D'où vinrent les vampires?:
Pour ceux bien renseignés sur le mythe vampirique, il ne commence ni ne finit avec Bram Stoker. Il gît dans notre passé, dans le subconscient collectif. La peur d'une créature qui pourrait prendre l'énergie vitale et ainsi menacer l'immortalité de l'âme a fait, pendant des milliers d'années, partie de nos pensées. Cette peur du vampire fut bien établie en Europe du douzième au dix-huitième siècle, atteignant son paroxysme vers 1600. Durant presque un millénaire, la peur de Satan et de ses sbires conduisait les moins courageux à rester cloîtrés chez eux durant les nuits d'hiver, recroquevillés devant l'âtre.

La plus grande part de cette période fut dominée par une hiérarchie féodale au sein de laquelle rois et nobles dirigeaient la vie de millions de paysans et d'artisans. Ce fut seulement vers la fin du dix-huitième siècle que la hiérarchie établie par l'Eglise et la monarchie commença à s'écrouler. Alors que le système féodal s'effondrait, il en fut de même pour les croyances dans les non morts.

Plusieurs facteurs conduisirent à l'hystérie entourant le vampirisme. Le folklore mis à part, on peut citer les exemples suivants :


La Peste
Du quatorzième au dix-septième siècle, la Peste ravagea la quasi-totalité de l'Europe. Bien que la maladie soit rare aujourd'hui, il n'est pas difficile de s'imaginer la terreur qui a dû s'étendre à travers le pays lorsque la maladie apparaissait. Les cloches sonnaient et les moines se flagellaient afin de tenter de repousser le mal. La mort était crainte derrière chaque porte.

Les sens ont dû être écrasés par la présence de la mort. Pas un jour ne passait sans voir de nouvelles croix peintes sur les portes des maisons touchées par l'infection. Les râles constants des mourants, le roulement des charrette de cadavres et l'odeur de la maladie et de la pourriture faisaient partie de la vie ravagée par la peste.

Il n'est donc pas surprenant que le mythe du vampire fleurisse dans un tel environnement. Dans les histoires qui se répandaient de village en village, des cadavres (victimes de la peste) marchaient dans les rues et les morts pouvaient être vus s'extirpant des fosses communes pour se nourrir des vivants. En d'autres mots, on croyait que le vampire était le porteur de la maladie. Alors que la peste se répandait, il en était de même pour la peur du vampire.




Catalepsie et enterrement prématuré
La catalepsie est un état d'animation suspendue, un peu comme un coma à l'exception de l'absence de signes vitaux. Le corps prend une couleur cireuse et devient rigide, paralysé dans la position dans laquelle il était. La respiration ralenti au point d'être inaudible et la chair est froide au toucher.

Avant l'invention de l'électrocardiogramme, il était presque impossible pour un chirurgien de trouver le pouls très faible du patient sous l'effet de la catalepsie. En conséquence, plusieurs patients furent enterrés vivants, pour se réveiller dans leur tombe scellées ou six pieds sous terre. Leurs cris auraient pu être entendus par les fossoyeurs ou les familles assistants à la mise en terre. Dans d'autres situations, des dissections ou funérailles auraient pu être interrompues par le " mort " se réveillant. Il y a des cas aussi récents qu'en 1970, au cours desquels des docteurs prirent le cataleptique pour un cadavre. Dans une société qui ne possède aucune explication rationnelle pour un tel phénomène, où la première forme de communication était le bouche à oreille, les histoires de morts-vivants abondent.

La catalepsie mise à part, les moyens d'identifier les gens comme morts étaient très rudimentaires avant l'avènement des sciences médicales modernes. Des milliers de personnes furent mal diagnostiquées chaque année. Matière à alimenter le mythe vampirique : une victime enterrée vivante, rendue folle et réussissant à briser son cercueil et ramper jusqu'à la surface à travers les ténèbres. Pire encore, si la pauvre victime ne parvenait pas à échapper à sa tombe, que se passait-il alors ? Si on l'ouvrait, une vision d'horreur se présentait alors : un corps, son linceul déchiré, ses mains ensanglantées et son visage déformé par l'agonie qui auraient été autant de preuves venant supporter le mythe du vampire.



