Les Bonnes de Jean Genet

Zone de Texte: La Compagnie Octavio

Les Bonnes de Jean Genet

 

Mise en scène :

Jean-Matthieu Fourt

 

Avec :    

Gilles Ostrowsky ( Solange )

Philippe Legal ( Claire)

Sylvie Philibert ( Madame )

 

Scénographie :

Jean-Matthieu Fourt & Cédric Simoneau

 

Costumes :

Valérie Simonneau

 

Lumières :

Sébastien Debant

 

Perruque :

Anne-Marie Maze

 

Note d’intention

 

Grâce à la liberté du jeu, à l'ivresse du jeu dans le jeu, au miroir déformant et finalement rassurant du théâtre, deux bonnes vont analyser les rapports d'asservissement     ( sociaux, religieux, sexuels, fraternels,...) qui les constituent, pour se sauver. Mais bientôt le simulacre ne suffira plus, et il faudra que l'une d'elles se dévoue à mettre sa vie en jeu.

 

Le jeu est au centre de nos préoccupations. En ce sens « Les Bonnes » parle du jeu, du non-jeu, des apparences, des miroirs, des prises de pouvoir, des conventions, de la transgression bref de tout ce qui constitue le théâtre. Mais avec l’humour de Genet – son ironie transcrite avec l’énergie propre au clown - et la précision incantatoire de son verbe, sa beauté.

 

La beauté, son maléfice, son injustice : par exemple, il faut traiter cette beauté des riches qui fait fantasmer les bonnes. De la même façon que leur langue est précisément sculptée dont  Genet dit en se défendant : les bonnes parlent comme cela, certains soirs. Madame est belle, la richesse est belle, le décor est beau, elles sont quand elles jouent belles,... La beauté est une arme à double tranchant, qui participe à leur étouffement et à leur libération.

 

L'étouffement, le donner à voir, à entendre, à sentir. Il règne une lourde odeur de fleurs quand les spectateurs entrent et qu'ils viennent se placer en arène tout autour de l'aire de jeu. Ils participent physiquement à l'enfermement des bonnes et eux-mêmes sont emprisonnés dans une boite somptueuse et métallique. La proximité acteurs/spectateurs renforce encore la sensation de contrainte, de mise à nu, d'inéluctable, de panoptique. Le jeu est alors le seul moyen d'échapper à l'oppression des regards.

 

Le regard - elles sont comme des bêtes en cage sous nos yeux – on pense à l’enfer c’est les autres, ici aussi il est question de miroir, le décor est un gigantesque miroir, les spectateurs sont placés en miroir, c’est l’obsession du regard, du jugement, de l'autre. Elles n'ont aucun refuge, et les spectateurs non plus.

Dans une boîte à jouer de 10m x 10m en inox, entièrement autonome, installable n'importe où en une journée, sont réunis une centaine de spectateurs et trois comédiens. Pendant une heure et demi, deux hommes vont jouer deux bonnes qui luttent pour ne pas être englouties dans leur condition, en usant et abusant de tous les artifices du jeu théâtral.

Scénographie

 

Un espace de représentation ( acteurs + spectateurs ) autonome, avec les harmoniques suivantes : l'étouffement de la richesse inaccessible, le regard de l'autre constitué en tant que jugement, le miroir froid et cru(el), l'oppression de la lumière.

 

***

 

Jean Genet écrit dans «  Pour jouer les Bonnes » :

Il faut que le metteur en scène comprenne pourquoi le décor doit être l’appartement d’une cocotte.

 

Il s’agit donc d’un appartement. De luxe. Un appartement de « designer », dépouillé, magnifique.

Une cathédrale d’acier inoxydable.

Au sol, un carré de 10mx10m en acier inoxydable.

Les murs de 2,5m de haut en acier inoxydable sur les quatre cotés :

                 un appartement, une prison, un bocal, une chambre froide, un évier.

 

Les spectateurs entrent dans ce volume de métal froid.

Ils se répartissent sur quatre tribunes de 6 m  sur les quatre côtés du carré.

Ainsi Claire et Solange sont emprisonnées sous les regards

Elles se sentent jugées en permanence.

Les bancs sont sur deux niveaux, en bois foncé :

                 comme au tribunal, à l’église, à la corrida 

 

Les quatre tribunes des spectateurs délimitent un espace principal carré

Une aire de jeu de 8m par 8m :

                 un miroir, un ring, une piste de cirque, un espace sacrificiel, une cage sans barreaux

 

Le ciel est bouché :

un plafond de verrerie, un lustre gigantesque, un ciel toc qui fait rêver, une couverture de magazine.

 

 Et les effets lumineux du théâtre (presque) bannis.

 Sauf la nuit, lorsque les bonnes se réfugient hors des regards  :

                 la lumière noire redessine alors l’espace.

Les lumières, le son

Pas d’effets.


Le son : le tic tac du réveil de la cuisine qui trône au milieu du décor. Pendant tout le spectacle. Le temps qui passe, un rappel permanent à la réalité, « toutes blessent la dernière tue ». Pas des bandes son : pas d’artifice.

 

Les lumières : Le plafond de lustres, 150 ampoules, une lumière sans ombres, sans refuge. De très légères variations d’ambiance. Et les reflets, les traînées de lumière au sol, sur les murs…

 

 Les Costumes

 

Madame : La couleur, le rêve. Robe bleue rehaussée de vert aux motifs étranges, comme dans un conte. pas d'époque précise. Une silhouette longiligne, et corsetée. Accentuer sa taille avec un grand chignon

 

Les bonnes : De petites robes noires, simples sur ces corps d'homme. Ce pourraient presque être des robes masculines de haute couture, à l'image de leur langage.

 

Les robes de madame : La robe rouge, en velours, très souple, accompagnant le mouvement comme une robe de danseuse. La robe blanche, simplissime, presque une bure de condamné à mort, détruite rituellement à chaque représentation.

Portrait de Jean Genet par Alberto Giacometti