Men At Work

Zone de Texte: La Compagnie Octavio

Note d’intention

 

Le travail, avec toutes les métamorphoses qu'il a subi ces dernières décennies, est devenu une notion extrêmement problématique. En partant d'un exemple concret, celui de l'usine Alcan de Colmar, et en s'appuyant sur notre méthodologie de travail de création qui allie esthétique tranchée, jeu tour à tour ludique et dramatique, recherche documentaire et collaboration avec d'autres artistes ( chorégraphe, auteur dramatique ), nous voulons mettre en jeu le travail dans tout ce qu'il a de plus dérisoire et de plus oppressif, dans ses dimensions comiques, tragiques, belles et laides.

UNE ENTREPRISE MIROIR DES PROBLÉMATIQUES DE NOTRE SOCIÉTÉ

L’usine Alcan de Neuf-Brisach produit des tôles d’aluminium, revendues pour êtres transformées en capots de voitures, canettes de soda, ...

Cette usine fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. 1700 personnes y travaillent, 2/3 à l’usine, 1/3 dans les bureaux, les qualifications allant de l’ouvrier aux cadres supérieurs / ingénieurs.

Chaque jour 1000 tonnes d’aluminium sont transformées. Une fonderie recycle les canettes de soda usagées, tandis que des trains amènent des pains d’aluminium de 15 tonnes provenant d’Australie ou du Canada. Chacun de ces blocs est traité, chauffé, laminé à chaud plusieurs fois, puis laminé à froid, pour finir en rouleaux de 10 tonnes de différentes épaisseurs.

L’entreprise est un monde en soi, un univers qui concentre toutes les problématiques liées au rapport de l’homme au travail et à la société.

 

Men At Work

 

Ecriture et mise en scène :

Sophie Cusset,

Gilles Ostrowsky,

Jean-Matthieu Fourt

 

Textes :

Eugène Durif

 

Avec :

Sophie Cusset

Catriona Morrisson

Jean-Matthieu Fourt

Gilles Ostrowsky

Patrice Verdeil

 

Chorégraphies :

Stéphanie Chêne

 

Lumière :

Sébastien Debant

 

Création son :

Grave Beaumont

 

Costumes :

Valérie Simonneau

 

Production :

Atelier du Rhin

 

Durée : 1h 20

Spectacle créé au CDR la Manufacture / L’atelier du Rhin à Colmar

UN SPECTACLE MOSAIQUE

Un aller-retour entre concept et concret, quotidien et onirique

Les terrains d’observation et d’inspiration que l’on se fixe sont : l’entreprise Alcan, les écrits sur le monde du travail et nous-même, acteurs/auteurs cherchant à écrire puis jouer un spectacle.

L’architecture de celui-ci est un aller/retour incessant entre l’intime et le général, le concept et le concret, le quotidien et l’onirique. Le spectacle est conçu comme un cabaret du monde de l’entreprise où s’entrechoquent la parole et le visuel, le théâtre et la danse pour construire au final un diaporama du travail au XXIe siècle.

Mettre en jeu notre propre rapport au travail

Nous ne sommes pas seulement des observateurs du monde du travail, nous en faisons intimement partie. Nous sommes des acteurs/auteurs au travail et notre propre rapport à celui-ci sera la matière première du spectacle. Il s’agit de mettre en jeu et de donner à voir le travail en marche : sur le plateau les acteurs sont estampillés : acteur au travail, idem pour les régisseurs présents sur le plateau.

Ce ne sont pas des personnages fictifs qui viennent jouer une pièce sur le travail, mais des personnes qui travaillent, font des réunions artistiques et budgétaires, des services de répétitions, et qui s’interrogent sur ce monde, retraçant scéniquement leurs interrogations et les contradictions auxquelles ils se confrontent.

Exemple de scènes : 1 - au début du spectacle nous mettrons en lumière nos moyens de productions par un ‘film d’entreprise’ ou une ‘présentation powerpoint’: heures de travail déclarées et réelles, le nombre de personnes qui ont travaillé sur le projet réel et déclaré, les RDV au café, coût du décor, salaire horaire des comédiens,…

2 – En cours de spectacle, le metteur en scène arrête un comédien et lui demande de faire l’auto-évaluation de son travail sur les premières scènes du spectacle.

Scènes du quotidien. (ces scènes font l’objet d’une commande à un auteur : Eugène Durif)

Ces scènes mettent en lumière le jeu de la parole au travail.