Les voleurs de corps
Etant donné les tabous médicaux sur la dissection du corps humain, il n'était pas rare pour les morts de quitter leur tombe au gré de circonstances indépendantes de leur volonté. Les Hommes de la Résurrection (voleurs de corps professionnels) vendaient les corps aux docteurs et étudiants en médecine pour leurs recherches anatomiques. La disparition inexplicable des corps fut souvent liée au vampirisme et des recherches plus poussées étaient entreprises dans le cimetière local afin de trouver d'autres signes de présence mort-vivante.



L'Eglise et le Malleus Maleficarum
Peut-être que l'élément le plus influent dans la perpétuation du mythe vampirique fut, ironiquement, la religion. L'endoctrination de l'Eglise était aussi forte que le système féodal qu'elle venait compléter. L'Eglise Catholique prêchait les feux de l'enfer et le soufre chaque dimanche matin aux masses assemblées. "Le Mal marche sur la terre". Pour les fervents c'était suffisant pour attester l'existence des vampires. A ceci s'ajouta l'influence de l'Inquisition espagnole (1487). Ses répercutions furent immenses. La peur du Mal devint réelle et légitime.

De telles croyances furent renforcées par le Malleus Maleficarum, le " Marteau des Sorcières ". Ecrit en 1489, le Malleus Maleficarum était utilisé comme une autorité en tout ce qui touchait aux démons, sorcières et satanisme. Ce fut le livre de chevet de l'Inquisition et il fut responsable de milliers de morts. Le texte ne fut jamais mis à jour et était encore utilisé au dix-neuvième siècle aussi bien par les protestants que par les catholiques. Certains croient que plusieurs exemplaires firent leur chemin jusqu'en Amérique dans les mains de pèlerins et qu'une copie du texte apparut durant les procès pour sorcellerie à Salem.

Un tel texte suffit à expliquer comment les superstitions continuèrent à exister jusqu'au cœur du dix-neuvième siècle - au moins jusqu'à la dissolution de l'Inquisition en 1834.



Quelques autres facteurs
Pas aussi significatifs, mais tout de même importants, sont les éléments suivants, qui ont perpétué le mythe vampirique :

Accusation
Afin de calmer des villageois en colère ou d'expliquer des morts mystérieuses, les pauvres étaient souvent utilisés comme bouc émissaires. Une fois que le mythe vampirique fut pleinement établi, il ne fut pas rare de voir des indigents traînés devant un tribunal afin d'avouer leurs pratiques vampiriques.

Pauvreté
En temps de misère, les pauvres vivaient souvent dans des tombes vides (et parfois occupées) ainsi que dans des mausolées. Ils les quittaient à la faveur de la nuit afin d'éviter les persécutions lorsqu'ils se mettaient à la recherche de nourriture. Ils furent souvent confondus avec des morts-vivants.

Sol Volcanique
Ce sol préserve remarquablement bien les corps. Ainsi, un corps exhumé pour être examiné afin de déterminer une quelconque trace de vampirisme, présentait peu de signes de décomposition.





Vampirisme : Pratiques et Croyances

Comme mentionné précédemment, la religion fut responsable de la persévérance du mythe vampirique. En même temps, elle fut responsable de la création de ses propres coutumes et croyances uniques. Des éléments païens devinrent chrétiens.


Croyances chrétiennes dans le mythe vampirique

Le Malleus Maleficarum a déjà été traité, mais les autres institutions catholiques donnèrent également du poids au mythe. Saint Thomas d'Aquin, un biologiste et théologien, clamait que le Diable pouvait créer un corps à partir de rien et lui donner toute forme.

Les notions chrétiennes de péché et de sanctification de la mort furent usitées afin de décider si un défunt récent devenait un vampire. Ceux qui commettaient un suicide ou étaient excommuniés, enterrés sans le rituel adéquat ou sans être baptisés, étaient tous candidats au vampirisme. Ces croyances, purement religieuses dans leurs origines, furent liées au mythe vampirique.

Plus intéressantes sont les légendes chrétiennes dérivées des traditions païennes vampiriques.

La veille de Noël
En Prusse, les fenêtres restaient ouvertes durant la veille de Noël. Puisque les pouvoirs des ténèbres étaient silencieux cette nuit là, les morts étaient considérés comme amicaux. Ils étaient invités à s'asseoir près de l'âtre avec le reste de la famille. On espérait qu'en recevant une telle hospitalité, le défunt rendrait la pareille plus tard dans l'année lorsqu'ils tendraient à être de nature vengeresse.

