"Waouh, la guerre civile, c'est trop top, ho !"

 

 

La décérébration progresse. Le New York Times, dans ses extraits en supplément du Monde (25/02/06), dans un article intitulé "Superheroes Charge Into a Hot Political Battle",nous apprend qu'un éditeur américain, Marvel Entertainments, débutera en Mai prochain la publication d'une nouvelle série intitulée "Civil War". Cela commencera par un "combat sauvage entre un groupe de héros novices et une bande d'affreux. La bataille devient littéralement explosive, tuant quelques uns des super-héros et beaucoup de spectateurs innocents" (super, non ? ). "C'est ce qui décide le gouvernement à enrôler tous les êtres sur-puissants (mais ne le sommes-nous pas tous ?) comme autant d'armes de destruction massive vivantes". La boucherie d'abord, pour chauffer les esprits, puis le retournement justifié de ce que l'on reprochait au camp du Mal.

 

Mais les neurones des spectateurs sont sollicités, car ce "Registration Act" va diviser les héros en deux camps, celui de Captain America et celui de Iron Man, les bons et les rebelles. "La question au cœur de la série est fondamentale : Seriez-vous prêt à abandonner vos libertés civiques pour vous sentir plus en sécurité dans le monde?" C'est, en effet, la question telle qu'elle est posée par le gouvernement de M. Bush aux Américains. L'article nous dit que la série nous plonge dans le monde réel ("real-world political issues")  Mais est-ce bien ainsi que la question se pose en réalité ? Il n'est pas fait de distinction entre le sentiment de sécurité ("feel safer") et la sécurité effective. La question de savoir si celle-ci est réellement augmentée par l'intervention des "armes de destruction massive vivantes" n'est pas abordée. Enfin, le "deal" proposé, typiquement américain (quel prix es-tu prêt à payer pour …?), n'est pas de ceux que pose la réalité, mais de ceux que posent les arracheurs de dents.

 

Les "auteurs" de ces séries sont persuadés d'écrire une œuvre de portée mondiale. Ils emprunteront aussi bien à Anne Franck et à Wilfred Owen qu'aux lettres de soldats du front, se convaincant ainsi d'être porteurs d'une vérité universelle. Et l'œuvre s'adressera à tous les publics : "l'allégorie politique est uniquement destinée à ceux qui sont politiquement informés (n'est-ce pas plutôt à ceux qui sont politiquement désinformés ?). Les enfants qui le liront n'y verront qu'une grosse bagarre entre superhéros." Dieu, que la guerre sera jolie !

 

Récemment, un rapport des Renseignements généraux, à propos des violences dans les banlieues françaises, attribuait un rôle dans ces déchaînements, à la mise en spectacle banalisé de la mort et de la violence. L'esthétique de la guerre, la confusion entre fantasme, spectacle et réalité, la simplification outrancière des situations et des choix politiques sont la nouvelle norme esthétique mondiale. Ce sera chouette de savourer tout cela, vautrés dans nos canapés de cuir en se goinfrant de pop-corn, vous ne trouvez pas ? On sera à l'abri des courants d'air de la méchante "réalité".

 

 (Publicité non rémunérée)

 

Mars 2006

é

çAccueil