Dans un espace bureau « hyper réaliste » est mis en scène le quotidien d’une entreprise sous pression. Ces séquences mettent en perspective les différents aspects de la nouvelle organisation du travail qui s’est développé à partir des années 80/90.

Exemple : une soirée ‘moyen-âge’ organisée par un prestataire de services pour souder l’équipe, le bureau est l’anti-chambre de cette soirée, les protagonistes déguisés en chevalier, en fou, en princesse se disputent sur la valeur d’un nouvel employé. La scène bascule dans l’onirisme : combat dans le bureau entre les employés déguisés en chevaliers. C’est la mise à jour de la violence contenu, l‘exaspération des rapports de force.

 

Scènes ‘visuelles’. (écrites par le collectif Octavio).

Collectant une masse d’informations sur le thème de l’entreprise (rencontre interview avec des ouvriers, lecture,…), ces scènes écrites essentiellement à partir d’improvisations développent un univers visuel fort à l’humour corrosif.

D’autres scènes, muettes, parfois proches de la performance, cherchent à mettre en scène le rapport de l’homme au travail, de l’homme à la matière.

Elles font l’objet d’un traitement particulier au niveau du son.

Un créateur sonore évoque l’univers de l’usine, du bureau, de la matière en fusion…

 

Chorégraphie (Stéphanie Chêne)

Stéphanie Chêne, chorégraphe, est intervenue en cours de création, nous avons chercher avec elle à interroger le rapport du corps au travail, à explorer la grammaire du corps au bureau et à l’usine, ou comment extraire l’essence d’un geste quotidien pour en faire un geste poétique, une chorégraphie du travail.

Exemple : La place des corps dans un entretien d’embauche, le rapport à l’espace et la circulation dans les open-space, les gestes automatiques basculant progressivement vers une ambiance de comédie musicale.

 

LE TRAVAIL : PROBLÉMATIQUES

En nous appuyant sur les travaux de André Gortz Les métamorphoses du travail , Hannah Arendt, Karl Marx, Christophe Dejours La souffrance au travail, Daniel Cohen 3 leçons sur société Post industrielle,... nous organisons le spectacle selon quelques lignes de force :

Le travail est-il un acte de création ou de survie ?

Qu’est ce que c’est que le travail aujourd’hui ?

Qu’est ce qu’une société organisée autour de la notion de travail ?

Le rapport de l’homme à la matière : transformer le monde qui l’entoure

La volonté de l’homme de transformer le monde qui l’entoure est viscéral. Dans la spécificité du site Alcan Neuf-Brisach, il y a ce passage de la transformation de la matière brute en objet de consommation. L’homme prend une pierre et la transforme en métal, puis il transforme ce métal en objet et puis il le vend. Au départ le rapport entre l’homme et la matière (la nature), entre l’homme et son travail est simple, puis les étapes pour passer de la matière primitive à l’objet manufacturé vont se complexifier, les machines vont s’interposer entre l’homme et la matière. La nouvelle organisation du travail qui en découle, la multiplication des intermédiaires, va changer le rapport de l’homme à la matière et à son travail.

Le rapport de l’homme au travail : libération/aliénation

Le travail est d’abord un facteur de libération de l’homme. Par le travail il va domestiquer la nature, l’homme invente et compose le monde qui l’entoure, il n’est pas un animal subissant la nature, mais acteur de son destin. Par le travail, son rapport au monde est bouleversé, il ‘est’ dans le monde qui l’entoure (le maçon est la maison qu’il a construite,…).

Par son travail, il est un acteur de la société, appartient à une communauté et il lui est utile.

… mais si l’homme perd le rapport entre son travail et sa création (par la nouvelle organisation du travail), il perd le sens de son action, le travail n’est plus que le moyen d’assurer sa survie financière, il ne reste que la nécessité de survivre, de consommer.

Les problématiques de la nouvelle organisation du travail

Depuis les années 80, le développement de nouvelles technologies, l’explosion de la mondialisation, la révolution financière ont apporté un bouleversement de la notion même du travail :

- La disparition progressive de la frontière travail/loisir;

- La course aux gains de productivité et l’élimination des ‘temps morts’;

- L’explosion de l’étroite relation entre travail et consommation;

- L’entreprise vécue comme une machine de guerre;

- Le développement du contrôle des travailleurs par eux-mêmes;

- La nécessité de la sur-spécialisation ou le contrôle de l’organisation du travail par des ingénieurs;

- Comment les horaires et lieux de travail sont brouillés par les nouvelles technologies,ordinateurs et téléphones portables.

Men At Work