Aubépine et tremble
Les pieux faits de bois de tremble étaient considérés comme mortels pour les vampires. Cette essence était considérée comme ayant servi à créer la croix du Christ. Quant à l'aubépine, elle aurait servi à composer la couronne d'épines du Christ Les Enfants de Judas

Judas Iscariote aurait été roux. En Bulgarie, Roumanie et Serbie, certains vampires sont appelés Enfant de Judas. Ils tuaient leurs victimes en les vidant de leur sang d'une seule morsure et se distinguaient par leur chevelure rousse. Ils portaient également la marque du Diable, XXX, qui représentait les trente deniers payés à Judas pour le sang du Christ. La nuit de Walpurgis (Halloween, Samhain)

Saint Georges n'était pas seulement le Saint Patron de l'Angleterre, il était également le protecteur des paysans à travers l'Europe. En tant que tel, Saint Georges était l'ennemi juré des hordes de vampires qui, croyait-on, se déplaçaient en Europe de l'est. La nuit de Walpurgis était connue comme étant la nuit la plus active pour les morts-vivants, lorsque le pouvoir des ténèbres augmentait et qu'il rugissait devant la porte des innocents. Tous les éléments permettant de lutter contre les vampires étaient sortis cette nuit là.





Croyances vampiriques nationales

La méthode universelle pour identifier un vampire était de creuser la tombe de la personne suspectée et d'examiner le corps pour y déceler plusieurs signes : des yeux grands ouverts, pas de signe de décomposition, deux petites marques sur le cou, un linceul partiellement dévoré, du sang dans les veines, un cercueil plein de sang, un corps ayant l'apparence de quelqu'un de bien nourri, des membres flexibles et des cheveux et ongles ayant poussé (ces deux derniers signes étant courants sur tous les cadavres). Ces mécanismes généraux d'identification mis à part, il y eut des croyances plus variées à travers l'Europe, notamment en Europe de l'est.

Autriche:
Croyance : le vampire autrichien correspond bien à l'archétype classique. Il quitte sa tombe à minuit, se nourrit sur des victimes endormies et peut être identifié par son apparence dans la mort.

Pratiques : un pieu dans le cœur, suivit d'une immolation par le feu, était la méthode la plus couramment usitée pour détruire ces vampires.

Hongrie:
Croyance : Le Pamgri ou Oupire (vampire hongrois) est le plus documenté de tous les morts-vivants. Il semble que le Pamgri était plus entreprenant que ses homologues traditionnels.
Il entretenait des contacts avec ses proches, se nourrissait de victimes endormies ou conscientes, tambourinait aux portes et craignait peu les attaques.

Pratiques : afin de se débarrasser du Pamgri il faut lui enfoncer un pieu dans le corps, arracher le cœur, couper la tête et brûler le corps jusqu'à ce qu'il ne soit plus que cendres.

Pologne:
Croyance : des descriptions détaillées de vampire polonais par des témoins visuels furent relatées dans des archives publiques de 1693 et 1694. La grande différence entre les vampires de Pologne et les autres est que ces derniers n'émergent qu'entre midi et minuit. Ils ont l'apparence qu'ils avaient de leur vivant mais leur soif inextinguible était telle que du sang coulait continuellement de leur bouche et que leur cercueil en était plein.

Pratiques : la seule manière efficace de détruire un vampire Polonais est de lui couper la tête ou de lui transpercer le cœur. Le sang d'un tel vampire peut être mélangé avec de la farine afin d'en faire un pain qui, lorsqu'il est consommé, libère celui qui l'a mangé d'une persécution vampirique.

Roumanie:
Croyance : c'est peut-être en Roumanie que la tradition du vampire fut la plus forte. Le paysan roumain pensait que de nombreuses personnes pouvaient devenir vampire : victimes de suicides, sorcières, enfants non baptisés, parjures, septième fils, enfants de femmes enceintes qui auraient été regardées par un vampire et, peut être le plus terrifiant, les cadavres enjambés par des chats, des nonnes ou l'ombre d'un homme vivant. Il en était de même pour les enfants nés " coiffés ", c'est à dire dont le crâne était recouvert partiellement par la membrane placentaire.

