Témoignage de Mme POLONI Bruno ( ex Mlle LASJUNIES Jeanine ) à CASTELCULIER le 8 Novembre 2004
Nous étions encore à table ce 7 juin 1944 avec Mme CARRITA et sa fille, qui était venue nous aider à épamprer la vigne, quand vers 14H-15H est arrivé Louis MONIÉ. Il venait nous informer de l’investissement du village par les allemands. Aussitôt mon père a décidé de partir travailler avec sa paire de vaches à la vigne hors de vision de la ferme. Il doit ainsi sûrement à Louis MONIÉ d’avoir échappé aux boches.
Un véhicule est arrivé peu de temps après à notre domicile, en sont descendus les allemands. Elle se souvient de l’extrême pâleur de DOUMIC dans la voiture.
Avec ma mère, alors enceinte de ma future sœur, madame CARRITA et sa fille, nous avons été sommées de dire où était le père terroriste possédant une arme. Nous ignorions qu’il possédait une arme et puisse appartenir à un groupe de résistants. J’affirmai que mon père n’avait pas d’arme et qu’il était parti travailler on ne savait où, un Waffen SS énervé me « colle » sous les yeux une page de cahier d’écolier, en prenant soin de ne laisser apparaître qu’une ligne – les autres restant cachées par ses mains - où est manuscrit en écriture attachée le nom « LASJUNIES » et en face « mitraillette ».
Pendant que terrorisées nous sommes gardées sous la menace d’une arme, ma mère est brutalement conduite à l’intérieur de la maison pour une fouille à la recherche de la mitraillette.
Je me rappelai alors, qu’en prévision d’une « battue au sanglier » mon père conservait dans sa chambre des cartouches dans une boîte en métal sur le dessus de l’armoire. Armoire très haute, sur le dessus de laquelle on ne pouvait accéder même avec une chaise et qui frôlait le plafond. Je garde en mémoire la peur de cette découverte, qui imaginai-je, aurait été catastrophique pour nous. Les allemands repartiront sans avoir rien trouvé. Aussitôt partis, je me suis précipitée dans la chambre, me suis constituée un échafaudage, ai récupèré les cartouches et le cœur battant ai été les jeter dans le puits en contrebas de la maison.
Pendant ce temps, madame CARRITA est partie à la vigne informer son père de la venue des boches chez nous, et a ramené les vaches.
Mon père n’est revenu à la maison, qu’après la libération d’AGEN, deux mois plus tard environ. Il était parti vers ST ROMAIN se réfugier auprès d’un oncle de MAINGUET, car telle devait être la consigne en cas de problème. Oncle, ami de notre famille, qui est revenu plusieurs fois à la maison chercher de la nourriture pour mon père.
Il doit être l’un des rares, sinon le seul, porté sur la liste que j’ai vue, à avoir échappé à l’exécution, grâce à Louis MONIÉ d’abord et Mme CARRITA ensuite. L’arme je n’ai jamais su où elle était.
Elle n’avait pas remarqué de venue chez elle particulière de la part de ceux qui ont été abattus ce 7 Juin, peut-être BALZAN autre agriculteur mais pas spécialement. De toute façon le père ne s’exprimait quasiment pas sur ces questions là, ni avant, ni après. Il descendait peut-être un peu plus au village à bicyclette indiquant qu’il avait besoin de voir le forgeron ou le menuisier dont il avait besoin des services, quoi de plus normal ?…