Transgression n°1
Ce n'était plus tout à fait un jeune. Il venait de sa banlieue. Un vrai petit caïd. Protégé par une équipe de gros bras en motos et en grosses voitures noires, il s'est engagé pleins phares dans la nuit sur l'allée principale du jardin, fermé à cette heure tardive et réservé, de toute façon, à la promenade des touristes et aux jeux des enfants. Quel plaisir de foncer dans la nuit sur cette grande allée à lui seul réservée, au milieu des symboles des conquêtes et des gloires napoléoniennes, les arcs de triomphe de l'Etoile et des Tuileries, l'obélisque de la Concorde. Là, une foule en délire l'attendait depuis deux heures. Cette foule, tel un césar antique, il l'a dominée par le charme de son verbe : il lui a fait applaudir ce qu'elle rejette et méprise, la charité. Lui, le grand seigneur, il réussissait à dire ce qu'il voulait, comme il le voulait, quand il le voulait, à une foule soumise et désireuse de lui plaire. Puis, il ne rentrerait pas se coucher dans sa petite banlieue, il irait faire la teuf en boîte jusqu'à pas d'heure.
Il pouvait se le permettre, car, comme d'autres prennent une bonne douche pour laver la fatigue des excès d'une nuit orgiaque, lui irait faire retraite dans un couvent. De là, il renaîtrait en homme neuf, comme disent certains de ses amis américains.
7 mai 2007