Les trois types primaires de vampires roumains sont les Strigoi (un cadavre réanimé), les Moroii (une personne vivante destinée à devenir un vampire dans la mort) et le Varcolaci (un vampire mythique qui dévora le soleil afin de créer une éclipse). La sorcellerie était une part intégrale des activités des Strigoi et des Moroii.
Les Moroii en devenir doivent rencontrer des Strigoi afin de pratiquer la magie noire et fonder des groupes. Le Varcolaci était plus " cosmiques " dans ses activités. On pensait que lorsque la lune devenait rouge, elle répandait son sang qui était bu par le Varcolaci. On pensait également que Dieu avait envoyé la créature sur la lune afin de donner un moyen visuel à l'humanité de se souvenir et de prendre garde à ses péchés.

Pratiques : les méthodes de protection incluaient : enfoncer un pieu dans le cœur du vampire, mettre de la nourriture dans son cercueil afin de le distraire de ses victimes humaines, mettre de l'ail dans sa bouche, répandre du grain dans son cercueil de sorte que chaque nuit il doivent les compter un par un avant de pouvoir le quitter, brûler le corps face contre terre et faire pousser des rosiers autour de la tombe pour empêcher le vampire d'avancer.

Des mesures de prévention extrême incluaient : des fourchettes de fer enfoncées dans le cœur, les yeux et la poitrine du vampire ou le porter en dehors du village et le découper en morceaux afin de brûler chaque parcelle de son corps séparément, le tout en versant de l'eau bénite sur ses vêtements et son cercueil.

Afin de détecter un vampire enterré, un étalon blanc monté par une vierge était mené au-dessus des tombes des défunts, car on croyait que l'animal refuserait de passer sur la sépulture d'un vampire.

Russie:
Croyance : le vampire russe (Upir ou Upierczi) était le plus violent de tous. Il quitte sa tombe pour massacrer les vivants. Ils exécute toutes les tâches avec ses dents car ses mains sont liées sur sa poitrine dans la tombe et il ne peut les bouger. Le Viezcy, une autre forme de vampire russe, rongeait ses doigts et ses pieds durant son sommeil afin de se nourrir. Comme le vampire polonais, le vampire russe ne se déplace qu'entre midi et minuit. La magie vampirique leur permet, avec une baguette de tremble, de transformer le cœur des gens en ceux d'animaux pour les rendre timides (cœur de lièvre) ou peureux (cœur de poule).

Pratiques : détruire le vampire devient possible en enfonçant un pieu dans son cœur à l'aide d'un maillet en un seul coup. Plus de coups pourraient le ranimer. Le feu et la décapitation avec une pelle de fossoyeur étaient aussi des méthodes communes.

Yougoslavie:
C'est de Yougoslavie que le mot vampyre tient son origine. Cependant , le vampire serbe était bien différent des autres. Il était invisible aux yeux des mortels et seul un dhampir, le fils d'un vampire, pouvait le détruire.
Cette destruction prenait place au cours d'une sorte d'exorcisme qui résultait d'une confrontation physique entre le vampire et le dhampir. Inutile de dire que le dhampir perdait rarement.


Traditions vampirique gitanes
Croyance : culminant au-dessus des croyances d'Europe de l'est, le vampire gitan était le plus civilisé de tous les non morts, revenant de l'autre monde mais ne buvant jamais de sang humain. Le Mulo faisait souvent l'amour à sa précédente amante ou, s'il n'en avait pas, recherchait une jeune paysanne attirante dans cette optique.
Si une femme avait un enfant après avoir fait l'amour avec le vampire, l'enfant possédait alors les même pouvoirs qu'un dhampir yougoslave. En fait, la plupart des gitans croyaient que l'enfant avait de grands pouvoirs sur les vampires et que c'était pour cette raison qu'ils étaient souvent assassinés par les Mulo.

Pratiques : les mesures protectrices inclues : laisser un œuf de poule dans le cercueil pour que le vampire s'en nourrisse et soit retardé, garder un morceau de genièvre dans sa chambre ou placer des ronces ou de l'aubépine autour de la tombe du vampire (l'aubépine est considérée comme un poison mortel pour les vampires).