comme celle de Posner, demandant au sujet de porter une attention soutenue vers le côté gauche de l'écran d'ordinateur, est évidente. Sur le plan du protocole expérimental, la seule différence vient de la modalité sensorielle à laquelle il faut faire attention : somatosensorielle dans un cas, visuelle dans l'autre. La différence entre une séance de méditation et une expérience de neurosciences cognitives ne réside donc pas dans la tâche elle-même, mais dans le mode d'observation de l'activité cérébrale"... L'expérience s'appuie donc sur un principe selon lequel la perception que nous avons à chaque instant du monde et de nous-même est pour une large part la trace consciente de notre activité cérébrale. Si vous acceptez ce principe, la période de méditation n'est alors rien d'autre qu'un temps privilégié pour observer son cerveau en action, ou plus exactement, ce que cela fait d'avoir un cerveau en action.
Si le cerveau était un système inerte, l'expérience n'aurait aucun intérêt. Soumis à des stimulations sensorielles constantes, l'activité cérébrale convergerait rapidement vers un mode stable et stationnaire. Il ne se passerait rien, et le maintien de l'attention sur la respiration ne présenterait aucune difficulté. Cela ne ferait rien de faire du zen. Mais le cerveau ne se contente pas de réagir au monde extérieur comme un piano sous les doigts du pianiste. Quand le monde laisse ses doigts sur les touches sans les relever, le cerveau continue à jouer tout seul, en improvisant, et cette petite musique vient sans cesse capturer l'attention : il est extrêmement difficile, même dans un lieu calme, de rester concentré sur sa respiration. C'est le premier enseignement de cette expérience.
On aurait pu s'en douter, car le mouvement régulier et léger de la respiration n'a aucune des caractéristiques qui attirent habituellement l'attention, pour la capturer et la captiver. La respiration est une sensation ténue, répétée et dénuée de toute valeur émotionnelle. Mais cet argument ne peut pas expliquer à lui seul la difficulté de l'exercice, car la respiration n'est en compétition avec aucun stimulus du monde extérieur ; et, sur le plan intérieur, seules quelques sensations corporelles, musculaires notamment, pourraient distraire l'attention, mais elles ne sont guère plus palpitantes.
Et pourtant, l'attention s'éloigne sans cesse de sa cible. Essayez de maintenir votre attention sur votre respiration pendant quelques minutes et vous verrez par vous-même : l'expérience révèle l'existence de mouvements naturels de l'attention, qui n'ont pas d'autre cause que la dynamique spontanée et autoentraînée de l'activité cérébrale. C'est le deuxième enseignement de cette expérience. Un enseignement déconcertant, voire fascinant, au point que certaines personnes décident de répéter l'expérience encore et encore, en passant de longues heures en silence face à leur mur à user des coussins, jusqu'à développer une connaissance intuitive et directe de cette dynamique et des lois qui la gouvernent, comme un marin apprend à connaître les vents qui gonflent ses voiles. Pourquoi cet acharnement ? Peut-être parce que ce savoir-faire peut se révéler utile une fois l'expérience terminée, lorsqu'il est temps de se lever et de retourner dans le chaos du monde, non pas pour arrêter le souffle du vent, mais pour comprendre ses caprices et savoir y faire face. (Jean-Philippe Lachaux)
- Au moment du réveil le matin, avant de sortir de son lit, porter quelques instants son attention sur sa respiration : effectuer une dizaine de respirations avec pleine conscience. Refaire cet exercice, si c'est possible, quelques fois dans la journée. Refaire le même exercice le soir lorsqu'on vient de se coucher.
- Dans la journée : Prêtez attention aux changements dans sa posture en prenant conscience de la manière dont notre corps et notre esprit se sentent quand nous nous asseyons, quand nous nous levons, et quand nous marchons. Prêter attention à chaque moment où l'on passe d'une posture à l'autre.
- Utiliser certains sons comme la cloche de la pleine conscience : lorsque l'on entend le téléphone sonner, un oiseau chanter, un train passer, un rire, une voiture klaxonner, le vent... Il faut se laisser pénétrer par le son qu'on écoute. Il faut apprendre à ouvrir ses oreilles sans attention forcée.
- Pendant les repas : prendre conscience en consommant la nourriture de son odeur, son goût. Bref manger en appréciant consciemment ce que l'on mange et non en pensant à autre chose.
- Contrôler sa vue : la vue devient consciente si on laisse simplement pénétrer dans l'oeil les vibrations de l'objet que l'on regarde. Il faut avoir l'impression que l'on absorbe l'objet sans effort, sans fixation intempestive. Ce n'est pas une recherche de détails, la conscience doit donner un effet d'ensemble qui devient très net avec un peu d'habitude.
- Contrôler le toucher : la première sensation perçue sera la plus consciente que ce soit le froid ou le chaud, le dur ou le mou, le doux ou le rugueux. L'objet ne doit pas être analysé ; il ne faut que percevoir ce qui frappe au début du contact.
- En marchant : prêter attention au contact avec le sol sous ses pieds. Sentir l'air sur son visage, ses bras, et ses jambes. Prêter attention à son allure (lente ou rapide).
- Lors des activités quotidiennes : porter son attention sur le rasage, le brossage des dents, la manière de s'habiller ou d'enfiler ses chaussures...
PETITS EXERCICES PRATIQUES DE RESPIRATION
Dans la journée vous pouvez également pratiquer quelques exercices de méditation en pleine conscience en essayant de vous concentrer, par exemple, sur votre souffle et sur la sensation physique qui laccompagne : lair dans vos narines, votre poitrine qui se gonfle puis se dégonfle, votre ventre qui suit le mouvement. Relâchez vos muscles sans vous avachir ! Relâchez aussi votre esprit.
- Dans le métro, le bus, le train, avec du bruit tout autour, si vous parvenez à vous concentrer sur votre respiration, vous allez engendrer du calme dans votre esprit. Comment ? Par effet de compétition : plus vous vous concentrez sur votre respiration, moins votre esprit est attiré par autre chose, mieux vous pouvez vous concentrer et le calme sensuit.
- Dans votre voiture, même si votre cerveau veille à la conduite, vos sensations et vos perceptions sont complètement émoussées. La méditation va vous inciter à prendre conscience des vibrations du moteur à travers le volant, de votre respiration, de lair qui caresse votre visage si la fenêtre est ouverte, du champ visuel qui défile à côté de vous.
- Au bureau, vous pouvez vous relaxer un instant puis prendre conscience de la lumière, de la couleur des murs, de la fraîcheur de lair, du dossier du fauteuil appuyant entre telle et telle vertèbre Vous intégrez, par vos sens et votre pensée, le moment présent, avec ce quil a de simple et de riche, et à côté duquel vous avez tendance à passer dans votre vie de tous les jours...
- Dans tous ces exercices il s'agit de prendre pleinement conscience de la plénitude des sensations issues du corps. En rendant au corps sa place, en s'ancrant dans sa réalité corporelle, on restaure l'équilibre réceptivité-émissivité et l'on permet à son être de s'affirmer. Ces exercices ont en fait pour but d'apprendre à recevoir, en pleine conscience, toutes les perceptions issues de nos organes sensoriels.
Attention : il n'est absolument pas question dans les exercices à affectuer de contrôler tous les actes que l'on accomplit dans la journée ! (c'est mission impossible et le meilleur moyen pour se décourager) mais, suivant le moment, d'en effectuer quelques-uns de temps en temps et dans un temps relativement court. Cette pratique quotidienne d'actes contrôlés détermine une certaine habitude cérébrale qui finit doucement par renforcer certains circuits neuronaux.