Je n'ai pas résisté au plaisir de vous donner à lire de larges extraits d'un article de Louis-Marie Horeau, paru dans Le Canard enchaîné du 4 janvier, intitulé "Des racailles au Conseil constitutionnel ?" :
"COMMENT ne pas être saisi de vertige à la lecture
du dernier arrêt du Conseil constitutionnel ? Le 29 décembre, les prétendus «
sages » du Palais-Royal ont pris une décision qui risque de réduire en cendres
la plus grande partie de notre législation. Ils ont annulé un article de la
loi de finances pour 2006 sur le plafonnement de certains avantages fiscaux.
Ce n'est pas encore la révolution. Mais les raisons invoquées sont, elles,
stupéfiantes : le Conseil a estimé que le texte était trop compliqué ! Une «
complexité excessive » de la loi, peut-on lire dans l'arrêt, est contraire à
la Déclaration des droits de l'homme de 1789, texte à valeur
constitutionnelle.
Comment cette obligation de simplicité a-t-elle pu
échapper à nos juristes pendant plus de 216 ans? Le raisonnement du Conseil est
pourtant simple : la « garantie des droits » et « l'égalité devant la loi » ne
sont pas effectives si les règles édictées présentent « une complexité
excessive au regard de l'aptitude de leurs destinataires à en mesurer utilement
la portée ». Autrement dit, un texte de loi doit être intelligible pour ses «
destinataires ». (…)
Si l'on n'y prend garde, les juges constitutionnels vont
brûler les codes, piétiner les décrets, saccager les circulaires suspects de « complexité ». Il risque d'y avoir des dégâts.
Et plus encore qu'on ne l'imagine. Déclarer
inconstitutionnels l'obscurité, l'ambiguïté ou le nébuleux, c'est priver les
hommes politiques d'un des principaux instruments de leur pouvoir. L'Eglise
l'avait bien compris, qui assommait ses fidèles de textes latins, imitée en
cela par les médecins moqués par Molière. Ce que le bon peuple ne comprend pas
est supposé receler une vérité d'autant plus profonde qu'elle reste
impénétrable. (…)
Mettre la complexité et l'ambiguïté hors la loi constitue la plus radicale révolution qu'on ait vue depuis Copernic. Mais restons circonspects : pour la mise en œuvre, cela risque d'être « compliqué »."
Janvier 2006