Le retable, le Christ et le clown

Zone de Texte: La Compagnie Octavio

LE RETABLE : Impressions

 

Il y a ce christ complètement agonisant, même pas agonisant, il est mort, on ne peut plus mort, on voit la mort qui c’est déjà attaqué à tout ce qu’il pouvait y avoir de vivant en lui, son corps vert, ses lèvres blanches, il est figé dans la posture de la souffrance , c’est une statue de la douleur, les mains crispées, tendues jusqu’à l’éclatement, pourquoi il a fallu toute cette souffrance, peut-on y voir autre chose que un reproche , un avertissement ?

 

Il est tellement vert qu’on croit presque sentir son odeur, son odeur qui sort du tableau, pour tout envahir, nous rappeler combien il a souffert pour nous, Jésus a une odeur, ça pue la mort, son odeur c’est imprégnée partout dans nos corps , nos cheveux , nos vêtements, l’image est tellement forte que finalement on ne retient que celle-là , un type qui souffre et meurt sur une croix, tout ça pour nous sauver, mais qu’est ce qu’on a bien pu faire de si terrible qu’il faille souffrir à ce point là pour nous sauver, mais qu’est ce qu’on a fait, à qui la faute…

… la souffrance comme purificateur ? quel est le sens de toute cette souffrance ?

IMAGES D’HORREUR ET NECESSITE DE LA REPRESENTATION

 

 

QU’EST CE QUI JUSTIFIE CETTE SOUFFRANCE ?

ET CE BESOIN DE LA REPRESENTER ?

 

Il doit bien y avoir un sens. Le spectacle est la recherche de ce sens (la religion doit bien être extraordinaire pour justifier ça).

La souffrance, il faut la représenter pour l’expulser, la conjurer, assouvir cette fascination. Fascination que l’on a de notre propre violence, de notre fin, notre mort (les bouchons sur les autoroutes : les accidents qui nous hypnotisent de l’autre côté de la route).

L’art n’est peut-être que ça, la tentative permanente de mettre notre condition devant nous, une tentative de la maîtriser (disons plutôt d’en être digne), on s’en moque, ou en pleure, c’est pareil. Le tragique et le comique sont intimement liés, ils ont la même fonction, il suffit d’un rien pour qu’Oedipe soit ridicule et monsieur Pipo tragique.

LE CLOWN/LE CHRIST : RAPPROCHEMENTS

 

Le clown, ange sans ailes, figure du christ, de Beckett à Mallarmé, de Henry Miller à Klee de nombreuses artistes ont dressé des passerelles entre le clown et le Christ.

La fonction du clown est sacrée. Elle consiste à mimer une dérision du sacré qui elle-même fait partie du sacré. Quand le sacré disparaît, la dérision perd son sens et le clown sombre dans l’absurdité.

Le clown est le bouc émissaire, la victime sacrificielle. C’est lui, toujours le même qui se prend les tartes à la crème, il est celui désigné pour que les spectateurs expulsent leur angoisse en riant. C’est le reflet de la condition humaine : il rêve qu’il est un ange, il court après la beauté, s’envole et se casse la gueule sur une peau de banane et plus il tombe fort, plus il a mal, plus on rit.

Il est dit que le bouc émissaire est désigné de manière arbitraire : il boite, il sent mauvais, il est gaucher, il est chauve, il a un signe pour le reconnaître. Le clown a un nez rouge.

Construction

 

Le spectacle est construit comme une mosaïque dont les morceaux s’éclairent et se répondent les uns les autres pour construire en définitive un sens.

Plusieurs types d’éléments dans cette mosaïque :

les références textuelles : ce sont des textes de la littérature dits par la figure du metteur en scène, ou par un comédien : un texte de Genet sur le saisissement, un texte de Kandinsky sur la couleur, une description du Retable par Huysmans, un texte de René Girard sur le bouc émissaire…

les scènes clownesques, elles sont au nombre de trois et explorent différentes facette du clown, et ses connections avec le sacré et la souffrance : le clown bouc-émissaire qui se fait arracher les dents par les deux autres, les tartes à la crème qui verront un clown se faire crucifier avec des tartes, et les clowns peintres qui, emportés par les pulsions de vie, finiront leur mission en partouze de couleurs.

- Les scènes de l’intime, ou chaque comédien vient livrer une part de lui.

 (il s’agit d’effacer régulièrement la distance entre le spectateur et l’acteur, ce qui se joue nous concerne directement et intimement, ce besoin de violence qui est dénoncé, c’est aussi le nôtre ) : Régine danse sur les monstres de la tentation de St Antoine (deuxième ouverture du retable ) , Catriona raconte un souvenir d’enfance : « j’aimais beaucoup mon petit frère, j’avais un grand crayon, je voulais savoir comment ça faisait mal si je lui enfonçais dans l’oreille… », et Patrice vient raconter la même blague 15 fois de suite, jusqu’à l’épuisement

Des fragments du Retable video projetés

les illustrations : la transe de danse jetant les acteurs physiquement épuisés au sol avant le texte expliquant que le crucifié meurt techniquement par asphyxie, le bain/baptême de Catriona après sa confession,...

 

Le retable, le Christ et le clown

 

Ecriture et mise en scène : Gilles Ostrowsky &

Jean-Matthieu Fourt

 

Avec :

Catriona Morrisson

Patrice Verdeil

Régine Westenhoeffer

Gilles Ostrowsky

 

Lumière :

Jean-Matthieu Fourt

 

Coproduction :

Atelier du Rhin / Cie Octavio

 

Durée : 1h 20

Spectacle créé au CDR la Manufacture / L’atelier du Rhin à Colmar