"Le mythe du marché"
d'Achille Rossi, traduit de l'italien par Alain Martin,
Climats, Castelnau-le-Lez, 2005.
Ce titre alléchant m'a tout-de-suite séduit. Le livre ne déçoit pas, sinon par la brièveté et le caractère très résumé de ses analyses. Achille Rossi dénonce l'économie comme nouvelle religion de la civilisation occidentale ; elle y remplit ce qu'il appelle la "fonction fondamentale" dans une société, c'est-à-dire ce à quoi toutes les actions et les valeurs des humains se rapportent. Dans le discours de l'économie, d'apparence scientifique, et, en fait, seulement quantitatif, le marché tient la place centrale du mythe et celle d'un dieu.
Je ne suis pas sûr que le parallèle entre la structure idéologique de l'économie et celle des représentations religieuses soit toujours correctement établi. Achille Rossi dénonce cette religion de l'économie comme une idolâtrie, et il souhaite l'avénement de la vraie religion, celle du Mystère (majuscule comprise) chrétien. A l'anthropologie réductrice de l'utilitarisme sous-jacent des théories économiques libérales, il oppose celle d'un "homme nouveau", alimenté par les cultures hindoue, africaine et sud-américaine, qui retrouvera son "désir d'infini" et "l'amour du prochain".
Malheureusement, il n'échappe pas à la vague de dénonciation du "matérialisme atterrant" qui serait celui des sociétés occidentales développées, confondant la frénésie de consommation et de possession avec la sagesse matérialiste. Pourtant, ce qu'il dénonce, la prostitution de l'humain, la poursuite du lendemain au sacrifice du présent, l'aliénation du désir, la recherche du "plus" plutôt que du meilleur, la croyance dans la réalité de ses délires présentés comme des données scientifiques, tout cela a été dénoncé en son temps par Epicure et non par le Christ. Celui-ci et ses disciples ont plutôt entraîné l'humanité vers le "croissez et multipliez" et l'espoir insensé des lendemains et des promesses.
Septembre 2005