La bourse ou la vie

 

 

Je viens de lire dans le Monde du 20 Mai 2005 un article de Jean de Kervasdoué, professeur d'économie et de gestion des services de santé au CNAM, qui m'a énormément fait plaisir. Enfin, un économiste "sérieux" se pose la question de ce qu'on mesure, et comment, en économie. Depuis Adam Smith, il ne fait guère question que l'économie traite des "richesses", de leur croissance et de leur distribution, se posant tantôt la question d'optimiser la croissance, tantôt celle de rendre la distribution plus juste. Rares sont les économistes qui mettent en question la morale utilitariste sous-jacente de cette façon de voir.

 

Jean de Kervasdoué n'est pas le premier à le faire, mais il le fait en outre de façon à la fois simple et profonde. Simple parce qu'il vise à remplacer l'indicateur fétiche du PIB (Produit intérieur brut) par celui de l'espérance de vie, et profonde, parce que ce remplacement va effectivement au cœur du problème du point de vue de la technique économique ("ce critère se calcule facilement et se décline aisément selon le sexe, l'âge, le milieu social, les différents territoires d'un pays, ce qui n'est pas le cas du PIB, dont les estimations sont longues, onéreuses et fastidieuses"), et aussi du point de vue logique : "l'espérance de vie mesure la condition essentielle d'une éventuelle jouissance des biens terrestres" et, j'ajouterai, de la capacité de travailler, condition elle aussi de la production des richesses tant valorisées.

 

La valeur travail, la valeur vie sont toutes les deux en vedette dans les discours actuels des dirigeants de la planète, mais tous adorent le veau d'or et ne jurent que par la croissance et la "richesse", sans savoir ce qu'il faut entendre par ce mot.

 

Mai 2005

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